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Source : www.bahai-biblio.org
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LA FOI BAHA'IE
L'émergence d'une religion mondiale

Par William S. Hatcher et J. Douglas Martin


Table des matières

1. LE CONTEXTE HISTORIQUE
2. LA FOI BÁBÍE
3. BAHÁ'U'LLÁH
4. LA SUCCESSION
5. ENSEIGNEMENTS DE BASE
5.1. L'unité de Dieu
5.2. L'unité de l'humanité
5.3. L'unité des religions
5.4. La révélation bahá'íe - les Écrits saints
5.5. La recherche indépendante de la vérité
5.6. Abandon des préjugés et des superstitions
5.7. Accord de la science et de la religion
5.8. Égalité de l'homme et de la femme
5.9. Éducation universelle
5.10. Justice économique : abolir les extrêmes de pauvreté et de richesse
5.11. Les bases spirituelles d'une société
5.12. Une langue auxiliaire universelle
5.13. Les deux aspects de la révélation
6. DIEU, SES MANIFESTATIONS ET L'HUMANITÉ
6.1. La conception bahá'íe de la nature humaine
6.2. Les manifestations
6.3. Le concept bahá'í de Dieu
7. L'ORDRE MONDIAL DE BAHÁ'U'LLÁH
8. ADMINISTRATION ET LOIS
8.1. Les institutions de la foi bahá'íe
8.2. La Maison Universelle de Justice et les assemblées spirituelles
8.3. Les Mains de la cause, les corps des Conseillers et leurs délégués
8.4. Les rapports entre les Conseillers et les assemblées spirituelles
8.5. Le centre international d'Enseignement
8.6. Vie communautaire et Fête des dix-neuf jours
8.7. Loi bahá'íe : la liberté spirituelle par la discipline
8.8. Le Kitáb-i-Aqdas, le Livre des lois
8.9. Les lois spécifiques du Kitáb-i-Aqdas
8.9.1. Prières et méditations
8.9.2. Abstinence de boissons alcoolisées et de drogue
8.9.3. Jeûne
8.9.4. Refus de la calomnie
8.9.5. Le mariage
8.9.6. Le divorce
8.9.7. Non-ingérence dans les affaires politiques
8.9.8. Une nécessité fondamentale de la vie communautaire bahá'íe : la consultation
8.9.9. Conclusions
9. LA COMMUNAUTÉ BAHÁ'ÍE
10. EN AVANT VERS UN SIÈCLE NOUVEAU
11. ÉPILOGUE - LES DÉFIS DU SUCCÈS
APPENDICE
BIBLIOGRAPHIE
INDEX

Couvertures
Préface à la seconde édition
Préface de la première édition
Note sur la translitération des noms persans et arabes
Introduction



COUVERTURES

Voici une introduction - qui deviendra certainement un ouvrage classique de référence - à l'histoire, aux enseignements, à la structure administrative et à la vie de la communauté de la foi bahá'íe, la plus jeune des religions mondiales indépendantes et l'une de celles dont la croissance est la plus rapide. Les auteurs, William Hatcher et Douglas Martin ont acquis une profonde connaissance de leur foi et fournissent l'examen le plus équilibré et détaillé, paru à ce jour, de la croyance bahá'íe.

La foi bahá'íe retrace la croissance de la religion depuis son origine obscure dans l'Iran du dix-neuvième siècle à nos jours. Elle s'est répandue dans la plupart des parties du monde, a établi ses institutions administratives dans plus de nations et territoires et comprend des croyants de pratiquement toutes les origines culturelles, raciales, sociales et religieuses.

Les auteurs démontrent que cette nouvelle foi est une religion distincte, basée entièrement sur les enseignements de son fondateur, Bahá'u'lláh.

Ils insistent sur le concept pivot de la foi bahá'íe - l'unité du genre humain - et sur la naissance d'un ordre mondial. Ils examinent également une vaste série d'enseignements bahá'ís tels que : l'unité et le caractère progressif de la religion, l'unité de la science et de la religion, l'égalité de la femme et de l'homme, la justice économique, le fondement spirituel de la vie, ainsi qu'un aperçu général sur la révélation, l'administration, les lois, les institutions de la foi bahá'íe et les instructions pour la vie quotidienne.

Hatcher et Martin montrent aussi comment l'étude des origines et de la croissance de la foi bahá'íe apporte à l'étude comparée des religions un moyen inestimable pour comprendre la façon dont une religion apparaît, évolue et s'établit. Ils démontrent que la foi bahá'íe est une religion des temps modernes et qu'elle " est naturellement plus facile à étudier et à comprendre que les religions plus anciennes ". Ils soulignent que la foi bahá'íe encourage en fait une telle étude : " Un des enseignements de son fondateur, Bahá'u'lláh, est que le plus grand don accordé par Dieu à l'humanité est la raison. "

Les auteurs se penchent sur certains défis qui font face à la jeune religion à la suite de son expansion extraordinaire. Cet ouvrage examine aussi les persécutions dont sont victimes les bahá'ís iraniens, tant dans le contexte de l'histoire bahá'íe que de l'islam chiite. Les auteurs font ressortir pourquoi la foi bahá'íe " est une foi qui représente les croyances les plus profondes de plus de cinq millions de personnes, croyances qui régissent les décisions les plus importantes de la vie humaine et pour lesquelles plusieurs milliers de bahá'ís ont accepté et acceptent encore aujourd'hui des persécutions et la mort. "

Cité par l'Encyclopedia Britannica comme livre de l'année dans le domaine religieux, cet ouvrage expose l'histoire, les enseignements, la structure et la vie de la communauté bahá'íe.

Cette édition révisée couvre les développements récents d'une foi, qui en tout juste 100 ans est devenue, en terme d'étendue géographique, la seconde religion mondiale indépendante.

" Une excellente introduction (La foi bahá'íe) offrant une analyse claire des valeurs religieuses et éthiques, sur lesquelles le bahá'ísme est fondé, telles que la paix universelle, l'harmonie mondiale, le rôle important des femmes, pour n'en mentionner que quelques unes. "
- Annemarie SCHIMMEL, Présidente, Association Internationale pour l'Histoire des Religions

" Un exposé simple et direct de la religion bahá'íe par deux adhérents canadiens de renom, ... explique la foi de ses auteurs, qui témoignent de cette manière de la sérénité et de l'esprit élevé de la foi bahá'íe. "
- Library Journal (Le Journal des Bibliothèques)

" Fournit aux lecteurs non-bahá'ís une excellente introduction à l'histoire, aux croyances et à la structure socio-politique d'une religion qui trouva son origine en Perse au milieu du siècle dernier et s'est épanouie en une organisation internationale avec ... des adhérents dans presque tous les pays du monde. "
- Montreal Gazette

" Fascinant ... Un ouvrage attrayant et informatif. "
- The Los Angeles Times Book Review

William Hatcher est professeur de Mathématiques à l'Université Laval de Quebec City. Douglas Martin est membre du conseil de gestion de la Communauté bahá'íe internationale. Ils ont tous deux produit un nombre considérable d'écrits sur la foi bahá'íe.

Maison d'Editions Baha'ies, rue du Trône 205, 1050 Bruxelles, Belgique
D 1547/1997/3 - ISBN 2-87203-098-7


A la mémoire des hommes et des femmes qui ont donné leur vie pour la foi bahá'íe en Iran, 1844-1997.
" Ces personnes sont passées au-delà des rives étroites des noms et ont planté leurs tentes sur les rivages de la mer de la renonciation. "
Bahá'u'lláh



PRÉFACE À LA SECONDE ÉDITION

Par son optimisme inébranlable quant à l'avenir de l'humanité, la foi bahá'íe détient, peut-être, une place unique parmi les religions contemporaines et les mouvements sociaux. En effet, elle a inspiré à ses adhérents la certitude que les capacités positives inhérentes à l'esprit humain surmonteront, finalement, tous les obstacles qui s'opposent à l'unification des peuples du monde en une société juste et paisible. La première édition de La foi bahá'íe : l'émergence d'une religion mondiale a présenté les éléments essentiels de cette vision du monde et leurs raisons.

Les changements survenus au cours des treize années écoulées depuis la parution du livre en 1984 ont donné un poids considérable à l'interprétation bahá'íe du processus historique. Les bouleversements rapides tant dans la conscience humaine que dans la société en cette fin de siècle sont irrépressibles et sans précédent. Des événements tels que l'effondrement soudain du système communiste, la fin concomitante de la course aux armements nucléaires, l'adoption et la consolidation du NAFTA, l'accord de libre échange (commerce) en Amérique du Nord et l'expansion de l'Union Européenne (du Marché Commun Européen), la capacité émergente du Conseil de Sécurité des Nations Unies d'agir contre les agressions et le début d'un processus sérieux de paix au Moyen-Orient tendent tous à renforcer la croyance que, quoi qu'il arrive, l'interdépendance des peuples et nations du monde est maintenant un fait établi.

Il est évidemment très difficile de séparer le positif du négatif dans les événements des dernières décennies. Notre siècle a été le témoin de massacres humains réciproques d'une ampleur jamais atteinte, de dommages incalculables à l'environnement et d'une décadence de la vie morale et spirituelle sans parallèle dans le passé. A côté de ces horreurs, cependant, des percées scientifiques phénoménales ont vu le jour, d'immenses ressources nouvelles destinées au bien-être de l'humanité ont été développées, tandis que les institutions démocratiques sont en prolifération constante sur toute la planète. C'est à cause de cette convergence sans cesse croissante entre la vision prophétique du monde de Bahá'u'lláh et le cours des événements mondiaux que nous avons trouvé utile de préparer une seconde édition révisée, élargie et mise à jour de notre ouvrage original.

Ce faisant, nous avons profité de l'occasion pour corriger des erreurs, des oublis ou des formulations malheureuses qui nous avaient échappé lors de l'édition précédente. Nous espérons aussi avoir été capables de maintenir la balance entre objectivité et engagement, qui caractérisait la première édition, pour laquelle tant de lecteurs nous ont exprimé leur appréciation.

Nous tenons spécialement à remercier Terry Cassiday et ses collaborateurs au U.S. Bahá'í Publishing Trust pour leur aide professionnelle fort appréciée. À tous ceux qui nous ont apporté leur soutien moral tout au long de ce projet et spécialement à nos épouses Judith et Elisabeth, nous désirons exprimer notre plus profonde gratitude.

W. S. H., J. D. M.
Landegg, Suisse
1er juillet 1997



PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

En 1974, encouragé par l'Assemblée Spirituelle Nationale des Bahá'ís du Canada, un groupe d'universitaires et d'étudiants créa une association destinée à promouvoir l'étude systématique de la foi bahá'íe dans les universités. Le groupe se développa, présentant cours et conférences, ainsi qu'une série de publications. Aujourd'hui, l'Association des Études Bahá'íes qui siège à Ottawa, Canada, est fière des associations nationales qu'elle a parrainées dans différents pays du monde.

Alors que l'association grandissait, il devint de plus en plus évident qu'aucun des ouvrages existant jusqu'alors ne pouvait servir de livre de base pour les cours destinés aux étudiants de première et deuxième année. En conséquence de quoi, il fut décidé de réaliser le présent ouvrage. C'est pourquoi les auteurs sont particulièrement reconnaissants à l'association, non seulement d'avoir été à l'origine de ce projet, mais aussi de les avoir soutenus tout au long de sa réalisation.

Nous aimerions également exprimer notre reconnaissance à Todd Lawson, de l'institut des études islamiques de l'université McGill, qui a révisé le chapitre sur le contexte islamique; à Brownlee Thomas qui nous a généreusement offert ses services de professionnelle de l'édition; et à Marion Finley de l'université Laval qui a eu la bonté de se charger de la translitération des termes persans et arabes. Merci aussi à Larry Bucknell et Betty Fisher, du Bahá'í Publishing Trust des États-Unis, pour toute l'aide d'ordre pratique qu'ils nous ont apportée. De plus, nous sommes tous deux profondément reconnaissants à Susan Lyons qui s'est consacrée aux différentes versions du manuscrit.

Nous voulons enfin témoigner notre reconnaissance à tous les amis bahá'ís qui nous ont encouragés à entreprendre ce projet, et tout particulièrement à nos femmes, dont la compréhension et le soutien ont permis sa réalisation.

W. S. H., J. D. M.
Toronto
8 juillet 1984



NOTE SUR LA TRANSLITÉRATION DES NOMS PERSANS ET ARABES

Le système de translitération des noms persans et arabes utilisé dans cet ouvrage est l'un des différents systèmes couramment utilisés. Il diffère du système Cambridge principalement par l'utilisation des accents (á et í) au lieu de (a et i), bien qu'il existe également d'autres différences.

D'une manière générale, nous avons évité de translitérer les noms géographiques qui sont couramment utilisés en français. Nous avons appliqué ce même principe aux noms de personnes d'origine orientale qui se sont établies en Occident, sous un nom dont la représentation écrite en français est déjà bien définie, ainsi qu'aux noms de personnages historiques (ex : Mohammed). De même certains titres qui possèdent un équivalent francisé (chah ou imam) n'ont pas été translitérés à moins qu'ils ne fassent partie d'un nom propre translitéré (Násiri'd-Dín Sháh).

Deux cas particuliers doivent cependant être mentionnés. Nous avons tout d'abord évité l'utilisation du mot Coran et lui avons préféré Qur'án qui nous paraît être une forme plus digne pour désigner le Livre saint de l'islam. De plus, nous avons utilisé, tout au long de ce livre, la forme francisée chiite pour désigner dans l'islam les chiites duodécimains évitant par conséquent toute autre forme hybride, telle que shiite, pourtant couramment utilisée.

[Note du traducteur: on désigne ainsi les chiites qui attendent le retour du Douzième imam (Imani)],

Nous avons, en règle générale, essayé d'être simples, clairs et précis.



INTRODUCTION

La foi bahá'íe est la plus jeune des religions indépendantes du monde. Après avoir débuté un Iran de manière obscure vers le milieu du XIXè siècle, elle s'est d'ore et déjà répandue dans pratiquement toutes les parties du globe, a établi ses institutions administrative dans plus de deux cent Etats et territoires indépendants, et se compose de croyants appartenant pour ainsi dire à toutes les origines culturelles, raciales, sociales et religieuses possible.

Cette nouvelle foi est une religion distincte, entièrement basée sur les enseignements de son fondateur, Bahá'u'lláh. Elle ne constitue pas un culte, une quelconque réforme ou secte au sein d'une autre foin nu même un système philosophique. Elle ne tente pas non plus de créer une nouvelle religion de manière syncrétiste en réunissant différents enseignements choisis parmi les autres religions. Selon les paroles mêmes d'Arnold Toynbee :

Le bahá'isme est une religion indépendante au même titre que l'islam, le christianisme ou toutes les autres religions reconnues. Le bahá'isme n'est pas la secte d'une autre religion ; c'est une religion distincte, et elle a le même statut que toutes les autres religions reconnues.

[Nota: D'après une lettre au R. Kunter, Istanbul, Turquie, datée du 12 août 1959, et publiée dans le british Bahá'í Journal, n°141, p4, November 1959. Le nom Exact donné à cette religion est foi bahá'íe et non bahá'isme]

Ce teste va tenter d'approfondir un grand nombre d'enseignements bahá'ís. Il nous semble utile de souligner dès à présent le concept pivot de la foi bahá'íe : l'unité de l'humanité. Le message central de Bahá'u'lláh est que le jour est venu d'unifier l'humanité en une seule famille. Il affirme que Dieu a mis en marche des forces historiques qui doivent amener le monde entier à reconnaître que la totalité de la race humaine est une espèce unie et distincte. Ce processus historique, à l'intérieur duquel les bahá'ís estiment que leur foi a un rôle primordial a jouer, impliquera l'émergence d'une civilisation universelle.

En dehors de cette vision stupéfiante en soi, la foi bahá'íe offre un intérêt tout particulier pour les étudiants en histoire des religions. Et ce, parce que les données empiriques sont facilement accessibles. Il serait difficile, voire même impossible de déterminer avec précision les impulsions génératrices qui suscitèrent la naissance et le développement des principales religions du monde. Une explication de la nature des enseignements de bouddha, les événements réels de la vie de Jésus, l'ère dans laquelle vécut Zoroastre et la nature de son influence, ou bien même, la preuve de l'existence historique de Krishna, sont d 'autant de problèmes apparemment insolubles. La vie et la personnalité de Mohammed sont plus accessibles, quoique, même là, la controverse existe quant à de nombreux détails d'importance.

L'un des premiers historien occidentaux à s'intéresser à l'histoire bahá'íe fut Edgar Granville Browne, un orientaliste réputé de l'université de Cambridge.

[Nota: Pour un commentaire plus détaillé sur la contribution apportée par Browne, voir l'appendice.]

Browne pensa que cette foi, alors peu connu, offrait une occasion exceptionnelle d'observer en détail la naissance d'une religion nouvelle et indépendante. Il dit :

" ... car il <l'étudiant en religion> y observera, non encore occultés par les mythes et les légendes, ces êtres qui, le temps passant, entrent au panthéon des héros et des demis-dieux ; il examinera, à la lumière de témoignages concordants et indépendants, l'une de ces étranges explosions d'enthousiasme, de foi, de fervente dévotion et d'héroïsme indomptable - ou de fanatisme, comme vous voulez - ce que nous avons l'habitude d'associer avec les prémices de l'histoire de la race humaine ; il sera en un mot le témoin de la naissance d'une foi qui, et ce n'est pas impossible, pourrait trouver sa place parmi les grandes religions du monde. "

[Nota: Edward G. Browne, A traveller's Narrative Written to Illustrate the Episode of the Báb, P.viii. On pourra trouver une information bibliographique complète sur ce livre, et sur les autres ouvrages cités dans ce texte, dans la bibliographie.

Cette même remarque a été faite par des observateurs contemporain extérieurs à la communauté bahá'íe :

Le mouvement bábí-bahá'í, comme aucune autre religion, fournit à l'historien en religion des sources précieuses lui permettant d'étudier son origine et son développemetn. La foi bahá'íe est avant tout la plus récente des religions. Les autres religions sont nées il y a des centaines d'années, voire des milliers d'années. Parmi celles que l'on appelle les onze principalles religions existantes du monde, seules l'islam (VIIe siècle après J.C.) et la religion sikhe (XVIe siècle après J.C.) sont vieilles de quelques centaine d'années ; les autres religions - hindhouisme, bouddhisme, joînisme, taoîsme, confucianisme, shinoîsme, zoroastrisme, judaîsme et christianisme remontent à des milliers d'année. Les origines de la foi bahá'íe remontent au siècle dernier seulemetn (1844 après J.C.) et ce n'est que depuis 1963 qu'elle a atteint sa dernière phase de formation, ce qui incidemment rend l'étude de son développement à l'heure actuelle tout à fait pertinente. La foi bahá'íe est par conséquent une religion des temps modernes et à la compréhension que d'autres religions plus anciennes.

[Nota: Vernon Elvin Johnson. The Challenge of the Bahá'í Faith dans World order, vol. 10, n°3, 1976, p.39.]

Plus récement, l'intensification des persécutions à l'encontre des bahá'ís iraniens par le régime islamique de leur pays a attiré sur eux l'attention internationale. Et le fait que ces attaques soient principalemetn dues à l'appartenance religieuse des victimes a progressivement accru l'intérêt pour la foi bahá'íe elle-même. Les doctrines qui distinguent les bahá'ís des musulmans en particulier, ainsi que la succession d'événemnet historique qui ont conduit à la recrudescence actuelle des persécutions ont fait l'objet d'importantes discussions dans les médias du monde occidental.

Le présent ouvrage couvre quatre champs d'étude principaux :

1) l'histoire des religions babíe et bahá'íes ;
2) les enseignements fondamentaux de Bahá'u'lláh ;
3) la structure des institutions de la foi bahá'íe ;
4) le développement de la communauté bahá'íe.

L'épilogue laisse entrevoir les nouveaux défis auxquels cette nouvelle religion va devoir faire face après le succès prodigieux dont elle a joui pendant les cent cinquante et quelques années de sa croissance.

L'étude de toute relisions est un défi en soi. A la différence des phénomènes que la science étudie, la religion prétend embrasser les êtres humains eux-même. La religion requiert non seulement de l'attention, mais aussi et surtout de la dévotion et un engagement total. C'est ainsi que de nombreux penseurs religieux ont insisté dur le fait qu'il existait une contradiction fondamentale entre la foi et la science, et que le royaume de la première se situait essentiellement au-delà des explorations de la seconde.

En cela, la foi bahá'íe vient à la rescousse de ceux qui ont entrepris de l'étudier. L'un des enseignement de son fondateur, Bahá'u'lláh, est que le plus grand don de Dieux à l'humanité est la raison. Les Bahá'ís pensent que l'on doit appliquer la raison à tous les phénomènes de l'existence, y compris aux phénomènes spirituels, et que l'instrument à utiliser dans cet effort est la méthode scientifique.

[Nota: Ses disciples pensent que la révélation proclamée par Bahá'u'lláh est ... scientifique dans sa méthode ... la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative. Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, Lettres sélectionnées p111]

'Abdul-Bahá, le fils de Bahá'u'lláh et l'interprète désigné des Ecrits, affirmait : " Toute religion qui contredit la science ou qui lui est opposée n'est qu'ignorance, car l'ignorance est l'antithèse de la connaissance. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá, Les causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p114. Pour des renseignements plus détaillés sur le sujet de la science et de la religion, voir William S. Hatcher, The Science of religion.]

Par conséquent, celui qui étudie la foi bahá'íe trouve le sujet prêt à être examiné et ce jusqu'à un point tout à fait inhabituel. Les mystères que l'on rencontre dans l'univers physique par exemple, ne sont que le reflet des limitations reconnues du savoir de l'homme. Ce qui signifie que ce ne sont pas des assertions sur le monde naturel qui contredisent la science et la raison. Un rituel minime et l'absence d'une élite ecclésiastique à laquelle a été conférée des pouvoir ou une connaissance particulière, facilitent dans une certaine mesure l'accès aux figures centrales de la foi bahá'íe.

L'étude d'une religion n'est cependant pas de la paléontologie. C'est l'étude de phénomènes vivants que nous nous devons de pénétrer le plus loin possible, non seulement par l'esprit, mais aussi par le cœur si nous souhaitons parvenir à une bonne compréhension. La foi bahá'íe représente les croyances les plus profondes de plus de cinq millions d'individus, croyances qui gouvernent les décisions les plus importantes dans la vie de l'humain et pour lesquelles des milliers de bahá'ís ont accepté et acceptent encore des persécutions et la mort.

Les auteurs du présent ouvrage ont cherché à équilibrer ces exigences du cœur et de l'esprit que l'étude des religions imposent à ceux qui s'y sont engagés.



1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

Affirmer qu'une religion est indépendante des autres religions ne signifie pas pour autant qu'elle soit née d'un vide religieux. Le bouddhisme naquit dans un milieu de tradition hindoue, et ce n'est que lorsqu'il eut traversé l'Himalaya qu'il s'affirma en tant que foi distincte, destinée à devenir l'une des principales forces culturelles de la Chine, du Japon et du Sud-Est asiatique. De même, Jésus-Christ et ses successeurs immédiats entamèrent leur mission dans un contexte judaïque, et pendant deux siècles les peuples voisins considérèrent leur mouvement comme une branche réformée de la religion mère. Ce n'est que lorsque le christianisme commença à attirer un grand nombre d'adhérents parmi les nombreuses races non sémites qui peuplent les pourtours de la Méditerranée qu'il apparut comme religion distincte avec ses propres Écrits, lois, institutions et rites.

La matrice religieuse de la foi bahá'íe fut l'islam. De même que le christianisme était né de l'attente messianique du judaïsme, la religion qui devait devenir la foi bahá'íe naquit des tensions eschatologiques contenues dans l'islam. Et cependant la foi bahá'íe est, elle aussi, totalement indépendante de la religion qui l'a vu naître. L'un des érudits les plus féconds de l'islam actuel a tout récemment reconnu le bien-fondé de ce point de vue. `Allámah Siyyid Tabátabá'í affirme de manière catégorique : " Les sectes bábíe et bahá'íe ... ne doivent en aucun cas être considérées comme des branches du chiisme " .

[Nota: `Allámah Siyyid Muhammad Husayn Tabátabá'í, Shiite Islam, p. 76. L'islam sunnite a lui aussi désavoué tout lien entre lui et la foi bahá'íe. Déjà en 1925, la cour d'appel sunnite de Beba en Égypte faisait paraître la décision suivante : La foi bahá'íe est une nouvelle religion, entièrement indépendante, avec ses propres croyances, ses principes et ses lois qui diffèrent et sont totalement en contradiction avec les croyances, les principes et les lois de l'islam. Aucun bahá'í ne peut, par conséquent, être considéré comme musulman et vice-versa, de même qu'un bouddhiste, un brahmane ou un chrétien ne peut être considéré comme musulman et vice-versa. Cité par Shoghi Effendi dans Dieu passe près de nous, p. 354. Pour une étude sur la relation existant entre la foi bahá'íe et l'islam, voir Udo Schaefer The Bahá'í Faith and Islam, dans The Light Shineth in Darkness, Five studies in Revelation after Christ, pp. 113-132. Quant à l'usage du terme secte (ci-dessus) pour la foi bahá'íe, voir la discussion de Schaefer à ce propos, car elle relève du modèle de secte religieuse établie par ses pères modernes, Weber et Troeltsch, dans cet essai, pp. 113-114. Schaefer y fait la remarque suivante : La foi bahá'íe, selon sa propre interprétation, ne prétend pas être une réforme ou un rétablissement de l'islam, mais proclame plutôt qu'un nouvel acte de Dieu, une nouvelle effusion de l'Esprit divin et une nouvelle alliance avec Dieu sont à son origine. Le fondement de la croyance et de la loi est la nouvelle parole divine révélée par Bahá'u'lláh. Voici pourquoi le bahá'í n'est pas un musulman. Ibid., p. 114.. ]

Cette foi nouvelle fit son apparition en Perse, pays essentiellement musulman .

[Nota: Sous les Pahlavis (1925-1979), l'ancien nom Iran remplaça la dénomination Perse. Ce texte utilise le terme Perse pour décrire des événements du XIXe et du début du XXe siècle, et Iran lorsqu'il fait référence à des événements plus récents.]

Elle se propagea ensuite dans les pays musulmans avoisinants, les empires ottoman et russe et dans le Nord de l'Inde. Bien que certains des premiers disciples fussent d'origine juive, chrétienne ou zoroastrienne, la grande majorité d'entre eux était d'anciens musulmans. Leurs idées religieuses avaient été façonnées par le Qur'án et ils étaient avant tout intéressés par les aspects de leur nouvelle foi qui avaient trait à l'accomplissement des prophéties de l'islam et à l'interprétation de ses enseignements. Et de la même manière, le clergé islamique considéra tout d'abord les disciples de cette nouvelle foi comme des musulmans hérétiques.

En raison du contexte islamique de la foi bahá'íe, il semble important de débuter notre travail par une étude de la matrice islamique dont est issue la foi bahá'íe. Un tel examen est important également pour une autre raison : l'islam s'insère dans un concept, à la fois d'histoire des religions et de rapport entre les religions, qui est l'un des thèmes centraux des enseignements bahá'ís. La foi bahá'íe est peut-être unique en ce qu'elle accepte sans réserve l'authenticité des autres grandes religions. Les bahá'ís pensent qu'Abraham, Moïse, Zoroastre, Bouddha, Jésus et Mohammed sont tous d'authentiques messagers d'un seul Dieu. Les enseignements de ces messagers divins sont considérés comme des chemins conduisant au salut et contribuant à la " progression d'une civilisation en constante évolution ".

[Nota: Tous les hommes ont été créés en vue de faire progresser une civilisation en constante évolution. Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 141.]

Mais les bahá'ís pensent que cette succession d'interventions de Dieu dans l'histoire de l'humanité a été progressive, chaque révélation de Dieu se faisant plus complète que celles qui la précédaient, et chacune préparant la voie pour la suivante. Dans cette optique, l'islam, étant la plus récente des religions, se trouve être la préparation historique directe à la foi bahá'íe. Il n'est par conséquent pas étonnant de rencontrer dans les écrits bahá'ís un grand nombre de termes et de concepts coraniques.

Il est particulièrement important de connaître un certain nombre des dogmes de l'islam pour bien comprendre la foi bahá'íe. Tout comme les musulmans, les bahá'ís pensent que Dieu est Un et parfaitement transcendant en son essence. Il manifeste sa volonté à l'humanité par l'intermédiaire des messagers que les bahá'ís appellent des manifestations de Dieu. La manifestation a pour but de guider le croyant de manière parfaite, non seulement pour son progrès spirituel, mais aussi pour façonner la société dans son ensemble. Il existe cependant une différence importante entre les deux religions : si, parmi les religions existantes, le Qur'án ne désigne que le judaïsme, le christianisme et l'islam lui-même comme religions divinement inspirées, les bahá'ís considèrent que toutes les religions font partie intégrante d'un seul plan divin :

" Il ne peut y avoir aucun doute que les peuples du monde, quelle que soit leur race ou leur religion, tirent leur inspiration d'une même source céleste, et sont les sujets d'un seul Dieu. La différence entre les ordonnances auxquelles ils obéissent doit être attribuée à la variété des besoins et des exigences de l'époque où elles furent révélées. À l'exception de quelques unes d'entre elles qui sont le résultat de la perversité humaine, toutes furent ordonnées par Dieu et sont le reflet de sa volonté et de son dessein ".

[Nota: Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 143. Pour une discussion sur ce sujet, voir Juan Ricardo Cole, The Concept of Manifestation in the Bahá'í Writings..]

Il y a encore un autre aspect de l'islam qui influença le développement de cette nouvelle religion et qui commanda la réaction des musulmans envers cette dernière. L'islam, tout comme le christianisme avant lui, se divisa progressivement en un certain nombre de branches. L'une des plus importantes est la branche chiite, qui croit que le désir de Mohammed était que ses descendants héritent de la direction spirituelle et temporelle de la communauté. Ces élus appelés imams, ou chefs religieux, étaient censés être dotés d'une infaillibilité absolue dans l'accomplissement de leurs responsabilités. Cependant, une grande majorité de musulmans rejeta de telles revendications estimant que la sunna - le chemin ou modèle de conduite attribué par la tradition à Mohammed - était un guide suffisant. Ceux qui adhérèrent à cette croyance plus tardive devinrent les sunnites. Bien qu'aujourd'hui les musulmans sunnites surpassent largement en nombre les chiites et que les érudits occidentaux les désignent habituellement comme orthodoxes par opposition aux chiites qui sont hétérodoxes, l'islam chiite a une tradition ancienne et respectée, une tradition qui n'est que récemment devenue l'objet d'une étude sérieuse de la part d'un groupe croissant d'érudits non musulmans .

[Nota: L'utilisation du terme orthodoxe pour qualifier la branche sunnite de l'islam, d'ailleurs controuvée par des auteurs eux-mêmes non musulmans, est en soi une question importante. La raison la plus fréquemment invoquée pour l'expliquer vient du fait que, pendant longtemps, on n'entendit pas parler de l'islam chiite en Occident en raison de l'éloignement géographique de ses principaux centres de l'Europe et des colonies européennes établies pendant les croisades. Pour avoir le point de vue chiite sur la question, voir Tabátabá'í, Shi'ite Islam, pp. 9-16. On trouvera un débat plus approfondi chez Seyyed Hossein Nasr, Ideals and Realities of Islam..]

En l'an 661 après J.C., vingt-neuf ans seulement après la mort de Mohammed, le pouvoir, dans le monde musulman, tomba entre les mains de la première d'une série de dynasties dont les dirigeants, élus théoriquement par les fidèles, incarnaient en fait la prédominance de diverses familles puissantes. Les deux premières de ces dynasties sunnites, les Omeyyades et les Abbassides, virent dans les imams un défi à leur propre légitimité. En conséquence de quoi, selon les récits chiites, les imams furent mis à mort les uns après les autres, en commençant par Hasan et Husayn, petits-fils de Mohammed. Ces imáms, ou descendants du Prophète, le temps aidant, furent considérés comme saints et martyrs par l'islam chiite.

Bien que l'islam chiite soit né parmi les Arabes, il influença principalement la Perse. Dès le début, les convertis à l'islam en Perse furent attirés par l'idée que l'imam était nommé par Dieu. À la différence des Arabes, les Persans avaient eu à la tête de leur gouvernement toute une lignée de monarques élus par Dieu, et la dévotion, qui avec le temps avait entouré ces personnages, se reporta sur la personne des descendants et successeurs du Prophète .

[Nota: Pour une brève mais excellente introduction aux thèmes de la religion iranienne préislamique, voir Geo. Widengren, Iranian Religion, dans Encyclopedia Britannica, pp. 867-872. ]

Après des siècles d'oppression par les califes sunnites, la tradition de l'imanat triompha finalement en Perse grâce à la naissance au seizième siècle d'une dynastie forte, les Safavids.

À cette époque-là toutefois, la lignée des imams s'était éteinte. L'une des caractéristiques de la tradition chiite iranienne est que, en l'an 873, le Douzième et Dernier imam nommé - encore un enfant - se cacha afin d'échapper au destin de ses prédécesseurs. La tradition veut qu'il réapparaisse au temps de la fin pour inaugurer le règne de la justice dans le monde. Cette tradition eschatologique (doctrine de la fin du monde) a beaucoup de points en commun avec l'attente chrétienne du retour du Christ et la promesse du bouddhisme mahayana de l'avènement du Bouddha Maitreya, le Bouddha de la justice universelle. Les musulmans ont assigné à ce Sauveur promis, entre autres titres, ceux de Mahdi et de Qá'im.

On raconte que pendant les soixante-neuf années qui suivirent sa disparition, le Douzième imam ou Imam caché communiqua avec ses disciples par l'intermédiaire d'une série de délégués. Ces intermédiaires prirent le nom de báb (porte) parce qu'ils constituaient le seul moyen d'accès auprès de l'Imam caché. Il y eut quatre báb jusqu'en l'an 941, date à laquelle le quatrième mourut sans nommer de successeur.

Le fait que l'Imam et le dernier Báb aient tous deux refusé de nommer un successeur impliquait que les fidèles devaient remettre la question entre les mains de Dieu. En temps voulu, un ou plusieurs messagers de Dieu apparaîtraient, dont l'un serait l'Imam Mahdi, ou Qá'im, qui procurerait à nouveau un lien direct entre la volonté divine et les affaires humaines. C'est à cette tradition que la religion bahá'íe et celle qui l'a annoncée, la foi bábíe, apparues au milieu du dix-neuvième siècle, se réfèrent.



2. LA FOI BÁBÍE

Le début du dix-neuvième siècle fut une période d'attente messianique dans le monde islamique comme dans le monde chrétien. En Perse, deux théologiens influents, Shaykh Ahmad-i-Ahsá'í et son disciple et successeur, Siyyid Kázim-i-Rashtí, enseignaient une doctrine radicalement divergente de la croyance chiite orthodoxe. Outre leur interprétation plus allégorique que littérale du Qur'án, les Shaykhís, ainsi qu'étaient dénommés leurs disciples, proclamaient l'imminence du retour de l'Imam Mahdi, rédempteur et successeur désigné de Mohammed .

[Nota: Pour une étude récente sur cette doctrine, voir de Vahíd Ráfatí The Development of Shaykhí Thought in Shí`i Islam et de Henri Corbin En Islam iranien; aspects spirituels et philosophiques vol. 4.]

Leur enseignement suscita un large intérêt et donna naissance à une ferveur attentiste comparable à celle de groupes chrétiens contemporains, tels les Millérites qui, en Europe comme en Amérique, attendaient impatiemment le retour de Jésus-Christ.

[Nota: Voir, par exemple, de Whitney R.Cross The Burned-over District et de Ira V.Brown Watchers for the Second Coming, the Millenial Tradition in America dans Mississippi Valley Historical Review vol. 39, n° 3, 1952, pp. 441-458.]

Peu avant sa mort en 1843, Siyyid Kázim exhorta ses disciples à se disperser à la recherche du Promis qui devait être bientôt révélé. Il souligna le fait que, selon le calendrier islamique, l'année prédite était 1260 A.H., c'est-à-dire exactement mille années lunaires après la disparition de l'Imam caché.

Pour l'un des plus éminents shaykhís, Mullá Husayn, cette recherche prit brusquement fin lorsque, le soir du 23 mai 1844, il rencontra dans la ville de Chiráz un jeune homme du nom de Siyyid (titre porté par les descendants de Mohammed) `Alí-Muhammad, qui lui annonça être ce Promis que les shaykhís recherchaient. Le jeune siyyid entreprit ce même soir de développer cette révélation en un long document intitulé Qayyúmu'l-Asmá' qui devint par la suite la pierre angulaire de la foi bábíe. Ce document identifie son auteur comme étant un messager de Dieu dans la lignée de Jésus, de Mohammed et de ceux qui les ont précédés. Dans des exposés ultérieurs, Siyyid `Alí Muhammad se désignera également lui-même du titre musulman traditionnel de Báb, bien que le contexte démontre à l'évidence qu'il associe à ce terme un concept spirituel très différent de ceux qui lui avaient été attribués auparavant .

[Nota: Il a été avancé par des opposants à la foi bahá'íe que les succès initiaux l'encouragèrent à faire évoluer sa modeste proclamation vers une proclamation plus ambitieuse. Ce qui, de toute évidence, est faux. La déclaration que fit le Báb à Mullá Husayn en dévoilant pour la première fois son titre le décrit non seulement comme un messager de Dieu, mais plus spécifiquement comme le Souvenir de Dieu, et la Preuve de Dieu, titres qui font référence sans équivoque possible à l'avènement tant attendu de l'Imam caché. Il fut clairement et immédiatement établi que cette revendication audacieuse avait été comprise à la fois par ses disciples et par le clergé musulman. L'un des premiers à accepter le Báb, Mullá `Alíy-i-Bastámí, quitta la Perse presque aussitôt après avoir accepté le Báb en 1844, emportant avec lui une copie du Qayyúmu'l-Asmá', et fut arrêté et inculpé d'hérésie peu après son arrivée dans les environs de Bagdad. En 1845, il fut officiellement condamné sous cette inculpation par un édit fatvá lors d'une assemblée commune des clergés chiite et sunnite. Cette condamnation se basait sur sa croyance en celui qui proclamait être la source d'une révélation semblable à celle du Qur'án, et le Báb fut condamné en tant qu'auteur. Pour une étude plus détaillée sur le sujet, voir de Muhammad Afnán et William S.Hatcher Western Islamic Scholarship and Bahá'í Origins, dans Religion, vol. 15, 1985. ]

Le charme et la force de la personnalité du Báb ainsi que son étonnante capacité à dévoiler le sens des passages les plus obscurs du Qur'án incitèrent Mullá Husayn à déclarer sa foi .

[Nota: Voir Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, Lettres sélectionnées, pp. 115-127.]

Il devint ainsi le premier croyant de la foi bábíe. En l'espace de quelques semaines, dix-sept autres chercheurs reconnurent dans le Báb le messager promis. Celui-ci conféra à ces dix-huit premiers croyants le titre de Lettres du Vivant et les envoya proclamer par toute la Perse que le jour de Dieu, tel que l'avaient annoncé le Qur'án et les Écrits saints qui l'ont précédé, s'était levé.

Siyyid `Alí-Muhammad, que l'histoire connaît sous le nom de Báb, est né à Chiráz, le 20 octobre 1819, dans une famille de négociants .

[Nota: Les quatre principales sources utilisées pour l'histoire de la religion bábíe sont : Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous; Hasan Balyuzi, The Báb, The Herald of the Day of Days; Nabíl-i-A`zam (Muhammad-i-Zarandí), La Chronique de Nabíl, Relation des premiers jours de la révélation bahá'íe; Joseph Arthur, comte de Gobineau Les Religions et Philosophies dans l'Asie Centrale.]

Son père et sa mère étaient tous deux descendants du prophète Mohammed. Le père du Báb mourut alors que celui-ci était enfant; aussi fut-il élevé par son oncle maternel Hájí Mírzá Siyyid `Alí, qui devint par la suite l'un des disciples du Báb les plus dévoués et l'un des premiers martyrs de la nouvelle foi. Tous les écrits qui nous restent sont unanimes à témoigner de ce que le Báb était un enfant extraordinaire. Bien que, n'ayant reçu qu'un enseignement rudimentaire en lecture et en écriture, ainsi qu'il était coutumier pour cette minorité d'enfants perses qui recevaient une éducation quelle qu'elle fût, il faisait preuve d'une sagesse innée qui étonnait son maître et les autres adultes qu'il vînt à côtoyer. À ces qualités de l'esprit, il fallait ajouter une nature profondément spirituelle. Alors qu'il n'était encore qu'un jeune garçon, il passait déjà de longs moments en prière et en méditation. Un jour, tandis que son maître protestait qu'il n'était pas nécessaire à un enfant de son âge de consacrer tant de temps à la prière, le Báb lui aurait répondu qu'il avait été chez son grand-père et qu'il essayait de l'imiter. Il faisait référence au prophète Mohammed, que ceux qui pouvaient prétendre être de sa descendance directe appelaient parfois ainsi.

Le Báb quitta l'école peu de temps avant son treizième anniversaire, et à quinze ans il rejoignit son oncle dans leur commerce familial de Chiráz. Peu après, on l'envoya s'occuper de la gestion de ce commerce à Búshihr. Tout en continuant cette carrière commerciale, où il s'était acquis une certaine réputation par son intégrité et ses compétences, il poursuivit ses méditations et en consigna certaines par écrit. Au printemps 1841, il quitta Búshihr pour entreprendre toute une série de visites prolongées dans diverses villes saintes musulmanes, liées aux tombeaux des Imams martyrisés. Lors de sa visite à Karbilá, le Báb rencontra Siyyid Kázim; ce dernier l'accueillit avec vénération et enthousiasme tout en préférant ne rien expliquer aux autres, ce qui surprit grandement ses étudiants. Le Báb ne resta que peu de temps avec le groupe qui entourait Siyyid Kázim puis retourna en Iran où il épousa Khadíjih, fille d'une autre famille de négociants à laquelle il était apparenté à un degré éloigné. C'est moins de deux années plus tard qu'eut lieu à Chiráz sa déclaration à Mullá Husayn.

L'étape suivante consistait à proclamer publiquement la nouvelle foi. Elle débuta par une visite du Báb au centre de pèlerinage du monde musulman, les villes sœurs de La Mecque et de Médine en Arabie. Le vendredi 20 décembre 1844, debout, la main posée sur la porte de la Kaaba, le tombeau le plus saint du monde islamique, le Báb déclara publiquement : Je suis le Qá'im dont vous attendez la venue. Il adressa aussi une tablette, ou lettre, particulière au chérif de La Mecque, gardien des tombeaux, dans laquelle il faisait la même déclaration. En aucune de ces deux occasions, et bien qu'il ait été traité avec respect, les autorités islamiques sunnites ne portèrent une attention sérieuse à ses déclarations. Aucunement ébranlé, le Báb fit voile vers la Perse où les activités d'enseignement des Lettres du Vivant commençaient à susciter une vive émotion, tant parmi le clergé que le public en général.

Pour le clergé musulman chiite, les déclarations du Báb étaient non seulement hérétiques mais constituaient une menace pour les fondements de l'islam. L'islam orthodoxe affirmait que Mohammed était le Sceau des prophètes et par conséquent le messager de la dernière révélation de Dieu aux hommes jusqu'au jour du Jugement. Seul l'islam est resté pur et aucunement affaibli, parce que son livre, le Qur'án, retransmet la parole authentique du Prophète lui-même. À partir de cela, la théologie musulmane a continué d'affirmer que l'islam contenait tout ce dont l'humanité pouvait avoir besoin d'ici au jour du Jugement, et qu'aucune autre révélation d'ordre divin ne pourrait survenir, ni ne surviendrait.

La déclaration qu'avait faite le Báb de sa mission constituait par conséquent un défi pour les piliers centraux de ce système théologique. Pour les chiites, la branche dominante de l'islam en Perse, ce défi était particulièrement intense. Pendant des siècles, le dogme chiite avait accordé une autorité illimitée sur toutes les affaires humaines à la personne de l'Imam caché dont l'avènement devait marquer le jour du Jugement. En fait, il avait été prouvé que les chahs eux-mêmes ne régnaient qu'en tant que mandataires de l'Imam. C'est pourquoi, à travers toute la Perse, des mollahs s'opposèrent violemment au Báb dès qu'ils entendirent parler de sa revendication. Cette opposition ne fit que s'intensifier après que le Báb eut dénoncé l'ignorance courante et la perversion, qui prévalaient dans le clergé, ignorance et perversion qu'il considérait comme les principaux obstacles au progrès du peuple persan.

L'hostilité des mollahs ne se limita pas aux accusations portées depuis leur chaire. Dans la Perse du dix-neuvième siècle, le clergé chiite représentait un système de pouvoir et d'autorité parallèle à celui du chah. Une grande partie de la vie quotidienne était réglementée par la loi religieuse islamique sous la juridiction des mujtahids et des docteurs en théologie. En théorie, les jugements rendus par ces tribunaux ecclésiastiques dépendaient du soutien du gouvernement séculier pour leur mise en application. En pratique, le clergé chiite avait ses propres ressources qui lui permettaient d'imposer ses décrets. L'une des principales autorités actuelles en la matière décrit la situation qui prévalait en Perse à l'époque où le Báb annonça sa mission :

Pendant presque toute la période Qájár, on rencontre, en particulier à Isfahan et Tabriz, des cas de mujtahids entourés de ce que l'on pourrait appeler des armées privées. Au départ, elles étaient plutôt composées de francs brigands (lútí's) que de mollahs. Les lútí's, qui formaient originellement des confréries chevaleresques semblables à celles de leurs homologues, les fatí's, en Anatolie et dans les territoires arabes, soutenaient le pouvoir clérical en bravant l'État et en imposant des fatvás. En échange de quoi ils étaient autorisés à piller et à voler, trouvant asile, lorsqu'ils étaient poursuivis, dans des refuges connus sous le nom de " bast " qui n'étaient autres que les mosquées et les résidences des `ulamás .

[Nota: Hamid Algar Religion and State in Iran, 1784 -1906, p. 19.]

Ces armées privées servaient de fer de lance à une autre ressource, plus puissante encore, dont disposaient les mollahs. En déclarant que tel ennemi était un infidèle, le clergé pouvait soulever des foules parmi la population fanatique - et totalement ignorante - des villes et des villages et les faire déferler dans les rues pour défendre celle qui était considérée comme la seule vraie foi. Des groupes hétérodoxes, mais aussi, l'État lui-même, ont fréquemment ressenti le pouvoir de cette arme cléricale.

En dépit de la menace grandissante que représentait cette dernière, la période allant de 1845 à 1847 vit une importante augmentation du nombre de personnes qui se déclarèrent bábíes ou disciples du Báb. Et, en fait, un certain nombre de ces personnes étaient issues du clergé. Parmi les nouveaux croyants se trouvait un théologien brillant, de grande renommée, du nom de Siyyid Yahyáy-i-Darabí, qui reçut plus tard le nom de Vahíd (l'Unique). Le Báb avait été placé en résidence surveillée par le gouverneur de Chiráz, à la demande du clergé musulman de la région. Vahíd y avait été envoyé pour l'interroger à la demande de Muhammad Sháh souverain de la Perse, qui avait eu vent de ce nouveau mouvement et désirait obtenir des informations de première main. Il n'est pas surprenant que, après avoir entendu parler de la conversion de Vahíd, le chah ait envoyé des ordres pour que le Báb soit immédiatement conduit à la capitale, Téhéran, sous escorte, tout en étant traité comme un hôte estimé. Le Báb avait auparavant exprimé son propre désir de rencontrer le souverain et de lui expliquer pleinement sa mission.

Malheureusement, ce projet échoua. Muhammad Sháh était un homme faible et inconstant, entrant déjà dans la dernière phase d'une maladie qui devait l'emporter dans l'année. De plus, il était totalement dominé par son Premier ministre, Hájí Mírzá Áqásí, l'un des personnages les plus étranges de l'histoire de l'Iran .

[Nota: Gobineau dit de Muhammad Sháh et de son Premier ministre : Muhammad Sháh, dont j'ai déjà parlé, était un prince d'un naturel tout à fait particulier - naturel relativement commun en Asie, mais que les Européens ont rarement vu et encore moins compris... Sa santé avait toujours été très mauvaise; goutteux au dernier degré, il souffrait pratiquement sans répit. Son caractère, naturellement faible, était devenu mélancolique, et comme il avait particulièrement besoin d'affection mais n'en trouvait que peu dans sa propre famille parmi ses femmes et ses enfants, il avait concentré toute son affection sur le vieux mollah qu'était son tuteur. Il en avait fait son seul ami, son confident, puis son tout-puissant Premier ministre, et pour finir, sans exagération aucune, son dieu... Le hájí était, quant à lui, un dieu tout à fait particulier. Il n'est pas absolument certain qu'il ne croyait pas lui-même laisser à ce dont Muhammad Sháh était convaincu. En toutes situations, il professait les mêmes principes d'ordre général que le souverain et les lui avait en toute bonne foi inculqués. Les Religions et Philosophies, pp. 160-162. ]

Le Premier ministre avait été le tuteur du chah pendant son enfance et ce dernier avait une confiance aveugle en lui. Craignant de perdre irrévocablement son influence sur le chah si celui-ci rencontrait le Báb, le Premier ministre ordonna que le Báb soit emmené en grand secret à la forteresse de Máh-Kú, dans la province d'Ádhirbayján, au nord du pays sur la frontière russe. Il prétexta que l'arrivée du Báb dans la capitale pourrait provoquer des affrontements entre ses disciples et ceux du clergé orthodoxe, et que cela engendrerait vraisemblablement des désordres publics semblables à ceux que l'on rencontrait communément à cette époque .

[Nota: Nicolas écrit : Voici une anecdote qui montre à quels sentiments le Premier ministre obéissait lorsqu'il influait sur la volonté du Chah. Le prince Farhád Mírzá, alors jeune homme, était l'élève de Hájí Mírzá Áqásí. Il raconta par la suite : " Un jour, alors que je me promenais avec lui dans le jardin et qu'il semblait de bonne humeur, je me hasardai à lui demander : " Hájí, pourquoi as-tu envoyé le Báb à Máh-Kú ? " et il me répondit : " Tu es encore jeune et il est des choses que tu ne peux comprendre, mais ce dont tu peux être certain c'est que, s'il était venu à Téhéran, nous ne serions pas en train de marcher ensemble en ce moment, libres, sous ces ombrages. " Siyyid `Alí-Muhammad, dit le Báb, cité dans La Chronique de Nabíl, pp. 227-228, de Nabíl-i-A`zam.]

Du reste, le Premier ministre, qui était originaire de l'Ádhirbayján, avait très certainement choisi cette région parce qu'il espérait que les habitants kurdes de ces montagnes sauvages seraient tout à fait hostiles au Báb et à son message. À son plus vif déplaisir, il en fut tout autrement. La nouvelle foi se répandit même en Ádhirbayján, et le gouverneur et les autres officiers de la forteresse de Máh-Kú furent désarmés par le charme et la sincérité de leur prisonnier. Dans un dernier effort pour contenir ce qu'il considérait comme une menace grandissante, Hájí Mírzá Áqásí fit transférer le Báb de Máh-Kú dans une autre forteresse tout aussi isolée, Chihríq. Le même processus se répéta, et le chef kurde responsable de la forteresse, Yahyá Khán, devint également un fervent admirateur du Báb.

Réalisant que le chah était sur le point de mourir et craignant l'antagonisme qu'une mauvaise administration avait suscité parmi les groupes influents de Perse, Hájí Mírzá Áqásí essaya de s'attirer les bonnes grâces du puissant clergé musulman qui était violemment opposé au Báb et qui avait formellement condamné le nouveau mouvement. À la demande expresse de ce clergé, le Premier ministre ordonna que le Báb fût conduit à Tabriz et jugé devant une assemblée d'éminents ecclésiastiques.

Le procès eut lieu à l'été 1848 et, au dire de tous, s'avéra grotesque. Il apparut clairement que son seul but était d'humilier le prisonnier .

[Nota: Voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, pp. 20-21. Balyuzi décrit ce procès dans le détail dans The Báb, pp. 139-145. Voir aussi de Browne, A Traveller's Narrative, pp. 277-290.]

Il fut décidé à la fin du procès que le Báb recevrait une punition corporelle, en conséquence de quoi il fut soumis à la bastonnade .

[Nota: Bastonnade sur la plante des pieds, utilisée comme punition ou comme torture.]

Les blessures qui en résultèrent eurent une conséquence inattendue : elles mirent le Báb en relation avec le seul Occidental qui ait laissé un récit écrit de sa rencontre avec lui. Alors qu'on lui infligeait la bastonnade, l'un des mollahs frappa le Báb au visage et l'on demanda à un médecin anglais, le Dr. William Cormick, de le soigner. Voici son récit :

" [Le Báb] était un homme très doux, d'apparence fragile, plutôt petit de taille, au teint très clair pour un Persan et dont la voix douce et mélodieuse me frappa profondément... En fait, tout dans son regard et dans son maintien prédisposait en sa faveur. Sur sa doctrine je n'entendis rien de ses propres lèvres, bien que l'on ait dit qu'il existait dans sa religion une certaine approche du christianisme... Assurément, le fanatisme musulman n'existe pas dans sa religion comme c'était le cas avec les chrétiens, pas plus qu'il n'y a cette entrave à la liberté des femmes qui existe maintenant [dans l'islam] ".

[Nota: Cité dans The Báb, de Balyuzi, pp. 146-147.]

Tandis que le Báb était retenu en prison, ses disciples subissaient des attaques de plus en plus vives de la part de la foule que les mollahs chiites soulevaient. Se posa alors à eux la question de l'autodéfense. L'islam, à la différence du christianisme, renferme la doctrine très mal comprise du jihád, qui permet la conversion des populations païennes par la force des armes. Elle permet aussi aux musulmans de se défendre lorsqu'ils sont attaqués, mais interdit toute forme de guerre agressive ainsi que la conversion forcée des autres peuples du Livre (c'est-à-dire les disciples d'une autre religion révélée, ce qui sous-entendait d'une manière générale les juifs et les chrétiens) .

[Nota: Pour une étude plus approfondie sur le sujet, voir Western Islamic Scholarship and Bahá'í Origins, de Muhammad Afnán et William S.Hatcher.]

Élevés dans ce système de valeurs musulman, les bábís se sentaient totalement en droit de se défendre et de défendre leurs familles contre les attaques des mollahs. Certains s'attendaient peut-être même à ce que le Báb révélât sa propre doctrine du jihád.

Auquel cas, ils furent sans doute déçus. Dans le Qayyúmu'l-Asmá', le Báb analysa dans le détail les principes de base du concept du jihád dans le Qur'án et demanda à ses disciples d'observer les lois du gouvernement en place dans la société où ils vivaient. Le Báb demanda que toute forme de jihád agressive fût d'abord soumise à son approbation, approbation qui ne fut pas donnée en dépit de la violence accrue du conflit qui les opposait au clergé chiite.

Ces restrictions s'avérèrent être une première étape dans le démantèlement progressif d'un concept qui avait été l'une des doctrines fondamentales de la religion islamique. Lorsque le Bayán, le livre contenant les lois de la foi du Báb, fut révélé par la suite, aucune doctrine du jihád n'y fut inclue. Les bábís étaient ainsi libres de se défendre s'ils étaient attaqués, mais il leur était interdit de proclamer la dispensation bábíe au moyen d'une épée ainsi qu'y avaient été autorisés les disciples du prophète Mohammed dans une Arabie préislamique où prévalaient des mœurs barbares. La protection et la victoire finale de sa foi, avait dit le Báb, se trouvaient entre les mains de Dieu.

Tandis que le Báb était emprisonné et jugé dans le nord de l'Iran, le nombre de ses disciples continuait à croître dans les autres parties du pays. Et, alors qu'il se déclarait publiquement à Tabriz, un important groupe d'éminents bábís se réunit dans le village de Badasht. Cette conférence s'avéra être d'une grande importance pour le développement de la foi bábíe. Parmi ces bábís renommés se trouvait une femme extraordinaire, Qurratu'l-`Ayn, connue dans l'histoire bahá'íe sous le nom de Táhirih (la Pure).

Née dans une famille d'érudits et de théologiens, Táhirih était devenue l'une des plus grandes poétesses de toute la Perse. Afin d'apprécier l'importance de cette performance, il faut savoir que les femmes musulmanes de cette époque étaient particulièrement cloîtrées et inhibées. Grâce à l'influence d'un oncle et d'un cousin qui étaient devenus des disciples de Shaykh Ahmad, Táhirih put rencontrer quelques-uns des premiers bábís. Bien qu'elle ne rencontrât jamais le Báb, elle correspondit avec lui, déclara sa foi et fut nommée par lui Lettre du Vivant.

La conférence de Badasht - c'est l'une des principales raisons avancées - était destinée à décider des démarches à entreprendre pour libérer le Báb de la forteresse de Chihríq. La réunion fut cependant galvanisée de manière inattendue par l'exposé audacieux de Táhirih sur quelques-unes des implications du message du Báb. Certains bábís avaient peut-être considéré le fondateur de leur foi comme un réformateur religieux; il se peut aussi que les connotations traditionnelles du mot báb en aient leurré d'autres. Táhirih clarifia explicitement les implications des déclarations du Báb lui-même sur sa mission, déclarations qu'il fit pour la première fois la nuit où il se révéla à Mullá Husayn : il était l'Imam Mahdi tant attendu, celui qui devait se lever de la maison de Mohammed. Il était donc un messager de Dieu, le fondateur d'une nouvelle dispensation religieuse indépendante. De même que les premiers chrétiens avaient dû se libérer des lois et ordonnances de la Torah, de même les bábís étaient appelés à se libérer des exigences de la Sharí'ah islamique. De nouveaux enseignements sociaux avaient été révélés par le Báb et c'était vers eux que les bábís devaient se tourner. Afin de rendre cet exposé plus mémorable, Táhirih parut, lors d'une des sessions de la conférence, sans le voile requis par la tradition musulmane. Son action, et d'autres semblables, mirent durement à l'épreuve la foi de nombreux bábís parmi les plus conservateurs et ne firent qu'accroître l'antagonisme avec les musulmans orthodoxes. Des histoires délirantes faisant des bábís des athées, qui croyaient en la promiscuité sexuelle et en la communauté de biens, étaient âprement répandues par des mollahs déterminés à faire passer le mouvement pour un ennemi à la fois de la décence et de l'ordre public .

[Nota: Les premiers récits fragmentaires de commentateurs occidentaux en Perse répètent bon nombre de ces histoires glanées, semble-t-il, auprès de relations musulmanes dont ils dépendaient presque entièrement pour leur compréhension de la langue persane et leur interprétation des questions d'ordre religieux du pays. Momen (The Bábí and Bahá'í Religions, pp. 3-17) réunit un certain nombre de ces rapports parmi lesquels des références à la rebellion, au nihilisme, à l'athéisme et à la communauté de femmes et de biens. Ce n'est qu'après des études plus approfondies effectuées par Gobineau, Browne, Nicolas et d'autres, qui purent communiquer directement avec des adeptes de la nouvelle foi, que ces impressions furent rectifiées. ]

La situation fut rendue un peu plus instable encore en septembre 1848, lorsque Muhammad Sháh succomba finalement à ses nombreuses maladies. Sa mort déclencha une période de convulsions politiques, chose courante dans un cas de ce genre, alors que se posait le problème de la succession

[Nota: Gobineau écrivit : Un changement de pouvoir est toujours un moment très critique en Asie centrale. En Perse, dans le Turkestan, dans les États arabes s'établit une période d'anarchie qui peut durer longtemps, qui peut prendre une tournure plutôt violente et tumultueuse mais qui parvient toujours à laisser en suspens l'application des lois selon le principe que la volonté du souverain a, pour un temps plus ou moins long, disparu... C'est comme une montre qui s'arrête; les ressorts ne sont pas et ne devraient pas être changés; mais en attendant qu'elle soit à nouveau remontée manuellement, elle ne marche plus. De plus, il y a de nombreux intérêts et passions pour allumer, ranimer et attiser la flamme de la discorde générale. S'il y a plusieurs prétendants au trône, ils désirent le désordre de manière à accroître leurs chances de succès et à se trouver des partisans actifs. Les Religions et les Philosophies, pp. 175-176.]

Hájí Mírzá Áqásí fut renversé par ses ennemis politiques, et les mollahs profitèrent du désordre qui s'ensuivit pour intensifier leur campagne contre l'hérésie bábíe.

Dans la province de Mázindarán, un groupe d'environ trois cents bábís, sous la direction de Mullá Husayn et du plus éminent disciple du Báb, un jeune homme nommé Quddús (qui avait accompagné le Báb lors de son pèlerinage à La Mecque), se trouvèrent assiégés dans une petite forteresse qu'ils avaient érigée en toute hâte autour d'un tombeau isolé dédié à un saint musulman, Shaykh Tabarsí. Ils avaient parcouru avec enthousiasme toute la province, proclamant que le Qá'im promis était apparu et invitant tous ceux qui les entendaient à se lever et à les suivre. Le clergé local chiite les avait accusés d'hérésie et avait soulevé la population de plusieurs villages dans le but de les attaquer. Les bábís ne s'étaient pas plutôt retranchés derrière les palissades qu'ils avaient élevées à Shaykh Tabarsí, que les mollahs les accusèrent d'être responsables du désordre civil que les propres fulminations du clergé contre l'hérésie et l'apostasie avaient suscité. Dans l'atmosphère particulièrement lourde qui entourait la lutte pour le pouvoir parmi les héritiers de Muhammad Sháh, cette nouvelle accusation imprudente servit d'étincelle à la poudre. Mírzá Taqí Khán, qui était par ailleurs un homme tout à fait compétent mais impitoyable et particulièrement méfiant, avait remplacé Hájí Mírzá Áqásí comme grand vizir. Ayant décidé que le mouvement bábí devait être anéanti, le nouveau vizir envoya une force armée pour soutenir les efforts des mollahs et de leurs partisans.

Le siège de Tabarsí devint cependant une cause d'humiliation pour les adversaires des bábís. Pendant l'année qui suivit, des armées comptant des milliers d'hommes furent envoyées, l'une après l'autre, pour venir à bout des quelques centaines de défenseurs du fort, et toutes, à tour de rôle, subirent une défaite décisive. Finalement, on encouragea la petite garnison qui avait déjà perdu un grand nombre de ses membres - dont Mullá Husayn - à se rendre en lui promettant solennellement, sur une copie du Qur'án, qu'elle serait libérée. Ils n'avaient cependant pas plutôt quitté l'abri que représentait la forteresse, qu'ils furent attaqués par les assiégeants. Beaucoup furent tués sur-le-champ, d'autres furent torturés à mort, et les survivants furent dépouillés de leurs possessions et vendus comme esclaves. Quddús fut remis entre les mains des dirigeants ecclésiastiques de la région qui le traînèrent dans les rues, le mutilèrent et pour finir le tuèrent.

Des événements similaires eurent lieu dans deux autres grands centres, Nayríz et Zanján. Dans ces deux villes, les forces armées des princes Qájár vinrent soutenir les foules que le clergé chiite avait rendues hystériques, déterminé comme il l'était à exterminer tous les disciples de cette nouvelle religion. À Nayríz, même le fait que les bábís aient été conduits par un personnage aussi éminent que Vahíd ne réussit pas à calmer la rage des autorités locales et d'une foule furieuse et surexcitée. Vahíd périt dans le massacre qui suivit la capture du petit fort dans lequel les bábís assiégés avaient trouvé refuge. À Zanján, comme à fort Shaykh Tabarsí, on s'assura de la reddition des défenseurs bábís en leur faisant de fausses promesses de paix et d'amitié signées et scellées sur une copie du Qur'án, à la suite de quoi les prisonniers furent massacrés de la même manière.

Malgré des tentatives évidentes par diverses autorités politiques et religieuses de supprimer ou de minimiser parmi le public la connaissance de ces trois confrontations avec les bábís ( Shaykh Tabarsí, Nayríz et Zanján), il y eut des survivants de chacune d'elles qui témoignèrent des évènements qu'ils avaient vus. Les transcriptions de ces narrations de première main ont constitué les sources primaires du travail historique écrit plusieurs années plus tard par Nabíl-i-A`zam .

[Nota: Voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, éd. 1976 p. 44.]

Des scènes de violence eurent lieu dans tout le pays. Averties par les mollahs que les biens des apostats étaient confisqués, de nombreuses autorités locales se mirent aussi à pourchasser les bábís. Même une position sociale élevée n'offrait aucune protection. Dans la capitale, Téhéran, à peu près en même temps que le massacre de Zanján, sept personnalités éminentes et profondément respectées parmi les négociants et les universitaires furent mises à mort publiquement et avec une grande cruauté, parce qu'elles refusaient d'abjurer leur nouvelle foi. Un exemple révélateur du déchaînement général suscité est celui de l'assassina de Mírzá Qurbán `Alí : considéré comme une personne d'une rare sainteté, il avait servi de mentor spirituel à la famille royale ainsi qu'à plusieurs membres du gouvernement

[Nota: Voir Nabíl-i-A`zam (Muhammad-i-Zarandí), La Chronique de Nabíl.

La responsabilité de la majorité de ces atrocités et de celles qui devaient suivre incombe non seulement au clergé chiite, mais aussi au nouveau Premier ministre, Mírzá Taqí Khán. Le nouveau souverain, Násiri'd-Dín Sháh, était un adolescent de seize ans; ainsi, une fois de plus, l'autorité du monarque tombait entre les mains du Premier ministre. Mírzá Taqí Khán se trouvait à la tête de la faction qui avait établi le nouveau souverain après avoir triomphé des partisans des deux autres héritiers du trône. Ayant conclu que son propre pouvoir ainsi que la stabilité générale du régime ne seraient que plus sûrement établis si l'on supprimait le mouvement bábí, il avait participé aux horreurs de fort Shaykh Tabarsí, de Nayríz et de Zanján, ainsi qu'à la mort de ceux que l'on appelait désormais les sept martyrs de Téhéran. Il était maintenant déterminé à frapper le mouvement en plein cœur.

Alors que le siège de Zanján se poursuivait, Mírzá Taqí Khán ordonna au gouverneur de l'Ádhirbayján de conduire le Báb à Tabriz et d'y organiser une exécution publique .

[Nota: Plusieurs représentants du corps diplomatique occidental essayèrent en vain de faire changer d'avis le Premier ministre, soutenant qu'une telle persécution ne ferait que répandre davantage les enseignements qu'il redoutait. (Voir Momen, Bábí and Bahá'í Religions, pp. 71-72, 103.)]

Mírzá Taqí Khán ne possédait pas de pouvoirs personnels suffisants pour donner un tel ordre et, de plus, n'avait pas consulté les autres membres du gouvernement. C'est pourquoi le gouverneur de l'Ádhirbayján, qui avait été progressivement amené à respecter son captif, refusa d'exécuter l'ordre de Mírzá Taqí Khán. Ce dernier fut finalement contraint d'envoyer son propre frère, Mírzá Hasan Khán, pour accomplir cette besogne. En toute hâte, on conduisit le Báb à Tabriz où il fut demandé aux principaux mujtahids de traiter le cas en fonction de la loi religieuse plutôt que civile. Ainsi que l'avait prévu Mírzá Taqí Khán, le clergé accepta aussitôt de coopérer en signant un arrêt de mort officiel sous l'inculpation d'hérésie. Le 9 juillet 1850, en présence de milliers de personnes qui avaient envahi les toits et les fenêtres de la place publique, on fit les derniers préparatifs à l'exécution. S'ensuivit un événement tout à fait extraordinaire.

Le Báb et l'un de ses disciples furent suspendus par des cordes contre le mur d'une caserne militaire, et un régiment de sept cent cinquante soldats arméniens chrétiens fut amené pour former le peloton d'exécution. Le colonel du régiment, un certain Sám Khán, répugnait à exécuter l'ordre reçu qui, craignait-il, attirerait sur sa tête les foudres de Dieu. On raconte que le Báb lui donna l'assurance suivante : " Suivez les instructions qui vous ont été données, et si votre intention est sincère, le Tout-Puissant vous délivrera certainement de vos craintes. "

[Nota: Cité dans Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 50..]

De nombreux témoins oculaires ont attesté de ce qui suit :

[Nota: Momen, Bábí and Bahá'í Religions, (pp. 77-82) a réuni un certain nombre de récits de témoins visuels de l'événement, rapportés par des commentateurs occidentaux.]

Le régiment fut mis en place et sept cent cinquante coups de fusil partirent. La fumée produite par ces armes, qui se chargeaient par la bouche, obscurcit la place. Lorsqu'elle se dissipa, les spectateurs incrédules aperçurent le compagnon du Báb debout, indemne, devant le mur; le Báb avait disparu ! Les cordes auxquelles étaient suspendus les deux hommes avaient été sectionnées par les balles. Une recherche frénétique s'ensuivit et l'on retrouva le Báb, indemne lui aussi, dans la pièce qu'il avait occupée la nuit précédente. Il donnait calmement ses dernières instructions à son secrétaire.

La foule était dans tous ses états, et le régiment arménien refusa de participer derechef à cette exécution. Mírzá Hasan Khán se vit menacé par la réelle possibilité que la foule, d'humeur changeante et qui avait tout d'abord acclamé puis dénoncé le Báb, ne vît dans la délivrance de ce dernier un signe de Dieu et ne se levât pour le soutenir. Un régiment de musulmans fut formé à la hâte, le Báb et son compagnon suspendus une nouvelle fois le long du mur, et une seconde salve fut tirée sur eux. Cette fois les corps des deux prisonniers furent criblés de balles. Les dernières paroles du Báb à la foule furent celles-ci :

" Ô toi, génération rebelle ! Si tu avais cru en moi, chacun de tes membres aurait suivi l'exemple de ce jeune dont le rang est plus élevé que celui de la plupart d'entre vous, et se serait spontanément sacrifié sur mon chemin. Le jour viendra où vous me reconnaîtrez; ce jour-là j'aurai cessé d'être avec vous. "

[Nota: Cité dans Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 51.]

Les circonstances extraordinaires qui entourèrent la mort du Báb suscitèrent une nouvelle vague d'intérêt pour son message. L'histoire se répandit comme une traînée de poudre, non seulement parmi les Persans, mais aussi parmi les diplomates, les négociants, les conseillers militaires et les journalistes qui constituaient une communauté européenne conséquente en Perse à cette époque. Les paroles d'un diplomate consulaire français, A.L.M. Nicolas, donnent une idée de l'impact que ce drame eut en Perse sur des Occidentaux cultivés :

" C'est l'un des plus magnifiques exemples de courage qu'il ait été donné à l'humanité de contempler, et c'est aussi une preuve admirable de l'amour que notre héros portait à ses concitoyens. Il s'est sacrifié pour l'humanité; pour elle il a donné son corps et son âme; pour elle il a subi les privations, les affronts, les injures, la torture et le martyre. Il a scellé de son sang le pacte de la fraternité universelle et, comme Jésus, il a payé de sa vie l'annonce du règne de la concorde, de l'équité et de l'amour du prochain. "

[Nota: A.L.M. Nicolas Siyyid `Alí-Muhammad, dit le Báb, cité dans Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 52. ]

La mort du Báb cependant, survenant peu de temps après l'extermination de la plupart des personnalités marquantes de la foi - dont la majorité des Lettres du Vivant - porta un coup terrible à la communauté bábíe. Elle la privait du guide dont elle avait besoin pour, d'une part supporter les persécutions qui s'intensifiaient, et d'autre part maintenir l'intégrité du mode de vie enseigné par le Báb.

Les bábís avaient constamment souligné que leur seul souci était de proclamer les nouveaux enseignements spirituels et sociaux révélés par le Báb. Ils pensaient aussi, du fait que leurs idées religieuses fondamentales et leur comportement s'étaient édifiés sur les bases de leur origine islamique, qu'ils avaient le droit de se défendre et de défendre leurs familles, à condition de ne pas utiliser l'agressivité à des fins religieuses. Une fois que les figures marquantes parmi celles qui avaient compris le message du Báb furent écartées par la répression brutale de Mírzá Taqí Khán, il devenait prévisible que des éléments inconstants parmi les bábís s'avéreraient incapables d'observer la discipline d'origine.

Ce fut le cas lorsque, le 15 août 1852, deux jeunes bábís, obsédés par les souffrances dont ils avaient été les témoins et conduits au désespoir par l'attitude des autorités, déchargèrent un pistolet sur le chah. Le souverain ne fut que légèrement blessé, car le pistolet n'était chargé que de grenaille; mais cette atteinte à la vie du monarque déclencha une nouvelle vague de persécutions sur une échelle de loin supérieure à tout ce dont le pays avait déjà été témoin. Le règne de la terreur s'ensuivit.

Le capitaine Alfred von Goumöens, attaché militaire autrichien au service du chah, a laissé un récit de ces événements. Horrifié par les cruautés dont on l'obligeait à être le témoin, il présenta sa démission, puis écrivit une lettre qu'il publia dans un journal de Vienne et dont voici un extrait :

" Écoutez bien ceci mon ami, vous qui vantez la sensibilité et la morale européennes ! et accompagnez-moi auprès de ces infortunés qui, les yeux arrachés, sont obligés de manger, sur les lieux mêmes de l'action et sans aucune sauce, leurs propres oreilles coupées; dont les dents sont arrachées avec une violence inhumaine par la main du bourreau; dont les crânes dénudés sont tout simplement défoncés à coups de marteau; accompagnez-moi au bazar illuminé par de malheureuses victimes dont on a entaillé de chaque côté la poitrine et les épaules pour y insérer des mèches allumées. J'en ai vu qu'on traînait, enchaînées, à travers le bazar, précédées d'un orchestre militaire, et dans lesquelles ces mèches avaient brûlé si profondément que la graisse crépitait par à-coups dans les blessures comme une lampe qui charbonne. Il n'est pas rare que l'infatigable ingéniosité de l'Oriental découvre de nouvelles tortures. Ainsi ils écorchent la plante des pieds du bábí, trempent ses blessures dans de l'huile bouillante, ferrent ses pieds comme les sabots d'un cheval et forcent la victime à courir. Nul cri ne s'échappe de la poitrine du supplicié; la torture est supportée dans un silence de mort par les sens engourdis du fanatique; il lui faut maintenant courir; le corps ne peut endurer ce que l'âme a supporté, et il tombe. Qu'on lui donne le coup de grâce ! Qu'on le délivre de sa douleur ! Mais non ! Le bourreau brandit son fouet et - j'ai dû moi-même en être le témoin - la malheureuse victime cent fois torturée se met à courir. C'est le commencement de la fin. Pour ce qui est de la fin elle-même, elle consiste à suspendre à un arbre, par les mains et les pieds, la tête en bas, le corps roussi et troué; chaque Persan peut alors exercer à son gré son adresse au tir, à une distance déterminée, mais pas trop proche du noble gibier mis à sa disposition. J'ai vu des cadavres déchirés par près de cent cinquante balles . "

[Nota: Cité dans Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 63. L'ambassadeur russe, le prince Dolgoroukov, qui fut lui aussi témoin de ces cruautés, les dénonça au cours d'une entrevue personnelle avec le chah en les qualifiant de pratiques barbares qui n'avaient pas cours même parmi les nations les plus sauvages. De même, le chargé d'affaires britannique protesta auprès des autorités persanes contre des pratiques que le gouvernement de Sa Majesté pensait n'exister que parmi les tribus barbares de ... l'Afrique. (Momen, Bábí and Bahá'í Religions, pp. 100-101.)]

La principale victime de ces nouvelles persécutions fut la poétesse Táhirih qui avait été placée en résidence surveillée pendant quelque temps. L'une des caractéristiques de ce nouvel âge que la révélation du Báb engendrerait, proclamait-elle, serait la suppression des restrictions qui maintenaient la femme dans un état d'infériorité. Prévenue qu'elle avait été condamnée à mort, Táhirih dit à son geôlier : " Vous pouvez me tuer dès que vous le désirerez, mais vous ne pourrez pas empêcher l'émancipation des femmes . "

[Nota: Cité dans Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 72.]

Ainsi se termina ce que les bahá'ís appellent la dispensation du Báb, première étape de l'histoire bahá'íe. Pendant une courte période, toute la Perse faillit connaître des changements sociaux radicaux. Si le Báb avait nourri le projet de se saisir du pouvoir politique ainsi que le lui imputaient ses ennemis, il y en avait peu pour penser qu'il n'aurait pas pu prendre la tête du pays. Les qualités extraordinaires de ses principaux disciples, la sensibilité manifeste du public à ce nouveau message religieux, la démoralisation et l'esprit de discorde qui sévissaient chez les dirigeants civils et ecclésiastiques, ainsi que la courte période de désordre civil qui accompagna la fin de la maladie du chah et sa mort, tout concourait à créer une situation où il ne restait plus au Báb qu'à profiter des offres d'aide dont on l'accablait avec insistance.

Vers la fin de l'année 1846, le gouverneur général d'Isfahan, Manúchihr Khán, l'un des plus puissants hommes du royaume, avait offert au Báb toute son armée et ses richesses, le pressant de marcher sur Téhéran en vue d'une confrontation avec le clergé et le chah. Un tel acte aurait été totalement justifié par la croyance chiite. D'après le principe fondamental sous-jacent à la monarchie en Perse, le chah occupait uniquement des fonctions de régent : il administrait le royaume au nom de l'Imam Mahdi. Étant donné que la principale revendication du Báb fût qu'il incarnait cette autorité spirituelle tant attendue, et que les pensées et les esprits les plus avisés du royaume le reconnaissaient en tant que tel, Muhammad Sháh et Násiri'd-Dín Sháh auraient dû, pour être fidèles aux enseignements chiites, étudier ses revendications avec le plus grand respect et le plus grand soin. S'ils ne le firent pas, ce fut uniquement en raison de l'intervention des dirigeants politiques et religieux qui craignaient que le Báb ne menaçât l'autorité que leur position leur conférait.

En refusant de précipiter le dénouement, même au prix de sa propre vie, le Báb témoignait de manière décisive du caractère pacifique de sa mission et de sa confiance absolue dans les forces spirituelles qui, ainsi qu'il l'avait toujours dit, étaient son seul soutien.

Quels étaient donc ces enseignements qui, depuis le début, provoquaient une réaction si violente et pour lesquels le Báb et des milliers d'autres offraient si volontiers leur vie ? La réponse est loin d'être simple. Le message du Báb faisant plus spécifiquement référence aux problèmes théologiques de l'islam chiite, il est très difficile à des esprits occidentaux de comprendre une grande partie des questions dont traitent ses Écrits. Une des principales raisons du succès du Báb à convaincre des théologiens éminents et toute une foule de jeunes séminaristes fut, très certainement, sa maîtrise apparemment aisée des questions les plus abstruses et controversables de la jurisprudence, des prophéties et des croyances de l'islam.

Il semblait extraordinaire à ses interlocuteurs qu'un jeune homme si peu versé dans les domaines de la connaissance - qui étaient la principale préoccupation de l'intelligentsia en Perse - fût capable de confondre si facilement de vénérables théologiens qui avaient passé leur vie à les étudier et qui avaient fondé sur eux leur carrière sociale. Les premiers récits historiques des bábís s'attardent longuement sur les détails de ces commentaires et les effets qu'ils produisaient sur leurs interlocuteurs. Ces sujets paraissent souvent particulièrement obscurs au lecteur européen ou nord-américain .

[Nota: Une traduction du Bayán, Le Bayán Persan, fut faite en français par A.L.M. Nicolas, représentant consulaire du gouvernement français, qui vécut très longtemps en Perse.]

En dépit de cette maîtrise, le Báb n'encouragea pas les érudits, les membres du clergé et les séminaristes qui rejoignaient sa cause à cultiver un tel savoir. Il sera peut-être plus aisé de saisir les raisons de cette attitude en connaissant l'appréciation portée sur les études théologiques chiites par l'orientaliste britannique Edward Granville Browne. Browne a qualifié les traités, commentaires, surcommentaires et notes, qui passaient pour une activité intellectuelle dans la Perse du dix-neuvième siècle, de fatras illisibles, dont l'existence même devait être déplorée par des érudits sérieux, ajoutant que de grands islamologues partageaient son avis :

Shaykh Muhammad `Abduh, ancien grand muftí d'Égypte et chancelier de l'université d'al-Azhar - l'islam actuel n'a sans doute pas produit de penseur plus éclairé ni d'amoureux plus enthousiaste de la langue et de la littérature arabes - avait l'habitude de dire que toutes ces sottises devraient être brûlées, car elles ne faisaient qu'encombrer les bibliothèques, entretenir les lubies et masquer le savoir véritable. C'était l'avis d'un théologien renommé et érudit, aussi devons-nous n'avoir aucun scrupule à l'adopter...

[Nota: E.G. Browne, A Literary History of Persia, pp. 415-416.]

Ces idées avaient déjà été fortement exprimées par le Báb. Son principal ouvrage, le Bayán, prévoit un temps où, en Perse, l'héritage accumulé d'une énergie gaspillée serait entièrement détruit et les capacités intellectuelles de son peuple libérées des superstitions. Il y parle de la venue d'un âge qui verra apparaître de tout nouveaux domaines d'érudition et de science, et dans lequel même le savoir d'un jeune enfant surpassera de loin les connaissances courantes à son époque .

[Nota: Cité dans La Chronique de Nabíl, pp. 82-83. Les opposants musulmans à cette nouvelle foi faisaient courir le bruit qu'un État bábí détruirait tous les livres. Une fois qu'eut lieu la séparation d'avec l'islam chiite, Bahá'u'lláh abrogea de tels interdits; voir aussi Aqdas § 77. ]

Le message social du Báb est par conséquent bien plus intéressant que ses vastes commentaires théologiques. L'islam se différencie du christianisme principalement en ce qu'il met l'accent sur la révélation en tant que guide pour une organisation détaillée de la société. Le Qur'án prévoit l'établissement d'une société entièrement musulmane. Mohammed fit le premier pas dans cette direction lorsqu'il établit le premier État musulman dans la ville de Médine. Le fait que le début du calendrier musulman corresponde à l'hégire et à l'établissement de l'État musulman à Médine, alors que le calendrier chrétien commence avec la date de naissance présumée de Jésus, est très significatif. Loin de rendre à César ce qui appartient à César, les enseignements islamiques contiennent toute une série de directives d'ordre moral ayant trait à l'administration par l'État des affaires publiques. Les musulmans chiites s'attendaient à ce que, sans équivoque, l'Imam Mahdi, à son retour, montre la voie du salut à l'âme et réaffirme également le concept d'une nation appelant l'humanité à la droiture .

[Nota: Qur'án, 3: 104. Voir aussi 2: 143.]

C'est dans ce contexte que le message du Báb doit être compris. Les esprits et les cœurs de ses interlocuteurs étaient enfermés dans un monde mental qui n'avait que peu évolué depuis l'époque médiévale, si ce n'est pour devenir plus obscurantiste, isolé et fataliste .

[Nota: On peut se rendre compte de l'étendue de cette régression dans le régime établi en Iran après 1979 par la république islamique où l'on a mis entièrement en application les conceptions des mollahs chiites sur la nature et la société humaines. ]

Le Báb surmonta ce problème en créant le concept d'une société totalement nouvelle, une société qui, tout en conservant une grande partie des éléments culturels et religieux familiers à ses auditeurs, pourrait susciter, ainsi que les événements allaient le montrer, de nouvelles motivations particulièrement fortes. Il demanda au chah et au peuple de Perse de le suivre et de l'aider à établir cette nouvelle société. Pendant le peu de temps qui lui restait encore à vivre, il élabora un système de lois destiné à diriger les affaires publiques, à maintenir la paix et l'ordre public, à gérer les activités économiques, à réglementer les institutions sociales telles que le mariage, le divorce et l'héritage, et à développer les relations entre l'État bábí et les autres nations. Prières et méditations, sagesse prophétique et préceptes moraux furent révélés pour l'individu. Ces enseignements ont été décrits par un historien bahá'í comme volontairement rigides, complexes et stricts. Leur but était de provoquer une rupture avec le système de référence musulman des croyants et de les mobiliser en vue d'un rôle unique à jouer dans l'histoire de l'humanité .

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, voir pp. 23-27.]

Ce rôle est un thème que l'on retrouve dans chaque chapitre du Bayán, et auquel la transformation spirituelle et sociale de la Perse devait servir de prélude. Le Báb proclamait que le but principal de sa mission était de préparer la venue de la manifestation universelle de Dieu. Il se référait à ce sauveur en tant que " Celui que Dieu rendra manifeste ". Le Báb lui-même, bien que messager indépendant de Dieu au même titre que Moïse, Jésus et Mohammed, était le précurseur de celui que toutes les religions du monde attendaient. Le terme báb avait de bien plus grandes implications dans cette nouvelle révélation qu'il n'en avait dans l'islam; le Báb était la Porte permettant d'accéder à la manifestation de Dieu dont le message serait porté dans le monde entier.

Des passages du Bayán et d'autres Écrits du Báb traitent longuement de ce sujet central. Ils mettent en évidence le fait que le Báb considérait sa dispensation religieuse comme purement transitoire. Lorsque le Promis apparaîtrait, il révélerait des enseignements pour l'âge à venir et déciderait si le système bábí était ou non à conserver en partie :

" Mille lectures attentives du Bayán ne peuvent égaler la lecture attentive d'un seul des versets qui sera révélé par <Celui que Dieu rendra manifeste>... Le Bayán est aujourd'hui semblable à une graine; au début de la manifestation de <Celui que Dieu rendra manifeste>, sa perfection finale deviendra apparente... Le Bayán doit toute sa gloire à <Celui que Dieu rendra manifeste.>"

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 95. Pour des textes plus détaillés concernant les affirmations du Báb à ce sujet, voir le Báb, Sélections des Écrits du Báb, pp. 3-7 et pp. 141-145.]

Le Báb refusa de spécifier la date de la venue du Promis, mais il précisa que ce serait pour bientôt. Plusieurs de ses disciples apprirent qu'ils verraient de leurs propres yeux Celui que Dieu rendrait manifeste et auraient le privilège de le servir. Le Bayán et d'autres Écrits font référence de manière énigmatique à l'an neuf et à l'an dix-neuf. De plus, le Báb affirma catégoriquement que personne ne pourrait faussement prétendre être Celui que Dieu rendrait manifeste et parvenir à faire valoir un tel titre. Il mit en garde les bábís, afin qu'ils ne s'opposent à quiconque revendiquerait un tel titre mais observent plutôt le silence, de sorte que Dieu puisse accomplir sa propre volonté en la matière. Au fidèle et remarquable Vahíd par exemple, le Báb écrivit :

" Par la droiture de celui dont le pouvoir fait germer la graine et qui insuffle à toute chose l'esprit de vie, si je devais être assuré qu'au jour de sa manifestation tu le renierais, je te désavouerais sans hésitation et je répudierais ta foi... Si, d'autre part, on me disait qu'un chrétien, qui n'a pas juré fidélité à ma foi, crût en lui, celui-là je le considérerais comme la prunelle de mes yeux . "

[Nota: Cité dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 95, de Shoghi Effendi.]

L'État bábí par conséquent, s'il avait existé, n'aurait servi que d'agent réceptif pour le message du Promis à venir et pour sa rapide diffusion à travers le pays. Les martyres du Báb et de la majorité de ses plus proches disciples, ainsi que le massacre de plusieurs milliers de ses partisans, firent avorter cette vision avant même qu'elle ne pût se réaliser. En fait, il semblait en 1852 que la mission du Báb eût échoué et que sa foi fût sur le point de disparaître .

[Nota: Pour une vue rétrospective de la signification de la mission du Báb, voir : Douglas Martin, The Mission of the Báb, dans Bahá'í World, vol. 3, 1994-1995.]



3. BAHÁ'U'LLÁH

Éminent parmi la poignée de dirigeants bábís qui échappèrent aux massacres de 1848 à 1853 se trouvait un noble du nom de Mírzá Husayn `Alí.

[Nota: La principale source utilisée pour l'étude de la vie et de la mission de Mírzá Husayn `Alí, connu sous le nom de Bahá'u'lláh, est Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, chapitre V-VIII. Une bibliographie plus importante a été rédigée par H.M. Balyuzi, Bahá'u'lláh. Il existe aussi une autre source précieuse : une série d'études des Écrits de Bahá'u'lláh entreprise par Adib Taherzadeh, The Revelation of Bahá'u'lláh, vol. I-IV.]

Sa famille, qui appartenait à la vieille aristocratie terrienne de Perse, possédait de vastes propriétés dans la région de Núr, dans la province de Mázindarán.

[Nota: Sa famille descendait de l'une des grandes dynasties de la Perse préislamique, période qui témoigna d'un fort degré de culture, la dynastie des Sásánián. Balyuzi dans Bahá'u'lláh, p. 9-11, en donne tous les détails.]

Mírzá Husayn `Alí fut l'un des premiers à accepter le Báb en 1844, lorsque Mullá Husayn lui délivra un message du Báb en sa demeure familiale de Téhéran. Selon le récit de Mullá Husayn, il est clair qu'il partit à la recherche de Mírzá Husayn `Alí sur instruction spéciale du Báb. En fait, le Báb différa un pèlerinage à La Mecque prévu depuis longtemps, où il déclara publiquement sa mission pour la première fois, afin d'attendre la lettre de Mullá Husayn l'informant de l'issue de sa visite à Mírzá Husayn `Alí. Quatre de ses frères le suivirent dans cette nouvelle foi, dont un jeune demi-frère nommé Mírzá Yahyá. Étant donné que la plus grande partie des disciples du Báb était issue des classes religieuse, commerçante ou paysanne, la conversion de membres d'une famille influente parmi la caste dirigeante témoignait d'une évolution importante.

Pendant les trois ou quatre premières années, la position sociale de Mírzá Husayn `Alí, qui devint un enseignant actif de la nouvelle foi, le tint, dans une certaine mesure, à l'abri des attaques physiques que subissaient ses coreligionnaires. Ses activités étaient également protégées par une réputation d'intégrité personnelle tout à fait inhabituelle dans les sphères gouvernementales de son époque, où la corruption était une institution nationale dont dépendait toute promotion. Depuis plusieurs générations, certains membres de sa famille occupaient des postes de haute responsabilité politique. Son père, Mírzá `Abbás, était le Premier ministre de la province de Mázindarán. Né le 12 novembre 1817, Mírzá Husayn `Alí n'avait que vingt-deux ans à la mort de son père en 1839, ce qui n'empêcha pas qu'on lui offrît le poste de son père au gouvernement. Au grand étonnement de sa famille et de ses associés, il refusa cette nomination lucrative. Au lieu de cela, il consacra les quelques années qui suivirent à l'administration des domaines familiaux, à l'éducation et à la formation des plus jeunes membres de sa famille, ainsi qu'à toutes sortes d'actes de bienfaisance qui lui valurent de la part des habitants de la région le surnom populaire de Père des pauvres.

Lorsque, à l'âge de vingt-sept ans il devint disciple du Báb, Mírzá Husayn `Alí s'engagea avec énergie dans les activités de cette jeune foi qui subissait les premiers assauts des persécutions qui devaient suivre. Il voyagea beaucoup, fut responsable de la conversion d'un nombre important de personnes de valeur dont plusieurs membres de sa propre famille, et soutint financièrement une grande partie des activités d'enseignement des bábís dans différentes parties du pays.

Très tôt après sa déclaration de foi, Mírzá Husayn `Alí entama une correspondance avec le Báb qui se poursuivit jusqu'à l'exécution de celui-ci en 1850. En raison de cette correspondance et de son association étroite avec de remarquables bábís, tels Vahíd, Quddús, Mullá Husayn et Táhirih, ses coreligionnaires en vinrent progressivement à le considérer comme un guide qui les dirigeait dans leur compréhension des enseignements de leur foi. L'influence de Mírzá Husayn `Alí, en tant que dirigeant bábí, se manifesta à son plus haut degré lors de la conférence de Badasht en 1848, conférence qu'il organisa personnellement et guida indirectement, et qui révéla de manière spectaculaire la portée révolutionnaire des enseignements du Báb.

[Nota: Pour un rapport détaillé des événements de la conférence, voir la Chronique de Nabíl, de Nabíl-i-A`zam, p. 273-283.]

Un autre événement eut lieu à Badasht, qui devait avoir une portée incalculable. En reconnaissance du nouveau jour de Dieu qui s'était levé, Mírzá Husayn `Alí conféra à chacun des quatre-vingts participants un nouveau nom en rapport avec les qualités spirituelles de chaque individu. Ce fut à Badasht que la grande poétesse de Qazvín, Qurratu'l-`Ayn, reçut le nom de Táhirih (la Pure), désignation qui réduisit au silence ceux qui avaient objecté au fait qu'elle soit apparue publiquement sans voile. Pour lui-même, Mírzá Husayn `Alí choisit le titre de Bahá (Splendeur ou Gloire). Peu après la fin de la conférence, son autorité à conférer de tels titres fut sanctionnée par le Báb, qui écrivit toute une série de lettres aux participants de Badasht et s'adressa formellement à eux en utilisant les noms que leur avait attribués Mírzá Husayn `Alí lors de la conférence. À Bahá, le Báb adressa un document extraordinaire en forme d'étoile et calligraphié de sa propre main. Il se composait de trois cents courts versets, chacun d'entre eux étant un dérivé du mot Bahá, inclus dans le titre Bahá'u'lláh, Gloire de Dieu.

L'art de la calligraphie était un accomplissement culturel particulièrement prisé par les hommes de lettres persans, et le manuscrit en question fut considéré comme un chef-d'œuvre qui ne pouvait être égalé par aucun calligraphe entraîné - ouvrage si fin et si intriqué, selon les mots d'un écrivain que, vus de loin, les mots semblaient n'être qu'un fin lavis d'encre sur le papier.

[Nota: Nabíl-i-A`zam, La Chronique de Nabíl, p. 473.]

Mírzá Husayn `Alí fut connu par la suite auprès de ses coreligionnaires bábís et dans l'histoire sous le nom de Bahá'u'lláh.

Les nouvelles vagues de violences provoquées par la conférence de Badasht et ses répercussions engendrèrent une situation qui ne laissa plus aucun membre de la nouvelle foi à l'abri des attaques. Lorsque Bahá'u'lláh intervint pour protéger Táhirih ainsi qu'un certain nombre de ses compagnons qui avaient été arrêtés après la conférence, il fut lui-même emprisonné et reçut la bastonnade. Il subit de nouveau le même sort à quelque temps de là, ayant été arrêté alors qu'il se rendait à Shaykh-Tabarsí pour y rencontrer Quddús et Mullá Husayn. Une fois libéré, il fit des efforts répétés pour convaincre ses parents et amis qui occupaient des positions importantes (et qui le sermonnaient quant à ses activités) que les bábís étaient à la fois pacifiques et respectueux des lois. Il avertit ces personnes que, si le gouvernement n'assumait pas ses responsabilités en freinant les persécutions que suscitait le clergé, le royaume se retrouverait plongé dans des violences de masse, et que des troubles s'ensuivraient.

Cet avertissement ne s'avéra que trop exact lorsque, au cours de l'été 1852, deux jeunes bábís attentèrent à la vie du chah. Bahá'u'lláh fut arrêté avec d'autres éminents bábís, emmené à Téhéran et incarcéré dans une prison tristement célèbre, connue sous le nom de Síyáh-Chál, et ainsi décrite : " ... un cachot souterrain de Téhéran une répugnante fosse qui avait servi autrefois de réservoir d'eau pour l'un des bains publics de la ville. "

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 95-96.]

Bahá'u'lláh passa quatre mois dans le Síyáh-Chál, pendant lesquels une conflagration anti-bábíe fit rage dans toute la Perse. Les prisonniers du Síyáh-Chál vivaient sous la constante menace d'une mort imminente. Chaque jour, les bourreaux descendaient les marches, choisissaient une victime et l'emmenaient pour l'exécuter. Plusieurs condamnés furent exécutés sur place. Un marteau et un piquet furent parfois utilisés pour enfoncer un épais bâillon de bois dans la gorge de la victime, dont le corps était parfois laissé des heures, voire même des jours, enchaîné à ceux qui étaient encore en vie.

L'une de ces victimes du Síyáh-Chál, dont les récits ont été immortalisés dans l'histoire bahá'íe, était un jeune homme du nom de Sulaymán Khán, ancien cavalier dans l'armée impériale. Sulaymán Khán, qui ne craignait pas le danger, avait déjà risqué sa vie pour recouvrer la dépouille mortelle du Báb abandonnée au bord d'un fossé après son exécution à Tabriz. Lorsque vint son tour de mourir, les bourreaux creusèrent plusieurs trous dans le corps de Sulaymán Khán à l'aide de couteaux tranchants et y placèrent des bougies allumées. On le fit ainsi marcher dans les rues jusqu'à sa mort. La culture persane n'estime rien tant que le panache, et c'est, poussé à la fois par son exaltation spirituelle et par un certain sens du dramatique, que Sulaymán Khán parcourut les rues de la capitale, souriant lorsqu'il rencontrait des connaissances et récitant des vers de grands poètes classiques persans. Lorsqu'on lui demanda pourquoi il ne dansait pas s'il était vraiment si heureux, il satisfit ses bourreaux en entamant les lentes et majestueuses volutes d'une danse créée par les mystiques Mawlaví.

[Nota: Voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, pp. 74-75.]

Des spectacles aussi dramatiques dans la mort exerçaient une attraction irrésistible sur l'imagination des érudits et artistes occidentaux. Des personnalités aussi différentes que le comte de Gobineau, Sarah Bernhardt, Léon Tolstoï et Ernest Renan furent subjuguées par l'histoire tragique de ce jeune Báb et de sa troupe de héros. Edward Browne découvrit cette histoire pour la première fois dans les écrits du comte de Gobineau et consacra ensuite une grande partie de sa vie à l'étude des religions bábíe et bahá'íe. Browne décrivit ainsi les jeunes martyrs :

" Ce sont les vies et les morts de ces personnes, leur espérance qui ne connaît pas le désespoir, leur amour qui ne connaît pas la haine, leur constance qui ne connaît pas la défaillance, qui donnent à ce mouvement un caractère qui lui est propre. Car, quels que soient les mérites et démérites des doctrines pour lesquelles toutes ces personnes et des centaines de nos frères humains sont morts, ils ont au moins trouvé quelque chose qui les a rendus prêts à :
Abandonner toutes choses sous ces cieux,
Et partir nus sous le soleil et la pluie,
Et travailler et attendre et veiller toute leur vie.

Supporter ce qu'ils ont supporté n'est pas chose mince ni aisée, et certainement ce qu'ils considèrent comme plus cher que la vie elle-même mérite l'effort d'être compris. Je ne parlerai pas de l'influence importante que, je le pense, la foi bábíe jouera dans le futur, ni de la vie nouvelle qu'elle insufflera peut-être à un peuple mort; car, qu'il atteigne ou non son but, l'héroïsme magnifique des martyrs bábís restera un acte éternel et indestructible...

Mais ce que je ne peux espérer vous avoir transmis, c'est la terrible ferveur de ces hommes et l'influence indescriptible que cette ferveur, combinée à d'autres qualités, exerce sur tous ceux qui ont été effectivement amenés à les rencontrer. Sur ce dernier point, vous pouvez en croire ma parole... "

[Nota: Edward G. Browne, Bábism, dans Religious Systems of the World, p. 352-353.]

Bahá'u'lláh échappa par miracle à la pire de ces vagues successives de persécution. Les autorités civiles répugnèrent à le relâcher, car elles étaient conscientes du rôle important qu'il jouait dans la communauté bábíe. Cependant, en raison de la position sociale de sa famille et d'une intervention personnelle de l'ambassadeur russe, le prince Dolgorukov, il eut été particulièrement maladroit de l'exécuter sans un procès. Or un procès était impossible. Le coupable présumé de la tentative d'assassinat sur le chah avait, lors de son jugement, avoué son acte en présence d'un représentant envoyé par le gouvernement russe, et il avait totalement disculpé les dirigeants bábís, Bahá'u'lláh compris, de toute complicité.

[Nota: Le propre rapport du gouvernement persan, publié dans le journal officiel, le Rúznámiy-i-Vaqáyi`-i-Ittifáqíyyih, admet naïvement l'innocence de Bahá'u'lláh et celle de plusieurs autres personnes qui avaient été arrêtées arbitrairement, mais déclare qu'ils seront néanmoins punis : " Parmi les bábís qui sont tombés entre les mains de la justice, il en est six dont la culpabilité n'a pu être établie clairement et qui par conséquent ont été condamnés à l'emprisonnement à vie ". Le nom de Bahá'u'lláh figurait en second dans le rapport du journal. (Momen, Bábí and Bahá'í Religions, p. 141.) Le plaisir que met le rapport à décrire les tortures barbares pratiquées sur les victimes qui avaient été exécutées était également représentatif de la situation en Perse au dix-neuvième siècle.

Le nouveau Premier ministre, parent de Bahá'u'lláh, put en fin de compte persuader les membres de la famille royale qui souhaitaient l'exécution du prisonnier qu'il serait préférable de le bannir de la Perse.

[Nota: Mírzá Taqí Khán, le Premier ministre qui avait pris la direction des pogromes anti-bahá'ís fut lui-même exécuté en 1853 sur l'ordre du jeune chah jaloux de son pouvoir grandissant. Les plus habiles administrateurs de la période Qájár de l'histoire de la Perse subissaient fréquemment ce sort.

L'exil fut donc arrêté, après toutefois que le chah ait confisqué les biens de Bahá'u'lláh, que sa demeure à Téhéran ait été pillée, sa résidence secondaire entièrement détruite et que les œuvres d'art et manuscrits qu'il possédait soient parvenus entre les mains des hauts fonctionnaires du gouvernement persan (dont le Premier ministre lui-même).

Ainsi, dépourvu de ses biens, affaibli et marqué à vie par les dommages physiques qui lui avaient été infligés dans le Síyáh-Chál, Bahá'u'lláh fut exilé de son pays natal sans procès ni recours. Ceux qui le virent alors furent étonnés de constater qu'une expérience aussi destructrice avait plutôt renforcé son assurance et son pouvoir. Ce fut en fait là, dans ce trou noir du Síyáh-Chál, que se produisit l'événement le plus significatif de l'histoire bábíe et bahá'íe. Là, Bahá'u'lláh fut investi du manteau de Celui que Dieu rendra manifeste. Bahá'u'lláh décrivit cette expérience dans le cachot de sa prison au cours de laquelle lui fut dévoilée pour la première fois sa mission :

" Une nuit, en rêve, ces paroles exaltantes se firent entendre de tous côtés : " En vérité, Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t'afflige pas de ce qui t'est arrivé et ne sois pas effrayé, car tu es en sécurité. Bientôt Dieu fera paraître les trésors de la terre : des hommes qui t'aideront par toi-même et par ton nom, avec lesquels Dieu a ranimé les cœurs de ceux qui l'ont reconnu "... Pendant les jours où j'étais confiné dans la prison de Téhéran, quoique le poids irritant des chaînes et l'air empesté m'aient laissé peu de sommeil, il me semblait que, dans ces rares moments d'assoupissement, quelque chose s'écoulait du sommet de ma tête sur ma poitrine, ainsi qu'un torrent puissant se précipite sur la terre du sommet d'une montagne élevée. Tous mes membres prenaient alors feu. À ces moments-là, ma langue prononçait des paroles qu'aucun homme ne pourrait supporter d'entendre. "

[Nota: Cité dans Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 96.]

Ainsi Bahá'u'lláh fut-il l'objet de la révélation du Báb et le foyer de vérité pour ceux qui l'avaient suivi. Un signe important témoigne du fait que le Báb avait, dès le début, considéré Bahá'u'lláh comme celui dont il était venu lui-même préparer le chemin. Il l'avait signifié à quelques-uns de ses plus proches disciples et établi dans un remarquable extrait du Bayán :

" Bienheureux soit celui qui fixe son regard constant sur l'ordre de Bahá'u'lláh et rend grâce à son Seigneur ! Car il sera assurément rendu manifeste. Dieu en effet l'a décrété irrévocablement dans le Bayán. "

[Nota: Cité dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, de Shoghi Effendi, p. 136.]

Après quatre mois de détention dans le Síyáh-Chál, Bahá'u'lláh fut relâché tout aussi arbitrairement qu'il avait été emprisonné et fut informé qu'un décret formel du chah l'exilait avec toute sa famille et quiconque désirait l'accompagner. Ce n'est pas sans raison qu'il choisit alors de ne pas annoncer sa mission à ses disciples. Aussi, lorsqu'on lui offrit asile en Russie, choisit-il comme lieu d'exil la ville de Bagdad qui se trouve actuellement en Iraq, et qui était alors une province de l'Empire ottoman voisin. Progressivement, pendant les trois années qui suivirent, une petite colonie de bábís se réunit autour de lui ainsi que les membres de sa famille qui l'accompagnaient dans son exil. Parmi ces derniers se trouvait son plus jeune demi-frère, Mírzá Yahyá, qui s'enfuit de la Perse, déguisé, et rejoignit sa famille peu après leur arrivée en Iraq en 1853. Et c'est de cette recrue inattendue qu'une nouvelle forme d'opposition et de difficultés naquit.

L'histoire de Mírzá Yahyá est à la fois curieuse et pathétique. Les activités de Yahyá menacèrent gravement la mission de Bahá'u'lláh, et ses effets nourrissent encore actuellement certaines des attaques contre la communauté bahá'íe.

Mírzá Yahyá avait treize ans de moins que Bahá'u'lláh qui avait en grande partie supervisé son éducation. Calligraphe de talent, il servit pendant un temps de secrétaire personnel à Bahá'u'lláh. Ceux qui le connaissaient le décrivaient comme un être craintif et susceptible, facilement influençable. Il suivit passionnément son frère dans la foi bábíe et l'accompagna même lors de ses premiers voyages.

Mírzá Yahyá, de nature aimable, était respecté dans la communauté bábíe en raison de ses rapports étroits avec Bahá'u'lláh ainsi que de la position sociale de sa famille. À l'époque de la conférence de Badasht, le Báb, après avoir consulté Bahá'u'lláh et un autre éminent bábí, déclara par écrit que Yahyá serait le chef nominal de la communauté bábíe s'il venait à mourir. Rétrospectivement, il apparaît évident que le but de cette nomination était de créer un canal par lequel Bahá'u'lláh continuerait à gérer les affaires de cette nouvelle foi tout en évitant le risque que représentait l'addition d'une nomination formelle au rang éminent qu'il avait déjà acquis.

[Nota: Et, cependant, l'arrêté expulsant Bahá'u'lláh de Perse (l'original existe toujours) ne mentionne que lui seul, aucune référence n'étant faite à Mírzá Yahyá.]

Yahyá, à l'époque de cette nomination, se trouvait dans une position où sa personne n'était pratiquement pas en danger, car il vivait en grande partie retiré sur les terres de sa famille dans le nord du pays, d'où il s'enfuit lorsque les troubles atteignirent cette région.

[Nota: Voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, chapitre VII et X. Voir aussi 'Abdu'l-Bahá , A Traveller's Narrative, p. 53.]

Le groupe d'exilés s'était cependant à peine installé en Iraq que Yahyá succomba à l'offre répétée d'un personnage persuasif, un étudiant en théologie musulmane du nom de Siyyid Muhammad. Siyyid Muhammad qui, semble-t-il, aurait voulu devenir une autorité doctrinale dans la communauté bábíe, poussa Yahyá à se défaire de la tutelle de son frère et à assumer pour lui-même la direction de la religion bábíe.

[Nota: Voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, chapitre X; voir aussi Balyuzi, Bahá'u'lláh, p. 112-114.]

Yahyá hésita pendant un certain temps; mais, encouragé par Siyyid Muhammad, il finit par se séparer de Bahá'u'lláh et revendiqua les pouvoirs et prérogatives du successeur du Báb martyrisé.

La réponse de Bahá'u'lláh aux actes de Yahyá laisse entrevoir son caractère. Plutôt que d'engager un conflit qui aurait mis en danger l'unité et la survie d'une communauté bábíe déjà démoralisée, Bahá'u'lláh se mit en route, sans prévenir, pour les montagnes qui avoisinaient Sulaymáníyyih, dans le Kurdistán. Pendant presque deux ans, il resta à l'écart de la communauté bábíe. Cet exil qu'il s'imposa dans le désert du Kurdistán rappelle des périodes semblables dans la vie des fondateurs des autres grandes religions. Il apparut clairement plus tard que ce fut pour lui une période de grande créativité. Sa mission commença à prendre une forme définitive dans son esprit, à s'articuler autour des méditations, prières et poèmes qu'il composa pendant ces mois d'isolement. Quelques-uns des premiers éléments de son message au monde nous sont parvenus dans le persan original.

Tandis que Bahá'u'lláh était à Sulaymáníyyih, les affaires de la communauté bábíe étaient entièrement entre les mains de Yahyá assisté de son nouveau mentor, Siyyid Muhammad. Il en résulta une quasi-anarchie dans la petite communauté d'exilés bábís. En moins de vingt-quatre mois, une vingtaine d'âmes désespérées firent valoir différents titres dans le but d'usurper une autorité vacillante, et Mírzá Yahyá se retira, laissant Siyyid Muhammad régler les problèmes théologiques soulevés du mieux qu'il pouvait. Le soi-disant dirigeant avait démontré son incapacité à occuper la position qu'il avait si vigoureusement cherché à obtenir. La leçon n'était pas perdue pour la majorité de ses compagnons bábís.

Alors que la situation se détériorait rapidement, plusieurs exilés firent des efforts désespérés pour localiser Bahá'u'lláh et tenter de le faire revenir. Finalement, l'un des plus zélés découvrit Bahá'u'lláh après avoir entendu des rumeurs concernant un saint homme qui vivait dans les montagnes. Même Yahyá se joignit à sa famille et aux autres bábís pour demander à Bahá'u'lláh de revenir et d'assumer la direction de la communauté. Le 19 mars 1856, Bahá'u'lláh accéda à ces demandes.

Les sept années qui suivirent furent les témoins d'une transformation étonnante du sort de la communauté bábíe. Par l'exemple, l'exhortation et une discipline énergique, Bahá'u'lláh redonna à la communauté la force morale et spirituelle qu'elle avait acquise durant la vie du Báb. Mírzá Yahyá resta entièrement dans l'ombre, et la réputation de Bahá'u'lláh en tant que leader spirituel se répandit dans tout Bagdad et dans les régions avoisinantes. Des princes, des érudits, des mystiques, des hauts fonctionnaires du gouvernement ainsi que d'autres Persans éminents venaient le rencontrer.

À Bagdad, Bahá'u'lláh composa le Kitáb-i-Íqán ou Le Livre de la certitude, dans lequel il déroulait le panorama du plan rédempteur de Dieu pour l'humanité. Le livre contient une présentation détaillée des enseignements de Bahá'u'lláh sur la nature de Dieu, le sens de la succession des Manifestations divines et l'évolution spirituelle de l'humanité. Il se termine par une démonstration de l'authenticité de sa propre mission. Au cours des années qui suivirent, l'Íqán devint le plus influent des Écrits de Bahá'u'lláh et servit de support à la propagation des croyances bahá'íes.

Cependant, l'influence grandissante de Bahá'u'lláh fit naître une peur intense et des soupçons dans l'esprit du chah et des membres de son gouvernement qui protestèrent à tour de rôle auprès du gouvernement ottoman. Soudain, sans avertissement, en avril 1863, Bahá'u'lláh et sa famille furent informés que le gouvernement ottoman avait accédé aux demandes du gouvernement persan et envoyait les réfugiés loin des frontières de leur pays natal. Ils devaient aller s'établir à Constantinople (actuellement Istanbul).

Alors que les préparatifs pour le départ avançaient, Bahá'u'lláh transféra provisoirement sa résidence dans un jardin situé sur une île du Tigre, que les bahá'ís connaissent sous le nom qu'il lui donna alors, le jardin du Ridván. C'est dans ce jardin qu'il annonça à une petite poignée de ses disciples les plus proches qu'il était Celui que Dieu rendra manifeste, le messager universel de Dieu promis par le Báb et par les Écrits des précédentes religions. L'histoire bahá'íe fait référence à l'expérience de Bahá'u'lláh dans le Síyáh-Chál comme étant l'aurore de sa révélation. Lors de sa déclaration dans les jardins du Ridván, il dévoila explicitement son titre à ceux qui l'entouraient, et le cours de l'histoire bábíe en fut à jamais modifié. Cet événement est célébré aujourd'hui à travers le monde comme étant la principale fête de la foi bahá'íe, bien que son impact n'ait été ressenti que quatre ans plus tard, lors de la déclaration publique de la mission de Bahá'u'lláh.

[Nota: La fête du Ridván dure douze jours, du 21 avril au 2 mai, les premier, neuvième et douzième jours étant considérés comme des jours saints bahá'ís. Les élections bahá'íes ont lieu pendant cette période.]

Le 16 août 1863, le groupe d'exilés arriva dans la capitale de l'empire ottoman, Constantinople, après un voyage de plus de trois mois; leur séjour devait être de courte durée. Les rapports entre les Empires ottoman et persan étaient tendus depuis longtemps, ponctués de fréquentes escarmouches, d'intrigues sans fin et par l'annexion constante de petits territoires. Le gouvernement du chah - qui craignait que les exilés, en raison de leur lien avec la Perse, ne deviennent un outil de pression dans la politique turque - se sentit de plus en plus menacé par la décision prise d'installer le groupe dans la capitale ottomane. L'ambassadeur persan, Mírzá Husayn Khán, commença alors à faire pression sur les autorités turques pour qu'elles envoient les bábís dans une région de l'empire encore plus reculée.

[Nota: Les autorités turques résistèrent tout d'abord à cette pression.`Alí PáMU%0shá, le Premier ministre aurait dit, d'après l'ambassadeur d'Autriche, le comte von Prokesch-Osten, qu'il avait une grande vénération pour Bahá'u'lláh et le considérait comme une personne de haute distinction, à la conduite exemplaire, de grande modération et de grande dignité. Momen, Bábí and Bahá'í Religions, p. 187.]

De plus, il les mit en garde contre les bábís qui étaient, expliqua-t-il, les ennemis de l'ordre établi et une menace toute particulière pour une société aussi cosmopolite et instable que l'Empire ottoman. Ses efforts aboutirent. Au début du mois de décembre 1863, Bahá'u'lláh, sa famille et ses compagnons furent brusquement bannis, une fois encore sans avertissement préalable, à Andrinople (connue actuellement sous le nom d'Edirne), dans la partie européenne de la Turquie.

[Nota: Pour des extraits de correspondance entre le ministère des Affaires étrangères de Perse et leur ambassadeur à Istanbul à propos des exilés bahá'ís, voir Edward G. Browne, Materials for the study of the Bábí Religions, p. 278-287.]

À Andrinople commença une nouvelle étape de l'histoire bahá'íe. Déjà l'impact de la personnalité de Bahá'u'lláh sur un flot constant de visiteurs qui cherchaient à le rencontrer, les transformations apparemment miraculeuses qu'il effectua dans la communauté de Bagdad, son importante correspondance avec les groupes de bábís persécutés à travers la Perse et son influence sur eux faisaient de lui le pivot de la foi bábíe. Les prémisses de sa déclaration dans les jardins du Ridván étaient discutées ouvertement parmi les bábís. Étant donné la réceptivité de la communauté, Bahá'u'lláh décida que le moment était venu de déclarer publiquement sa mission.

La première étape de cette proclamation était d'informer Mírzá Yahyá, dépositaire nominal de la foi bábíe, de la nature de sa mission. C'est pourquoi, dans une déclaration écrite connue sous le nom de Súriy-i-Amr, Bahá'u'lláh revendiqua le titre de " Celui que Dieu rendra manifeste " et mit Yahyá en demeure de le reconnaître et de lui apporter son soutien ainsi que le Báb l'en avait explicitement chargé.

[Nota: Voir The Revelation of Bahá'u'lláh, d'Adib Taherzadeh, vol. 2, p. 161-162.]

La réponse, cependant, tarda à venir. Peu après l'arrivée des exilés à Andrinople, Yahyá, encouragé une nouvelle fois par Siyyid Muhammad, entreprit toute une série de machinations destinées à regagner le rang qu'il avait perdu. Après qu'elles aient toutes échoué, Yahyá tenta par deux fois de faire assassiner son frère. C'est peu après la seconde de ces deux tentatives que la déclaration de Bahá'u'lláh lui fut lue.

Yahyá hésita un court moment puis étonna la communauté bábíe en proclamant que c'était lui, et non pas Bahá'u'lláh, qui était la Manifestation de Dieu promise par le Báb. Sa réaction eut au moins le mérite de clarifier une situation que sa conduite antérieure avait rendue confuse et pénible. Pratiquement du jour au lendemain, Yahyá fut abandonné par la presque totalité des bábís d'Andrinople et par la plus grande partie de ceux qui se trouvaient en Perse et en Iraq, y compris par les membres encore en vie de ceux de la famille du Báb qui étaient croyants. Edward Browne estima que pas plus de trois à quatre pour cent d'entre eux restèrent attachés à Yahyá, tous les autres ayant reconnu Bahá'u'lláh. C'est à partir de ce moment-là que les bábís commencèrent à se désigner sous le terme de bahá'ís et que la foi bahá'íe émergea en tant que religion distincte.

[Nota: Voir Taherzadeh, The Revelation of Bahá'u'lláh, vol. 1 : Ceux qui suivirent Mírzá Yahyá furent connus sous le nom d'Azalís, d'après le titre donné par le Báb à Yahyá, Subh-i-Azal.]

Ayant établi son autorité parmi les disciples du Báb, Bahá'u'lláh porta toute son attention sur sa mission. À partir du mois de septembre 1867, il écrivit toute une série de lettres qui prennent place parmi les documents les plus remarquables de l'histoire des religions. Elles étaient adressées collectivement aux rois de la terre, et de manière individuelle à certains monarques en particulier. Il y déclarait être le Promis de la Torah, des Évangiles et du Qur'án et demandait aux souverains de se lever pour la défense de sa cause. Ces lettres contenaient des mises en garde dramatiques : le monde du dix-neuvième siècle serait entièrement déchiré; une civilisation mondiale naîtrait. Le mot-clef de ce nouveau monde serait l'unité de toute la race humaine. Bahá'u'lláh sommait plus spécifiquement les puissants dirigeants de l'Europe de subordonner tous leurs projets à l'unification du monde:

" Le temps doit venir où sera universellement ressentie l'impérieuse nécessité d'une vaste assemblée d'hommes représentant le monde tout entier. Les dirigeants et rois de la terre devront y assister, prendre part à ses délibérations et aviser aux voies et moyens propres à établir entre les hommes les fondements de la grande paix du monde... Il n'appartient pas à celui qui aime sa patrie de s'enorgueillir, mais plutôt à celui qui aime le monde entier. La terre est un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 163-164. Les lettres de Bahá'u'lláh aux dirigeants du monde, à la fois collectivement et individuellement, ont été compilées par la Maison Universelle de Justice dans le livre La Proclamation de Bahá'u'lláh.]

Ces lettres affirmaient que Dieu avait mis en œuvre des forces historiques auxquelles aucun projet humain ne pourrait résister. Il y expliquait aux souverains qu'ils avaient été investis du pouvoir par Dieu dans le seul but de servir les besoins de l'humanité et d'établir la paix internationale, la justice sociale et l'unité du monde. Les gouvernements qui essaieraient d'utiliser leurs pouvoirs pour résister à ce processus d'unification de l'humanité attireraient les pires calamités sur eux-mêmes et sur leur pays.

La proclamation publique avait à peine commencé que la jeune foi recevait un nouveau coup dont les effets persistent encore aujourd'hui. Il venait une fois encore de Mírzá Yahyá. Le fait que Yahyá ait rejeté la mission de Bahá'u'lláh mit fin à son influence sur les disciples du Báb. Yahyá avoua plus tard au professeur Browne que les autres exilés l'avaient abandonné au point d'avoir été obligé à plusieurs reprises d'aller lui-même au marché chercher sa nourriture. Il conservait cependant le soutien de Siyyid Muhammad et de deux autres exilés à Andrinople. Ce petit groupe semble avoir cherché le moyen d'empêcher la complète conversion des disciples du Báb qui avait commencé dans toute la Perse et dans les territoires ottomans. Les lettres de Bahá'u'lláh aux rois firent naître dans leur esprit un moyen de parvenir à leurs fins.

À cette date, l'Empire ottoman, délabré, était à deux doigts de la désagrégation. Les pressions exercées par les nombreuses minorités qui constituaient l'empire étaient particulièrement vives et incessantes dans les territoires européens au-delà d'Andrinople, où de nouveaux États tels que la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro se séparaient de l'empire. L'ambassadeur persan à Constantinople, Mírzá Husayn Khán, essayait par tous les moyens de convaincre les autorités turques que le groupe d'exilés bahá'ís constituait un danger à la fois politique et religieux. Mírzá Yahyá et Siyyid Muhammad cherchèrent donc à présenter les messages de Bahá'u'lláh aux rois sous cet aspect. Des lettres anonymes mettant le gouvernement en garde contre une conspiration politique furent acheminées vers Constantinople. On accorda créance à ces histoires, certainement en raison du flot constant de visiteurs qui, de tous les coins de l'empire, cherchaient à rencontrer Bahá'u'lláh à Andrinople, et également parce que les autorités locales semblaient être tombées elles aussi sous son charme.

[Nota: Momen, dans Bábí and Bahá'í Religions (p. 198-200), énumère toute une série de documents des Archives nationales ottomanes relatant cette campagne menée par Mírzá Yahyá. L'un d'eux est un rapport de Khurshíd Páshá, le gouverneur d'Andrinople, aux autorités centrales, expliquant que Bahá'u'lláh portait plainte à juste titre contre les activités de Yahyá et de ses partisans.]

Il était connu que les gouvernements britannique et russe avaient offert leur protection à Bahá'u'lláh lors des premières persécutions contre les bábís, ce qui ne faisait que renforcer les craintes du gouvernement ottoman quant à la validité des accusations portées par Yahyá. Il fut décidé de résoudre une fois pour toutes le problème de la communauté exilée. Le sultan `Abdu'l-`Azíz promulgua un ordre impérial, sans recours, condamnant les exilés d'Andrinople à l'emprisonnement à vie dans la colonie pénitentiaire de Saint-Jean-d'Acre en Palestine. Le 21 août 1868, au matin, Bahá'u'lláh, accompagné de quelque soixante-dix à quatre-vingts membres de sa famille et proches compagnons, embarquait à bord d'un vapeur à Gallipoli; et, après une terrible traversée de dix jours, ils furent débarqués sous bonne escorte à la porte qui permettait d'accéder de la mer à la sinistre forteresse de Saint-Jean-d'Acre.

L'ironie du sort voulut que Mírzá Yahyá et Siyyid Muhammad soient pris dans le filet qu'ils avaient eux-mêmes tendu. Soupçonnant Yahyá de faire également partie de la conspiration, les autorités turques l'envoyèrent comme prisonnier dans l'île de Chypre, accompagné de trois autres prisonniers bahá'ís qui, espérait-on, feraient obstacle à ses activités.

[Nota: Yahyá mourut en 1912 alors qu'il se trouvait encore en exil à Chypre. C'était la fin de sa destinée ainsi qu'en témoigne une lettre écrite par l'un des fils de Yahyá au professeur Browne. Il y décrivait son père comme déplorant amèrement l'état d'oubli dans lequel il était tombé et il se plaignait qu'il avait été nécessaire d'organiser pour Yahyá un enterrement musulman ordinaire sous l'égide du mollah local (savant docteur en droit canonique), car nous n'avons pu trouver là aucun témoin du " Bayán " (c'est-à-dire des disciples du Báb). Ce même fils déclara par la suite qu'il désirait vendre les originaux d'un certain nombre des écrits de son père, mais Browne refusa, le prix fixé était, à mon avis, excessif... E. G. Browne, Materials, p. 314-315.]

Siyyid Muhammad et l'un de ses acolytes accompagnèrent le groupe d'exilés bahá'ís à Saint-Jean-d'Acre pour les mêmes raisons.

Saint-Jean-d'Acre fut choisi parce que l'on pensait en toute confiance que Bahá'u'lláh ne pourrait pas survivre à une telle expérience. Dans les années 1860, cette ville prison était un lieu pestilentiel, un abri pour les criminels de tout l'empire, une lapinière aux allées labyrinthiques et aux bâtiments croulants et humides. Des vents dominants et la marée balayaient sur ses rivages tous les déchets de la Méditerranée, instaurant un climat si malsain que, selon le dicton populaire, tout oiseau survolant Saint-Jean-d'Acre tombait aussitôt mort dans les rues.

Les deux premières années de l'emprisonnement des bahá'ís furent des années de privations intenses et de tribulations. De Constantinople, l'ambassadeur persan envoya des ordres pour qu'un agent de son gouvernement fût installé à Saint-Jean-d'Acre dans le but de s'assurer que les autorités locales ottomanes appliquaient à la lettre les dures clauses du décret. Un certain nombre d'exilés moururent du traitement auquel ils étaient soumis; parmi eux le second fils de Bahá'u'lláh, Mírzá Mihdí, qui perdit la vie dans un accident tragique dû aux conditions de vie dans la prison. Un certain allégement fut apporté à leurs maux en 1870, lorsque la forteresse fut réquisitionnée pour servir de camp militaire pendant une période de tension entre la Turquie et la Russie; les prisonniers furent hébergés dans des maisons louées et autres bâtiments.

Progressivement en dépit du préjugé public initial, l'influence de Bahá'u'lláh commença à se faire sentir, tout comme à Bagdad et à Andrinople. Des gouverneurs compatissants réduisirent le nombre de gardes, et des voix influentes commencèrent à exprimer leur admiration et leur intérêt. Un nouveau coup les frappa alors. Siyyid Muhammad et deux de ses compagnons, frustrés par l'amélioration de la situation des prisonniers, commencèrent à soulever la classe populaire de la ville afin de provoquer une attaque contre la demeure de Bahá'u'lláh - attaque qui, espéraient-ils, conduirait à sa mort.

Cette nouvelle menace s'avéra être une provocation trop grande pour certains exilés. Ignorant les principes de non-violence et la confiance en la volonté divine qu'ils professaient, sept d'entre eux prirent l'affaire en main. Après avoir délibérément provoqué une bagarre, ils tuèrent Siyyid Muhammad et ses complices.

Ces meurtres engendrèrent un recul bien plus grand pour la foi que tout ce qu'aurait pu tenter Siyyid Muhammad. Ils attisèrent le feu mourant des accusations portées contre les exilés par les opposants du clergé musulman. Quant à Bahá'u'lláh, le choc provoqué par cet incident le marqua bien plus sévèrement que l'emprisonnement physique parce qu'il souillait l'intégrité de son travail. Dans une lettre écrite à cette époque, il dit :

" Ma captivité ne peut me couvrir de honte. Non ! par ma vie, elle me confère la gloire. Ce qui peut me faire honte est la conduite de ceux de mes disciples qui déclarent m'aimer et qui, en fait, suivent le Malin. "

[Nota: Cité dans Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 181.]

En temps voulu, un tribunal civil établit que ces accès de violence n'avaient été sanctionnés ni par Bahá'u'lláh ni par la majorité des bahá'ís de Saint-Jean-d'Acre, et seuls les coupables furent punis. Les passions tombèrent progressivement. Entre-temps, Bahá'u'lláh avait repris la série de lettres adressées aux rois et souverains, série interrompue par son départ d'Andrinople. Des lettres individuelles furent adressées à l'empereur Louis Napoléon, à la reine Victoria, au kaiser Wilhelm I, au tsar Alexandre II, à Násiri'd-Dín-Sháh en Perse, à l'empereur François-Joseph d'Autriche et au sultan ottoman, `Abdu'l-`Azíz.

Dans ces lettres, Bahá'u'lláh demandait aux monarques de s'unir pour créer un tribunal international qui aurait le pouvoir de régler les litiges entre les nations. Ce gouvernement mondial embryonnaire dit-il, devrait être secondé par une force armée internationale qui serait entretenue par les États membres et utilisée pour faire respecter les solutions pacifiques apportées à tout conflit international.

[Note du traducteur : pour de plus amples informations voir p. 172.,]

Ces lettres contenaient également des prescriptions destinées à créer un sens de la communauté parmi les peuples du monde. Bahá'u'lláh recommandait par exemple la création d'une langue auxiliaire internationale qui permettrait à chaque société de conserver sa propre identité culturelle tout en bénéficiant de la possibilité de communiquer avec toutes les races et toutes les nations. Un système d'éducation obligatoire assurerait un certain degré d'instruction à l'échelle mondiale; un système international de poids et mesures établirait des normes communes à une économie mondiale; les dépenses militaires seraient sévèrement réduites et les impôts utilisés pour le bien-être social. Il encourageait les monarques à accepter certains principes démocratiques de base dans la conduite des affaires internationales.

Étant donné la surveillance étroite à laquelle étaient soumis les exilés, ces messages extraordinaires furent sortis subrepticement de la prison sous les vêtements de visiteurs complaisants. Le consul français remit personnellement le premier message de Bahá'u'lláh à l'empereur Louis Napoléon.

Des messages énergiques furent aussi adressés aux dirigeants religieux du monde, y compris au pape Pie IX. Ils mettaient les chefs religieux au défi de rejeter les dogmes et leur attachement à leurs fonctions de dirigeants séculiers et d'examiner sérieusement les revendications avancées par Bahá'u'lláh. C'était originellement le clergé, affirmaient les lettres, qui avait été le premier à rejeter et à persécuter les fondateurs de chacune des grandes religions du monde.

La lettre adressée au pape Pie IX présente un intérêt particulier pour les étudiants en histoire des institutions en ce qu'elle prescrit certaines mesures que les successeurs du pape n'ont pu éviter de prendre. Il demandait au souverain pontife de remettre sa souveraineté temporelle sur les États pontificaux entre les mains d'un gouvernement séculier, de sortir des palais du Vatican pour rencontrer les dirigeants d'autres religions, de se présenter devant les souverains du monde et de les appeler à la paix et à la justice, de renoncer au cérémonial excessif qui entourait sa personne et d'être comme l'a été ton Seigneur. De la même manière, il adjurait le clergé catholique :

" Ne vous retranchez pas dans des églises et des monastères. Sortez, avec ma permission, et œuvrez pour le bien de vos âmes et des âmes de vos semblables. Ainsi vous l'ordonne le Roi du jour du Jugement. Retranchez-vous dans la forteresse de mon amour. Cette retraite, en vérité, est bénéfique, si vous êtes de ceux qui comprennent... Celui qui ne prit point femme (Jésus) ne trouva aucun lieu où demeurer ou même poser la tête en raison des manigances des impies. Sa sainteté ne repose pas sur ce que vous croyez ou imaginez mais plutôt sur ce que Nous possédons. "

[Nota: Cité dans La Proclamation de Bahá'u'lláh, de Bahá'u'lláh, p. 92-93.]

Aucune de ces lettres ne reçut de réponse conséquente de la part de ceux à qui elles furent adressées. Parmi les quelques réactions enregistrées, on peut noter celle de la reine Victoria qui aurait dit simplement : " Si cela vient de Dieu, cela durera; s'il n'en est rien, cela ne peut faire de mal. "

[Nota: Cité dans The Promised Day Is Come, de Shoghi Effendi, p. 65.]

Le temps passant toutefois, ces lettres attirèrent l'attention en raison de l'accomplissement étonnant de certaines des prophéties individuelles qu'elles contenaient.

[Nota: En 1870, une année après que la lettre ci-dessus mentionnée fut remise au pape Pie IX, le souverain pontife se retrouva dépouillé de son rôle de monarque indépendant. Les forces armées de la révolution nationale italienne le forcèrent à rendre les États pontificaux au roi Victor Emmanuel. Le pape se retira alors volontairement comme prisonnier du Vatican.]

L'empereur Louis Napoléon, apparemment le dirigeant le plus puissant de l'Europe à cette époque, fut mis en garde contre son manque de sincérité et le mauvais usage qu'il faisait de son pouvoir :

" Ton royaume sera jeté dans le trouble, et ton empire t'échappera en signe de châtiment pour ce que tu as œuvré... Ta splendeur t'aurait-elle rendu fier ? Par ma vie ! Elle ne durera point... "

[Nota: Cité dans Bahá'í World Faith, de Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , p. 50.]

En l'espace de deux ans, l'empereur perdit son trône et son empire dans la débâcle totalement imprévue de Sedan, et il fut lui-même exilé de son pays natal.

[Nota: Alistair Horne, autorité éminente en la matière, dit : L'histoire ne connaît peut-être pas d'exemple plus étonnant de ce que les grecs appelaient " peripateia ", cette terrible chute des hauteurs glorieuses. Certes, aucune nation des temps modernes, si pleine d'apparente grandeur et regorgeant de biens matériels, n'a été soumise à pire humiliation en si peu de temps. The Fall of Paris, London, Macmillan, 1965, p. 34.]

Par la suite, le kaiser Wilhelm 1er, récemment proclamé empereur d'une Allemagne unifiée, reçut un avertissement similaire. Son orgueil et son désir de dominer attireraient contre l'Allemagne les épées du châtiment qui couvriraient de sang les rives du Rhin. De semblables menaces furent adressées au tsar de Russie, à l'empereur François-Joseph d'Autriche et au chah de Perse.

Particulièrement explicites furent les lettres adressées au sultan turc `Abdu'l-`Azíz et à son Premier ministre `Alí Páshá, qui tenaient entre leurs mains la vie du prisonnier de Saint-Jean-d'Acre. Ces lettres prédisaient la mort de `Alí Páshá et de son collègue Fu'ád Páshá, qui était alors ministre des Affaires étrangères, ainsi que la perte des possessions turques en Europe et la chute du sultan lui-même. L'accomplissement de toutes ces prophéties accrut de manière significative le prestige qui grandissait sans cesse autour du nom de Bahá'u'lláh.

[Nota: Shoghi Effendi a consacré un livre entier à ce sujet, The Promised Day Is Come. Un universitaire musulman éminent, qui devait devenir le plus grand érudit de la foi bahá'íe dans le Proche-Orient, Mírzá Abu'l-Fadl, se convertit lorsqu'il constata la réalisation de ces prédictions.]

La période de dix années qui débuta en 1863, année de la déclaration officielle de la mission de Bahá'u'lláh, se termina par l'achèvement d'un ouvrage qui est considéré aujourd'hui par les bahá'ís comme le centre de la révélation de Bahá'u'lláh, le Kitáb-i-Aqdas (littéralement le Plus Saint Livre).

Le Kitáb-i-Aqdas pourvoit à l'établissement et la perpétuation de l'autorité que Bahá'u'lláh avait adjuré l'humanité d'accepter. Il débute par une réitération de l'affirmation de Bahá'u'lláh d'être le Roi des rois dont la mission n'est autre que l'établissement du royaume de Dieu sur terre. Ses deux thèmes centraux sont, d'une part, la proclamation des lois qui transformeront les âmes des individus et guideront l'humanité collectivement et, d'autre part, la création d'institutions par l'intermédiaire desquelles la communauté de ceux qui l'auront reconnu sera dirigée. Ces deux thèmes sont développés dans les chapitres 7 et 8. Il suffira de noter ici que le système de l'Aqdas remplace totalement, pour les bahá'ís, à la fois les lois islamiques que le Báb n'avait pas abrogées et le code strict que le Báb avait lui-même établi. Le djihad, ou usage de la force, fut explicitement interdit, de même que toute forme de discorde religieuse.

[Nota: Voir Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 199-200. Pour un bref résumé du contenu du Kitáb-i-Aqdas, voir Synopsis et Codification des lois et ordonnances du Kitáb-i-Aqdas.]

La séparation d'avec l'islam étant totalement réalisée, la stricte condamnation des études théologiques formulée par le Báb fut elle aussi annulée. Les bahá'ís étaient encouragés à rester ouverts à la vérité, où qu'ils puissent la rencontrer :

" Avertissez ... les bien-aimés du seul vrai Dieu de ne pas considérer d'un œil trop critique les dires et écrits des hommes. Qu'ils abordent plutôt de tels dires et écrits avec largeur d'esprit et tendre sympathie. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 217.]

L'achèvement du Kitáb-i-Aqdas inaugura la dernière phase du ministère de Bahá'u'lláh. L'isolement imposé par le décret d'exil du sultan s'estompait. Pratiquement deux décades de travail créateur s'ensuivirent, principalement consacrées à la révélation d'un grand nombre d'Écrits qui synthétisaient la vision de Bahá'u'lláh sur le futur de l'humanité. Des dignitaires dans toute la Palestine devinrent tout d'abord d'ardents admirateurs puis des adeptes confirmés. Un ecclésiastique musulman de renom, le mufti de Saint-Jean-d'Acre, accepta cette nouvelle foi, et le gouverneur de la cité refusait d'entrer en la présence de Bahá'u'lláh sans avoir d'abord ôté ses chaussures en signe de respect. Les portes de la prison de la ville étaient ouvertes à un flot constant de pèlerins dont le récit des expériences et les lettres envoyées depuis Saint-Jean-d'Acre nourrissaient les communautés bahá'íes en Perse et en Iraq. À la demande de Bahá'u'lláh, des travaux d'ordre public - tels que la reconstruction de l'ancien aqueduc destiné à ravitailler Saint-Jean-d'Acre en eau fraîche - aidèrent à vaincre l'hostilité des habitants à laquelle le groupe d'exilés avait été confronté dès son arrivée en 1868.

En 1877, Bahá'u'lláh accepta de quitter Saint-Jean-d'Acre pour se rendre non loin de là dans une propriété du nom de Mazrá'ih, qui avait été préparée par ses amis pour en faire sa résidence. Deux années plus tard, les exilés obtinrent à la limite de la ville, une magnifique demeure en location pour une somme dérisoire, parce que son riche propriétaire avait quitté la région par peur d'une épidémie menaçante.

C'est dans cette résidence, connue sous le nom de Bahjí (joie), que Bahá'u'lláh reçut le professeur Browne, l'un des rares Occidentaux que l'on sache lui avoir rendu visite et avoir écrit à son propos. Fasciné par l'histoire des martyrs bábís, Browne se résolut à écrire l'histoire des religions bábíe et bahá'íe :

" Je me trouvais alors, dans une vaste pièce, au fond de laquelle se trouvait un divan bas, tandis qu'en face de la porte étaient placées deux ou trois chaises. Bien que, sachant vaguement où j'allais et qui j'allais voir (car aucune précision ne m'avait été donnée), il me fallût une ou deux secondes avant que, le cœur battant de surprise et de crainte mêlée de respect, je réalise que la pièce n'était pas vide. Dans un coin, là où le divan touchait le mur, se tenait un merveilleux et vénérable personnage, couronné d'une coiffure de feutre que les derviches appellent táj (mais d'une hauteur et d'une forme inhabituelles), à la base de laquelle s'enroulait un mince turban blanc. Le visage de celui que je contemplais, je ne pourrai jamais l'oublier, bien qu'il me soit impossible de le décrire. Ces yeux perçants semblaient lire dans l'âme même; la puissance et l'autorité régnaient sur ce large front... Nul besoin de demander en présence de qui je me trouvais, tandis que je m'inclinais devant celui qui est l'objet d'une dévotion et d'un amour que les rois pourraient envier et auxquels les empereurs aspireraient en vain !

Une voix douce et empreinte de dignité me pria de m'asseoir, puis poursuivit : " Loué soit Dieu de ce que tu sois parvenu au but !... Tu es venu voir un prisonnier et un exilé... Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations; cependant, on Nous suspecte d'être un élément de désordre et de sédition, qui ne mérite que la captivité et le bannissement... Ces luttes, ces massacres et ces discordes doivent cesser et tous les hommes former une seule famille... Que l'homme ne se glorifie pas d'aimer son pays; mais qu'il se glorifie plutôt d'aimer le genre humain... "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , A Traveller's Narrative, p. xxxix-xl]

Plus tard dans l'année, Bahá'u'lláh planta sa tente sur le mont Carmel, situé sur les rives de la baie faisant face à Saint-Jean-d'Acre. Là il désigna le lieu qu'il avait choisi pour y enterrer les restes du Báb martyrisé. C'est sur ce site qu'ont été construits par la suite les tombeaux, les bâtiments administratifs et les jardins qui forment le siège international de la foi bahá'íe.

Pendant les dernières années de sa vie, Bahá'u'lláh s'était progressivement coupé de tout contact avec la société, de manière à pouvoir se consacrer à ses Écrits et aux rencontres avec les pèlerins bahá'ís. Toutes les affaires d'ordre pratique avaient été confiées à son fils aîné, `Abbás, qu'il appelait 'Abdu'l-Bahá (littéralement le Serviteur de Bahá). Vers la fin de l'année 1891, Bahá'u'lláh annonça à ceux qui l'entouraient que son travail était terminé et qu'il souhaitait quitter ce monde. Il était appelé, dit-il, vers d'autres royaumes sur lesquels les yeux des peuples des noms ne se sont jamais posés. Peu après, il contracta une forte fièvre et, après une brève période de maladie, s'éteignit au lever du jour, le 29 mai 1892, dans sa soixante-quinzième année.



4. LA SUCCESSION

Avec le décès de Bahá'u'lláh, la foi bahá'íe entre dans une nouvelle étape de son développement, qui marque l'apparition de ce que les bahá'ís considèrent comme le trait caractéristique de leur religion. C'est la transmission explicite par Bahá'u'lláh de son autorité en vue de l'établissement d'un système institutionnel destiné à guider, protéger et agrandir la communauté bahá'íe naissante. C'est principalement en raison de ce système que la foi bahá'íe a pu, seule de toutes les religions indépendantes, échapper aux schismes.

Ce système fut édifié à partir de tout un ensemble de documents qui se recoupaient et dans lesquels Bahá'u'lláh établissait une alliance, ou accord solennel, avec ses disciples. Cette alliance nommait son fils aîné, 'Abdu'l-Bahá , seul interprète autorisé de ses enseignements et source d'autorité pour tout ce qui concernait les affaires de la foi. Ghusn-i-A`zam (la plus Grande Branche) fut l'un des titres qu'il donna à 'Abdu'l-Bahá . Les documents de cette alliance établissent clairement que 'Abdu'l-Bahá devait être considéré non pas comme un prophète ou un messager divin, mais plutôt comme le parfait exemple humain des enseignements de Bahá'u'lláh. La transmission de cette autorité était explicite et formelle :

" Quiconque se tourne vers lui s'est, en vérité, tourné vers Dieu, et quiconque se détourne de lui s'est détourné de ma beauté, a nié ma preuve et est de ceux qui transgressent. En vérité, il est le Souvenir de Dieu parmi vous, sa confiance parmi vous, sa manifestation parmi vous et son apparition parmi les proches serviteurs. Il m'a été ordonné de vous communiquer le message de Dieu, votre créateur; et je vous ai révélé ce qui me fut ordonné. "

[Nota: Pour avoir le texte dans son intégralité, voir à Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , dans Bahá'í World Faith, Selected Writings of Bahá'u'lláh and 'Abdu'l-Bahá , pp. 204-210. Cette citation se trouve à la page 205.]

Bahá'u'lláh avait également pris soin de faire en sorte que la communauté bahá'íe s'habitue progressivement, durant sa vie, au rôle qu'il destinait à 'Abdu'l-Bahá après sa propre mort. 'Abdu'l-Bahá s'occupait presque totalement des rapports entre la communauté bahá'íe et les autorités civiles, ainsi que de ceux concernant la population de la Palestine en général. Les pèlerins venant de Perse étaient reçus habituellement par le Maître (autre titre que Bahá'u'lláh accordait exclusivement à son fils aîné), et les rencontres avec le fondateur de la foi étaient arrangées sous la supervision de 'Abdu'l-Bahá . La nature de l'autorité conférée à 'Abdu'l-Bahá et les exigences que requérait une communauté bahá'íe grandissante lui fournirent l'occasion d'exercer des qualités personnelles étonnantes. Le professeur Browne, qui avait rencontré 'Abdu'l-Bahá pour la première fois en 1890 et qui avait appris à bien le connaître par la suite, écrivit :

" J'ai rarement rencontré quelqu'un dont l'aspect extérieur m'ait autant impressionné. Un homme grand, de forte stature, se tenant droit comme une flèche, portant un turban et des vêtements blancs, ses longues boucles noires descendant presque sur les épaules, le front large et puissant, révélateur d'une grande intelligence et d'une volonté inébranlable, les yeux perçants comme ceux d'un aigle et les traits fortement marqués mais agréables - telle fut ma première impression de `Abbás Effendi, " le Maître " (Áqá) ainsi que l'appellent les bábís. Les conversations que j'eus par la suite avec lui ne firent qu'accroître le respect que m'avait tout d'abord inspiré son apparence. Je ne pense pas que l'on eut pu trouver de personne dont le discours fut plus éloquent, l'argumentation plus aisée, les exemples plus pertinents, et aussi intimement versée dans les livres saints des juifs, des chrétiens et des musulmans, et ce, même au sein de la race éloquente, lettrée et raffinée à laquelle il appartenait. Ces qualités auxquelles s'ajoutait un port à la fois majestueux et bienveillant firent que je cessais de m'étonner de l'influence et de l'estime dont il jouissait même au-delà du cercle des disciples de son père. Personne ne pouvait douter de la grandeur de l'homme et de son pouvoir après l'avoir rencontré. "

[Nota: Browne, A Traveller's Narrative, p. xxxvi.]

Rétrospectivement, il est clair que 'Abdu'l-Bahá considérait le ferme établissement de la foi bahá'íe sur une très large échelle, de par l'Europe et l'Amérique du Nord, comme l'un des défis les plus importants auxquels il eut à faire face.

[Nota: Les détails relatifs à la vie de 'Abdu'l-Bahá sont extraits de Dieu passe près de nous, chap. XIV-XXI, ainsi que d'une biographie de H. M. Balyuzi intitulée 'Abdu'l-Bahá , The Centre of the Covenant of Bahá'u'lláh.]

Les occasions se faisaient plus nombreuses, favorisées de manière significative par l'attention que l'épopée bábíe avait déjà attirée parmi les cercles intellectuels et artistiques, en particulier en Europe occidentale. En Amérique du Nord, la première référence publique enregistrée de la foi bahá'íe fut faite lors du Parlement des religions qui eut lieu à l'occasion de la Foire Internationale de Chicago en 1893 : l'un des conférenciers chrétiens termina son discours par des paroles de Bahá'u'lláh, extraites d'une lettre qu'il avait adressée à Edward Browne trois années auparavant.

Vers la même époque, un commerçant syrien, Ibrahim Kheiralla, qui avait accepté la foi bahá'íe au Caire, en Égypte, émigra aux États-Unis et débuta des cours à l'intention de chercheurs intéressés. Le premier bahá'í américain fut un agent d'assurances du nom de Thornton Chase. En 1897, Kheiralla écrivait qu'il y avait des centaines de croyants bahá'ís dans les régions de Chicago, Kenosha et Wisconsin. Le fait que tous ces nouveaux déclarés étaient encouragés à écrire directement à 'Abdu'l-Bahá en Terre sainte pour exprimer leur foi dans les enseignements de Bahá'u'lláh et rechercher les bénédictions du Maître se révéla important pour le développement ultérieur de la foi.

Les activités de Kheiralla étaient importantes non seulement en raison du grand nombre d'adhérents que ses efforts attiraient, mais aussi parce que parmi ces derniers se trouvaient plusieurs personnes qui devaient devenir d'éminents protagonistes de la foi en Occident. Parmi les nouveaux croyants occidentaux se trouvait une femme talentueuse et énergique du nom de Louisa Getsinger; elle entreprit de voyager à travers les États-Unis, faisant des conférences devant des audiences intéressées afin d'étendre l'influence de ce nouveau mouvement au-delà des régions immédiates de Chicago et de Kenosha.

Au cours de ses voyages elle rencontra une millionnaire philanthrope, Mme Phoebe Hearstet, et fut à l'origine de sa conversion. En 1898 cette dernière exprima le souhait de rencontrer 'Abdu'l-Bahá et il accepta de la recevoir. Mme Hearst réunit alors un groupe d'une vingtaine de pèlerins dont les premiers arrivèrent à Saint-Jean-d'Acre le 10 décembre 1898. Mme Getsinger, son mari le Dr. Edward Getsinger et Ibrahim Kheiralla se trouvaient parmi eux. Les participants prirent, dans une certaine mesure, des risques personnels en entreprenant ce voyage en raison des tensions politiques continuelles dans le Proche-Orient. Dans de telles circonstances, l'arrivée inattendue d'un groupe d'Occidentaux éveilla bien évidemment les soupçons.

Malgré ces handicaps, cette courte visite s'avéra décisive en ces premiers temps du développement de la foi en Occident. L'impact de la pensée de 'Abdu'l-Bahá et de sa chaleureuse personnalité fut immédiat et décisif sur les premiers disciples de Bahá'u'lláh en Occident. Ils crurent voir en lui l'esprit de Jésus-Christ revenu parmi les humains. En fait, dans leur enthousiasme, ils étaient prêts à l'élever bien au-delà des limites du rang que Bahá'u'lláh avait conféré à son fils. Certains, comme Mme Hearst, pensaient que 'Abdu'l-Bahá était lui-même le Messie, le retour de Jésus-Christ.

[Nota: Extrait de Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 247.]

Il est révélateur de noter les propres paroles de 'Abdu'l-Bahá sur le sujet :

" ... que les prophéties, en mentionnant le " Seigneur des armées " et le " Christ promis ", ont voulu désigner la Perfection bénie (Bahá'u'lláh), et Sa Sainteté, l'Exalté (le Báb). Mon nom est 'Abdu'l-Bahá . Ma qualité est 'Abdu'l-Bahá . Ma réalité est 'Abdu'l-Bahá . Ma louange est 'Abdu'l-Bahá . L'assujettissement à la Perfection bénie est mon diadème glorieux et resplendissant et la servitude envers la race humaine tout entière... Je n'ai point de nom, de titre, de mention, de louange autre que 'Abdu'l-Bahá , et je n'en aurai jamais d'autre. Ceci est mon ardent désir. Ceci est ma vie éternelle. Ceci est ma gloire sans fin. "

[Nota: Extrait de L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 131.]

Le sens de la relation entre 'Abdu'l-Bahá et les disciples de son père en Occident est souligné dans un résumé du premier siècle de l'histoire bábíe-bahá'íe, publié en 1944 :

" Les pèlerins ramenèrent avec eux l'atmosphère des premiers jours de la foi, lorsque les yeux des hommes pouvaient voir le prophète et les oreilles des hommes l'entendre, et lorsque le monde était plongé dans une extase pareille à la lumière dorée d'une aurore parfaite... Toutes les activités de la cause de Bahá'u'lláh en Amérique étaient entreprises par ces quelques dizaines d'âmes qui avaient atteint à `Akká et à Haïfa, entre les années 1894 et 1911, le but de toute recherche sur terre. "

[Nota: The Bahá'í Centenary, 1844-1944, p. 139.]

La visite de Mme Hearst et de son groupe marqua le début de toute une série de visites de croyants européens et nord-américains qui s'étalèrent sur presque vingt-trois années et se poursuivirent jusqu'à la mort de 'Abdu'l-Bahá en 1921, uniquement interrompues durant la Première Guerre mondiale.

Des communautés furent établies à travers les États-Unis et le Canada. Des réunions publiques et de petits groupes de discussion s'organisèrent, et une production modeste de livrets sur la foi débuta. Ces publications se composaient presque exclusivement d'extraits de tablettes de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá , ainsi que de courts récits de croyants nord-américains de retour de leur pèlerinage à Saint-Jean-d'Acre. Des groupes organisés firent aussi circuler de manière informelle des copies de manuscrits tapés à la machine et contenant des extraits plus conséquents de textes à méditer et de prières de Bahá'u'lláh, ainsi que des extraits de lettres que 'Abdu'l-Bahá avaient adressées à des croyants individuellement.

Cette nouvelle étape dans le développement de la foi avait à peine débuté qu'elle fut soumise à une rude épreuve et à un nouveau revers de fortune qui ressemblait en plusieurs points à l'épisode concernant Yahyá dans l'histoire bábíe. Un jeune demi-frère de 'Abdu'l-Bahá , du nom de Muhammad-`Alí, commença à s'irriter de l'autorité conférée au nouveau dirigeant de la foi. Incapable de contester les termes spécifiques de l'alliance de son père, Muhammad-`Alí chercha d'abord à limiter l'exercice des fonctions de 'Abdu'l-Bahá dans la communauté bahá'íe. Après avoir échoué, il essaya d'avoir ses propres partisans à l'intérieur de la communauté. Ceci entraîna une rupture qui survint peu de temps avant l'arrivée du premier groupe de pèlerins occidentaux, et attira rapidement l'attention du Dr. Kheiralla.

Ce dernier se considérait en même temps comme l'enseignant de la foi le plus influent en Amérique du Nord et comme l'un des principaux interprètes de ses concepts fondamentaux. Browne publia ultérieurement des notes prises au cours des conférences de Kheiralla qui donnent un aperçu plutôt étonnant du genre de concepts que Kheiralla enseignait.

[Nota: Browne, Materials, pp. 115-150.]

Les seuls thèmes bahá'ís qui avaient survécu à leur migration depuis la Perse jusqu'en Amérique du Nord étaient la station de Bahá'u'lláh et l'idée de l'unité du genre humain. Ces deux concepts étaient présentés par le Dr. Kheiralla mêlés à des doctrines ésotériques qui n'avaient rien à voir avec les enseignements du fondateur de la foi bahá'íe.

Au cours de sa visite à Saint-Jean-d'Acre en 1898, Kheiralla rechercha l'approbation de 'Abdu'l-Bahá quant à sa présentation de la foi. À cette époque-là, 'Abdu'l-Bahá corrigea un certain nombre des conceptions erronées de Kheiralla et l'encouragea à entreprendre une étude sérieuse des Écrits bahá'ís. Kheiralla s'y refusa et s'éloigna progressivement des enseignements de Bahá'u'lláh. Au cours de cette même visite, Muhammad-`Alí chercha à le gagner à sa cause; à son retour aux États-Unis, l'année suivante, Kheiralla stupéfia ses amis bahá'ís et ses étudiants en rejetant 'Abdu'l-Bahá et en insistant sur son propre rôle d'arbitre de la destinée de la foi en Occident. Cependant ces efforts visant à usurper la direction de la foi échouèrent et Kheiralla retourna finalement en Syrie cruellement déçu. Avec son départ tout danger de schisme fut écarté, car Muhammad-`Alí ne parvint jamais à avoir ses propres partisans, à l'exception d'une petite poignée de membres de sa famille et de son entourage.

Cette crise et son issue furent critiques pour l'histoire bahá'íe. À ce moment-là, la nouvelle foi adopta la seule ligne de conduite qui pouvait lui permettre de réaliser ses revendications, à savoir : représenter la naissance d'une religion mondiale indépendante. Il ne fait pratiquement aucun doute que, si Muhammad-`Alí et Kheiralla étaient parvenus à dominer le mouvement et à en contrôler la direction, il aurait rapidement été réduit au statut de culte.

Au lieu de cela, la communauté bahá'íe d'Amérique du Nord, bien que réduite en nombre et souffrant du choc causé par ces attaques et contre-attaques, se tourna vers 'Abdu'l-Bahá pour qu'il l'éclairât avec autorité sur les enseignements de son père. En conséquence de quoi il exposa avec plus de liberté et de vigueur qu'auparavant les principales caractéristiques de la révélation bahá'íe. Décourageant toute spéculation métaphysique, il s'imposa la tâche d'expliquer au monde le message social de Bahá'u'lláh. Au travers d'innombrables lettres, de commentaires et d'entretiens avec des pèlerins, 'Abdu'l-Bahá insista sur le fait que non seulement le cœur de l'individu, mais aussi l'ordre social tout entier doivent être transformés. Il mit l'accent sur l'authenticité de toutes les religions du monde, la nécessité d'abolir les préjugés de race, les implications de l'égalité de l'homme et de la femme, l'éducation universelle, la justice dans les systèmes sociaux et économiques, ainsi que sur toute une série de thèmes similaires. Il fit le lien entre les enseignements sociaux de Bahá'u'lláh et les besoins de la société contemporaine dont témoignaient les crises répétées qui secouaient le monde.

[Nota: Voir Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, de 'Abdu'l-Bahá , plus particulièrement les parties I et IV.]

Certains missionnaires chrétiens, opposés à la foi bahá'íe, essayèrent de prouver que 'Abdu'l-Bahá avait ajouté ces enseignements sociaux à la suite de son contact avec l'Occident. Toutefois, Browne avait déjà identifié la plupart d'entre eux dans les Écrits de Bahá'u'lláh dès les années 1880 [voir Browne, Bábism, pp. 351-352.]

Depuis, la traduction et la publication d'une grande partie des Écrits de Bahá'u'lláh ont démontré, de manière convaincante, que 'Abdu'l-Bahá extrayait ses thèmes de cette source même.

En 1908, la jeune révolution turque libéra tous les prisonniers politiques et religieux de l'Empire ottoman. En conséquence de quoi, 'Abdu'l-Bahá fut soudain libre de quitter la Palestine et d'intervenir plus directement dans l'expansion et l'établissement de la foi de son père en Occident. Avant de se mettre en route, il put toutefois réaliser l'un des grands désirs de sa vie et s'acquitter de l'une des principales responsabilités que lui avait laissées Bahá'u'lláh. En 1909, en présence d'un groupe de croyants de l'Orient et de l'Occident, il déposa le petit coffre en bois contenant les restes de la dépouille mortelle du Báb dans un magnifique sarcophage en marbre offert par les bahá'ís de Burma. L'inhumation eut lieu dans un tombeau en pierre érigé sur les pentes du mont Carmel, à l'emplacement exact désigné par Bahá'u'lláh quelques années plus tôt et qu'il destinait à servir de pivot à l'ensemble des différentes institutions administratives, dont le Centre international de la foi bahá'íe. La communauté bahá'íe considère que le sang des martyrs bábís représente la graine des institutions administratives préconisées par Bahá'u'lláh, que les bahá'ís commençaient à établir tout autour du monde sous les directives de 'Abdu'l-Bahá . Ainsi, au cœur de la communauté bahá'íe, le sacrifice du Báb était intimement lié aux institutions centrales de ce système religieux et symbolisait irrésistiblement l'unité historique essentielle des religions bábíe et bahá'íe.

En 1910, 'Abdu'l-Bahá estima que la situation en Terre sainte permettait le départ qu'il avait si longtemps attendu. Les rigueurs de son long emprisonnement avaient sérieusement entamé sa santé, et son voyage commença par une période de repos en Égypte. Puis, le 11 août 1911, accompagné d'un petit groupe, il fit voile vers Marseille à bord du S. S. Corsica, première étape d'un voyage de vingt-huit mois en Occident. Ce voyage allait comprendre deux séjours à Londres, à Paris et à Stuttgart, des visites plus courtes dans différents centres européens, ainsi qu'un voyage très éprouvant à travers l'Amérique du Nord.

Le 11 avril 1912, 'Abdu'l-Bahá arriva à New-York. Au cours de sa tournée en Amérique du Nord, il se rendit dans une quarantaine de villes, d'une côte à l'autre des États-Unis. 'Abdu'l-Bahá passa plus de temps à New-York que dans toute autre ville d'Amérique du Nord, et c'est là qu'il expliqua pour la première fois à des groupes de disciples, la signification de l'alliance que Bahá'u'lláh avait établie, et dont lui-même avait été nommé le Centre. Il visita encore d'autres centres importants, comme Chicago, où il posa la première pierre du bâtiment qui devait devenir le Temple-Mère de l'Occident. Il se rendit aussi à Eliot dans le Maine où Sarah Farmer, fondatrice de Green Acre, centre pour l'éducation des adultes, était devenue bahá'íe et avait ouvert sa maison pour une présentation systématique du message bahá'í.

[Nota: Green Acre servit de centre principal à la foi bahá'íe en Amérique du Nord jusqu'à l'élection de la première assemblée spirituelle nationale en 1925. Cette assemblée s'établit alors à Wilmette, Illinois, faubourg de Chicago et site de la maison d'adoration inaugurée par 'Abdu'l-Bahá .]

Au Canada, 'Abdu'l-Bahá se rendit à Montréal où il fut l'hôte de l'architecte canadien, William Sutherland Maxwell, et de sa femme, May Bolles Maxwell. Mme Maxwell était devenue bahá'íe alors qu'elle était très jeune et faisait partie du premier groupe de pèlerins, organisé par les Hearst, qui s'était rendu à Saint-Jean-d'Acre en 1898. La visite de 'Abdu'l-Bahá à Montréal est à de nombreux égards typique des réceptions qu'il a reçues dans la plupart des centres occidentaux.

[Nota: Pour une description plus complète de sa visite au Canada et aux États-Unis et le contenu de ses discours et entrevues, voir 'Abdu'l-Bahá in Canada; 'Abdu'l-Bahá , de Balyuzi; et 239 Days: 'Abdu'l-Bahá 's Journey in America, de Allan L. Ward.]

Il se rendit à la cathédrale Notre-Dame, fut invité à parler en l'église du Messie et en l'église St. James, prononça un discours devant un important groupe de syndicats ouvriers dans leur salle de réunion de St. Lawrence Street et conduisit plusieurs rencontres à la fois dans son appartement au Windsor Hotel et chez les Maxwells, où il fut l'hôte de la famille pendant la première partie de son séjour. Partout en Amérique du Nord et en Europe, les principaux journaux couvrirent largement sa visite, publiant aussi bien des articles hautement spéculatifs et porteurs de nouvelles à sensations, que des rapports sérieux d'entrevues avec le visiteur et de discours qu'il avait prononcés. La presse de Montréal fut particulièrement attentive au deuxième type d'écrits; c'est lors d'une entrevue avec le Montreal Star.

[Nota: Montreal Star, september 11, 1912. que 'Abdu'l-Bahá aurait prédit deux événements particulièrement importants. Le premier était l'éclatement imminent d'une guerre en Europe (Cela n'a rien d'une prophétie, dit 'Abdu'l-Bahá , ce n'est que le résultat d'un raisonnement). Le second était la paix internationale qui allait être établie avant la fin du siècle (Elle sera universelle au vingtième siècle. Toutes les nations seront forcées de s'y conformer).]

L'impact de ces tournées fut considérable. Les croyants occidentaux étaient directement en présence de celui qui dirigeait, qui était l'interprète reconnu de leur foi. Ils affluaient pour le rencontrer, lui demander conseil, et ils purent ainsi clarifier et approfondir leur compréhension des enseignements de la foi sur des questions d'ordre théologique, social et moral. Le public en Occident reçut une image particulièrement favorable de cette nouvelle religion, ce qui devait s'avérer être d'une grande importance pour ses disciples dans les efforts qu'ils firent par la suite pour encourager sa croissance. 'Abdu'l-Bahá s'adressa non seulement à des congrégations religieuses, mais aussi à des mouvements pour la paix, à des syndicats, des départements universitaires ainsi qu'à toutes sortes de groupes œuvrant pour une réforme sociale. À la fin de son voyage, le message social de Bahá'u'lláh avait été proclamé publiquement, et une nouvelle génération de bahá'ís appartenant à toutes les couches de la société occidentale avait été enrôlée.

[Nota: Les discours publics de 'Abdu'l-Bahá en Amérique du Nord sont compilés sous le titre The Promulgation of Universal Peace, Talks Delivered By 'Abdu'l-Bahá during His Visit to the United States and Canada in 1912.]

Pendant la première guerre mondiale, 'Abdu'l-Bahá resta dans un isolement relatif chez lui à Haïfa, en Terre sainte. Ses rapports avec l'Occident et l'interprétation qu'en faisait son demi-frère Muhammad-`Alí avaient réussi une nouvelle fois à éveiller les soupçons des autorités ottomanes. On menaça de nouveau de l'exécuter, et la petite colonie bahá'íe en Terre sainte fut dispersée et exilée. Ce danger fut cependant écarté avec la fin de la guerre en 1918 et la défaite des puissances de l'Europe centrale, les autorités turques ayant perdu toutes leurs colonies au Proche-Orient.

'Abdu'l-Bahá remit alors en route les processus particulièrement importants qu'il avait lancés après sa libération de la prison de Saint-Jean-d'Acre en 1908 en vue de l'élaboration d'une communauté internationale qui refléterait les enseignements de Bahá'u'lláh. L'une des principales caractéristiques de son travail fut l'établissement des institutions administratives bahá'íes. Ainsi que lui avait enjoint Bahá'u'lláh dans son alliance, 'Abdu'l-Bahá encouragea l'établissement de ce qu'il appela des " assemblées spirituelles ", à la fois en Amérique du Nord et en Iran. Ces corps élus étaient autorisés à superviser des activités telles que la publication d'ouvrages, les programmes d'enseignement et les sessions de prières à un niveau local aussi bien que national. Ils devaient servir de précurseurs à ce que Bahá'u'lláh avait intitulé des " maisons de justice ".

En 1908, 'Abdu'l-Bahá rédigea un Testament dans lequel il soulignait avec force détails la nature et les fonctions de ces institutions centrales conçues par Bahá'u'lláh pour diriger les affaires de sa cause. Les deux principales institutions nommées étaient le " Gardiennat et la Maison Universelle de Justice ". Le Gardiennat conférait exclusivement au petit-fils aîné de 'Abdu'l-Bahá , Shoghi Effendi Rabbani, l'autorité pour interpréter les enseignements bahá'ís. Ainsi que cela avait été le cas dans l'alliance de Bahá'u'lláh avec la nomination de 'Abdu'l-Bahá comme Centre et Interprète désigné, le Gardien fut désigné comme étant celui vers lequel tous les croyants devaient se tourner pour tout problème relatif aux croyances bahá'íes. L'autre institution principale nommée dans le Testament était la Maison Universelle de Justice, destinée à devenir la principale autorité législative et administrative de la communauté bahá'íe. Le Gardien de la foi devait être aidé par un groupe de croyants particulièrement qualifiés, choisis par lui et désignés sous le nom de " Mains de la cause de Dieu ". La Maison Universelle de Justice devait superviser l'ordre administratif international de la communauté bahá'íe. En tant que corps administratif suprême de la communauté, ses membres élus devaient être choisis parmi les adultes bahá'ís du monde lors d'un congrès international réunissant toutes les assemblées spirituelles nationales.

Le Testament de 'Abdu'l-Bahá ainsi que le Kitáb-i-`Ahd (Livre de l'alliance) de Bahá'u'lláh furent les instruments qui permirent à l'alliance de Bahá'u'lláh de se concrétiser, et les dispositions qu'ils contenaient modelèrent la communauté bahá'íe florissante après le décès de 'Abdu'l-Bahá.

[Nota: La traduction anglaise de ce document est Will and Testament of 'Abdu'l-Bahá (en français Le Testament de 'Abdu'l-Bahá ).]

Au cours de la Première Guerre mondiale, 'Abdu'l-Bahá adressa toute une série de messages aux croyants nord-américains. Quatre de ces quatorze lettres étaient adressées à la fois aux bahá'ís des États-Unis et du Canada. Huit devaient guider plus spécifiquement les croyants de différentes régions des États-Unis, et les deux autres étaient destinées plus précisément aux bahá'ís du Canada. Les quatorze lettres avaient pour thème ce que 'Abdu'l-Bahá appelait le Plan divin pour une proclamation à l'échelle internationale du message de Bahá'u'lláh à l'humanité. Il était demandé aux croyants américains et canadiens d'être les premiers à commencer à établir la foi dans toutes les régions du globe. 'Abdu'l-Bahá les assurait qu'une réponse digne de ce défi leur conférerait, aux yeux d'une postérité reconnaissante, le premier rang spirituel parmi les communautés bahá'íes du monde. Les différents plans internationaux d'enseignement que connut la communauté par la suite et par l'intermédiaire desquels le message et les enseignements de Bahá'u'lláh se répandirent dans tous les coins du monde témoignent de la réponse des bahá'ís de l'Amérique du Nord à l'appel contenu dans ces lettres.

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Tablettes du Plan divin, révélées par 'Abdu'l-Bahá aux bahá'ís de l'Amérique du Nord.]

Tôt dans la matinée du 28 novembre 1921, après une courte maladie, 'Abdu'l-Bahá s'éteignit dans sa soixante-dix-huitième année. Le déroulement de ses funérailles indiquait que de profonds changements quant au statut de la foi bahá'íe étaient survenus en Terre sainte en l'espace de quelques années. Treize années plus tôt seulement, exilé, impuissant, 'Abdu'l-Bahá avait véritablement envisagé la possibilité d'être exécuté en public. À l'heure de sa mort cependant, il s'était fait une réputation sans égale comme sage et philanthrope, un homme saint en quelque sorte, que toutes les communautés religieuses en Palestine révéraient. La suppression des interdictions que lui avait imposées le gouvernement turc permit à cette réputation de s'épanouir. Toutes les couches de la population l'honoraient. Le titre de chevalier avait été décerné à 'Abdu'l-Bahá en reconnaissance des services humanitaires rendus au peuple palestinien durant la famine qui suivit la Première Guerre mondiale.

Les funérailles qui se déroulèrent le 29 novembre n'avaient vraisemblablement jamais eu leur pareil dans l'histoire de la Palestine. Une foule importante d'environ dix mille personnes, dont des dignitaires des communautés musulmane, catholique, orthodoxe, juive et druse, ainsi que le représentant officiel du gouvernement britannique et les gouverneurs de Jérusalem et de la Phénicie, formait le cortège. Il est clair que, quelles que soient les vicissitudes dont aurait encore à souffrir la nouvelle foi dans différentes parties du monde, elle avait réussi, durant le ministère de 'Abdu'l-Bahá , à établir son centre administratif sur les bases impressionnantes de la reconnaissance gouvernementale et de l'estime publique.

[Nota: Pour une description complète, voir le numéro spécial du World Order, vol. 6, n° 1 (1971) consacré à la commémoration de cet événement. Le flot d'amour déversé par le peuple palestinien est particulièrement significatif. Le régime chiite dans l'Iran d'aujourd'hui a cherché à faire passer l'élévation de 'Abdu'l-Bahá à l'ordre de la chevalerie par les autorités britanniques pour un événement d'ordre politique. C'était en fait une reconnaissance tardive et officielle par les autorités britanniques d'une philanthropie qui avait déjà été reconnue par l'ensemble du public qui en bénéficiait.]

À ce stade de son histoire, la communauté bahá'íe comprenait environ cent mille croyants qui étaient plus ou moins persécutés en Perse, ainsi que quelques petits groupes dans différents pays. À l'exception de la Perse, les deux principales régions du monde où l'on trouvait des communautés bahá'íes étaient l'Inde et l'Amérique du Nord. Elles étaient peu organisées, possédaient peu de littérature et avaient des ressources financières limitées. Les efforts de 'Abdu'l-Bahá et de certains de ses plus proches disciples avaient permis de faire connaître la foi sur une plus grande échelle, mais n'avaient pas permis une croissance significative de la communauté dans son ensemble. 'Abdu'l-Bahá lui-même avait été largement reconnu par les autorités civiles, mais il fallait encore que cela se traduise par une reconnaissance officielle de la foi bahá'íe en tant que système religieux viable.

Aujourd'hui, plus de soixante-dix ans plus tard, la situation a bien changé. La foi bahá'íe est reconnue comme étant l'une des religions du monde qui se développe le plus rapidement, comprenant des adeptes de presque toutes les origines raciales, sociales, culturelles et nationales, et entreprenant des activités très diversifiées dans quelque 235 États souverains et dominions. Un système administratif complet a évolué aux niveaux local, national et international et a, dans la plupart des cas, été officiellement reconnu par les autorités civiles.

Les écrits de Bahá'u'lláh, du Báb et de 'Abdu'l-Bahá , figures centrales de la révélation bahá'íe, ont été traduits dans plus de 800 langues. Des maisons d'adoration, des écoles bahá'íes, des centres administratifs et des centres communautaires ont été érigés de par le monde et des propriétés acquises pour des développements futurs encore plus ambitieux. Aux Nations Unies la communauté internationale bahá'íe est reconnue comme membre du corps des organisations non gouvernementales et possède un statut consultatif auprès du Conseil Économique et de Social. À tous points de vue ces réalisations ont été extraordinaires. L'esprit qui animait et guidait cette expansion phénoménale fut Shoghi Effendi Rabbani, petit-fils de 'Abdu'l-Bahá , qui fut nommé par ce dernier, Gardien de la foi de Bahá'u'lláh.

Cette institution du Gardiennat fut conçue par Bahá'u'lláh, mais ses fonctions plus spécifiques et son autorité furent définies dans le Testament de 'Abdu'l-Bahá . Les deux principales fonctions du Gardiennat étaient, d'une part, d'interpréter les enseignements bahá'ís, d'autre part, de guider la communauté bahá'íe. Ayant encore à l'esprit les efforts de Muhammad-`Alí pour tenter de s'emparer du contrôle de la communauté bahá'íe, 'Abdu'l-Bahá usa d'un langage énergique dans le but d'assurer à Shoghi Effendi les pleins pouvoirs lui permettant d'agir au mieux de son jugement en tout ce qui concernait la foi. S'opposer à ce dernier équivaudrait à s'opposer aux fondateurs de la foi :

" Ô vous les fidèles bien-aimés de 'Abdu'l-Bahá !
Il vous incombe de prendre le plus grand soin de Shoghi Effendi, le Rameau issu des deux Arbres divins et bénis [Nota: Shoghi Effendi était un descendant direct de Bahá'u'lláh par sa mère et du Báb par son père], le fruit qu'ils ont donné, afin que nulle poussière de découragement ou de chagrin ne puisse ternir sa nature radieuse; que de jour en jour s'accroissent son bonheur, sa joie et sa spiritualité, et qu'il puisse devenir un arbre fécond.

Car après 'Abdu'l-Bahá , il est le Gardien de la cause de Dieu. Les Afnán, les Mains [piliers] de la cause et les bien-aimés du Seigneur doivent lui obéir et se tourner vers lui. Quiconque ne lui obéit pas, n'a pas obéi à Dieu; quiconque se détourne de lui s'est détourné de Dieu, et quiconque le renie a renié le Véritable. Prenez garde que personne ne donne une interprétation erronée de ces paroles et, de même que ceux qui ont brisé l'alliance après le jour de l'ascension [de Bahá'u'lláh], ne trouve prétexte à élever l'étendard de la révolte, ne s'obstine et n'ouvre toute grande la porte aux fausses interprétations... "

[Nota: Le Testament de 'Abdu'l-Bahá , pp. 59-60.]

Dès le début de son Gardiennat, Shoghi Effendi établit clairement que la foi bahá'íe était non seulement entrée dans une nouvelle étape de son développement, mais aussi, que l'autorité que lui conféraient les déclarations ci-dessus impliquait une fonction tout à fait différente de celle à caractère charismatique qui avait marqué le ministère de 'Abdu'l-Bahá . Celle qu'il appela l'ère apostolique était révolue, l'ère de formation commençait.

[Nota: Pour une étude détaillée de l'œuvre de Shoghi Effendi, voir La Perle inestimable de Rúhíyyih Rabbani. Voir aussi Shoghi Effendi, Recollections, de Ugo Giachery. M.Giachery a travaillé en étroite collaboration avec Shoghi Effendi sur le développement architectural du Centre mondial à Haïfa.]

Dans ce nouvel âge, c'était l'institution du Gardiennat qui devait susciter l'amour et la fidélité des croyants. La personnalité même du Gardien était totalement secondaire. Il était interdit aux croyants de commémorer quelque événement que ce soit de la vie du Gardien; l'usage de photographies était déconseillé; des représentants nommés étaient chargés de mener à bien toute cérémonie publique pour laquelle la présence du Gardien avait été sollicitée; et ses lourdes tâches administratives, interprétatives et épistolaires ne permettaient pas à Shoghi Effendi d'organiser des tournées du genre de celles entreprises par 'Abdu'l-Bahá pendant son ministère.

Une seule exception cependant à ce refus d'avoir un rôle public : le Gardien consacrait, dans la mesure de ses disponibilités, un certain temps au flot continu de pèlerins orientaux et occidentaux qui venaient visiter le Centre mondial. Et ces rencontres elles-mêmes étaient limitées aux heures des repas dans la maison des pèlerins de Haïfa.

La période allant de 1921 à 1963 dans l'histoire bahá'íe est facilement abordable si l'on considère les principaux projets entrepris par Shoghi Effendi pendant son Gardiennat. Quatre sphères d'activités se dégagent plus particulièrement : le développement du Centre mondial bahá'í, la traduction et l'interprétation des Écrits bahá'ís, l'expansion de l'ordre administratif et la mise en œuvre du Plan divin de 'Abdu'l-Bahá .

Tout de suite après avoir assumé ses responsabilités et durant toute sa vie, Shoghi Effendi consacra une grande partie de son temps au développement du Centre international de la foi dans la région couvrant la baie de Haïfa. Du temps de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá , plusieurs parcelles de terrain avaient été acquises par la communauté d'exilés. Parmi celles-ci, les deux principales étaient le site du tombeau où reposait le corps de Bahá'u'lláh (avoisinant la demeure de Bahjí, à l'extérieur de Saint-Jean-d'Acre), et le site du tombeau où reposaient les restes du Báb sur les pentes du mont Carmel, au-dessus de la ville de Haïfa. Grâce à la générosité de bahá'ís, à des legs et aux réponses à des appels spécifiques lancés par Shoghi Effendi, ces propriétés s'agrandirent considérablement durant le ministère du Gardien. De magnifiques jardins furent aménagés, le premier de toute une série de bâtiments monumentaux fut érigé et un plan grandiose établi pour le développement d'un centre spirituel et d'un complexe administratif qui couvriraient les besoins d'une communauté internationale - dont la croissance était rapide - et qui pourraient croître en même temps que cette dernière; complexe qui rivaliserait avec les plus beaux de ce monde. Cette communauté religieuse très dispersée aurait ainsi un centre de pèlerinage d'où émaneraient aussi les directives qui contribueraient largement à développer la conscience d'une identité commune.

Aux tout premiers rangs de la liste des priorités de tout système religieux arrivent la détermination du canon de ses écrits et l'application de ses textes saints à la vie individuelle et communautaire. Nommé dans le Testament de 'Abdu'l-Bahá seul interprète des Écrits bahá'ís, Shoghi Effendi interpréta les événements internationaux à la lumière des Écrits bahá'ís et partagea avec la communauté bahá'íe le résultat de ses analyses sous la forme de longues lettres adressées au monde bahá'í.

[Nota: Bahá'í Administration; l'Avènement de la justice divine; l'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, Lettres sélectionnées; Messages to the Bahá'í World, 1950-1957; The Promised Day Is Come; Messages to Canada; et Citadel of Faith, Messages to America, 1947-1957.]

Dans le même temps, les communautés bahá'íes naissantes faisaient pleuvoir sur Haïfa tout un déluge de questions sur toutes sortes de sujets des Écrits bahá'ís, et les réponses du Gardien à ces questions constituent également une importante part de l'interprétation de la révélation de Bahá'u'lláh. Au début des années 1940, Shoghi Effendi concentra son analyse sur les événements se rapportant à l'histoire bahá'íe; et en 1944, pour commémorer le centenaire de la déclaration du Báb, il écrivit une étude très détaillée couvrant la totalité du siècle, depuis le moment où le Báb avait annoncé sa mission à Mullá Husayn jusqu'à la fin du premier Plan de sept ans.

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous. Pour une description des plans, voir ci-dessous.]

L'interprétation des Écrits bahá'ís par Shoghi Effendi fut considérablement facilitée par le fait qu'il pouvait lui-même servir de principal interprète des Écrits, du persan et de l'arabe en anglais.

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh; Le Kitáb-i-Íqán, (Le Livre de la Certitude); les Paroles cachées; Les Sept Vallées et les Quatre Vallées; Épître au fils du Loup; Prayers and Meditations.]

Il avait étudié l'anglais dès sa plus tendre enfance et, jeune homme, il poursuivit ses études à l'université américaine de Beyrouth, puis à l'université d'Oxford où il étudia jusqu'à l'ascension de 'Abdu'l-Bahá en 1921. Étant donné que les principaux corps administratifs de la foi bahá'íe pendant les premières décades critiques de son Gardiennat se trouvaient dans des pays anglophones, la capacité qu'avait Shoghi Effendi à exprimer et interpréter les concepts bahá'ís en langue anglaise facilita considérablement la compréhension de la nouvelle foi dans le monde occidental.

Son rôle en tant qu'interprète eut aussi une importance à long terme sur le développement de la communauté bahá'íe. Il assura une unité de doctrine durant les premières années de l'expansion de la foi, réduisant ainsi considérablement la menace de schisme.

Parallèlement à ce travail de traduction et de développement du Centre mondial de la foi, Shoghi Effendi consacra une grande partie de son énergie à mettre en place le système d'institutions administratives conçues par Bahá'u'lláh et établies, dans leur forme embryonnaire, par 'Abdu'l-Bahá . Toute localité comprenant neuf adultes bahá'ís ou plus était encouragée à élire une assemblée spirituelle locale pour gérer les affaires de la foi dans cette région. Dès que le nombre d'assemblées spirituelles locales dans un pays donné devenait suffisamment important, le Gardien encourageait fortement l'élection d'une assemblée spirituelle nationale investie de l'entière juridiction des affaires concernant la foi dans ce même pays.

Le flot continu de correspondance en provenance de Haïfa donnait à ces institutions naissantes les directives nécessaires concernant l'application des Écrits bahá'ís à la conduite de la vie communautaire. Des communications d'ordre plus général encourageaient tous les croyants à soutenir et à obéir sincèrement aux corps qu'ils élisaient. Les principes bahá'ís de la consultation furent reconnus et les assemblées encouragées à se former consciemment à la prise de décision en groupe.

En accord avec le Testament de 'Abdu'l-Bahá , le Gardien nomma, entre les années 1951 et 1957, un certain nombre de croyants émérites Mains de la cause de Dieu, et les chargea de responsabilités particulières concernant l'enseignement de la foi ou la protection de ses institutions. L'institution de la Maison Universelle de Justice, conçue et nommée par Bahá'u'lláh, vint couronner cette structure administrative globale. Shoghi Effendi spécifia que, dès que le développement de la communauté bahá'íe le permettrait, une maison universelle de justice serait élue par la totalité de la communauté internationale bahá'íe agissant par l'intermédiaire de leurs assemblées spirituelles nationales.

Un mot doit être dit du rôle joué par la communauté nord-américaine, et particulièrement par les bahá'ís des États-Unis, dans ce processus de formation. 'Abdu'l-Bahá avait prodigué ses louanges quant aux capacités spirituelles et aux services rendus par ses membres. Il avait aussi fait l'éloge de tout ce qui caractérisait les États-Unis en tant que nation. Et, plus important encore, il avait indiqué que l'Amérique servirait de berceau à l'ordre administratif que Bahá'u'lláh avait conçu. En raison de l'importance de ce tournant dans l'histoire de l'humanité, le jour approche où vous verrez comment ... l'Occident aura remplacé l'Orient, répandant la lumière de la direction divine.

[Nota: Cité dans Citadel of Faith, de Shoghi Effendi, p. 30.]

C'est pourquoi, lorsque Shoghi Effendi commença à établir l'ordre administratif, il se tourna vers les croyants américains en tant que principaux collaborateurs. Déjà un certain nombre d'entre eux étaient occupés à des projets d'enseignement bahá'í par-delà leurs propres frontières, et l'une d'entre elles, Martha Root, membre d'une éminente famille américaine, avait réussi à conduire à la foi sa première tête couronnée, la reine Marie de Roumanie.

[Nota: Pour un récit de la conversion de la reine, voir La Perle inestimable, de Rúhíyyih Rabbani, chap. IV.]

Les bahá'ís américains étaient aussi les principaux exécuteurs du Testament de 'Abdu'l-Bahá . Ce fut principalement par l'intermédiaire de cette correspondance avec l'Assemblée spirituelle nationale des bahá'ís des États-Unis et du Canada que Shoghi Effendi modela progressivement les institutions locales et nationales, afin qu'elles fonctionnent conformément aux principes des Écrits de la foi.

[Nota: Les deux communautés (États-Unis et du Canada ) se scindèrent en 1948 lorsque le Canada forma sa propre assemblée spirituelle nationale, qui fut enregistrée l'année suivante par un décret du Parlement.]

Il encourageait les communautés d'autres pays à suivre cet exemple. Bien que les différences culturelles puissent déterminer par la suite les sujets d'importance secondaire, l'ordre administratif devait, pour l'essentiel, être uniforme, ce qui nécessitait un modèle.

La communauté américaine devait fournir ce modèle, mais Shoghi Effendi mit ses membres en garde contre le fait que leur mandat n'avait rien à voir avec le système politique qui leur était familier. Bien au contraire : Bahá'u'lláh était venu de Perse non en raison d'une quelconque supériorité culturelle qu'aurait possédée cette nation, mais à cause de sa profonde dégradation morale. De même, son ordre administratif devait d'abord s'ériger dans un milieu social caractérisé par le matérialisme, l'anarchie et la corruption politique. Là, comme cela s'était déjà produit en Perse, Bahá'u'lláh démontrerait que seule la puissance de Dieu pouvait régénérer un peuple et une société.

[Nota: Shoghi Effendi, Advent of Divine Justice pp. 14-16.]

Les raisons qui poussèrent Shoghi Effendi à consacrer tant de temps et d'énergie au développement de l'ordre administratif bahá'í devinrent rapidement apparentes. Les institutions administratives de la foi fournissaient les instruments nécessaires à la mise en œuvre du Plan divin de 'Abdu'l-Bahá destiné à répandre le message bahá'í dans le monde entier. Avant que cette communauté très éparpillée ne pût entreprendre une telle tâche, il était nécessaire d'établir un corps administratif habilité à prendre des décisions et capable de mobiliser la main-d'œuvre et les ressources nécessaires. Il était de plus indispensable d'accorder à ces institutions suffisamment de temps pour apprendre les rudiments de l'administration bahá'íe et de la consultation.

En conséquence de quoi, ce ne fut pas avant 1937, seize ans après la mort de 'Abdu'l-Bahá , que Shoghi Effendi commença à travailler systématiquement à la réalisation d'objectifs définis par 'Abdu'l-Bahá dans une série de lettres adressées aux bahá'ís d'Amérique du Nord. En avril 1937 le Premier Plan de sept ans fut lancé, comportant trois objectifs principaux :

1) établir au moins une assemblée spirituelle locale dans chacun des États des États-Unis et dans chaque province du Canada;

2) s'assurer qu'au moins un enseignant bahá'í résidait dans chaque république d'Amérique latine; et

3) achever l'extérieur de la première maison d'adoration bahá'íe en Amérique du Nord - bâtiment dont 'Abdu'l-Bahá avait posé la première pierre au cours de sa visite en 1912 et qui, sous de nombreux rapports, symbolisait la communauté internationale bahá'íe elle-même.

En dépit des obstacles créés par la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, ce plan fut achevé pour l'anniversaire de la déclaration du Báb en mai 1944.

Après un intervalle de deux ans, un second Plan de sept ans fut lancé en 1946. L'effort allait porter cette fois-ci sur l'Europe qui n'avait à l'époque que deux assemblées spirituelles nationales : celles de Grande Bretagne et d'Allemagne. Le plan prévoyait aussi la création d'assemblées spirituelles locales en Amérique latine et un accroissement important de celles d'Amérique du Nord. En 1953, le succès couronna la fin du plan qui coïncidait avec un important anniversaire bahá'í, le centenaire du début de la mission de Bahá'u'lláh dans le Síyáh-Chál. L'un des principaux buts de ce Plan de sept ans fut l'établissement d'une assemblée spirituelle nationale indépendante au Canada. Ce qui fut fait en 1948 et fut suivi en 1949 de son enregistrement par un décret du Parlement.

[Nota: Shoghi Effendi, Messages to Canada, pp. 12-13., fait que Shoghi Effendi souligna comme étant unique dans les annales de la foi, que ce soit en Orient ou en Occident.]

Les deux réalisations distinctes les plus impressionnantes de ce second Plan se rapportent tout particulièrement à la communauté bahá'íe d'Amérique du Nord. Avril 1953 fut marqué par l'inauguration de la maison d'adoration de Wilmette dans l'Illinois, qui allait être la première d'une série d'édifices similaires devant être construits sur les cinq continents du globe. L'architecte était un Canadien français du nom de Jean-Louis Bourgeois. L'architecte italien Luigi Quaglino salua cette magnifique création en ces termes : " une nouvelle création qui révolutionnera l'architecture du monde ". Et il ajouta : " elle aura sa place dans l'histoire. "

[Nota: Louis J. Bourgeois, The Bahá'í Temple : Press Comments, Symbolism, p. 7.]

L'autre important triomphe de ces années fut encore un édifice, un magnifique tombeau destiné à couronner le bâtiment de pierre construit par 'Abdu'l-Bahá et servant de mausolée au Báb. L'architecte de ce tombeau était un autre Canadien, William Sutherland Maxwell, chez qui 'Abdu'l-Bahá avait séjourné durant sa visite à Montréal. Cette élégante construction dont le dôme doré couronne des arcades de marbre blanc et des colonnes de granite rose, a embelli le Centre mondial bahá'í de l'un des plus beaux monuments des rivages de la Méditerranée.

En 1953, sans perdre de temps, Shoghi Effendi lança la communauté bahá'íe dans l'entreprise la plus ambitieuse de son histoire : un plan mondial auquel il donna le nom de Croisade de dix ans. Ce plan devait s'achever en 1963, anniversaire de la déclaration de Bahá'u'lláh dans les jardins du Ridván. Cent trente-deux nouveaux pays et dominions devaient être ouverts à la foi, et les communautés existantes dans cent vingt pays et territoires devaient être développées. Des assemblées spirituelles nationales devaient être établies dans la plupart des pays d'Europe et d'Amérique latine, et il était demandé aux bahá'ís d'accroître sensiblement le nombre des assemblées, des croyants, des legs et dotations de biens. Ce plan, de même que les précédents, fut réalisé pour la date fixée (et même largement dépassé), mais dans des circonstances bien différentes de tout ce qu'aurait pu anticiper la communauté bahá'íe.

Vers le début du mois de novembre 1957, alors qu'il se trouvait en Angleterre pour l'achat de fournitures destinées au bâtiment des archives sur le mont Carmel, Shoghi Effendi contracta une grippe asiatique. Le 4 novembre il mourut d'une attaque cardiaque, laissant le monde bahá'í stupéfait et temporairement troublé, alors que seule une moitié du Plan de dix ans avait été achevée.

Le Gardiennat devait théoriquement être une continuité. Le Testament de 'Abdu'l-Bahá autorisait le Gardien de la foi à nommer un successeur parmi les descendants directs de Bahá'u'lláh, tout en indiquant certaines des qualités que devait posséder ce successeur. Shoghi Effendi mourut sans désigner de successeur car, apparemment, aucun autre membre de la famille ne remplissait les qualités spirituelles requises dans l'alliance de Bahá'u'lláh et dans le Testament de 'Abdu'l-Bahá . Il n'y aurait par conséquent pas de deuxième Gardien; la seule institution investie de l'autorité suffisante pour assurer la direction des affaires de la communauté était la Maison Universelle de Justice - un corps qui n'avait pas encore été élu.

[Nota: Voir Wellspring of Guidance, Messages de la Maison Universelle de Justice, 1963-1986, n° 23 et 25.]

Trois facteurs en corrélation apportèrent une réponse au dilemme auquel était confronté le monde bahá'í :

1) d'après certaines déclarations de Shoghi Effendi, il était clair qu'il prévoyait que les conditions seraient remplies pour l'élection de la Maison Universelle de Justice à la fin du Plan de dix ans;

2) entre-temps la communauté bahá'íe puiserait les directives de base nécessaires dans le plan détaillé conçu par Shoghi Effendi; et

3) il avait, dans l'un de ses derniers messages au monde bahá'í, nommé les Mains de la cause principaux régisseurs de la foi et les avait encouragées à collaborer étroitement avec les assemblées spirituelles nationales pour s'assurer que le Plan de dix ans serait mené à bien et que l'unité de la foi serait protégée.

[Nota: On trouvera un résumé des actions entreprises par les Mains de la cause entre 1957 et 1963, années où elles firent office d'intérimaire, ainsi que l'intégralité des déclarations faites lors de leurs congrès annuels dans The Bahá'í World : An International Record, vol. 13, 1954-1963, pp. 333-378.]

Ranimées par ce dernier message, les Mains de la cause organisèrent leur travail autour d'une série d'assises annuelles. Ces consultations aboutirent à un certain nombre d'importantes déclarations dont une déclaration officielle confirmant que Shoghi Effendi n'avait nommé aucun successeur (assise de 1957) et l'annonce de l'élection de la Maison Universelle de Justice par les membres de toutes les assemblées spirituelles nationales du monde bahá'í en 1963 (assise de 1959).

En avril 1961, vingt et une nouvelles assemblées spirituelles nationales furent établies en Amérique latine; et, une année plus tard, onze autres furent élues en Europe. Les buts restants du Plan de dix ans étaient donc soit atteints, soit même dépassés. Au printemps 1963, cent ans exactement après la déclaration de Bahá'u'lláh, à une poignée de ses disciples dans le jardin du Ridván, les membres de cinquante-six assemblées spirituelles nationales de par le monde menèrent à bien l'élection de la première Maison Universelle de Justice. Dans un geste remarquable de renonciation, les Mains de la cause exclurent la possibilité d'être elles-mêmes élues au sein de cette institution administrative suprême de la communauté bahá'íe.

Pour les bahá'ís, l'élection de la première Maison Universelle de Justice était un événement d'une importance capitale. Après plus d'un siècle de luttes, de persécutions et de crises internes récurrentes, et par le biais d'un processus électoral démocratique, la communauté bahá'íe avait réussi à créer une institution permanente pour gérer toutes les affaires concernant la foi. De plus, son établissement avait été conçu par Bahá'u'lláh lui-même et strictement basé sur les principes établis dans ses Écrits et dans ceux de 'Abdu'l-Bahá . L'hétérogénéité des nationalités des membres composant la première Maison Universelle de Justice semblait particulièrement appropriée à la nature et aux fonctions de cette institution : les neuf membres des quatre continents représentaient, de par leurs origines, les trois principales religions (juive, chrétienne et musulmane), ainsi que différentes ethnies.

[Nota: Des élections ultérieures de la Maison Universelle de Justice ont été organisées à cinq années d'intervalle à partir de 1963. Les élections se font pendant la période de célébration du Ridván.]

Par-delà son importance institutionnelle, l'établissement de la Maison Universelle de Justice symbolisait l'élément que les bahá'ís considèrent comme l'essence même de leur foi : l'unité. L'émergence de la Maison Universelle de Justice en tant qu'autorité incontestée pour tout ce qui concernait les affaires de la communauté signifiait que la foi bahá'íe était restée unie tout au long de la période la plus critique de l'histoire d'une religion, à savoir ce premier siècle vulnérable au cours duquel le schisme prend presque traditionnellement naissance.

Comme le démontrent amplement les histoires de Mírzá Yahyá, Muhammad-`Alí et Ibrahim Kheiralla, on essaya vainement, à plusieurs reprises, de diviser la communauté bahá'íe pendant cette période critique. Que de tels efforts aient échoué est une preuve impressionnante de la fonction de dirigeant exercée successivement par Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi.

[Nota: Une nouvelle tentative pour créer un schisme se produisit en 1960, avant les élections de la première Maison Universelle de Justice. Une des Mains de la cause, Charles Mason Remey, un Américain de plus de quatre-vingts ans, avança soudain la revendication qu'il était, d'une manière inexpliquée, le successeur héréditaire de Shoghi Effendi. Agissant sous l'autorité qui leur avait été attribuée dans le Testament de 'Abdu'l-Bahá , les autres Mains de la cause l'expulsèrent de la foi. La revendication de Remey souleva très peu d'intérêt et il mourut en 1974, ignoré par la poignée de personnes même qu'il avait attirée à l'origine.]

Avec l'établissement d'un corps permanent, reconnu et faisant autorité, auquel tous les croyants et tous les corps élus au niveau local et national à l'intérieur de la communauté bahá'íe se soumettaient, l'unité de la communauté assumait une forme institutionnelle qui engageait directement chaque croyant.

[Nota: En 1973, en même temps que la publication du premier Synopsis et Codification du Kitáb-i-Aqdas (Le Plus Saint Livre), la Maison Universelle de Justice promulgua sa constitution : La Constitution de la Maison Universelle de Justice.]

L'élection de la Maison Universelle de Justice permettait la reprise des deux principales activités entreprises par le Gardien, à savoir : premièrement, la création de nouvelles institutions et bureaux administratifs ainsi que l'exigeaient les besoins d'une foi qui se développait rapidement; et deuxièmement, l'élaboration de nouveaux plans généraux d'enseignement afin de poursuivre la vision de 'Abdu'l-Bahá d'une conquête spirituelle de la planète.

En 1964, au cours de l'année qui suivit sa première élection, la Maison Universelle de Justice lança un Plan de neuf ans qui fut achevé en 1973, centenaire de l'anniversaire de la révélation du Kitáb-i-Aqdas ou Le Plus Saint Livre par Bahá'u'lláh. Il fut immédiatement suivi d'un Plan de cinq ans qui s'acheva en 1979. Depuis lors, quatre plans internationaux ont été successivement achevés sous la direction de la Maison Universelle de Justice. Le Plan de quatre ans, en cours, lancé en 1996 a été programmé pour se terminer avec la fin du siècle.


5. ENSEIGNEMENTS DE BASE

Trois principes fondamentaux

Lorsque l'on se penche sur les enseignements de la foi bahá'íe, on examine tout d'abord ses trois principes fondamentaux :

- l'unité de Dieu;

- l'unité de l'humanité;

- l'unité fondamentale de la religion.


5.1. L'unité de Dieu

La croyance bahá'íe en un seul Dieu signifie que l'univers et toutes ses créatures et ses forces ont été créés par un seul Être surhumain et surnaturel. Cet Être, que nous appelons Dieu, a le contrôle absolu de sa création (omnipotence) et la connaissance parfaite et complète de cette dernière (omniscience). Bien que nous ayons différents concepts de la nature de Dieu, bien que nous le priions dans différentes langues et lui donnions des noms différents - Allah ou Yahweh, Dieu ou Brahma - nous parlons cependant du même et unique Être.

Célébrant l'acte de création de Dieu, Bahá'u'lláh dit :

" Louange à l'unité de Dieu, et honneur à l'incomparable et très glorieux Seigneur souverain de l'univers qui, du néant le plus complet, a créé la réalité de toutes choses; qui, de rien, a extrait les éléments les plus raffinés et les plus subtils de sa création et qui, délivrant ses créatures de l'abaissement où les tenait l'éloignement de sa présence, et les sauvant des périls de l'extinction finale, les a reçues dans son royaume d'incorruptible gloire ! Rien de moins que sa grâce universelle et sa miséricorde qui pénètrent tout ne pouvaient l'accomplir. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 44.]

Bahá'u'lláh enseigne que Dieu est un être trop grand et trop subtil pour que l'esprit humain, avec ses limites, puisse à jamais le comprendre correctement ou se le représenter exactement :

" Combien merveilleuse est l'unité du Dieu vivant et immuable à jamais - unité qui s'élève au-dessus de toutes les limitations et qui transcende la compréhension de toutes choses créées... Combien sublime est son incorruptible Essence, combien entièrement indépendante de la connaissance que peuvent en avoir toutes choses créées, et combien cette unité demeurera incommensurablement exaltée au-dessus de la louange de tous les habitants des cieux et de la terre. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 172.]


5.2. L'unité de l'humanité

Le second principe bahá'í fondamental est l'unité de l'humanité. Ceci signifie que la race humaine dans son ensemble est une espèce unifiée, distincte, une unité organique. Cette race humaine, qui est une, est l'apogée de la création, la forme de vie et de conscience la plus noble que Dieu ait créée; car, parmi les créatures de Dieu, seuls les êtres humains ont la capacité d'être conscients de l'existence de Dieu et de communiquer avec son esprit :

" Ayant créé le monde et tout ce qui y vit et qui s'y meut, Il [Dieu] a voulu conférer à l'homme, par l'opération directe de sa volonté libre et souveraine, le privilège et la capacité uniques de le connaître et de l'aimer - une capacité qui doit être considérée comme la raison d'être et la fin principale de toute la création... Seul entre toutes choses créées, l'homme a été choisi comme objet d'une si grande faveur et permanente bonté. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, pp. 44-45.]

L'unité de l'humanité implique aussi que tous les peuples ont les mêmes capacités de base octroyées par Dieu. Les différences physiques telles que la couleur de la peau ou la texture des cheveux ne sont que superficielles et n'ont rien à voir avec une quelconque supériorité supposée d'un groupe ethnique sur un autre. Toutes les théories de supériorité raciale sont rejetées par les enseignements bahá'ís parce que fondées sur une imagination erronée et sur l'ignorance.

[Nota: Selon les préceptes bahá'ís, les apparentes différences qui existent entre groupes ethniques au niveau de certaines réalisations culturelles sont imputables aux différences à long terme existant entre les possibilités tant éducatives que culturelles, ainsi qu'aux effets cumulés de l'oppression et des préjugés de race.]

Les bahá'ís pensent que l'humanité a toujours constitué une seule espèce, mais que les préjugés, l'ignorance, la quête du pouvoir et l'égoïsme ont empêché nombre de gens et de peuples de reconnaître ou d'accepter cette unité. La mission essentielle de Bahá'u'lláh fut de changer cet état de choses et d'instaurer la conscience universelle de l'unité de l'humanité. Les bahá'ís pensent que l'unité organique qu'est l'humanité a subi un processus de croissance collective sous la paternité de Dieu. De même qu'un organisme simple atteint sa maturité après des étapes successives de développement, de même l'humanité évolue progressivement vers sa maturité collective.

L'expression première de l'évolution sociale de l'homme est sa capacité à organiser sa société à des niveaux de plus en plus élevés d'unité, avec une spécialisation de plus en plus grande de ses composants individuels, et conséquemment, un accroissement de l'interdépendance et du besoin de coopération des parties spécialisées. La famille, la tribu, la cité, la nation représentent quelques-unes des étapes témoins de l'évolution sociale. L'étape suivante de ce processus de croissance collective, et qui représente le point culminant de l'évolution humaine, est l'unité du monde : l'organisation de la société en une civilisation planétaire.

Shoghi Effendi parlait ainsi de cet enseignement bahá'í :

" Le principe de l'unité de l'humanité - pivot autour duquel gravitent tous les enseignements de Bahá'u'lláh - n'est pas le simple élan d'une sentimentalité ignorante ou l'expression d'un espoir vague et pieux... Son message ne vaut pas seulement pour l'individu, il vise avant tout la nature des rapports essentiels qui doivent lier tous les États et toutes les nations comme les membres d'une même famille humaine... Il suppose un changement organique dans la structure de la société contemporaine, un changement tel que le monde n'en a jamais connu... Il n'implique rien de moins que la reconstruction et la démilitarisation du monde civilisé tout entier... Il représentera le couronnement de l'évolution humaine - une évolution dont les prémices ont été la naissance de la vie familiale, dont le développement suivant fut la réalisation de la solidarité tribale, celle-ci conduisant à son tour à la constitution de la Cité-État, qui s'est élargie plus tard dans l'institution de nations souveraines et indépendantes.

Le principe de l'unité de l'humanité, tel que l'a proclamé Bahá'u'lláh, apporte avec lui ni plus ni moins que l'affirmation solennelle selon laquelle, dans cette prodigieuse évolution, l'accession à ce stade final est non seulement nécessaire mais inéluctable, que sa réalisation approche à grands pas, et que rien si ce n'est un pouvoir né de Dieu ne peut réussir à l'établir. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, pp. 37 à 39.]

Ainsi, le principe de l'unité de l'humanité implique non seulement une nouvelle conscience individuelle, mais aussi l'établissement de l'unité des nations, d'un gouvernement mondial et enfin d'une civilisation planétaire. Aussi ne suffit-il pas que l'humanité reconnaisse son unité tout en continuant à vivre dans un monde désuni, envahi de conflits, de préjugés et de haine. Nous devons exprimer cette unité en construisant un système social profondément universel et uni, basé sur des principes spirituels. La réalisation d'un tel système représente le but divin de l'évolution sociale humaine :

" ... l'objectif de la vie d'un bahá'í est de promouvoir l'unité de l'humanité. La finalité de nos vies est liée à la vie de tous les êtres humains; nous recherchons non pas un salut personnel, mais un salut universel... Notre but est de produire une civilisation mondiale qui, à son tour, agira sur le caractère de l'individu. C'est, dans un certain sens, l'inverse du christianisme qui commence d'abord par l'individu pour agir ensuite, par son intermédiaire, sur la vie collective de l'homme. "

[Nota: Shoghi Effendi, extrait de The Concept of Spirituality, de William Hatcher, p. 29.]

Ainsi, du point de vue bahá'í, le but fondamental et spirituel de la société est de créer un milieu favorable au développement et à la croissance saine de tous ses membres.

Bahá'u'lláh a proposé des moyens détaillés pour établir l'unité mondiale, moyens développés dans les chapitres suivants du présent ouvrage. D'une manière générale, ce qu'il proposait était la création de nouvelles structures sociales basées sur la participation et la consultation. Ces nouvelles structures serviraient avant tout à éliminer les conflits d'intérêt et à réduire ainsi les possibilités de désunion à tous les niveaux de la société. Les nouvelles structures envisagées comprennent un certain nombre de puissants organes internationaux rattachés à un gouvernement mondial : une législature mondiale à la représentation et à l'autorité réelles, une cour internationale dont la juridiction serait souveraine dans tout conflit entre nations, et une force de police internationale.

Il ajouta que la création de ces nouvelles structures sociales devait être accompagnée d'une prise de conscience individuelle et collective de l'unité fondamentale de l'humanité :

" Vous êtes les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une même branche. Que vos relations avec vos semblables soient toujours empreintes d'amour et d'harmonie, de l'esprit le plus amical et le plus fraternel... Si puissante est la lumière de l'unité, qu'elle peut illuminer la terre entière. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 190.]

Et, dans un autre passage :

" Ce n'est point celui qui aime son propre pays qui peut se glorifier, mais plutôt celui qui aime le monde tout entier. La terre est un seul pays, et tous les hommes en sont les citoyens. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 164.]

L'unité, selon la conception bahá'íe, est une unité dans la diversité plutôt que dans l'uniformité. Ce n'est pas en supprimant les différences que nous arriverons à l'unité, mais plutôt par une conscience accrue et par le respect de la valeur intrinsèque de chaque culture séparément, et partant, de chaque individu. Ce n'est pas la diversité en elle-même qui est considérée comme la cause du conflit, mais davantage notre attitude immature à l'égard de cette dernière, notre intolérance et nos préjugés. 'Abdu'l-Bahá exprima son point de vue dans le passage suivant :

" Que quelqu'un prétende que l'unité véritable et durable ne peut en aucun cas être réalisée dans ce monde parce que les peuples diffèrent profondément dans leurs coutumes, leurs habitudes, leurs goûts, leur tempérament, leur caractère, leurs pensées et leurs vues, et nous lui répondrions que les différences sont de deux sortes : l'une est cause de destruction, comme le démontre l'esprit de rivalité et de lutte qui anime les peuples et nations antagonistes ou en conflit, tandis que l'autre est le signe de la diversité, le symbole et le secret de la perfection, la révélatrice des bontés du Très-Glorieux.

Vois les fleurs d'un jardin; bien que différentes en raison de leur espèce, leurs formes et leurs couleurs, elles sont cependant rafraîchies par les ondées d'un même printemps, ravivées par les brises d'un même vent, revigorées par les rayons d'un même soleil, et leur diversité ajoute à leur charme et accroît leur beauté. Combien serait morne pour l'œil un jardin où toutes les fleurs, plantes, feuilles, fruits, branches et arbres auraient la même forme et la même couleur ! La diversité des tons, des formes et des dimensions fait la richesse et la beauté du jardin dont ils rehaussent l'effet. De même, lorsque plusieurs modes de pensées, de tempéraments et de caractères seront réunis sous le pouvoir et l'influence d'un agent unique, la gloire et la beauté de la perfection humaine seront révélées et rendues manifestes. Seule la puissance céleste de la parole divine qui gouverne et transcende la réalité des choses est capable d'harmoniser les divergences de pensées, de sentiments, d'idées et de convictions des enfants des hommes. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá cited in Bahá'u'lláh and 'Abdu'l-Bahá , The Divine Art of Living: Selections from Writings of Bahá'u'lláh and 'Abdu'l-Bahá , pp. 109-110.]

L'établissement de l'unité mondiale et d'une civilisation planétaire représentant l'apogée du développement de l'humanité sur cette planète, représentent l'entrée de l'humanité dans l'âge de sa majorité, celui de la maturité de la race humaine. Shoghi Effendi exprima ainsi cette idée :

" La révélation de Bahá'u'lláh, dont la mission suprême n'est autre que la réalisation de cette unité organique et spirituelle de l'ensemble de toutes les nations, devrait être considérées, si nous sommes fidèles à ses implications, comme marquant par son avènement " l'entrée dans l'âge adulte de la race humaine tout entière ". Elle doit être considérée ... comme le signe de l'entrée dans la phase dernière et suprême de l'évolution prodigieuse de la vie collective de l'homme sur cette planète. L'émergence d'une communauté mondiale, la prise de conscience d'une citoyenneté mondiale, l'établissement d'une culture et d'une civilisation mondiale ... devraient être considérés, par leur nature même, en ce qui concerne cette vie terrestre, comme les plus lointaines limites qui puissent être atteintes dans l'organisation de la société humaine, bien que en tant qu'individu, l'homme, en conséquence même d'un tel achèvement poursuivra indéfiniment sa progression et son développement. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 152.]

Les différentes étapes du développement de l'humanité sont considérées comme semblables aux étapes de la vie d'un individu. L'étape actuelle est considérée comme celle de son adolescence, qui précède immédiatement sa pleine maturité :

" Les longs siècles de premières et de seconde enfance par lesquelles a dû passer la race humaine s'estompent dans le passé. L'humanité fait maintenant l'expérience des troubles invariablement associés au stade le plus tumultueux de son évolution, le stade de l'adolescence, quand l'impétuosité de la jeunesse et sa véhémence atteignent leur point culminant, avant de faire progressivement place au calme, à la sagesse et à la maturité qui caractérisent le stade de l'âge adulte. Alors, la race humaine atteindra cette stature, cette maturité qui la rendra capable d'acquérir tous les pouvoirs et toutes les capacités dont doit dépendre son développement ultime. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 196.]

Faisant référence à l'âge de la pleine maturité de l'humanité, Shoghi Effendi dit :

" Cette transformation mystique, qui touche tout et reste indéfinissable, que nous associons au stade de maturité en tant que moment inévitable dans la vie de l'individu ... doit ... avoir sa contrepartie dans l'évolution de l'organisation de la société humaine. Un stade semblable doit, tôt ou tard, être atteint dans la vie collective de l'humanité, engendrant un phénomène plus frappant encore dans les relations mondiales et dotant la race humaine tout entière de potentialités de bien-être telles, qu'elles fourniront, à travers la succession des âges, le principal stimulant nécessaire à l'accomplissement final de ses hautes destinées. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 152.]

Il est évident que l'histoire de l'humanité que nous pouvons étudier est l'histoire du premier âge de l'homme, de son enfance et de son adolescence. Par conséquent, affirme Bahá'u'lláh, nous avons tendance à sous-estimer les véritables capacités de la race humaine. Mais ces capacités latentes deviendront évidentes lorsque l'humanité atteindra sa maturité :

" En vérité, je vous le dis, dans cette très puissante révélation, toutes les dispensations du passé ont atteint leur plus haut ... achèvement... Les potentialités inhérentes à la condition de l'homme, la pleine mesure de sa destinée sur terre, l'excellence innée de sa réalité, tout cela doit être manifesté en ce jour promis de Dieu. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 223-224.]

En résumé, le principe bahá'í de l'unité de l'humanité signifie que la race humaine représente une unité organique dont la vie sociale collective s'est progressivement développée parce que réorganisée sur des niveaux d'unité toujours plus élevés (la famille, la tribu, la Cité-État, la nation). La mission spécifique de Bahá'u'lláh était de lui fournir l'élan nécessaire à l'étape suivante de cette évolution sociale, à savoir l'organisation de la société humaine en une civilisation planétaire. De plus, en réalisant son unification, l'humanité parvient, dans sa vie de collectivité, à sa maturité ou état adulte.

La communauté bahá'íe est considérée comme l'embryon et l'archétype de la future civilisation mondiale. Elle permet également à l'individu de commencer à vivre l'expérience de l'unité et de développer cette nouvelle conscience. Ce thème sera traité plus amplement dans un prochain chapitre.


5.3. L'unité des religions

Le troisième principe bahá'í fondamental, l'unité des religions, est étroitement lié au principe de l'unité de l'humanité. Notre étude, de ce concept de l'unité de la race humaine, a suggéré que l'humanité est engagée dans un processus de croissance collective assez semblable au processus de croissance d'un individu : de même que l'individu commence sa vie sans défense comme nourrisson et parvient à la maturité par étapes successives, de même l'humanité débute sa vie sociale collective à l'état primitif et atteint progressivement sa maturité. Dans le cas d'un individu, il est clair que son développement évolue en fonction de l'éducation qu'il a reçue de ses parents, de ses enseignants et de la société en général. Mais quelle est la force motrice de l'évolution collective de l'humanité ?

La réponse que donne la foi bahá'íe à cette question est la religion révélée. Dans l'un de ses principaux ouvrages, le Kitáb-i-Íqán (Le Livre de la Certitude), Bahá'u'lláh explique que Dieu, le Créateur, est intervenu et continuera à intervenir dans l'histoire de l'humanité par l'intermédiaire de porte-parole choisis ou messagers. Ces messagers que Bahá'u'lláh appelle manifestations de Dieu, sont essentiellement les fondateurs des principales religions révélées, tels Abraham, Moïse, Bouddha, Jésus, Mohammed, etc. C'est l'esprit libéré par la venue de ces manifestations, ainsi que l'influence de leurs enseignements et des systèmes sociaux établis par leurs lois et préceptes, qui permettent à l'humanité de progresser dans son évolution collective. En d'autres termes, les manifestations de Dieu sont les principales éducatrices de l'humanité.

En ce qui concerne les différents systèmes religieux qui sont apparus dans l'histoire de l'humanité, Bahá'u'lláh dit :

" Ces principes et lois, ces puissants systèmes si fermement établis, procèdent d'une même source et sont les rayons d'une seule lumière. Le fait qu'ils diffèrent les uns des autres doit être attribué à la diversité des besoins que présentaient les âges au cours desquelles ils furent promulgués. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 189.]

Ainsi, le principe de l'unité des religions signifie que tous les fondateurs des grandes religions - les manifestations - émanent de Dieu et que tous les systèmes religieux qu'ils ont établis font partie d'un même plan divin régi par Dieu.

Il n'y a en réalité qu'une seule religion, la religion de Dieu. Cette religion unique évolue continuellement, et chaque système religieux particulier représente une étape dans l'évolution du tout. La foi bahá'íe représente l'étape actuelle de l'évolution de la religion.

Afin de souligner cette idée que tous les enseignements et actes des manifestations sont régis par Dieu et ne sont pas issus de sources naturelles humaines, Bahá'u'lláh a utilisé le terme révélation pour décrire le phénomène qui se produit à chaque fois qu'une manifestation apparaît. En particulier, les Écrits de la manifestation représentent la parole infaillible de Dieu. Étant donné que ces Écrits persistent bien au-delà de la vie terrestre de la manifestation, ils constituent une part extrêmement importante du phénomène de la révélation. À tel point que le terme révélation est parfois utilisé dans un sens restrictif pour se référer aux Écrits et paroles de la manifestation.

L'histoire religieuse est considérée comme une succession de révélations divines, et le terme de révélation progressive est utilisé pour décrire ce processus. Ainsi, selon les bahá'ís, la révélation progressive est la force motrice du progrès humain, et la manifestation de Bahá'u'lláh est l'exemple le plus récent de révélation.

[Nota: Bahá'u'lláh a expliqué qu'il pouvait s'écouler environ mille ans entre deux manifestations. Il enseigna également que le processus de la révélation ne s'arrêterait pas avec sa révélation, et qu'une autre manifestation viendrait après lui, mais pas avant que mille années ne se soient écoulées. Selon les Écrits bahá'ís, le processus de la révélation se poursuivra indéfiniment dans l'avenir, et l'humanité verra apparaître de nombreuses autres manifestations.]

Pour identifier plus clairement le concept bahá'í de religion, comparons-le aux autres manières que l'on a de considérer la religion. Certains considèrent que les différents systèmes religieux résultent des efforts de l'humanité pour atteindre à la vérité. Selon cette conception, les fondateurs des grandes religions ne nous révèlent pas Dieu, mais ils sont plutôt des philosophes ou des penseurs, des êtres humains qui ont sans doute progressé plus que d'autres dans la découverte de la vérité. Cette notion exclut l'idée de l'unité de base des religions, les différents systèmes religieux étant considérés comme représentant différentes opinions et croyances auxquelles sont parvenus des êtres humains faillibles, plutôt que comme d'infaillibles révélations de la Vérité provenant d'une source unique.

D'un autre côté, de nombreux adhérents orthodoxes de différentes traditions religieuses infèrent que le prophète, ou fondateur de leur propre religion, représente la véritable révélation de Dieu à l'humanité et que les autres fondateurs religieux sont de faux prophètes, ou du moins nécessairement inférieurs au fondateur de leur tradition. Un grand nombre de juifs, par exemple, pensent que Moïse était un véritable messager de Dieu, mais que Jésus ne l'était pas. De même, de nombreux chrétiens croient en la révélation de Jésus, mais considèrent que Mohammed était un faux prophète et affirment que Moïse avait un statut inférieur à celui de Jésus.

Le principe bahá'í de l'unité des religions diffère fondamentalement de ces deux concepts traditionnels. Bahá'u'lláh attribua les différences de certains des enseignements des grandes religions, non à la faillibilité humaine des fondateurs, mais plutôt, aux différents besoins des époques durant lesquelles ces révélations eurent lieu. Il affirma en outre qu'un grand nombre d'erreurs humaines avaient été introduites dans la religion en raison de la corruption des textes et de l'adjonction d'idées étrangères. De plus, les bahá'ís pensent qu'aucun fondateur n'est supérieur à un autre. Shoghi Effendi a résumé ce point de vue dans le passage suivant :

Le principe fondamental énoncé par Bahá'u'lláh, ainsi que le croient fermement les adeptes de sa religion, est que la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, que la révélation divine est un processus continu et progressif, que toutes les grandes religions du monde sont d'origine divine, que leurs principes de base sont en complète harmonie, que leurs buts et objectifs sont les mêmes, que leurs enseignements sont les facettes d'une même réalité, que leurs fonctions sont complémentaires, qu'elles ne diffèrent que dans les aspects secondaires de leurs doctrines, et que leurs missions représentent les étapes successives de l'évolution spirituelle de la société humaine.

[Nota: Shoghi Effendi, The Faith of Bahá'u'lláh, extrait de World Order, vol. 7, n° 2, 1972-1973, p. 7.]



5.4. La révélation bahá'íe - les Écrits saints

Les Écrits de Bahá'u'lláh comprennent plus de cent ouvrages et tablettes, dont la plupart furent écrits dans les difficiles conditions d'emprisonnement décrites précédemment. Cette entité littéraire constitue la révélation bahá'íe. Les écrits de 'Abdu'l-Bahá et les interprétations données par Shoghi Effendi possèdent, aux yeux des bahá'ís, une autorité réelle bien que dérivée.

Le contenu des Écrits de Bahá'u'lláh comprend plusieurs thèmes :

- Les concepts de base forment le premier thème, symbolisés par le Kitáb-i-Íqán et son explication de la révélation progressive.

- Les principes de la vie et de la conduite humaine forment un autre thème, ainsi que le soulignent les exhortations de Bahá'u'lláh parlant en tant que représentant de Dieu sur terre. Il y explique la nature et le but de la vie, décrit son développement, encourage les hommes à agir en accord avec la volonté divine et donne à la fois des avertissements et des promesses en parallèle aux actes des hommes.

- Le troisième thème se compose de lois et ordonnances semblables aux conseils, avec toutefois cette différence que, pour les bahá'ís, elles sont une obligation.

- De plus, Bahá'u'lláh établit des institutions administratives et sociales, fixant avec soin les limites de leur autorité, ainsi que celles de leurs prérogatives et pouvoirs.

Ces deux derniers thèmes, les lois et les institutions, constituent un système appelé l'ordre administratif de Bahá'u'lláh. Le but de cet ordre administratif est de sauvegarder l'unité de la communauté bahá'íe et de servir en même temps d'instrument pour l'établissement de l'unité mondiale. Les derniers chapitres de ce livre traitent de cet ordre administratif dans le détail.

Les autres thèmes des Écrits de Bahá'u'lláh, qui peuvent facilement être distingués, sont de caractère pieux, mystique, philosophique et historique. La variété est grande et témoigne de la diversité extraordinaire des préoccupations de Bahá'u'lláh concernant les besoins de l'individu et de la société.

La plupart des principes fondamentaux que l'on trouve dans ces Écrits peuvent être considérés comme subordonnés à la réalisation du principal but bahá'í, qui est d'établir un ordre mondial unifié. Leur application servirait à réduire les conflits entre groupes et entre individus et à créer ainsi un climat social favorable au développement de l'unité. Shoghi Effendi a résumé quelques-uns des principes bahá'ís essentiels. La citation est donnée dans sa totalité, afin de servir de base à un débat plus approfondi :

" La foi bahá'íe reconnaît l'unité de Dieu et de ses prophètes, soutient le principe de la recherche indépendante de la vérité, condamne toutes formes de superstition et de préjugé, enseigne que le but fondamental de la religion est de promouvoir la concorde et l'harmonie, qu'elle doit marcher de pair avec la science, qu'elle constitue la seule et unique base pour une société pacifique et progressive où règne l'ordre. Elle inculque le principe de l'égalité de chances, de droits et de privilèges pour les deux sexes, préconise l'éducation obligatoire, abolit les extrêmes dans la pauvreté et la richesse, exalte au rang d'adoration le travail accompli dans un esprit de service, recommande l'adoption d'une langue auxiliaire universelle et fournit les moyens nécessaires à l'établissement et à la sauvegarde d'une paix permanente et universelle. "

[Nota: Shoghi Effendi, World Order of Bahá'u'lláh (éd. 1944), pp. xi-xii.]

C'est dans ce contexte que nous examinerons à présent certains de ces principes de manière plus approfondie.


5.5. La recherche indépendante de la vérité

L'une des principales sources de conflit dans le monde d'aujourd'hui réside dans le fait que de nombreuses personnes suivent aveuglément et sans aucun esprit critique diverses traditions, mouvements et opinions. Dieu a donné à chaque être humain un esprit et la capacité de différencier la vérité de l'erreur. Si l'on n'utilise pas sa capacité de raisonner et que l'on choisit plutôt d'accepter sans poser de questions certaines opinions et idées, soit par admiration, soit par peur de ceux qui les avancent, alors nous négligeons notre responsabilité morale première d'être humain.

De plus, lorsque des personnes agissent ainsi, elles s'attachent souvent de manière fanatique à quelque opinion ou tradition particulière et en arrivent à ne plus tolérer ceux qui ne la partagent pas. Une telle attitude peut, à son tour, provoquer un conflit. L'histoire a été le témoin de conflits et même d'effusions de sang dus à de légères modifications d'une pratique religieuse ou à un changement mineur dans l'interprétation d'une doctrine.

La recherche indépendante de la vérité permet à l'individu de savoir pourquoi il adhère à une idéologie ou doctrine donnée. Les bahá'ís pensent que dans la mesure où il n'existe qu'une seule réalité, les hommes découvriront tous, progressivement, ses différents aspects et parviendront, finalement, à une entente réciproque et à l'unité, à condition que chacun recherche sincèrement la vérité. C'est dans cet esprit que 'Abdu'l-Bahá a dit :

" La vérité, étant une, ne peut être divisée, et les différences qui semblent exister parmi les nations ne sont que le résultat de leur attachement à des préjugés. Si seulement les hommes recherchaient la vérité, ils se trouveraient unis. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 112.]

Et encore :

" Le fait de nous imaginer que nous sommes dans le vrai et que tous les autres sont dans l'erreur est le plus grand des obstacles sur le chemin de l'unité, et l'unité est nécessaire si nous voulons parvenir à la vérité, car la vérité est " une ". "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 120.]


5.6. Abandon des préjugés et des superstitions

Bahá'u'lláh porta une attention toute particulière au problème du préjugé. Un préjugé est un fort attachement émotionnel à une idée, sans se soucier de savoir si cette idée est raisonnable ou non. Une forme courante de préjugé consiste à s'identifier fortement à un groupe auquel on appartient et que l'on considère comme supérieur aux autres groupes. On se forge ainsi une image négative de tous ceux qui se trouvent à l'extérieur de ce groupe, sans considérer leurs qualités individuelles. Le préjugé de groupe peut se fonder sur des critères raciaux, économiques, linguistiques et autres. La haine née du préjugé peut, et a souvent engendré une instabilité sociale, la guerre et même le génocide. Bahá'u'lláh a particulièrement recommandé à ses disciples de s'efforcer activement de se débarrasser de tous préjugés et superstitions sur la nature humaine qui puissent engendrer de telles aversions.

Dans un ouvrage traitant principalement de l'éthique, les Paroles cachées, Bahá'u'lláh incite l'homme à réfléchir à ce problème :

" Ô enfants des hommes !

Ne savez-vous pas pourquoi Nous vous avons tous créés de la même poussière ? C'est pour que nul ne s'élève au-dessus des autres. Méditez sans cesse sur la manière dont vous fûtes créés. Puisque Nous vous avons tous faits d'une même substance, il vous incombe d'être comme une seule âme, allant d'un même pas, mangeant d'une même bouche et habitant la même terre afin que, du tréfonds de vous-mêmes, par vos actes et par vos œuvres, les signes de l'unité et l'essence du détachement puissent se manifester. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Les Paroles cachées, éd. 1988, p. 27.]


5.7. Accord de la science et de la religion

Une des principales sources de conflit dans le monde d'aujourd'hui est l'idée très répandue que la science et la religion sont essentiellement opposées, que la vérité scientifique contredit la religion sur certains points, et que l'on doit choisir entre, être croyant et avoir foi en Dieu ou être scientifique et s'attacher à la raison.

Les enseignements bahá'ís soulignent l'unité fondamentale de la science et de la religion. Ce point de vue est implicite dans l'extrait, cité plus haut, d'une déclaration de 'Abdu'l-Bahá qui dit que la vérité (ou réalité) est une. Car, s'il est vrai que la vérité est une, il n'est pas possible qu'une chose soit à la fois scientifiquement fausse et religieusement vraie. 'Abdu'l-Bahá exprime cette idée avec force dans le passage suivant :

" S'il s'avère de croyances ou d'opinions religieuses qu'elles sont contraires aux normes de la science, ce ne sont que de vaines superstitions et imaginations; car l'antithèse du savoir est l'ignorance, et l'enfant de l'ignorance est la superstition. Il doit, sans aucun doute, y avoir accord entre la vraie science et la vraie religion. Si une question s'avère être contraire à la raison, la foi et la croyance en cette question s'avèrent impossibles, et il n'y a d'autre issue que l'hésitation et le flottement. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , The Promulgation of Universal Peace, p. 181.]

Bahá'u'lláh a affirmé que l'intelligence humaine et ses pouvoirs de raisonnement sont un don de Dieu. La science est le résultat de l'usage systématique de ces pouvoirs accordés par Dieu. Les vérités de la science sont donc des vérités découvertes. Les vérités des religions prophétiques sont des vérités révélées, c'est-à-dire des vérités que Dieu nous a montrées sans que nous ayons à les découvrir. Les bahá'ís considèrent que le même Dieu unique est à la fois l'Auteur de la révélation et le Créateur de la réalité que la science étudie et que, par conséquent, il ne peut y avoir de contradiction entre les deux.

Les contradictions qui existent entre la science et les croyances religieuses traditionnelles sont attribuables à la faillibilité et à l'arrogance de l'homme. Au cours des siècles, des déformations ont pénétré progressivement les doctrines de nombreux systèmes religieux et entaché la pureté des enseignements donnés à l'origine par les manifestations qui les ont établis. Avec le temps, ces déformations deviennent de plus en plus difficiles à distinguer du message originel. De même, des spéculations non fondées de différentes écoles de pensée scientifique sont devenues en leur temps plus populaires et plus influentes que les résultats d'une recherche scientifique rigoureuse et n'ont fait que rendre les choses plus confuses.

'Abdu'l-Bahá a affirmé que la religion et la science sont en fait complémentaires :

" La religion et la science sont les deux ailes qui permettent à l'intelligence de l'homme de s'élever dans les cieux et à l'âme humaine de progresser. Il est impossible de voler avec une seule aile ! Si un homme essayait de voler avec la seule aile de la religion, il tomberait rapidement dans le marécage des superstitions; mais d'autre part, avec la seule aile de la science, il ne pourrait progresser et sombrerait dans la fange désespérée du matérialisme. Toutes les religions actuelles sont tombées dans des pratiques superstitieuses, qui ne sont en accord ni avec les vrais principes de l'enseignement qu'elles représentent ni avec les découvertes scientifiques de leur temps. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 126.]

Dans un autre passage du même ouvrage, il affirme que le résultat de la pratique de l'unité de la science et de la religion fortifiera plus la religion qu'elle ne l'affaiblira, comme le craignent de nombreux défenseurs de la religion :

" Lorsque la religion, débarrassée de ses superstitions, traditions et dogmes bornés, témoignera de sa conformité avec la science, alors apparaîtra dans le monde une grande force unificatrice et purificatrice qui balaiera devant elle toutes les guerres, conflits, discordes et luttes; alors l'humanité sera unie dans le pouvoir de l'amour de Dieu. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 128.]


5.8. Égalité de l'homme et de la femme

Alors que de nombreuses traditions religieuses et philosophiques enseignent que la femme doit être subordonnée à l'homme en ce qui concerne certains aspects de la vie sociale, ou bien même que les femmes sont, par leur nature, inférieures aux hommes, la foi bahá'íe enseigne l'égalité de l'homme et de la femme. Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont tous deux souligné que la femme posséde toutes les capacités intellectuelles de l'homme et qu'elle démontrera plus clairement dans le futur ses capacités pour des réalisations aussi bien intellectuelles que scientifiques, quels que soient les aspects de la recherche humaine. Une seule raison fait que les femmes n'ont pas encore atteint cet état : on ne leur en a pas fourni les moyens, par une éducation sociale et intellectuelle. De plus les hommes, en raison d'une force physique plus grande, ont physiquement dominé les femmes à travers les âges et les ont ainsi empêchées de développer leur véritable potentiel :

" Le monde a autrefois été gouverné par la force, et l'homme a dominé la femme en raison de qualités plus vigoureuses et agressives du corps et de l'esprit. Mais les valeurs changent déjà, la force perd de son importance et la vivacité d'esprit, l'intuition et les qualités spirituelles d'amour et de service, dans lesquelles la femme excelle, sont de plus en plus prisées. Cette nouvelle ère sera donc moins masculine et davantage pénétrée par les idéaux féminins ou, plus exactement, sera une ère dans laquelle les éléments masculins et féminins de la civilisation seront mieux équilibrés. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , extrait de Star of the West, vol. 9, n° 7, p. 87.]

Un aspect important de l'unité mondiale sera la réalisation d'un plus grand équilibre des influences féminines et masculines sur la société. En fait, ce sera surtout grâce à cette influence féminine accrue que la guerre sera éliminée et que l'on parviendra à une paix durable :

" Au cours des précédentes époques, l'humanité s'est avérée imparfaite et incompétente parce qu'immature. La guerre et ses ravages ont flétri le monde; l'éducation de la femme sera une étape importante vers leur abolition et leur fin, car elle usera de toute son influence pour lutter contre la guerre... En vérité, elle sera le plus grand facteur qui contribuera à établir une paix universelle et un arbitrage international. Assurément, la femme abolira la guerre parmi les hommes. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , The Promulgation of Universal Peace, p. 108.]


5.9. Éducation universelle

Ainsi que pour de nombreux thèmes de ses enseignements, Bahá'u'lláh a fourni des directives pratiques lorsqu'il a appelé à l'égalité de chances entre les sexes. Il a encouragé les gens à assurer l'éducation de tous les enfants. Si, cependant, des difficultés financières ou familiales empêchaient une famille de le faire d'une manière ou d'une autre et si la communauté ne pouvait faire face à ce besoin, alors la préférence devrait être donnée sans hésitation aux enfants de sexe féminin. Ceci remplit deux objectifs : aider d'une part la femme à surmonter le handicap des inégalités passées, et d'autre part permettre de s'assurer que la génération suivante retirera le plus grand bénéfice possible de l'éducation, quelle qu'elle soit, que pourra fournir la famille ou la communauté, étant donné que la mère est la première éducatrice dans la société.


5.10. Justice économique : abolir les extrêmes de pauvreté et de richesse

L'unité de l'humanité prévue par Bahá'u'lláh est une unité basée sur la justice. L'un des exemples les plus frappants d'injustice dans le monde d'aujourd'hui est le grave déséquilibre qui existe dans les conditions économiques et matérielles. Un pourcentage relativement peu élevé de l'humanité possède une immense richesse. Cette minorité contrôle pratiquement tous les moyens de production et de distribution, alors que la majorité de la population actuelle vit dans une pauvreté et une misère terribles. Ce déséquilibre existe à la fois au sein même des nations et entre les nations; certains pays hautement industrialisés détiennent une immense richesse, tandis que d'autres en restent dépourvus et sont sous-développés. De plus, le fossé qui sépare les riches des pauvres continue à s'élargir chaque année, ce qui démontre que les systèmes économiques actuels sont incapables de rétablir un juste équilibre. Bahá'u'lláh a affirmé que l'injustice économique est un mal moral, et qu'en tant que tel il est condamné par Dieu. 'Abdu'l-Bahá écrivit : " Lorsqu'on voit la pauvreté aller jusqu'à la famine, voilà le signe évident que quelque part se cache la tyrannie. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 135.]

Dans Les Paroles cachées, Bahá'u'lláh s'adresse en ces termes aux tyrans :

" Ô oppresseurs de la terre !
Cessez toute tyrannie, car je me suis promis de ne pardonner à l'homme aucune de ses injustices. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Les Paroles cachées, p. 54.]

Et, parlant plus précisément de l'injustice économique, il dit :

" Ô enfants de poussière !
Faites connaître aux riches les plaintes nocturnes du pauvre, de crainte que leur insouciance ne les conduise dans le chemin de la destruction et ne les prive de l'arbre de richesse. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Les Paroles cachées, pp. 48-49.]

L'une des principales causes de l'injustice économique est la concurrence excessive et ruineuse. Bien que la concurrence limitée ait sans aucun doute stimulé utilement la production durant cette période de l'histoire où les moyens de production étaient peu développés, la coopération doit maintenant la remplacer. Les ressources humaines et matérielles à notre disposition doivent être utilisées à long terme, pour le bien de tous, et non pour le profit à court terme de quelques-uns. Ce qui ne peut être réalisé que si la coopération remplace la concurrence comme base d'une activité économique organisée.

La coopération doit se faire à tous les niveaux de l'économie. 'Abdu'l-Bahá a expliqué que même la plus petite entreprise doit être le reflet d'une collaboration essentielle entre travailleurs et propriétaires. Plus précisément, tous les travailleurs d'une entreprise devraient partager les profits de l'entreprise : chaque travailleur devrait recevoir en plus de son salaire un pourcentage fixe des bénéfices. De cette manière, travailleurs et propriétaires œuvrent ensemble pour une entreprise de laquelle tout conflit d'intérêt est éliminé. Le système actuel qui veut que tout le profit aille aux propriétaires suscite des conflits entre travailleurs et propriétaires qui conduisent à un déséquilibre économique, à l'injustice et souvent à l'exploitation.

En ce qui concerne la concurrence et la recherche du pouvoir, Bahá'u'lláh écrivit :

" Depuis qu'est entrée en jeu la recherche de privilèges et de distinctions, le monde a été dévasté. Il est devenu désolé... En vérité, l'homme est noble dans la mesure où nous sommes tous les dépositaires des signes de Dieu. Cependant, le fait de se considérer supérieur en savoir, en connaissances ou en vertus, ou encore le fait de se placer au-dessus des autres ou de rechercher des faveurs, est une grave transgression. "

[Nota: Bahá'u'lláh, extrait d'une lettre de la Maison Universelle de Justice datée du 27 mars 1978, The Continental Boards of Counsellors, p. 60.]

'Abdu'l-Bahá nous dit que la coopération est source de vie pour la société, tout comme la vie d'un organisme est maintenue par la collaboration existant entre les différents éléments qui le composent :

" ... la base de la vie est cette entraide et cette serviabilité, et l'interruption de cette entraide serait cause de destruction et de néant. Plus le monde aspire à la civilisation, et plus cet important sujet de la coopération devient manifeste. "

[Nota: Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , Divine Art of Living, p. 108.]

Dans le cadre d'un système économique basé sur la coopération, les enseignements bahá'ís acceptent l'idée de la possession privée de biens et du besoin d'initiative économique privée. De plus, les principes économiques enseignés par Bahá'u'lláh n'impliquent pas que tous les individus devraient recevoir le même salaire. Il existe des différences naturelles entre les besoins et les capacités humaines, et certaines catégories de service à la société (l'éducation par exemple) méritent des récompenses bien plus grandes que d'autres.

Cependant les divers degrés de revenus devraient être établis à l'intérieur de limites absolues. D'un côté, il devrait y avoir un niveau minimum de revenu, calculé en fonction des besoins les plus élémentaires au bien-être de chacun et qui devrait être assuré à tous. Si, pour une raison ou une autre (incapacité ou autre infortune), le revenu d'un individu ne couvrait pas ses besoins reconnus, il serait indemnisé par le trésor public. Et, d'un autre côté, il devrait y avoir un niveau maximum de revenu. Une imposition progressive et d'autres mesures empêcheraient un individu d'accumuler des richesses au-delà de ce niveau. Selon des déclarations explicites de 'Abdu'l-Bahá , les millionnaires n'existeront pas dans une société basée sur des principes bahá'ís, parce qu'il sera impossible d'accumuler une richesse immense et superflue.

Certaines différences de salaire continueront d'exister de manière à permettre à la société d'encourager les efforts de ceux (tels que les médecins ou les cultivateurs) dont les services sont particulièrement utiles au bien-être de la communauté; mais ces différences devraient être établies à l'intérieur de limites absolues bien définies, de manière à garantir que personne ne souffre de privations ni ne jouisse d'une richesse excessive. Ainsi, les enseignements économiques bahá'ís contiennent certains éléments communs à différents systèmes déjà existants, mais vont plus loin en envisageant un ordre économique nouveau et unique, basé sur une juste distribution des biens et des services et qui, pris dans son ensemble, ne connaît aucun équivalent.

[Nota: Un développement détaillé de la position bahá'íe en matière de questions économiques dépasse le cadre du présent ouvrage. Le lecteur intéressé par la question se référera aux déclarations de 'Abdu'l-Bahá à ce propos. Voir The Promulgation of Universal Peace, de 'Abdu'l-Bahá , pp. 107, 216-217, 238-239; Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, pp. 133 à 135; 'Abdu'l-Bahá in Canada, pp.31-36; Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , Bahá'í World Faith, p. 288; Gregory C.Dahl, Economics and the Bahá'í Teachings dans World Order, vol. 10, n° 1, 1975, p. 19; W.S.Hatcher, Economics and Moral Values, dans World Order, vol. 9, n° 2, 1974, pp. 14-27.]


5.11. Les bases spirituelles d'une société

En traitant des problèmes économiques et sociaux, Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont souligné que la réorganisation d'une activité économique dans le but de réduire les conflits d'intérêt n'était qu'une partie de la solution. La racine profonde de l'injustice économique est l'avidité humaine. L'état d'esprit devrait donc changer de manière fondamentale. Si les individus demeurent égoïstes, immatures, avides et dépourvus de valeurs spirituelles, le plus parfait schéma économique lui-même ne fonctionnera pas. Une solution satisfaisante à la calamité économique actuelle du monde repose dans un profond changement de cœur et d'esprit que seule la religion peut produire : Les principes fondamentaux de la situation économique entière sont divins de nature et associés au monde du cœur et de l'esprit.

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , The Promulgation of Universal Peace, p. 238.]

Ce principe est valable non seulement en économie, mais aussi pour la totalité des activités et problèmes de l'homme. Les enseignements bahá'ís insistent sur le fait que sa nature fondamentale est spirituelle et qu'il ne peut y avoir de solution durable à un problème humain qui ne tienne compte de ce fait. Tout est fondamentalement lié au but spirituel de l'existence de l'homme, qui est la connaissance et l'amour de Dieu et le développement des qualités spirituelles et des vertus.

C'est pourquoi Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont donné des directives recouvrant une aussi grande étendue des activités humaines. Il ne peut y avoir de nette séparation entre les aspects séculiers et religieux de la vie. Toute vie doit être vécue dans une optique spirituelle si elle veut être vécue avec succès.

Puisque la religion, représentée par la révélation progressive de Dieu à l'humanité, a pour objectif principal la dimension spirituelle de l'homme, il en résulte que seule la vraie religion peut former la base de la société, et que toute tentative purement humaine pour résoudre les problèmes du monde sans se référer à la religion et à la volonté de Dieu pour elle est vouée à l'échec. C'est dans ce contexte que Shoghi Effendi a écrit :

" L'humanité..., hélas, s'est égarée trop loin et a subi un trop grand déclin pour être rachetée par les seuls efforts des meilleurs d'entre ses hommes d'État et ses dirigeants officiels, quelque désintéressés que soient leurs mobiles, quelque concertée que soit leur action... Aucun projet que les calculs de la politique la plus altruiste puissent encore imaginer, aucune doctrine que le plus distingué des théoriciens économiques puisse espérer avancer; aucun principe que le plus ardent des moralistes s'efforcerait d'inculquer ne pourra, en dernier ressort, fournir les bases appropriées sur lesquelles puisse être édifié l'avenir du monde éperdu. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 28.]


5.12. Une langue auxiliaire universelle

La multitude de langues qui caractérise le monde moderne est une importante entrave à l'unité mondiale. À un simple niveau de communication, l'existence de tant de groupes linguistiques différents empêche le libre cours de l'information et permet difficilement à l'homme moyen actuel d'avoir une perspective universelle des événements du monde. Il y a aussi la tendance manifestée par un groupe donné ou une nation à s'attacher à sa langue et à sa littérature, et par conséquent à les considérer comme supérieures à celles des autres peuples. Ce chauvinisme linguistique conduit fréquemment au conflit.

Il n'est par conséquent pas surprenant que Bahá'u'lláh prescrive l'adoption d'une langue auxiliaire universelle en vue de l'unification de l'humanité. Il a conseillé d'enseigner une seule langue comme seconde langue dans tous les systèmes éducatifs du monde. Ainsi, en une seule génération, chacun apprendrait sa propre langue maternelle et, en sus, la langue universelle. Cette dernière pourrait aussi bien être une langue inventée, comme l'espéranto, ou une langue déjà existante. L'avantage d'une langue existante est qu'une partie de la population mondiale la posséderait déjà. Une langue inventée aurait cependant l'avantage d'être neutre d'un point de vue émotionnel et permettrait l'adoption d'une grammaire simplifiée et régulière.

[Nota: Il existe un lien historique intéressant entre la foi bahá'íe et l'espéranto, langue inventée par le Dr.Zamenhof. La fille du Dr. Zamenhof, Lydia, était un membre actif de la communauté bahá'íe, et 'Abdu'l-Bahá avait félicité son père pour sa réalisation. Tout en n'ayant jamais affirmé que l'espéranto deviendrait la langue universelle, 'Abdu'l-Bahá déclara qu'elle aiderait de manière significative la cause de l'unité mondiale. Néanmoins, l'invention réussie d'une langue viable comme l'espéranto démontre qu'une telle chose est possible, et par conséquent que l'humanité n'est pas limitée dans son choix aux seules langues naturelles existantes. Ce fait même peut servir à diminuer les réticences de certains à l'idée d'une langue universelle, sans tenir compte du choix de la langue, naturelle ou inventée, qui serait finalement choisie par les nations du monde.]

Les bahá'ís sont attachés au principe de l'établissement d'une telle langue auxiliaire universelle, mais sans se porter vers une langue spécifique plutôt que vers une autre, qu'elle soit naturelle ou inventée. Le choix de la langue à utiliser sera fait par un comité international d'experts et ratifié par les nations du monde.

Bahá'u'lláh a souligné que cette langue universelle serait une langue auxiliaire, c'est-à-dire qu'elle ne supprimerait pas les langues naturelles qui existent déjà. Le concept de l'unité dans la diversité doit être appliqué aux différences de langage de la même manière qu'il est appliqué aux autres différences. Étant donné que les pressions exercées pour l'assimilation des groupes linguistiques minoritaires viennent de l'agrandissement naturel des groupes linguistiques majoritaires, l'existence d'une langue auxiliaire universelle aidera à préserver les langages minoritaires et par conséquent les schémas culturels minoritaires.

[Nota: Ainsi les bahá'ís pensent qu'une langue auxiliaire universelle encouragera l'unité en facilitant la communication et en permettant en même temps un accès universel à la richesse culturelle des minorités - et qu'en fait, elle les préservera et les protégera. C'est un exemple typique de la manière dont Bahá'u'lláh a pensé promouvoir l'unité dans la diversité plutôt que la simple uniformité pour plus de commodité.]


5.13. Les deux aspects de la révélation

Avant même de comprendre les enseignements bahá'ís, il est important de saisir le rôle que joue la révélation dans l'histoire humaine. Dans leurs explications du concept de la révélation progressive, Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá nous ont montré que chaque révélation a deux buts fondamentaux. Le premier étant que chacun sert d'abord, d'une manière générale, à parfaire notre connaissance de Dieu et de la volonté de Dieu pour nous, notre connaissance des autres et notre connaissance de nous-mêmes. Mais chaque révélation vient à une époque et dans un lieu particulier de l'évolution sociale, à un moment où l'humanité est confrontée à certains problèmes particuliers et à des besoins spécifiques. En conséquence de quoi, chaque révélation a pour deuxième but de fournir à l'humanité des directives pratiques et la connaissance nécessaire pour faire face aux défis immédiats.

La seule différence réelle qui existe entre ces deux buts est que l'un est d'ordre général, tandis que l'autre est plus spécifique. Dans le premier cas, la manifestation expose à l'humanité des thèmes universels et traite des aspects éternels de la vie, tels la souffrance, la naissance, la mort, la peur et l'amour. Les expériences dans ces domaines font partie de la vie de chaque être humain, à quelque époque et en quelque lieu que ce soit. Dans le second cas, la manifestation s'adresse à l'humanité pour une certaine époque et dans un lieu donné.

Par conséquent, de cette manière elle répond aux besoins de chaque âge nouveau, les décrets directeurs de chaque révélation ayant deux aspects : le premier est l'universel (ou éternel) et le second, le social (ou temporel). 'Abdu'l-Bahá décrivit ainsi ces deux aspects de la religion :

" Les religions divines comprennent deux sortes d'ordonnances. D'abord celles qui constituent les enseignements essentiels, ou spirituels, de la parole de Dieu. Ces ordonnances sont : la foi en Dieu, l'acquisition des vertus qui caractérisent la maturité parfaite, les principes moraux louables, l'acquisition des bénédictions et bienfaits émanant du rayonnement divin - en résumé, les ordonnances qui concernent les domaines de la morale et de l'éthique. Ceci est l'aspect fondamental de la religion de Dieu et c'est de la plus haute importance, car la connaissance de Dieu constitue le besoin fondamental de l'homme... C'est la base essentielle de toutes les religions divines, la réalité même commune à tous...

Viennent ensuite les lois et ordonnances qui sont temporaires et secondaires. Elles concernent la conduite et les relations humaines. Elles sont accessoires et sujettes aux changements en fonction des exigences du temps et des lieux. Ces ordonnances ne sont ni permanentes ni fondamentales... Les lois secondaires qui réglementent la conduite de la société et des affaires quotidiennes de la vie sont modifiables et sujettes à abrogation. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Promulgation of Universal Peace, pp. 403-405.]

L'une des principales sources de conflit entre les différents systèmes religieux provient du fait que leurs adeptes ne font pas la distinction entre ces deux aspects de la révélation. Puisque les lois qui régissent la société sont sujettes au changement, au fur et à mesure de l'évolution de l'humanité, les croyants seront nécessairement perturbés s'ils considèrent que ces lois constituent des absolus immuables. Jésus, par exemple, a modifié un certain nombre de lois juives, au grand désarroi des disciples orthodoxes de la dispensation mosaïque.

Certains des principes bahá'ís exposés dans les précédents paragraphes de ce chapitre tombent dans la catégorie des enseignements sociaux. Selon les bahá'ís, le plus important problème social de notre temps est l'absence d'unité. Des principes tels que l'établissement d'une langue auxiliaire universelle sont clairement destinés à contribuer de manière pratique à l'établissement de l'unité mondiale.

Cependant, l'unité est une marque d'amour, alors que la désunion est une forme de haine. 'Abdu'l-Bahá a dit que l'amour était l'enseignement fondamental de Dieu pour l'humanité et un principe universel commun à toutes les religions. Ainsi les nombreux problèmes sociaux dus à l'absence d'unité proviennent, en dernière analyse, d'un manque de spiritualité. Les bahá'ís considèrent un grand nombre des enseignements de Bahá'u'lláh (par exemple l'égalité de l'homme et de la femme) à la fois comme les expressions de vérités spirituelles universelles et comme des facteurs essentiels dans la résolution des problèmes sociaux actuels.



6. DIEU, SES MANIFESTATIONS ET L'HUMANITÉ

S'appuyant sur les enseignements bahá'ís développés dans le chapitre précédent, le présent chapitre étudiera plus en profondeur ce que Bahá'u'lláh a enseigné sur les principales préoccupations qui reposent au cœur de toute religion : quel est le but de l'existence humaine d'après la foi bahá'íe ? Quelle est la véritable nature de l'homme et quel rôle la religion joue-t-elle dans son développement spirituel ? Qu'est-ce que le bien et le mal ? Quelles sont nos responsabilités envers Dieu et quel est le sens spirituel de la vie ? Et enfin, qu'entend-on réellement par manifestation de Dieu, et comment ce concept bahá'í se rattache-t-il à l'idée de révélation divine qui nous est familière dans les autres grandes religions ?


6.1. La conception bahá'íe de la nature humaine

De nombreuses personnes vivent sans jamais réfléchir sur la vie elle-même ou sur le sens qu'elle a pour elles. Leur vie peut être très active, ils peuvent être mariés, avoir des enfants, diriger une entreprise, devenir hommes de science ou bien musiciens sans jamais avoir le moindre degré de compréhension de la raison pour laquelle ils font ces choses. Leur vie n'a pas pour but de donner un sens à des événements séparés, et il se peut qu'ils n'aient pas d'idée précise sur leur propre nature ou identité, sur qui ils sont vraiment.

Bahá'u'lláh a enseigné que seule la vraie religion peut donner un sens à notre existence. S'il n'y avait pas de créateur, si l'homme n'était que le simple produit du hasard d'un système thermodynamique, comme beaucoup l'affirment aujourd'hui de par le monde, la vie n'aurait pas de sens. Chaque être humain représenterait l'existence temporaire et matérielle d'un animal conscient qui essaie de se mouvoir dans sa brève vie avec autant de plaisir et aussi peu de peines et de souffrances que possible. Ce n'est que par rapport au Créateur et au but que ce Créateur a fixé pour ses créatures que l'existence humaine a un sens. Bahá'u'lláh a décrit comme suit le dessein de Dieu pour l'humanité :

" Le dessein de Dieu en créant l'homme a été, et sera toujours, de le rendre capable de connaître son créateur et d'accéder à sa présence. Tous les livres sacrés et toutes les Saintes Écritures divinement révélées et de grande importance attestent ce but excellent, cet objectif suprême. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 48.]

La vie devrait être considérée comme un processus éternel de joyeuse découverte et de croissance spirituelle : au cours des premières étapes de sa vie sur terre, l'individu passe par une période d'entraînement et d'éducation qui, si elle est réussie, lui fournira les outils de base intellectuels et spirituels nécessaires pour poursuivre sa croissance. Lorsqu'une personne parvient, à l'âge adulte, à la maturité physique, elle devient responsable de ses progrès à venir qui dépendent désormais entièrement de ses propres efforts. Au travers des luttes quotidiennes de l'existence matérielle, elle approfondit progressivement sa compréhension des principes spirituels sous-tendant la réalité, et cette compréhension lui permet d'avoir de meilleurs rapports avec elle-même, avec les autres et avec Dieu. Après sa mort physique, l'individu continue à croître et à se développer dans le monde spirituel qui est plus élevé que le monde physique, de même que le monde physique est plus élevé que celui que nous connaissons dans les entrailles de notre mère.

Cette dernière affirmation est basée sur le concept bahá'í de l'âme et de la vie après la mort physique. Selon les enseignements bahá'ís, notre véritable nature est spirituelle. Par-delà le corps physique, chaque être humain possède une âme rationnelle, créée par Dieu. Cette âme est une entité immatérielle, qui ne dépend pas du corps. Mais c'est ce même corps qui lui sert de support dans le monde physique. L'âme d'un individu naît au moment de la conception du corps physique et continue d'exister après la mort de celui-ci. L'âme (aussi appelée esprit) de l'individu est le siège de sa personnalité, de son moi et de sa conscience.

L'évolution ou développement de l'âme et de ses aptitudes est le but même de l'existence humaine. Cette évolution tend vers Dieu, et sa force motrice est la connaissance de Dieu et notre amour pour Lui. Mieux nous connaissons Dieu, et plus notre amour pour Lui croît; ce qui nous permet alors de communier plus intimement avec notre créateur. De même, en nous rapprochant de Dieu, notre caractère s'affine et nos actions reflètent de plus en plus les attributs et qualités de Dieu.

Bahá'u'lláh a enseigné que cette capacité à réfléchir les attributs de Dieu est la réalité essentielle de l'âme. C'est la signification de la création de l'espèce humaine à l'image de Dieu. Les qualités divines ne sont pas externes à l'âme. Elles sont latentes en elle, de même que la couleur, le parfum et la vitalité d'une fleur sont latents dans la graine. Tout ce dont ces qualités ont besoin est de se développer. Selon les paroles de Bahá'u'lláh :

" Sur l'essentielle réalité de chaque chose créée, Il [Dieu] a répandu la lumière d'un de ses noms; et, de chacune d'elles, Il a fait le récipiendaire de la gloire d'un de ses attributs. Mais, sur la réalité de l'homme, Il a concentré l'éclat de tous ses noms et attributs, et Il en a fait le miroir de Lui-même. Seul entre toutes choses créées, l'homme a été choisi comme objet d'une si grande faveur et permanente bonté. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 44-45.]

Les Écrits bahá'ís font référence à l'évolution progressive ou développement de l'âme individuelle en tant que progrès spirituel. Par progrès spirituel on entend l'acquisition de l'aptitude à agir conformément à la volonté de Dieu et à exprimer les attributs et l'esprit de Dieu dans nos rapports avec nous-mêmes et avec les autres êtres humains. Bahá'u'lláh enseigne que notre seul vrai et durable bonheur repose dans la recherche de notre développement spirituel.

Bahá'u'lláh appelle chercheur une personne qui a perçu sa nature spirituelle et qui s'efforce consciemment de progresser spirituellement. Il décrit ainsi certaines des qualités du véritable chercheur :

" Ce chercheur doit, à tout instant, mettre en Dieu seul toute sa confiance, renoncer aux peuples de la terre et se détacher de ce monde de poussière pour s'attacher uniquement à celui qui est le Seigneur des seigneurs. Qu'il ne s'estime jamais supérieur à qui que ce soit, qu'il efface de la tablette de son cœur toute trace d'orgueil et de vanité, qu'il pratique fermement la patience et la résignation, qu'il observe le silence et s'abstienne de tout vain bavardage. Car la langue est un feu qui couve, et l'abus de paroles est un poison mortel. Si le feu matériel consume le corps, le feu de la langue dévore à la fois le cœur et l'âme. Alors que la force du premier ne dure qu'un moment, les effets du second persistent durant un siècle.

Celui qui cherche vraiment Dieu doit aussi considérer la médisance comme une grave erreur et s'en garder à jamais, car elle étouffe le feu du cœur et éteint la vie de l'âme. Il doit se contenter de peu et s'affranchir de tout désir inconsidéré. Il doit rechercher l'amitié de ceux qui sont détachés des choses de ce monde, et considérer qu'éviter les vaniteux et les mondains est un précieux bénéfice. Qu'à l'aube de chaque jour, il communie avec Dieu et persévère de toute son âme dans la quête de son Bien-Aimé... Que ce qu'il ne désire pas pour lui-même, il ne le souhaite point aux autres, et qu'il ne promette jamais ce qu'il ne peut tenir... Qu'il pardonne au pécheur et ne méprise jamais sa condition misérable, car nul ne sait comment lui-même finira.

Combien souvent il arrive qu'un pécheur atteignant, à son heure dernière, l'essence même de la foi, se décide finalement à boire à la coupe de l'immortalité et prenne son envol vers l'assemblée céleste, alors qu'un dévot croyant, à l'heure fixée pour l'ascension de son âme, tombe au contraire, à la suite d'un changement radical, dans les derniers degrés de la géhenne. Notre intention, en révélant ces importantes et convaincantes paroles, est de persuader celui qui cherche la vérité qu'il doit tenir pour transitoires, voire pour un pur néant, toutes choses autres que Dieu, objet de toute adoration.

Ces traits constituent quelques-uns des attributs des âmes élevées et sont la marque distinctive de ceux dont l'esprit s'est porté aux choses spirituelles... Lorsque le voyageur détaché, le chercheur sincère a rempli ces conditions essentielles alors, et seulement alors, peut-on dire de lui qu'il est un vrai chercheur de la vérité. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 174-175.]

Bahá'u'lláh a expliqué que le rôle fondamental et spirituel de la religion est de nous permettre de parvenir à une véritable compréhension de notre propre nature, de la volonté et du dessein de Dieu pour nous. Les enseignements spirituels que Dieu nous a envoyés par l'intermédiaire des manifestations servent à nous guider dans une meilleure compréhension de la dynamique spirituelle de la vie. Ces principes nous permettent de comprendre les lois spirituelles de l'existence. De plus, les efforts mêmes que nous devons faire pour nous conformer aux enseignements de la manifestation servent à développer notre potentiel spirituel. En nous efforçant par exemple de nous débarrasser de nos préjugés et superstitions pour mettre en pratique les enseignements de Bahá'u'lláh, il en résulte une connaissance accrue des autres êtres humains et davantage d'amour, ce qui aide à son tour l'individu à vivre sa vie plus efficacement.

Bahá'u'lláh a souligné que, sans la venue des manifestations et leur révélation des lois et enseignements de Dieu, nous ne pourrions grandir et nous développer spirituellement. Le sens spirituel de la vie nous demeurerait caché même si nous nous efforcions sincèrement de le découvrir. C'est pourquoi la religion révélée est considérée par les bahá'ís comme la clef nécessaire à une vie spirituelle réussie.

Parlant des manifestations et de leur influence sur le développement spirituel de l'humanité, Bahá'u'lláh nous dit :

" Par les enseignements de l'Étoile du matin de vérité [c'est-à-dire la manifestation], tout homme progressera et se développera jusqu'à ce qu'il parvienne à ce stade où il pourra manifester toutes les forces potentielles dont son être intime et véritable a été doté. C'est à cette fin même que, en tout âge et dans chaque dispensation, les prophètes de Dieu et ses élus ont paru parmi les hommes et ont montré un pouvoir tel qu'il ne pouvait venir que de Dieu, et une puissance telle, que seul l'Éternel pouvait la révéler. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 46.]

Étant donné que la religion a une dimension sociale, les bahá'ís pensent que se retirer du monde et de tout contact avec la société et avec les autres êtres humains n'est pas normalement nécessaire ni n'aide à la croissance spirituelle (bien qu'un retrait temporaire de temps à autre puisse être légitime et sain). Parce que nous sommes des êtres sociaux, c'est en vivant avec les autres que nous progresserons véritablement. En réalité, une association intime avec les autres dans un esprit d'amour, de service et de coopération est indispensable au processus de la croissance spirituelle.

Bahá'u'lláh a rattaché le dessein que Dieu a désiré pour l'humanité aux deux aspects de la religion, le spirituel et le social :

" Dieu, en envoyant aux hommes ses prophètes, a un double objectif. Il se propose d'abord de libérer les enfants des hommes des ténèbres de l'ignorance, de les guider vers la lumière de la vraie compréhension, et d'assurer ensuite la paix et la tranquillité de l'humanité en lui fournissant tous les moyens par lesquels celles-ci peuvent être établies. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 54.]

En d'autres termes, le développement social de l'humanité, s'il se fait correctement, devrait être l'expression collective de son développement spirituel :

" Tous les hommes ont été créés pour travailler à l'établissement d'une civilisation en constant progrès. Le Tout-Puissant m'en rend témoignage : il est indigne de l'homme d'agir ainsi que le font les bêtes des champs. Les vertus qui conviennent à sa dignité sont la tolérance, la miséricorde, la compassion et une tendre bonté à l'égard de tous les peuples et de toutes les tribus de la terre. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 141.]

En ce qui concerne l'âme ou l'esprit de l'homme et sa relation au corps physique, Bahá'u'lláh a expliqué :

" Sache que l'âme humaine est exaltée au-dessus des infirmités du corps et de l'intelligence, et en est indépendante. Le fait qu'une personne malade donne des signes de faiblesse est dû aux obstacles que la maladie interpose entre son âme et son corps, car les indispositions de celui-ci ne sauraient aucunement affecter celle-là... Elle n'en montrera pas moins, lorsqu'elle quittera le corps, une puissance et une influence qu'aucune force terrestre ne saurait égaler... Considère le soleil qu'obscurcissent les nuages. Vois comme sa splendeur paraît avoir diminué, alors qu'en réalité la source de cette lumière n'a rien perdu de sa force. L'âme de l'homme devrait être comparée à ce soleil, et toutes choses sur la terre considérées comme son corps. Tant que ne s'interpose entre eux aucun obstacle extérieur, le corps reflète dans son intégralité, la lumière de l'âme dont la puissance le maintient en vie. Mais, aussitôt qu'un voile les sépare, l'éclat de la lumière semble diminuer... L'âme de l'homme est le soleil dont son corps est illuminé et duquel il tire sa subsistance, et c'est ainsi qu'elle devrait être considérée. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 102.]

Non seulement l'âme continue de vivre après la mort physique du corps humain, mais elle est, en fait, immortelle. Bahá'u'lláh a écrit :

" Sache en vérité que l'âme, après avoir été séparée du corps, continue de progresser dans un état et dans des conditions que ne sauraient changer ni les révolutions des âges et des siècles ni les hasards et vicissitudes de ce monde, jusqu'à ce qu'elle accède à la présence de Dieu. Elle durera aussi longtemps que dureront le royaume de Dieu, sa souveraineté, son empire et sa puissance. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 103.]

À propos de l'immortalité de l'âme humaine, 'Abdu'l-Bahá a expliqué que, dans la création, chaque chose composée d'éléments est sujette à la décomposition :

" L'âme n'est pas une combinaison d'éléments, elle n'est pas composée d'une multitude d'atomes, mais d'une substance une et indivisible, et par conséquent elle est éternelle. Elle est totalement extérieure à l'ordre de la création physique; elle est immortelle. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 78.]

Bahá'u'lláh nous enseigne que les êtres humains n'ont aucune existence avant leur vie sur terre, pas plus que leur âme ne renaît plusieurs fois dans différents corps. En fait, il a expliqué que l'évolution de l'âme se fait toujours vers Dieu et s'éloigne du monde matériel. Un être humain passe neuf mois dans l'utérus de sa mère pour se préparer à entrer dans ce monde physique. Pendant ces neuf mois, le fœtus acquiert les outils physiques (c'est-à-dire les yeux, les membres, etc.) nécessaires à son existence en ce monde. De même, ce monde physique est semblable au monde utérin et nous prépare à entrer dans le monde spirituel. Le temps que nous passons sur terre est donc une période de préparation au cours de laquelle nous acquérons les outils spirituels et intellectuels nécessaires à la vie dans l'autre monde.

Il y a cependant une différence capitale : si le développement physique dans les entrailles de la mère est involontaire, le développement spirituel et intellectuel dans ce monde dépendent uniquement de l'effort conscient individuel :

" Le Créateur incomparable a tiré tous les hommes d'une même substance et a exalté leur réalité au-dessus de toutes ses autres créatures. Succès ou échec, gain ou perte dépendent, en conséquence, de leurs propres efforts. Plus grands seront ces efforts, et plus ils progresseront. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 55.]

Les Écrits bahá'ís parlent souvent de la bonté ou grâce de Dieu envers l'humanité, mais expliquent qu'une réponse humaine appropriée est toujours nécessaire pour que la grâce et la miséricorde de Dieu pénètrent l'âme de l'homme et la changent véritablement :

" Jamais la grâce divine, quelle que soit sa mesure, ne pourra être pleinement efficace et d'un profit réel et durable si elle n'est complétée par un effort personnel, soutenu et intelligent. "

[Nota: Shoghi Effendi, cité dans The Concept of Spirituality, de William Hatcher, p. 9.]

Ainsi, selon la conception bahá'íe, le salut n'est pas seulement un don de Dieu à sens unique, mais plutôt un dialogue, une collaboration initiée par Dieu mais nécessitant une participation humaine vigoureuse et intelligente.

Notre nature première étant spirituelle, nos potentialités sont principalement celles de l'âme. En d'autres termes, notre personnalité, nos facultés de base intellectuelles et spirituelles résident dans l'âme, même si elles s'expriment par l'intermédiaire du corps pendant la courte durée de sa vie sur terre. Certaines des facultés que Bahá'u'lláh a intitulées les facultés de l'âme sont :

- l'esprit qui représente notre capacité pour une pensée rationnelle et une recherche intellectuelle;

- la volonté qui représente notre capacité pour des initiatives personnelles; et

- le cœur, ou capacité pour l'amour conscient, délibéré et désintéressé (parfois appelé altruisme).

Ces facultés sont propres à l'espèce humaine. L'animal et les autres formes de vie ne possèdent pas d'âme rationnelle. La vie de l'animal exprime une certaine forme d'intelligence et de sensibilité, mais n'exprime ni la conscience ni l'" autoconscience " des humains. Les animaux agissent nécessairement d'une certaine manière, en fonction des instincts qui font partie de leur structure physique, mais n'ont pas la capacité de pensée consciente ni de recherche rationnelle ni la volonté qui caractérisent l'être humain. L'animal n'a pas un sens conscient du but de son existence.

La foi bahá'íe enseigne cependant que l'apparence physique de l'espèce humaine a véritablement évolué progressivement, passant d'un état moins élevé à un état plus élevé pour atteindre sa forme humaine actuelle. La terre a été la matrice de la formation de la race humaine, tout comme les entrailles de la mère sont la matrice de la formation de l'être humain. Suivant les propres mots de 'Abdu'l-Bahá :

" ... l'homme, au début de son existence et dans les entrailles de la terre, tout comme l'embryon dans les entrailles de sa mère, a grandi progressivement et s'est développé, est passé d'une forme à une autre, jusqu'à ce qu'il apparaisse avec sa beauté et sa perfection actuelle, sa force et sa puissance. Il est certain qu'au début il ne possédait pas cette beauté, cette grâce et cette élégance, et que ce n'est que par étapes qu'il est parvenu à cette forme, cette beauté et cette grâce. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, XLIX.]

'Abdu'l-Bahá a néanmoins souligné que, au cours de ce long processus de l'évolution physique, la race humaine avait toujours été une espèce différente de l'espèce animale:

" ... l'embryon passe par différentes étapes et de nombreux degrés ... jusqu'à ce qu'apparaissent les signes de la raison et de la maturité. Et, de la même manière, l'existence de l'homme sur terre, depuis son origine et jusqu'à ce qu'elle atteigne cet état, cette forme et cette condition, a duré nécessairement longtemps et est passée par différents degrés... Mais, depuis le début de son existence, l'homme est une espèce distincte. Ainsi, l'embryon de l'homme dans l'utérus de sa mère possède au départ une forme étrange; puis son corps passe d'une forme à une autre, d'un stade à un autre jusqu'à ce qu'il apparaisse dans toute sa beauté et sa perfection. Mais même lorsqu'il était dans l'utérus de sa mère et qu'il avait cette forme étrange, si différente de sa forme et de sa silhouette actuelles, il était l'embryon de l'espèce supérieure, et non de l'animal; son espèce et son essence ne subissent aucun changement. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, XLIX.]

Aussi, même sous les formes les moins nobles de leur existence physique, lorsqu'ils ressemblaient d'une certaine manière à l'animal, les humains appartenaient à une espèce physique différente et supérieure et se distinguaient par l'existence d'une âme rationnelle immatérielle qui, ainsi qu'expliqué précédemment, est propre à l'espèce humaine.

Cependant, l'organisme humain est composé d'éléments et fonctionne selon les mêmes principes physiologiques que ceux de l'animal. Au cours de notre vie sur terre, nous sommes sujets aux mêmes désirs physiques et aux mêmes souffrances que l'animal : la faim, les besoins sexuels, la crainte, la douleur, la colère, la maladie physique ou mentale, etc. Ceci fait naître en nous une tension créatrice : nos besoins et désirs physiques nous poussent parfois à agir comme des animaux, tandis que notre nature spirituelle nous entraîne vers des buts très différents. Bahá'u'lláh explique que cette lutte pour contrôler nos désirs physiques et pour les canaliser de manière créative fait nécessairement partie de notre processus de croissance. C'est en harmonisant nos natures physique et spirituelle que nous parviendrons à la plénitude.

Si nous ne faisons pas l'effort d'adapter nos ressources physiques à notre nature spirituelle, nous risquons d'être dominés par nos passions physiques. Nous pouvons devenir les esclaves de l'un ou l'autre de nos appétits et perdre ainsi une grande partie de notre capacité à agir en accord avec notre nature spirituelle. Par exemple une personne, qui se drogue à la morphine ou à l'alcool, n'est pas vraiment capable de développer ses facultés spirituelles tant qu'elle ne s'est pas libérée de cette entrave. De même, que se consacrer intensément à des recherches purement matérielles, risque de nous faire perdre aussi l'énergie et le temps nécessaire au développement de notre nature spirituelle essentielle.

À la différence d'un certain nombre d'autres doctrines religieuses, la foi bahá'íe n'enseigne pas que les désirs physiques sont néfastes ou mauvais. Chaque chose dans la création de Dieu est considérée comme essentiellement et fondamentalement bonne. En fait, l'objectif même du corps humain et de ses facultés physiques est de servir de véhicule approprié au développement de l'âme. Alors que les énergies du corps sont progressivement amenées à être consciemment contrôlées par l'âme, elles deviennent les instruments de l'expression des qualités spirituelles. Ce ne sont que les passions physiques non contrôlées qui peuvent être source de mal ou un empêchement au progrès spirituel.

Le besoin sexuel de l'homme par exemple est considéré comme un don de Dieu. Son expression contrôlée à l'intérieur des liens légitimes du mariage peut être la forte expression de la qualité spirituelle qu'est l'amour. Cependant ce même désir sexuel, s'il est mal utilisé, peut conduire à des actions perverses, inutiles, voire destructrices.

Le corps étant le véhicule de l'âme rationnelle dans cette vie terrestre, il est important de l'entretenir et de le soigner. Bahá'u'lláh a fortement découragé toute forme d'ascétisme ou d'abnégation extrême de soi. Il a mis l'accent sur des disciplines saines. Les Écrits bahá'ís contiennent un certain nombre de lois pratiques relatives à l'entretien du corps humain : une nourriture correcte, des bains réguliers et ainsi de suite. Le principe de modération vient souligner tout cela, comme il vient souligner de nombreux autres aspects des croyances bahá'íes : toute chose qui peut être bénéfique si elle est utilisée avec modération peut devenir nuisible lorsqu'elle est poussée à l'extrême.

Les Écrits bahá'ís reconnaissent explicitement que certains facteurs physiques incontrôlables par l'individu, tels que faiblesses génétiques ou malnutrition pendant l'enfance, peuvent avoir un effet sur notre développement au cours de notre vie sur terre. Mais ces influences matérielles ne sont pas permanentes et n'ont pas le pouvoir en elles-mêmes de nuire à l'âme. Elles peuvent tout au plus retarder temporairement le processus de croissance spirituelle, quoique même cet effet-là puisse être ensuite compensé par une accélération du développement. En fait, les Écrits bahá'ís expliquent que cette lutte courageuse et déterminée de l'individu contre ces handicaps physiques, émotionnels et mentaux induit souvent un important développement de la croissance spirituelle, l'individu pouvant même en arriver à considérer ces handicaps comme des bénédictions déguisées qui l'ont finalement aidé à croître spirituellement. Par conséquent, le fait d'admettre que les conditions physiques peuvent affecter temporairement, mais de manière significative, le processus de croissance spirituelle est loin de la croyance propre à de nombreux philosophes matérialistes selon laquelle nous sommes totalement déterminés par la combinaison de différents facteurs physiques génétiques et acquis :

" ... le mouvement est indispensable à toute forme d'existence. Toute chose matérielle progresse jusqu'à un certain point puis commence à décliner. C'est la loi qui gouverne la création physique tout entière... Mais, en ce qui concerne l'âme de l'homme, il n'y a aucun déclin. Son seul mouvement s'effectue vers la perfection; l'âme ne fait que croître et progresser...

Le monde mortel est un monde de contradictions, de contraires; le mouvement étant obligatoire, toute chose doit soit progresser, soit reculer. Dans le royaume de l'esprit il n'y a pas de recul possible, tout mouvement doit nécessairement aller dans le sens de la perfection. "

[Nota: Causeries de 'Abdu'l-Bahá à Paris, p. 76. Il y a cependant des limites inhérentes au développement spirituel humain, que ce soit dans ce monde ou dans le suivant. Les Écrits bahá'ís affirment que l'homme peut s'approcher de l'état de perfection absolue mais ne peut jamais l'atteindre. Se référer à ce qui suit, en particulier au passage des Écrits bahá'ís cités à la note 32 de ce chapitre.]

Ce thème de la croissance au travers de la lutte et de la souffrance se rencontre à différents endroits des Écrits bahá'ís. Bien que la plupart de nos souffrances soient le résultat d'une vie insouciante, et par conséquent évitables, une certaine dose de souffrance est nécessaire au processus de croissance. En fait, nous comprenons et acceptons l'idée que la souffrance et le sacrifice soient des composantes essentielles au succès matériel ou spirituel. Nous ne devrions par conséquent pas être surpris du fait que l'effort encore plus important que nécessite la croissance spirituelle puisse lui aussi requérir ces mêmes éléments :

" Toute chose importante ici-bas requiert l'attention toute particulière de celui qui la recherche. Quiconque poursuit un but doit surmonter toutes sortes de difficultés et de tribulations pour atteindre son objectif et parvenir au succès. Il en est ainsi pour les choses de ce monde. Combien plus vrai en est-il donc pour tout ce qui concerne l'assemblée céleste. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Diving Art of Living, p. 92.]

Ce qui nous amène au concept bahá'í du rapport qui existe entre le bien et le mal chez l'homme. 'Abdu'l-Bahá le décrit ainsi :

" Dans la création, le mal n'existe pas; tout est bon. Des qualités ou des dispositions innées chez certaines personnes, et apparemment blâmables, ne le sont pas en réalité. Ainsi, dès le début de sa vie, on peut clairement remarquer chez un nourrisson des signes d'avidité, de colère et de mauvaise humeur. On pourrait dire alors que le bien et le mal sont innés à la réalité de l'homme, et que ceci est contraire à la pure bonté de la nature et de la création. La réponse à ceci est que l'avidité, qui consiste à vouloir d'avantage, est une qualité louable à condition qu'elle soit correctement utilisée. Qu'un homme soit avide d'acquérir les sciences et le savoir ou de devenir clément, généreux et juste, cela est très louable. S'il exerce sa colère et sa fureur contre des tyrans sanguinaires semblables à des bêtes féroces, cela aussi est très louable; mais, s'il n'utilise pas ces qualités dans un but noble, elles sont répréhensibles... Il en est de même pour toutes les qualités naturelles de l'homme, qui constituent le capital de la vie; si elles sont développées et utilisées incorrectement, elles deviennent condamnables. Il est par conséquent clair que la création est purement bonne. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 221.]

La foi bahá'íe n'accepte donc pas le concept de péché originel ou d'une quelconque doctrine qui considère que les gens sont foncièrement mauvais et possèdent intrinsèquement de mauvais éléments dans leur nature. Toutes les forces et les facultés qui nous sont inhérentes nous ont été données par Dieu et sont, par conséquent, potentiellement bénéfiques à notre développement spirituel. De la même manière les enseignements bahá'ís nient l'existence de Satan, être diabolique ou force du mal. Le mal, explique-t-on, est l'absence du bien; l'obscurité est l'absence de lumière, le froid l'absence de chaleur.

[Nota: Bahá'u'lláh a expliqué que les références faites à Satan dans les Écrits des précédentes religions étaient symboliques et ne devaient pas être prises à la lettre. Satan est la personnification de notre nature inférieure qui peut nous détruire si nous ne l'harmonisons pas avec notre nature spirituelle. Il existe en fait un problème philosophique bien connu concernant la bonté de Dieu, sa toute-puissance et l'existence possible d'un Satan. Ce problème est traité dans le détail à la fois dans les Écrits de Bahá'u'lláh et dans ceux de 'Abdu'l-Bahá .De la même manière, le ciel et l'enfer, nous dit Bahá'u'lláh, ne sont pas des lieux réels. Ils symbolisent plutôt des états psychologiques et spirituels de rapprochement ou d'éloignement de Dieu. Le ciel est la conséquence naturelle du progrès spirituel, tandis que l'enfer représente l'échec face à la progression spirituelle.]

De même que le soleil est l'unique source de toute vie dans le système solaire, de même il n'existe fondamentalement qu'une seule force ou pouvoir dans l'univers, cette force que nous appelons Dieu.

Cependant si une personne, par son libre arbitre accordé par Dieu, décide de se détourner de cette force ou ne fournit pas l'effort nécessaire pour développer ses capacités spirituelles, elle ne pourra aller que dans le sens de l'imperfection. À la fois en elle-même et dans la société, il existera ce que l'on peut appeler des points obscurs. Ces points obscurs sont les imperfections, et 'Abdu'l-Bahá a dit que le mal est l'imperfection.

Si un tigre tue et mange un autre animal, ce n'est pas le mal, car c'est l'expression de l'instinct naturel du tigre pour sa survie. Mais si une personne tue et mange un autre être humain, cet acte, bien qu'identique, peut être considéré comme mauvais, car elle est capable d'agir autrement. Un tel acte n'est pas l'expression de sa véritable nature.

En tant que créatures relativement peu développées, nous possédons certains besoins intrinsèques qui ont besoin d'être satisfaits. Ces besoins sont en partie physiques et tangibles et en partie spirituels et intangibles. C'est Dieu qui nous a créés ainsi et nous a placés dans cette situation. Et, parce qu'Il nous aime véritablement, Il a pourvu à la satisfaction légitime de tous nos besoins. Mais si, par simple ignorance ou de propos délibéré, nous essayons de satisfaire certains de nos besoins de manière illégitime ou malsaine, nous risquons alors d'altérer notre véritable nature et de nous créer de nouveaux appétits incapables d'être véritablement satisfaits :

" ... il y a deux sortes d'aptitudes : l'aptitude naturelle et l'aptitude acquise. La première, qui est la création de Dieu, est purement bonne - dans la création de Dieu, le mal n'existe pas; mais l'aptitude acquise est devenue la cause de l'apparition du mal. Par exemple, Dieu a créé les hommes de telle façon et leur a donné une constitution et des capacités telles que le miel et le sucre leur profitent, alors que le poison les rend malades et les détruit. Cette nature et cette constitution sont innées, et Dieu les a accordées pareillement à toute l'humanité. Mais, petit à petit, l'homme commence à s'habituer au poison en en prenant chaque jour d'infimes quantités qu'il augmente progressivement, jusqu'au jour où il en est arrivé à tel point qu'il ne peut vivre sans son gramme d'opium quotidien. Ses capacités naturelles sont ainsi complètement perverties. Voyez comme les aptitudes et capacités naturelles peuvent être modifiées au point d'être tout à fait dénaturées par une accoutumance et des habitudes différentes. On ne reproche pas aux corrompus leur nature et leurs aptitudes innées mais plutôt leur nature et leurs aptitudes acquises. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 220-221.]

Bahá'u'lláh a dit que l'orgueil, ou égocentrisme, était l'une des plus grandes entraves au progrès spirituel. L'orgueil est la conscience exagérée que l'on a de sa propre importance dans l'univers et conduit à un comportement de supériorité vis-à-vis des autres. Une personne orgueilleuse a le sentiment qu'elle doit exercer un contrôle absolu sur sa vie et sur les événements qui l'entourent et cherche à diriger et dominer les autres parce qu'un tel pouvoir l'aide à maintenir cette illusion de supériorité. Aussi l'orgueil est-il une entrave au progrès spirituel, parce qu'il impose à l'individu orgueilleux une quête sans fin pour parvenir à la réalisation de ses propres concepts, vainement conçus et illusoires.

En d'autres termes, la clef menant à la compréhension de la morale et de l'éthique bahá'íes se trouve dans la notion bahá'íe du progrès spirituel : tout ce qui mène au progrès spirituel est bon et tout ce qui tend à y mettre un frein est nuisible. D'un point de vue bahá'í, apprendre à distinguer ce qui est bon de ce qui est mal (ou ce qui est vrai de ce qui est faux) signifie donc parvenir à un degré de connaissance de soi qui nous permette de distinguer ce qui peut aider à notre croissance spirituelle de ce qui la freine.

[Nota: Bahá'u'lláh a dit à ce propos : ... l'homme devrait connaître sa propre réalité et faire la différence entre ce qui lui permet de s'élever et ce qui le rabaisse, ce qui l'honore et ce qui le couvre de honte. (Bahá'u'lláh, Bahá'í World Faith, p. 167.) . Et cette connaissance ne peut être acquise qu'au travers des enseignements des manifestations.]

Bahá'u'lláh a souligné à plusieurs reprises que seule la religion révélée peut nous sauver de nos imperfections. C'est parce que Dieu nous a envoyé ses manifestations pour nous montrer le chemin du développement spirituel et pour toucher nos cœurs avec l'esprit de l'amour de Dieu, que nous sommes capables de réaliser notre vrai potentiel et de faire l'effort nécessaire pour être unis à Dieu. Là est le salut qu'apporte la religion. Il ne nous lave pas de la souillure de quelque péché originel ni ne nous protège de quelque force maléfique externe ou du mal. Il nous délivre plutôt de la captivité de notre propre nature inférieure - une captivité qui engendre le désespoir individuel et fait peser une menace de destruction sociale - et nous indique le chemin d'un bonheur profond et satisfaisant.

En fait, la raison essentielle d'un tel manque de bonheur et des terribles conflits et crises sociales dans le monde aujourd'hui est que l'humanité s'est détournée de la vraie religion et des principes spirituels. Le seul salut, quelle que soit l'époque, pensent les bahá'ís, est de se tourner vers Dieu, d'accepter sa manifestation pour ce jour et de suivre ses enseignements. Bahá'u'lláh a souligné que si nous réfléchissons profondément aux conditions de notre existence, nous ne pouvons que réaliser et admettre qu'en termes absolus, nous ne possédons rien. Tout ce que nous sommes ou avons - notre corps physique et notre âme rationnelle - tout provient de notre créateur. Dieu nous ayant spontanément tant donné, nous Lui sommes à notre tour redevables. Bahá'u'lláh a déclaré que nous avons deux devoirs principaux envers Dieu :

" Le premier devoir que Dieu a prescrit à ses serviteurs est de reconnaître celui qui est l'Aurore de sa révélation, la Fontaine de ses lois, et qui représente la Divinité, à la fois dans le royaume de sa cause et dans le monde de la création [c'est-à-dire la manifestation]... À tous ceux qui atteignent ce rang le plus sublime, cette cime de gloire transcendante, il convient d'observer chaque ordonnance de celui qui est le Désir du monde. Ces devoirs jumeaux sont inséparables. L'un sans l'autre est inacceptable. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Kitáb-i-Aqdas, p. 21, § 1.]

Dans un autre passage, Bahá'u'lláh rappelle à ses disciples que les devoirs prescrits par Dieu n'ont pour objet que notre bien : Dieu Lui-même n'a besoin ni de notre adoration ni de notre obéissance, car Il se suffit entièrement à Lui-même et est indépendant de toute sa création. Nous pouvons par conséquent être certains que tout ce que Dieu fait n'est motivé que par son amour pour nous. Il n'y a aucun intérêt personnel de la part de Dieu :

" Le devoir que tu [Dieu] as prescrit à tes serviteurs d'exalter à l'infini ta majesté et ta gloire n'est qu'un gage de ta grâce à leur endroit, afin qu'ils soient capables d'accéder à l'état accordé à leur réalité véritable, l'état de connaissance d'eux-mêmes. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 6.]

Nous fournir un terrain d'entraînement, telle est la raison d'être spirituelle de notre vie sur terre; notre vie est une période de croissance au cours de laquelle nous nous concentrons sur le développement de nos capacités spirituelles et intellectuelles innées. Parce que ces capacités sont des facultés de notre âme immortelle, elles sont éternelles, et nous devons nous efforcer de les développer. De tels efforts valent la peine, car l'âme est la seule partie de nous qui soit durable. Tout ce qui favorise notre développement spirituel est bon, tout ce qui y met un frein, néfaste.

Dieu nous a envoyé les manifestations pour nous enseigner les vrais principes qui gouvernent notre nature spirituelle. Afin de nous développer positivement, nous devons nous tourner vers la religion révélée et accepter les enseignements des manifestations. Il résulte de ce processus de croissance que l'individu est capable de mieux refléter les attributs de Dieu et de se rapprocher de Lui. En même temps, les principes sociaux enseignés par les manifestations, s'ils sont véritablement appliqués, aident à créer un milieu social favorable au processus de croissance spirituelle. Créer un tel milieu est, d'un point de vue spirituel, le but même de la société.

Bahá'u'lláh nous a proposés un très haut niveau de moralité et nous a encouragés à nous efforcer de tout notre être de l'atteindre. Dieu nous a fait don du libre arbitre et nous sommes, en fin de compte, responsables de nos actes devant Dieu. Dieu est juste et ne nous demande pas de faire plus que ce dont nous sommes capables. Dans le même temps, Dieu est miséricordieux et pardonnera toujours, à une âme qui les regrette sincèrement, ses erreurs et ses méfaits passés.

Dans un passage poétique, Bahá'u'lláh décrit ainsi la moralité individuelle et encourage ses disciples à la suivre :

" Sois généreux dans la prospérité, et dans l'adversité ne cesse de rendre grâces. Mérite la confiance de ton voisin et ne lui montre jamais qu'un visage amical et souriant. Sois le trésor du pauvre, admoneste le riche, réponds à la plainte du nécessiteux et garde la sainteté de tes promesses. Sois équitable en ton jugement et réservé dans tes paroles. Ne sois injuste envers personne, et montre à tous une douceur parfaite. Sois une lampe pour ceux qui marchent dans les ténèbres, une consolation pour les affligés, une mer pour les assoiffés, un havre pour ceux qui sont dans la détresse, un soutien et un défenseur des victimes de l'oppression. Que la droiture et l'intégrité marquent tous tes actes. Sois un foyer pour les étrangers, un baume pour ceux qui souffrent, une forteresse pour les fugitifs. Sois des yeux pour les aveugles, un phare pour les égarés. Sois une parure pour le visage de la vérité, une couronne sur le front de la fidélité, un pilier du temple de la rectitude, un souffle de vie pour le corps de l'humanité, un drapeau des armées de la justice, un flambeau qui brille à l'horizon de la vertu, une rosée pour le sol desséché du cœur humain, une arche sur l'océan de la connaissance, un soleil dans le ciel de la bonté, une gemme au diadème de la sagesse, une lumière qui brille au firmament de ta génération, un fruit de l'arbre d'humilité. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 187-188.]


6.2. Les manifestations

Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, les enseignements bahá'ís avancent que la force motrice de tout développement humain est la venue des manifestations ou prophètes de Dieu. On peut difficilement ne pas être d'accord sur le fait que l'histoire de l'humanité ait été fortement influencée par les fondateurs des grandes religions du monde. L'impact considérable qu'ont eu Jésus-Christ, Bouddha, Moïse ou Mohammed sur la civilisation se remarque non seulement dans les formes culturelles et les systèmes de valeur qui se sont dégagés de leurs travaux et de leurs enseignements, mais se reflète aussi dans les conséquences qu'a eu sur l'humanité l'exemple de leur vie. Même ceux qui n'ont été ni leurs croyants ni leurs disciples reconnaissent l'influence profonde de ces personnages sur la vie individuelle et collective de l'humanité.

La réalisation de l'impact extraordinaire de ces fondateurs des grandes religions sur l'histoire de l'humanité conduit naturellement à poser la question philosophique de leur nature exacte. C'est l'une des questions les plus controversables de la philosophie des religions, et de nombreuses réponses très différentes ont été données. D'un côté on considère que ces fondateurs religieux ont été des philosophes humains ou de grands penseurs qui sont peut-être allés plus loin ou ont étudié plus profondément que les autres philosophes de leur temps. D'un autre côté on a déclaré qu'ils étaient Dieu ou l'incarnation de Dieu. Il existe également une multitude de théories qui se situent quelque part entre ces deux extrêmes.

[Nota: Un débat objectif sur cette question fondamentale concernant la nature de ces êtres auxquels les bahá'ís font référence en tant que manifestations de Dieu est rendu plus difficile encore par la fidélité à la tradition. Les disciples orthodoxes de chacune des manifestations ont eu tendance à développer l'unicité ou la supériorité du fondateur de leur foi. De nombreux chrétiens par exemple considèrent Jésus-Christ comme l'incarnation de Dieu, pensent que Moïse lui est, d'une certaine manière, inférieur et tiennent Mohammed pour un imposteur. Une majorité de juifs orthodoxes voient en Moïse la révélation de Dieu aux hommes et pensent que Jésus-Christ était un faux prophète. Les musulmans considèrent Moïse et Jésus-Christ comme de véritables prophètes, mais une grande majorité d'entre eux rejettent Bouddha et les fondateurs des autres grandes religions. Pour eux, Mohammed était le dernier prophète envoyé par Dieu aux hommes, et la révélation divine s'est terminée avec le Qur'án.]

Il n'est donc pas surprenant que les Écrits bahá'ís traitent largement du sujet qui touche de si près le cœur même de la religion. L'un des principaux ouvrages de Bahá'u'lláh, le Kitáb-i-Íqán ou Le Livre de la certitude, expose de manière assez détaillée le concept bahá'í de la nature des manifestations de Dieu.

Selon Bahá'u'lláh, toutes les manifestations de Dieu ont la même nature métaphysique et la même stature spirituelle. Il existe entre elles une égalité absolue. Aucune d'entre elles n'est supérieure à une autre. Parlant des manifestations, il écrit :

" Ces miroirs sanctifiés, ces aurores de l'Ancienne gloire sont, tous sans exception, les représentants sur la terre de celui qui est l'Orbe central de l'univers, son Essence et sa Fin dernière. De Lui procèdent leur science et leur puissance; de Lui découle leur souveraineté... Par la révélation de ces gemmes de la vertu divine, tous les noms et attributs de Dieu, tels que savoir et pouvoir, souveraineté et puissance, miséricorde et sagesse, gloire, grâce et bonté, sont rendus manifestes.

Ces attributs de Dieu ne sont et n'ont jamais été accordés à certains prophètes à l'exclusion d'autres... Que tel attribut de Dieu n'ait pas été extérieurement manifesté par ces Essences de détachement n'implique nullement que ceux qui sont les aurores des attributs de Dieu et les dépositaires de ses saints noms ne le possédaient pas. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 33-34. Pour plus de détails, voir The Concept of manifestation in the Bahá'í Writings, de Juan R.Cole.]

Ainsi qu'il a été mentionné dans l'exposé sur le principe de l'unité des religions au chapitre 5.3, Bahá'u'lláh a expliqué que les différences qui existent entre les enseignements des diverses manifestations de Dieu ne sont pas dues à une quelconque différence de stature ou d'importance, mais seulement aux capacités et besoins divers des civilisations dans lesquelles elles sont apparues:

" Ces ... puissants systèmes procèdent d'une même source et sont les rayons d'une seule lumière. Le fait qu'ils diffèrent les uns des autres doit être attribué à la diversité des besoins que présentaient les époques au cours desquelles ils furent promulgués. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 189.]

En des termes très forts, il avisa les peuples de ce que les différences dans les enseignements et les personnalités des manifestations n'impliquaient pas une différence de stature :

" Prenez garde, ô croyants en l'unité de Dieu, d'être tenté de différencier les manifestations de sa cause ou d'établir une discrimination entre les signes qui ont accompagné et proclamé leur révélation. C'est, en vérité, le sens réel de l'unité divine... Soyez assurés, de plus, que les œuvres et les actes de chacune de ces manifestations de Dieu ... sont tous ordonnés par Dieu et reflètent sa volonté et son dessein. Quiconque établit la moindre différence entre leur personnalité, leurs paroles, leurs messages, leurs actes et leurs façons d'agir a, en vérité, refusé de croire en Dieu, renié ses signes et trahi la cause de ses messagers. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Bahá'í World Faith, pp. 27-28.]

Toutefois, la doctrine bahá'íe de l'unicité des manifestations ne signifie pas que la même et unique âme soit réapparue dans différents corps physiques. Moïse, Jésus-Christ, Mohammed et Bahá'u'lláh étaient des personnalités différentes, des réalités individuelles séparées. Leur unicité réside dans le fait qu'elles ont toutes manifesté et révélé les qualités et attributs de Dieu à un même degré : l'esprit de Dieu qui a habité chacune d'elles était identique à celui qui a habité les autres.

Bahá'u'lláh a utilisé une analogie pour expliquer le rapport existant entre les différentes manifestations et entre chacune de ces manifestations et Dieu. Dans cette analogie, Dieu est comparé au soleil parce qu'il est l'unique source de vie de l'univers, tout comme le soleil physique est l'unique source de vie physique sur terre. L'esprit et les attributs de Dieu sont les rayons de ce soleil et chacune des manifestations, un miroir parfait. Si plusieurs miroirs sont tournés vers le même soleil, cet unique soleil sera réfléchi dans chacun des miroirs. Cependant, chacun des miroirs est différent, et chacun possède sa propre forme, distincte des autres.

De la même manière, chacune des manifestations est une entité distincte, mais l'esprit et les attributs de Dieu réfléchis dans chacune d'elles sont les mêmes.

[Nota: L'analogie du soleil et des miroirs nous permet de comprendre l'interprétation bahá'íe de la notion traditionnelle de retour ou réapparition des précédentes manifestations. On retrouve le thème du retour dans les Écrits saints de toutes les grandes religions, souvent caché derrière un langage très symbolique. Les lecteurs occidentaux seront particulièrement familiers avec l'attente chrétienne du retour ou seconde venue du Christ qui se base sur certains versets de l'Ancien et du Nouveau Testament dans la Bible. Bahá'u'lláh explique que le retour auquel il est fait allusion dans les précédents Écrits saints, est le retour des attributs et de l'esprit de Dieu dans le miroir d'une autre manifestation, et non le retour du même être : Il est clair et évident ... que tous les prophètes sont les temples de la cause de Dieu apparus sous des aspects différents. Si tu observes avec discernement, tu reconnaîtras qu'ils habitent tous le même tabernacle, qu'ils planent dans le même ciel, qu'ils siègent sur le même trône, qu'ils parlent le même langage et proclament la même foi... En conséquence, si l'une de ces manifestations de sainteté proclamait : " Je suis le retour de tous les prophètes ", elle dirait sans aucun doute la vérité. De même, dans chaque révélation qui suit, le retour de la révélation précédente est un fait dont la vérité est fermement établie... (Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 36). C'est de cette manière que les bahá'ís considèrent que la manifestation de Bahá'u'lláh réalise la promesse du retour du Christ, bien que Bahá'u'lláh et Jésus aient des âmes distinctes et par conséquent des personnalités humaines distinctes.]

Les manifestations représentent un degré d'existence intermédiaire entre Dieu et l'humanité. De même que l'humain est supérieur à l'animal parce qu'il possède certaines qualités que l'animal ne possède pas (celles de son âme immatérielle par exemple), de même les manifestations possèdent des qualités qui font défaut à l'homme ordinaire. Ce n'est pas une différence de degré, mais plutôt une différence d'espèce qui distingue une manifestation des autres êtres humains. Les manifestations ne sont pas simplement de grands penseurs humains ou des philosophes qui possèdent une compréhension ou une connaissance supérieure aux autres. Elles sont, par leur nature même, supérieures à ceux qui ne possèdent pas une telle capacité.

Il a été relevé ci-dessus que les êtres humains avaient une double nature : le corps physique qui se compose d'éléments et fonctionne selon les mêmes principes que le corps animal; et l'âme humaine immatérielle, rationnelle et immortelle. Les manifestations, nous enseigne Bahá'u'lláh, possèdent elles aussi ces deux natures, mais elles possèdent en plus une troisième nature propre à leur condition : la capacité de recevoir la révélation divine et de la transmettre infailliblement à l'humanité.

" Sachez que, bien qu'elles aient des degrés de perfections infinies, les saintes manifestations n'ont, d'une manière générale, que trois états. Le premier est l'état physique, le deuxième, l'état humain qui est celui de l'âme rationnelle et le troisième, celui de l'apparence divine et de la splendeur céleste.

L'état physique est contingent; il se compose d'éléments, et tout ce qui est composé est inévitablement sujet à la décomposition... Le second est l'état de l'âme rationnelle qui est la réalité humaine. Il est lui aussi contingent et, de ce point de vue, les saintes manifestations partagent le sort de toute l'humanité... L'esprit de l'homme a un commencement mais n'a pas de fin; il dure éternellement... Le troisième état est celui de l'apparence divine et de la splendeur céleste : c'est le Verbe de Dieu, la Bonté éternelle, l'Esprit saint. Il n'a ni commencement ni fin..., la réalité d'un prophète, qui est le Verbe de Dieu et l'état parfait de manifestation, n'a pas eu de commencement et n'aura pas de fin; son apparition est différente de toutes les autres et est comparable au lever du soleil. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 158.]

'Abdu'l-Bahá a expliqué que même l'âme individuelle de la manifestation est différente de celle de l'homme ordinaire :

" Mais la réalité individuelle des manifestations de Dieu est une réalité sainte et, pour cette raison, elle est pure et distincte de toute autre chose en ce qui concerne sa nature et sa qualité. Elle est semblable au soleil qui, en raison de sa nature même, produit de la lumière et ne peut être comparé à la lune... Ainsi, les autres réalités humaines sont ces âmes qui, tout comme la lune, prennent leur lumière du soleil; mais cette réalité sainte est lumineuse par elle-même. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 161.]

La manifestation n'est donc pas simplement une personne ordinaire que Dieu a choisie à un certain moment de sa vie naturelle pour être son messager. Bien au contraire, la manifestation est un être particulier, ayant une relation unique avec Dieu et envoyée par Lui, depuis le monde spirituel, pour être l'instrument de la révélation divine. Bien que l'âme humaine de la manifestation ait pris naissance en ce monde, elle existait néanmoins dans le monde spirituel avant sa naissance physique. Les âmes immortelles des hommes ordinaires n'ont, elles, aucune préexistence semblable; elles naissent au moment de la conception. Sur la préexistence de l'âme des manifestations, Shoghi Effendi dit :

" Les prophètes, contrairement à nous, sont préexistants. L'âme du Christ existait dans le monde spirituel avant sa naissance dans ce monde. Nous ne pouvons imaginer à quoi ressemble ce monde là, et les mots ne parviennent donc pas à décrire son état en tant qu'être. "

[Nota: Shoghi Effendi, High Endeavours, Messages to Alaska, p. 71.]

La manifestation a, depuis sa tendre enfance, la conscience de sa réalité et de son identité, bien qu'elle puisse ne pas enseigner et instruire ouvertement les autres avant un âge avancé. Puisqu'elles sont les réceptacles directs de la révélation divine, les manifestations ont une connaissance absolue des réalités de la vie. Ce savoir inné, divinement révélé, leur permet seul de formuler des enseignements et des lois qui correspondent aux besoins et aux conditions de l'humanité à un moment donné de l'histoire :

" Étant donné que les saintes réalités, les suprêmes manifestations de Dieu enveloppent l'essence et les qualités des créatures, transcendent et contiennent les réalités existantes et comprennent toutes choses, leur savoir est le savoir divin et non pas un savoir acquis - c'est donc une sainte bénédiction, une révélation divine..., les suprêmes manifestations de Dieu sont conscientes de la réalité des mystères des êtres. Elles établissent par conséquent des lois qui sont adaptées et conviennent à l'état de l'humanité, car la religion est le lien essentiel qui procède de la réalité des choses..., les suprêmes manifestations de Dieu ... comprennent ce lien essentiel et, par cette connaissance, établissent la loi de Dieu. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 164-165. Ce passage fait apparaître clairement que les lois de Dieu sont inhérentes à la structure de la réalité : la manifestation comprend ces lois, mais ne les a pas créées. L'homme peut, par conséquent, découvrir certaines de ces lois par lui-même, mais les Écrits bahá'ís soulignent à d'autres endroits que l'homme se détruirait lui-même s'il n'était pas guidé (c'est-à-dire sans révélation divine) dans leurs découvertes.]

Aucun homme ne peut devenir une manifestation de Dieu. Chaque âme, individuellement, est capable d'être touchée par l'Esprit de Dieu et peut, par conséquent, progresser spirituellement, comme cela a été expliqué précédemment. Mais la manifestation reste à un niveau élevé au-delà de ce que même le plus parfait des hommes est capable d'atteindre.

Pour développer l'analogie du miroir, les âmes des êtres humains ordinaires peuvent être comparées à des miroirs mais, à la différence des manifestations, ils sont imparfaits. En d'autres termes, chaque être humain peut réfléchir les attributs de Dieu, mais seulement d'une manière imparfaite et limitée. Pour l'être humain ordinaire, le progrès spirituel implique qu'il doit parfaire, purifier, polir le miroir de l'âme afin qu'il réfléchisse plus clairement encore les attributs de Dieu. Dans différents passages, Bahá'u'lláh a explicitement utilisé l'exemple de la purification du miroir en tant qu'analogie pour le progrès spirituel. Cette analogie souligne le fait que nous avons été créés imparfaits, avec toutefois un potentiel illimité pour la perfection, tandis que la manifestation est déjà un être parfait.

Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont enseigné qu'il n'y avait aucun autre degré d'existence consciente que les trois degrés décrits précédemment : les êtres humains, les manifestations et Dieu. Il n'y a aucune hiérarchie de démons, anges et archanges. Dans la mesure où ces termes ont une quelconque signification, ils sont considérés comme symboliques des différentes étapes du développement de l'humain, l'imperfection étant démoniaque et la spiritualité angélique. Les manifestations sont déjà dans l'état de perfection, tandis que les autres hommes sont potentiellement parfaits dans ce sens que chaque âme renferme le potentiel nécessaire pour réfléchir les attributs de son créateur. Cet ultime état de perfection pour nous, ainsi que l'explique 'Abdu'l-Bahá , est un état de servitude absolue envers Dieu :

" Sache que les différents états de l'existence sont limités aux états de servitude, de prophète et de divinité, alors que les perfections divines et contingentes sont illimitées... Et, de même que les perfections divines sont infinies, ainsi sont les perfections humaines. S'il était possible d'atteindre la limite de la perfection, l'une des réalités des êtres pourrait devenir indépendante de Dieu, et le contingent parviendrait à l'état de l'absolu. Mais il existe pour chaque être un point qu'il ne peut dépasser..., celui qui est inhérent à l'état de servitude, aussi loin qu'il puisse progresser dans l'acquisition de perfections infinies, il n'atteindra jamais l'état de divinité... Pierre ne peut pas devenir le Christ. Tout ce qu'il peut faire, dans l'état de servitude, c'est d'acquérir des perfections infinies... "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 235-236.]

Cependant, étant capable d'entrer en communion avec Dieu, nous sommes aussi capables d'inspiration. Les Écrits bahá'ís font la distinction entre l'inspiration et la révélation. La révélation est cette perception directe et infaillible du Verbe créateur de Dieu qui n'est accessible qu'aux manifestations, qui la retransmettent à l'humanité. L'inspiration est la perception indirecte et relative de la vérité spirituelle, accessible à toute âme humaine. Elle naît du contexte de la vie spirituelle d'une culture influencée par une manifestation de Dieu. N'importe quel humain peut être inspiré par l'Esprit de Dieu. Mais l'expérience de l'inspiration nous est accessible parce que l'Esprit de Dieu nous est retransmis par l'intermédiaire des manifestations. En résumé : l'inspiration dépend de la révélation.

Bahá'u'lláh explique que Dieu, par sa volonté, choisit parfois des gens ordinaires comme prophètes et les inspire pour jouer un certain rôle dans les affaires de l'humanité. Parmi ces exemples, on peut citer les prophètes hébreux Isaïe et Jérémie. D'autres encore ont été inspirés en tant que visionnaires ou saints. Cependant, les prophètes mêmes sont loin de la station des manifestations qui transmettent à l'humanité la révélation infaillible de Dieu. On se réfère à eux sous le nom de prophètes mineurs ou prophètes secondaires dans les Écrits bahá'ís. Lorsque cette terminologie est utilisée, les manifestations sont appelées prophètes universels ou indépendants :

" D'une façon générale, il y a deux sortes de prophètes : les uns sont des prophètes indépendants qui ont leurs disciples; les autres ne sont pas indépendants et sont eux-mêmes disciples.

Les prophètes indépendants apportent des lois et fondent un nouveau cycle... Ils reçoivent, sans passer par un intermédiaire, la bonté de la Réalité divine, et leur spiritualité est une spiritualité essentielle. Ils sont comme le soleil qui est lumineux par lui-même... Les autres prophètes sont des disciples et des promoteurs, ce sont des branches et, par conséquent, ils ne sont pas indépendants; ils reçoivent la bonté des prophètes indépendants et bénéficient de la lumière de direction des prophètes universels. Ils sont semblables à la lune qui n'est ni lumineuse ni rayonnante par elle-même mais reçoit du soleil sa lumière. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 170.]

Aussi les bahá'ís considèrent-ils les philosophes, les réformateurs, les saints, les mystiques et les fondateurs de mouvements humanitaires comme des personnes ordinaires. Ils peuvent, dans de nombreux cas, avoir été inspirés par Dieu. La révélation cependant est le propre des seules manifestations, c'est la force génératrice profonde de tout progrès humain.


6.3. Le concept bahá'í de Dieu

Quel est donc ce Dieu révélé par cette succession de manifestations ? Selon les enseignements bahá'ís, Dieu transcende sa création à un tel point que, de toute éternité, nous ne serons jamais capables de formuler de Lui une image claire ou de parvenir à quoi que ce soit, si ce n'est à une appréciation infime de sa nature supérieure. Même lorsque nous disons que Dieu est le Tout-Puissant, le Très-Aimant, l'Infiniment Juste, nous n'utilisons que des termes dérivés d'une expérience humaine très limitée de puissance, d'amour et de justice. En fait, notre connaissance de toutes choses est limitée par notre connaissance de ces attributs et qualités perceptibles à nous seuls :

" Sache qu'il y a deux sortes de connaissances : la connaissance de l'essence d'une chose et la connaissance de ses qualités. L'essence d'une chose est connue à travers ses qualités; autrement elle demeure inconnue et cachée.

Étant donné que notre connaissance des choses, même des choses créées et limitées, est la connaissance de leurs qualités et non de leur essence, comment serait-il possible de comprendre dans son essence la Réalité divine qui est illimitée ...? Connaître Dieu signifie par conséquent comprendre et connaître ses attributs et non sa réalité. Et cette connaissance des attributs est aussi proportionnelle à la capacité et au pouvoir de l'homme; elle n'est pas absolue. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 225-226.]

Ainsi pour les êtres humains, la connaissance de Dieu signifie la connaissance des attributs et qualités de Dieu, et non une connaissance directe de son essence. Mais comment pouvons-nous parvenir à la connaissance des attributs de Dieu ? Bahá'u'lláh a écrit que toute chose dans la création est l'œuvre de Dieu et réfléchit par conséquent une parcelle de ses attributs. Par exemple, même dans la structure intime d'une roche ou du cristal, on peut observer l'ordre de la création de Dieu. Et plus cet objet est raffiné, plus il est capable de réfléchir les attributs de Dieu. La manifestation étant la forme de création la plus élevée que nous connaissions, la manifestation nous fournit la connaissance la plus complète de Dieu que nous puissions avoir :

" Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre porte en soi la preuve directe des attributs et noms de Dieu, puisque, en tout atome sont enchâssés des signes qui portent un éloquent témoignage, de la révélation de cette très grande lumière... Mais cela est surtout vrai de l'homme et à un degré suprême... Car en lui sont virtuellement révélés, à un degré qu'aucune autre chose créée ne saurait surpasser ni atteindre, tous les attributs et les noms de Dieu... Et, de tous les hommes, les plus parfaits, les plus éminents et les meilleurs sont les manifestations du Soleil de Vérité. Bien mieux, ce n'est que par l'opération de la volonté de ces manifestations et par l'effusion de leur grâce, que tous les autres vivent et se meuvent. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 117-118.]

Bien qu'une roche ou un arbre nous révèle quelque chose des subtilités de son créateur, seul un être conscient tel que l'humain peut adopter les attributs de Dieu dans sa vie et dans ses actes. Étant donné que les manifestations se trouvent déjà au stade de la perfection, c'est dans leur vie que l'on peut le plus parfaitement saisir le sens profond des attributs de Dieu. Dieu n'est pas limité à un corps physique, et par conséquent nous ne pouvons le voir directement ni observer sa personnalité. C'est donc, en fait, en connaissant les manifestations que nous nous approchons le plus de la connaissance de Dieu :

" Sache, à n'en point douter, que l'Invisible ne peut en aucune façon incarner son Essence et la révéler aux hommes. Il est, et restera toujours, infiniment exalté au-dessus de tout ce qui peut être perçu et exprimé... Celui qui, de toute éternité, est resté caché aux yeux des hommes ne peut être connu que par sa manifestation, et sa manifestation ne peut apporter de plus grande preuve de la vérité de sa mission que la preuve qu'en apporte sa personne elle-même. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 34.]

Et dans un autre passage semblable :

" La porte de la connaissance de l'Éternel a toujours été, et restera à jamais, fermée aux hommes. Aucune intelligence humaine n'accédera jamais en sa sainte cour. Toutefois, en gage de sa miséricorde et en signe de sa tendre bonté, Il a manifesté aux hommes les Astres du jour de sa direction divine, les symboles de sa divine unité et Il a voulu, que le savoir de ces êtres sanctifiés soit identique à son propre savoir. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 34.]

Bien sûr, seuls ceux qui vivent durant la vie de la manifestation ont la possibilité de l'observer directement. C'est pour cette raison, explique Bahá'u'lláh, que les écrits et les paroles de chaque manifestation servent de lien essentiel entre les individus et Dieu. Pour les bahá'ís, la parole de la manifestation est le Verbe de Dieu, et c'est vers ce Verbe que les individus peuvent se tourner quotidiennement afin de se rapprocher de Dieu et de mieux le connaître. Le Verbe écrit de Dieu est l'instrument qui crée une conscience de la présence de Dieu dans notre vie quotidienne :

" Dis : La preuve première et principale de sa vérité est sa propre personne. Vient ensuite sa révélation. Et, pour ceux qui ne reconnaissent ni l'une ni l'autre, il reste les paroles qu'il a révélées comme preuve de sa réalité et de sa vérité... Il a doté toute âme de la capacité de reconnaître les signes de Dieu. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 70.]

C'est pour cette raison que la discipline de la prière quotidienne, de la méditation et de l'étude des Écrits saints constitue une part importante de la pratique spirituelle individuelle des bahá'ís. Ils estiment que cette discipline est l'un des principaux moyens de se rapprocher de leur créateur.

Résumons-nous : la conception bahá'íe de Dieu est que son essence est éternellement transcendante, mais que ses attributs et qualités sont immanents aux manifestations.

[Nota: À ce propos, Shoghi Effendi dit de la manifestation de Bahá'u'lláh qu'elle était l'incarnation complète des noms et des attributs de Dieu. (Voir L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 108.) .]

Notre connaissance de toute chose étant limitée par notre connaissance des attributs perceptibles de chaque chose, la connaissance des manifestations est (pour les simples humains) équivalente à la connaissance de Dieu.

[Nota: Dans le même esprit, 'Abdu'l-Bahá a dit : La connaissance de la réalité divine est impossible et inaccessible, mais la connaissance des manifestations de Dieu est la connaissance de Dieu, car les bontés, les splendeurs et les attributs divins sont manifestés en elles. Donc, si l'homme parvient à connaître les manifestations de Dieu, il parviendra à la connaissance de Dieu. S'il néglige de connaître les saintes manifestations, il sera privé de la connaissance de Dieu. (Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 227.).]

En termes concrets, cette connaissance s'acquiert par l'étude, la prière, la méditation et une application pratique de ce que le Verbe de Dieu nous révèle (c'est-à-dire les Saintes Écritures des manifestations).



7. L'ORDRE MONDIAL DE BAHÁ'U'LLÁH

De nombreuses personnes ont des doutes quant à l'existence de Dieu parce qu'elles sont incapables de découvrir quoi que ce soit qui leur prouve qu'Il existe vraiment. Savoir qui est Dieu et être sûr de son existence est certainement l'une des plus grandes questions à la fois philosophique et religieuse. Dans le chapitre 6, la réponse bahá'íe à cette question a été traitée avec une certaine profondeur. La foi bahá'íe enseigne que Dieu nous a donné une preuve évidente de son existence et de son amour pour nous : les manifestations qu'Il envoie à chaque époque pour faire connaître sa volonté à l'humanité.

Selon Bahá'u'lláh, Dieu a promis qu'Il enverrait une série de manifestations pour guider et instruire l'humanité. Dans les Écrits bahá'ís, cette promesse est appelée la grande alliance. Cette succession de manifestations, ou messagers de Dieu, remonte à l'aube des temps : Moïse a succédé à Abraham; Jésus a suivi Moïse; et Mohammed est apparu après Jésus. La succession s'est poursuivie à notre époque avec l'avènement de Bahá'u'lláh. Chacun des autres messagers divins, aussi bien ceux que l'histoire connaît que ceux dont le souvenir a été perdu, a eu un rôle important à jouer dans l'ordre divin des choses.

[Nota: Ce sujet de la succession des manifestations est le thème central du Kitáb-i-Íqán (Le Livre de la Certitude). Le concept d'une alliance se retrouve dans les écrits de nombreuses religions. Par exemple : dans la Bible, Genèse 17, est décrite l'alliance de Dieu avec Abraham, ce dernier devant devenir le père d'une multitude de nations. Le texte continue ainsi : Je te rendrai fécond à l'infini, je ferai de toi des nations, et des rois sortiront de toi. Et j'établirai mon alliance entre moi et toi et tes descendants après toi, pendant des générations : ce sera une alliance perpétuelle, en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de ta postérité après toi. (Genèse 17:6-7) Il paraît évident aujourd'hui que l'alliance en question n'était pas destinée aux juifs et aux chrétiens seulement (c'est-à-dire les descendants d'Abraham par son fils, Isaac, et sa première femme Sarah), mais aussi aux descendants des mariages d'Abraham avec Hagar (voir Genèse 16:15-16) et Keturah (voir Genèse 25:1-2). Le prophète Mohammed descendant d'Ishmaël, fils d'Abraham et de Hagar (voir Genèse 25:5-6), les musulmans se considèrent comme cohéritiers de l'alliance d'Abraham. Bahá'u'lláh descendait d'Abraham par la troisième femme du patriarche, Keturah (voir Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 90). Aussi les bahá'ís considèrent-ils l'alliance d'Abraham comme la force motrice de l'apparition d'au moins quatre des principaux messagers de Dieu : Moïse et Jésus-Christ (par Isaac, fils de Sarah), Mohammed (par Ishmaël, fils de Hagar), et Bahá'u'lláh (par Keturah).]

Une alliance est un accord ou contrat engageant les deux parties. Dans sa grande alliance, Dieu a promis une succession de manifestations. Bahá'u'lláh nous enseigne que l'humanité, en réponse à cet engagement divin, a une double obligation envers Dieu : elle doit reconnaître et accepter la manifestation lorsqu'elle vient à paraître, et obéir et s'efforcer de mettre en pratique ses enseignements.

Bahá'u'lláh nous dit :
" Ces devoirs jumeaux sont inséparables. L'un sans l'autre est inacceptable. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 218.]

C'est pour cette raison que les bahá'ís d'origine juive, chrétienne ou autre ne considèrent pas qu'ils ont abandonné leurs anciennes croyances en devenant bahá'ís. Ils pensent qu'ils répondent à leurs obligations en tant que croyants et disciples de la manifestation de Dieu qui a fondé leur propre tradition religieuse. Ils ont, en fait, honoré l'alliance en reconnaissant la succession des manifestations de Dieu, plutôt qu'en n'en suivant qu'une seule et en considérant que les enseignements de cette dernière sont supérieurs à ceux de toutes les autres. Ils considèrent ainsi qu'ils ont rempli l'obligation spirituelle qu'ils avaient héritée de la foi de leurs parents.

Un autre point au sujet de ce concept bahá'í de grande alliance doit être souligné. Cette succession de manifestations n'ayant pas eu de commencement, elle n'aura pas de fin. La révélation bahá'íe ne prétend pas être l'étape finale dans la gestion par Dieu de l'évolution spirituelle de l'humanité. Selon les paroles de Bahá'u'lláh : " Dieu a envoyé ses messagers ici-bas pour succéder à Moïse et à Jésus, et Il continuera à faire de même jusqu'à <la fin qui n'a pas de fin>.... "

[Nota: Bahá'u'lláh, cité par Shoghi Effendi dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 113.]

Les Écrits bahá'ís contiennent l'assurance qu'après " l'écoulement complet de mille années, un autre messager ou manifestation de Dieu apparaîtra pour poursuivre ce processus évolutif infini. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Bahá'í World Faith, p. 211.]

À l'intérieur de cette vaste alliance, il existe d'autres liens entre l'humanité et Dieu qui marquent des étapes spécifiques dans son évolution et dans le développement de la civilisation. Toutes deux sont passées par des étapes différentes, et les bahá'ís pensent que chacune des religions révélées a permis d'atteindre un but spécifique dans ce processus global. De même que le petit enfant apprend progressivement en grandissant (il apprend à manger, marcher, lire, travailler avec les autres, etc.) afin de mûrir, de même l'humanité croît lentement vers sa maturité spirituelle en concentrant successivement son attention sur le développement de différentes capacités spirituelles.

Par exemple, au travers de la révélation d'Abraham, les hébreux prirent conscience de l'unicité de Dieu et purent alors explorer les potentialités du développement humain que recelait cette profonde vérité. Le temps aidant, ce concept influença profondément toutes les civilisations occidentales et islamiques. De même, Moïse révéla la Loi de Dieu à l'humanité, Bouddha nous montra comment nous détacher de notre moi, et Jésus-Christ nous enseigna l'amour de Dieu et l'amour des autres êtres humains. Bahá'u'lláh a expliqué que ce développement progressif de la conscience spirituelle de l'humanité est à la fois naturel et nécessaire. L'enfant doit apprendre à marcher avant d'apprendre à courir et à sauter.

Pour accomplir une tâche particulière, nous devons apprendre quels sont les moyens qui nous permettront d'y parvenir. Selon la foi bahá'íe, chaque manifestation a procuré ces moyens essentiels, à ceux qui ont reconnu son rang, en établissant une alliance entre ses disciples et lui-même. Dans les enseignements bahá'ís, on fait référence à cette alliance sous le nom de moindre alliance. Elle est reformulée par chacun des messagers de Dieu selon les besoins changeants d'une race humaine en évolution. Elle est moindre non pas parce qu'elle est considérée comme sans importance, mais parce qu'elle fonctionne à l'intérieur de la structure des buts et objectifs de la grande alliance. On pourrait appeler la moindre alliance une alliance auxiliaire ou subsidiaire, car elle participe aux objectifs plus importants et éternels de Dieu.

[Nota: Des érudits bahá'ís ont remarqué que l'on faisait aussi référence à la moindre paix dans les écrits des autres religions. Dans le Deuteronome 29:10-13, Moïse a établi une alliance sous serment avec ses disciples, le peuple d'Israël, qui faisait de Dieu leur protecteur et défenseur à condition qu'à leur tour ils constituent son peuple et obéissent à ses lois. Il existe un schéma semblable dans le Nouveau Testament, rendu manifeste par les promesses de Jésus à ses disciples, à savoir que, s'ils obéissaient à ses enseignements, ils recevraient certainement pouvoirs et bénédictions. Il demanda par exemple aux chrétiens d'aller de l'avant et d'enseigner toutes les nations, d'observer ce que je vous ai demandé. En retour il leur promit : Demandez et il vous sera donné; cherchez et vous trouverez; frappez et on vous ouvrira. (voir Matthieu 7:7-8 et 28:19-20.).]

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les bahá'ís considèrent que la mission spécifique de la foi bahá'íe est l'établissement de l'unité mondiale. L'alliance de Bahá'u'lláh va par conséquent dans ce sens. Pour les bahá'ís, l'unité mondiale implique non seulement l'émergence d'un fort sentiment de fraternité et d'amour parmi tous les peuples, mais aussi la création d'institutions globales nécessaires à l'établissement d'une vie sociale harmonieuse et unie pour la planète. La guerre doit être éliminée de manière permanente et la paix universelle fermement établie parmi toutes les nations et communautés de la terre.

Dans les Écrits bahá'ís, cette vision du futur de l'humanité est appelée l'ordre mondial de Bahá'u'lláh. Par son étendue, une telle vision coupe le souffle. Alors que la plupart des gens s'accorderaient sans doute sur le fait que cet objectif bahá'í est méritoire, un grand nombre d'entre eux estimerait qu'il est utopique de croire que l'on peut réellement établir une telle société. De plus, la plupart pensent que la religion devrait s'occuper exclusivement du développement spirituel de l'individu, et ils sont étonnés de découvrir une foi qui met si fortement l'accent sur la vie collective de l'humanité, sur différentes formes d'organisations sociales et sur la réalisation d'objectifs sociaux.

La raison de la confiance bahá'íe dans le fait que le temps est venu d'unifier l'humanité repose dans leur croyance que l'unité mondiale est la volonté de Dieu : c'est Dieu qui veut que l'humanité soit unie; Il nous a créés avec un certain potentiel pour l'unité et nous a fourni les moyens de développer ce potentiel. L'alliance de Bahá'u'lláh est considérée comme l'instrument premier accordé par Dieu pour libérer ce potentiel spirituel et parvenir subséquemment à l'unité mondiale. Cette alliance nous fournit une puissance spirituelle qui génère l'espoir, change les cœurs et fait fondre les préjugés. Elle nous fournit également un système de lois sociales et d'institutions qui est basé sur des principes spirituels et qui nous rattache aux affaires courantes de la vie de l'humanité. Les bahá'ís pensent que par l'intermédiaire de ce système, l'humanité sera à même de créer une société globale fondée sur la justice :

" L'équilibre du monde a été bouleversé par la vibrante influence de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. La vie ordonnée de l'humanité a été révolutionnée par l'action de cet unique et merveilleux système, dont les yeux des mortels n'ont jamais vu l'équivalent. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 90.]

C'est 'Abdu'l-Bahá , le fils de Bahá'u'lláh, qui fut le principal acteur de l'établissement des fondations du système de son père. Le rôle joué par 'Abdu'l-Bahá dans l'histoire bahá'íe a été traité précédemment; l'importance de son rôle dans la mission de Bahá'u'lláh est réfléchie dans le fait que Bahá'u'lláh l'a désigné comme le Centre de mon alliance. Il autorisa 'Abdu'l-Bahá à interpréter la révélation bahá'íe et l'assura que son interprétation serait infailliblement guidée par Dieu.

[Nota: Bahá'u'lláh a dit : Quand l'océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, tournez vos visages vers celui ['Abdu'l-Bahá ] qui est le Dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette Antique Racine ... adressez-vous pour tout ce que vous ne comprenez pas dans le Livre à celui... L'objet de ce verset sacré n'est autre que la plus Grande Branche ('Abdu'l-Bahá ). (Cité par Shoghi Effendi dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, pp. 125-126).]

Bahá'u'lláh confia aussi à son fils le soin de s'occuper de la mise en pratique de ses enseignements, ainsi que la responsabilité de prendre toutes les décisions nécessaires à l'établissement des institutions de son ordre mondial. C'est en agissant selon cette autorité qui lui avait été conférée que 'Abdu'l-Bahá produisit tous les écrits qui font maintenant partie de la littérature de base de la foi bahá'íe.

'Abdu'l-Bahá nomma à son tour Shoghi Effendi Rabbani Gardien de la communauté bahá'íe et Interprète des Écrits saints après lui, et 'Abdu'l-Bahá supervisa la création des premières assemblées spirituelles locales destinées à devenir les institutions fondamentales de l'ordre mondial. L'œuvre de Shoghi Effendi rendit possible l'établissement de la Maison Universelle de Justice.

L'exemple de la vie de 'Abdu'l-Bahá démontre le caractère pratique et valide des enseignements de Bahá'u'lláh sur la vie et le développement spirituel de l'individu. Il n'est cependant pas considéré comme une autre manifestation ou messager de Dieu au même titre que le Báb ou Bahá'u'lláh. Alors que l'autorité d'une manifestation lui vient directement de Dieu et fait partie de sa nature spirituelle même, l'autorité de 'Abdu'l-Bahá lui fut conférée par Bahá'u'lláh. Toutefois les bahá'ís pensent que 'Abdu'l-Bahá a été investi de la qualité unique de servir d'exemple parfait des enseignements bahá'ís, Shoghi Effendi le décrit en ces termes :

" Il est, et devrait être considéré à jamais, en tout premier lieu, comme le Centre et le pivot de l'incomparable alliance universelle de Bahá'u'lláh, comme son œuvre la plus exaltée, le miroir immaculé de sa lumière, l'Exemple parfait de ses enseignements, l'Interprète infaillible de sa parole, la personnification de chaque idéal bahá'í...; en la personne de 'Abdu'l-Bahá , les caractéristiques incompatibles d'une nature humaine, d'une connaissance et d'une perfection " suprahumaines " ont été fondues et sont en complète harmonie. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 125.]

La conviction de la " praticabilité " de l'unité mondiale, ainsi que la consécration à ce but et le désir d'œuvrer dans ce sens, est probablement la caractéristique la plus distinctive de la communauté bahá'íe. C'est la différence la plus évidente qui existe entre la foi bahá'íe et les précédentes religions révélées. En ce qui concerne ses enseignements d'ordre spirituel et ses doctrines de base, la foi bahá'íe a de nombreux points en commun avec les religions traditionnelles, en particulier avec les religions du groupe sémitique (judaïsme, christianisme et islam). Par contre, l'accent mis par les bahá'ís sur l'établissement de l'unité mondiale et d'une civilisation mondiale, né de leur foi dans l'alliance établie avec eux par Bahá'u'lláh, est à la fois contemporain et unique. Dans une étude fort connue sur les possibilités d'une unité mondiale et d'une civilisation globale, le sociologue américain, le professeur Warren Wagar dit :

" ... de toutes les religions positives contemporaines se réclamant d'autorité divine, la seule qui se consacre presque exclusivement et sans ambiguïté à l'unification de l'humanité est la foi bahá'íe. "

[Nota: Warren Wagar, The City of Man, p. 117.]

Cette alliance particulière qu'a établie Bahá'u'lláh avec l'humanité fonctionne par l'intermédiaire d'un système appelé l'ordre administratif. Nous avons déjà vu que les enseignements et les Écrits de Bahá'u'lláh se partagent en un certain nombre de catégories différentes. Parmi les thèmes traités par Bahá'u'lláh, on trouve certains concepts et doctrines de base, des exhortations et principes destinés à guider l'humanité, des lois et ordonnances considérées comme essentielles au développement personnel et à l'organisation sociale, et des institutions spécifiques qui font partie intégrante de la révélation bahá'íe et ne peuvent être dissociées des enseignements spirituels.

Les lois et ordonnances d'une part, les institutions de la communauté bahá'íe d'autre part, constituent le système intitulé l'ordre administratif de la foi bahá'íe. C'est par l'intermédiaire de cet ordre administratif que se manifeste essentiellement la moindre alliance de Bahá'u'lláh avec l'humanité.

[Nota: Shoghi Effendi a résumé les principales caractéristiques de l'ordre administratif dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, pp. 131-147.]

La caractéristique distincte de cette moindre alliance réside dans le fait que son fondateur a spécifié les lois et institutions qui devront gouverner la communauté de ses disciples à travers l'histoire. De plus, ce dernier a expliqué dans ses propres Écrits, signés et scellés de sa main, la nature exacte de chacune de ces institutions : ses limites, ses attributions, sa fonction et son rôle. Les fondations de ce système ont été mises en place par 'Abdu'l-Bahá et par le Gardien de la foi bahá'íe, Shoghi Effendi, tous deux agissant par l'autorité que leur avait explicitement conférée Bahá'u'lláh et selon ses directives écrites.

Les deux principales institutions de l'ordre administratif, décrites par Shoghi Effendi comme étant ses piliers, sont le Gardiennat et la Maison Universelle de Justice. Le rôle joué par Gardien et la nature de l'autorité que lui a conférée cette alliance ont été traités précédemment. Bien qu'il ne soit plus en vie, son interprétation des enseignements bahá'ís conserve le même degré d'autorité pour la communauté bahá'íe qu'au temps du Gardiennat. La Maison Universelle de Justice fut instituée par Bahá'u'lláh lui-même comme organe législatif suprême de l'ordre administratif bahá'í. La Maison Universelle de Justice a déclaré à propos du rapport existant entre la Maison Universelle de Justice et le Gardiennat :

" Il est bien entendu ... qu'avant de légiférer sur un sujet quelconque, la Maison Universelle de Justice étudie soigneusement et longuement, à la fois, les textes sacrés et les écrits de Shoghi Effendi sur le sujet. Les interprétations données par le Gardien bien-aimé couvrent un grand nombre de sujets et possèdent autant de poids que le texte lui-même. "

[Nota: La Maison Universelle de Justice, Messages from the Universal House of Justice, 1963-1986, 23.19.]

Bahá'u'lláh a donné le nom de maison de justice à ces institutions législatives centrales de sa foi. Une maison de justice est constituée de neuf adultes élus périodiquement par tous les adultes croyants de la communauté. Des maisons de justice seront établies à trois niveaux :

- local (une municipalité ou un groupe distinct d'habitats);

- secondaire (en général national); et

- international.

Actuellement, cette institution n'existe qu'au niveau international, depuis l'élection de la première Maison Universelle de Justice à la Convention internationale de 1963. C'est ce corps qui dirige aujourd'hui les bahá'ís du monde. C'est le seul agent législatif de la foi et, selon des textes explicites de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá , ses décrets ont pour les bahá'ís la même autorité que les textes eux-mêmes. La différence est que la Maison Universelle de Justice a le pouvoir de révoquer ou de modifier un de ses propres décrets au fur et à mesure de l'évolution de la communauté bahá'íe et des nouvelles conditions qui émergeront, alors que les lois contenues dans les textes bahá'ís demeurent immuables.

L'administration de la foi bahá'íe à un niveau local et national se trouve actuellement entre les mains d'assemblées spirituelles locales et nationales. Ces institutions sont élues et fonctionnent de la même manière qu'une maison de justice, elles porteront ultérieurement le nom de maisons de justice secondaires et locales.

Les bahá'ís pensent que, si les maisons de justice locales et secondaires sont guidées par Dieu, seules les décisions de la Maison Universelle de Justice sont inspirées et font autorité. Pour eux cette institution représente l'effort suprême accompli par l'humanité pour parvenir à Dieu dans un esprit d'unité et d'harmonie. Bahá'u'lláh a déclaré que c'est Dieu Lui-même qui a rendu cela possible, et qu'Il préservera de l'erreur les décrets de la Maison Universelle de Justice.

[Nota: Dans son Testament, 'Abdu'l-Bahá a dit : Que chacun d'entre vous se tourne vers le Plus Saint Livre, et pour tout ce qui n'y est pas explicitement consigné, référez-vous à la Maison Universelle de Justice. Tout ce que ce corps décide, que ce soit à l'unanimité ou à la majorité, est assurément la vérité et le dessein de Dieu Lui-même... Tout ce qu'ils décident a le même effet que le texte lui-même. Et tout comme la Maison de justice a le pouvoir de décréter des lois qui ne sont pas expressément contenues dans le Livre et qui portent sur les affaires courantes, elle a aussi le pouvoir d'abroger ces mêmes lois. (voir Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , Bahá'í World Faith, pp. 447-448).]

Il existe aussi des institutions bahá'íes à un niveau continental, national, régional et local, certaines étant élues et utilisant pour fonctionner la consultation collective et la prise de décision par vote, d'autres étant nommées et opérant principalement par l'intermédiaire de services rendus individuellement par ses membres. Ce système sera étudié en détail dans le chapitre suivant.

Ce système d'institutions fait partie intégrante de la foi bahá'íe et ne peut être détaché des principes et enseignements purement spirituels. Les bahá'ís pensent que leur ordre administratif représente le noyau et le modèle d'un nouvel ordre social destiné à réaliser l'unification de l'humanité. Voici ce qu'en dit Shoghi Effendi :

... cet ordre administratif diffère fondamentalement de tout ce que les prophètes ont établi dans le passé, puisque Bahá'u'lláh lui-même en a révélé les principes et établi les institutions, qu'il a désigné la personne destinée à interpréter sa parole et investi de l'autorité nécessaire le corps [la Maison Universelle de Justice] conçu pour compléter ses ordonnances législatives et les faire appliquer.

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 133..

Il est important de faire clairement la distinction entre l'ordre administratif de la foi bahá'íe et le futur ordre mondial conçu par Bahá'u'lláh. Lorsqu'ils parlent de l'ordre mondial, les bahá'ís font référence au plein effet qu'auront, d'après eux, les enseignements du fondateur de leur foi sur l'établissement d'un gouvernement mondial, d'une paix durable et d'une civilisation planétaire unie. Cet ordre mondial, de toute évidence, n'existe pas encore; mais il est le but vers lequel tend la communauté bahá'íe. Par contre, les principales institutions de l'ordre administratif existent déjà et font partie intégrante de la communauté internationale des bahá'ís.

Voici, en partie, le résumé fait par Shoghi Effendi de la vision de Bahá'u'lláh du futur ordre mondial :

" L'unité de la race humaine, telle que la conçoit Bahá'u'lláh, suppose l'établissement d'une communauté universelle où toutes les nations, les races, les croyances et les classes sont étroitement et définitivement unies, où l'autonomie des États membres ainsi que la liberté et les initiatives personnelles des individus qui les composent sont complètement et catégoriquement sauvegardées. Cette communauté, autant que nous puissions l'imaginer, doit comporter une législature universelle dont les membres, en tant que mandataires de l'humanité tout entière, auront en fin de compte le contrôle de l'ensemble des ressources de toutes les nations qui la composeront, et édicteront les lois nécessaires pour régler la vie, pourvoir aux besoins et harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les races. Un pouvoir exécutif mondial, s'appuyant sur une force internationale, veillera à l'exécution des décisions arrêtées par cette assemblée mondiale, à l'application des lois qu'elle aura votées et à la sauvegarde de l'unité organique de la communauté tout entière. Un tribunal mondial se prononcera et délivrera son verdict final et contraignant dans tous les conflits qui pourront s'élever entre les divers éléments qui constituent ce système universel... Une écriture universelle, une littérature universelle, un système uniforme et universel de monnaie, de poids et de mesure viendront simplifier et faciliter les relations et la compréhension entre les nations et les races...

Rivalités, haine et intrigues entre nations cesseront, et les animosités et les préjugés raciaux feront place à l'amitié raciale, à la compréhension et à la coopération. Les causes de luttes religieuses seront à jamais écartées, les barrières et les restrictions économiques totalement abolies, et la distinction excessive entre les classes sera supprimée.... "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, pp. 197-198.]

Les bahá'ís ne pensent pas que seuls leurs efforts ou leur foi permettra l'établissement de l'ordre mondial. Ils croient que la volonté de Dieu opère de différentes manières et, à différents niveaux, partout dans le monde et chez tous les peuples, pour atteindre ce but élevé. La Ligue des Nations et les Nations unies sont considérées comme des étapes importantes sur le chemin de l'unification. Aussi, de nombreux bahá'ís sont-ils des membres actifs de certains bureaux des Nations unies ainsi que de nombreux autres organismes internationaux apolitiques. Ils maintiennent cependant que leur foi et son ordre administratif ont un rôle central et vital à jouer dans le processus de la création d'un monde uni.

Afin de comprendre comment les bahá'ís considèrent le rapport qui existe entre leur foi et son ordre administratif d'une part, et la réalisation de la paix mondiale et l'établissement d'un ordre mondial d'autre part, il peut être utile de se rappeler qu'ils associent la future civilisation mondiale avec le millénium, ou venue du royaume de Dieu, mentionné dans les Écrits saints des autres religions. Ils pensent que l'établissement de la paix et de l'unité mondiale représente l'établissement du royaume de Dieu sur terre et le triomphe final du bien sur le mal, ainsi que l'ont prédit en des termes symboliques les précédentes religions. Ils croient que la réalisation de cet ordre mondial est la volonté de Dieu et ce, tout au long de l'histoire de l'humanité.

Dans certaines traditions religieuses, l'établissement du royaume de Dieu sur terre est uniquement associé à un acte divin. Elles supposent que le rôle de l'humanité dans ce processus est essentiellement passif et que l'avènement du royaume se fera instantanément, comme par magie, et de manière surnaturelle.

[Nota: Ce point de vue traditionnel a posé quelques problèmes aux interprètes modernes de ce que l'on a appelé le christianisme social. Au début du vingtième siècle, un certain nombre d'éminents penseurs chrétiens ont développé les grandes lignes de ce qu'ils ont appelé l'évangile social, dans lequel la venue du royaume de Dieu était interprétée comme la création d'une société juste et pacifique sur terre. Leur initiative s'effondra lorsque les penseurs chrétiens traditionnels leur opposèrent l'argument que le royaume ne pouvait être établi qu'avec le retour du Christ lui-même. Toute tentative de réforme sociale, aussi profitable qu'elle puisse être, ne pouvait selon eux prétendre représenter autre chose que l'effort imparfait fourni par l'homme pour se développer. Cette controverse a été ranimée aujourd'hui par une autre controverse qui oppose les milieux orthodoxes de l'Église chrétienne et les éléments libéraux influencés par le diagnostic marxiste de la condition sociale contemporaine. Les bahá'ís pensent que tout conflit est le résultat d'un malentendu de part et d'autre. Selon la pensée bahá'íe, le Christ étant revenu en la manifestation de Bahá'u'lláh, la tendance internationale actuelle en faveur de la construction d'une nouvelle société fondée sur une tentative humanitaire d'améliorer la condition sociale de l'humanité dans son ensemble, représente l'établissement progressif du royaume de Dieu sur terre avec la participation active de ses habitants.]

Les bahá'ís pensent que Dieu est tout-puissant et qu'Il pourrait certainement imposer immédiatement son royaume sur terre si telle était réellement sa volonté. Bahá'u'lláh a expliqué que Dieu cherchait à nous enseigner certaines leçons par la manière dont le royaume s'établit. Les bahá'ís estiment que les sociétés actuelles ne répondent pas à nos besoins réels parce qu'elles sont fondées sur des attitudes et des pratiques contraires à la loi divine. Ainsi, en même temps que Dieu établit son royaume promis sur terre, Il nous donne la possibilité d'apprendre par le biais de l'expérience - expérience qui consiste à assumer dans notre vie les conséquences de nos propres actes - la véritable nature de nos possibilités et de nos limites.

" Bahá'u'lláh nous a mis en garde : ce n'est qu'en comprenant profondément nos erreurs passées et en les acceptant que nous pourrons éviter de reproduire ces mêmes erreurs tragiques qui nous ont menés à la situation mondiale actuelle, avec sa menace perpétuelle de guerre, ses souffrances, son exploitation et son désespoir. "

[Nota: Shoghi Effendi, The Promised Day Is Come, ¶6.]

Pour Bahá'u'lláh, l'établissement d'un ordre mondial se fera en trois étapes successives. La première est une période de débâcle sociale et d'immenses souffrances, des souffrances qui dépassent en étendue et en intensité toutes celles connues jusqu'alors. Les bahá'ís pensent que la première étape est déjà bien avancée et que le désordre qui afflige actuellement le monde éprouvera, en son temps, chaque vie humaine et chaque institution sociale. Dans son ouvrage, " Voici le jour promis ", Shoghi Effendi décrit cette souffrance humaine à la fois comme un châtiment et comme un acte de sainte et suprême discipline de la part de Dieu :

" C'est à la fois une épreuve envoyée par Dieu et un processus de purification de toute l'humanité. Ses flammes punissent la perversité du genre humain et unissent ses composantes en une communauté organique, indivisible et mondiale. L'humanité, dans ces années décisives ..., est sommée à la fois de rendre compte de ses actes passés, de se purifier et de se préparer pour sa mission à venir. Elle ne peut ni échapper à ses responsabilités passées, ni se soustraire à celles à venir. "

[Nota: Shoghi Effendi, The Promised Day Is Come]

Selon les bahá'ís, la période actuelle de souffrances et de difficultés se terminera par une convulsion mondiale, à la fois spirituelle, physique et sociale. Cette crise marquera la fin de la première étape et la transition vers la seconde étape du Plan divin. Bahá'u'lláh a fait référence à cette crise en ces termes :

" Nous avons fixé un temps pour vous, ô peuple ! Si vous manquez, à l'heure fixée, de vous tourner vers Dieu, en vérité Il se saisira violemment de vous et vous accablera de maux de tous côtés. Terrible sera alors le châtiment que vous infligera votre Seigneur. "

[Nota: Cité dans The Promised Day Is Come de Shoghi Effendi,]

La seconde étape du cheminement de l'humanité vers l'ordre mondial verra l'établissement de la moindre paix. À la lumière des différentes déclarations contenues dans les Écrits bahá'ís, il serait probablement plus exact de considérer cette seconde étape plutôt comme une fin durable à la guerre que comme une paix totale et positive. La moindre paix est un terme utilisé pour décrire une paix politique que concluront les nations du monde après un accord international. La principale caractéristique de la moindre paix sera l'établissement de garanties internationales de sécurité qui éviteront la reprise de la guerre entre les nations. Ces garanties seront exposées explicitement dans un traité officiel approuvé par toutes les nations du monde, et elles seront basées sur le principe de la sécurité collective selon laquelle toutes les nations devront se dresser en bloc contre toute nation agresseur. Bahá'u'lláh a dit : " Si l'un de vous prenait les armes contre un autre, levez-vous tous contre lui, car ce ne sera là que justice manifeste. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 167.]

'Abdu'l-Bahá a développé ce thème dans le passage suivant :

" Ils [les souverains du monde] devront conclure un traité obligatoire et établir une alliance dont les clauses devront être justes, inviolables et précises. Ils devront la proclamer au monde entier et obtenir sa ratification par la race humaine tout entière... Toutes les forces de l'humanité devront se mobiliser pour assurer la stabilité et la durabilité de cette très grande alliance. Dans ce pacte global, les limites et frontières de chacune des nations devront être clairement définies, les principes à la base des relations entre gouvernements fermement établis et tous accords ou engagements internationaux confirmés... Le principe fondamental sous-jacent à ce pacte solennel devra être fixé de telle manière que si jamais un gouvernement venait à violer l'une de ses clauses, tous les gouvernements de la terre devraient se liguer pour l'obliger à se soumettre; bien plus encore, l'ensemble de la race humaine devrait décider, en utilisant tous les pouvoirs à sa disposition, de détruire ce gouvernement. Si ce puissant remède pouvait être appliqué au corps malade du monde, il guérirait assurément de ses maux et demeurerait à jamais sain et sauf. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Le Secret de la civilisation divine, pp. 89-90.]

Les bahá'ís pensent que la moindre paix suivra de près la fin de la période actuelle de souffrances et de soulèvements sociaux. Ils affirment même que ce sont justement ces dernières tragédies qui amèneront les peuples et les nations à mettre fin à la guerre à tout prix. 'Abdu'l-Bahá a prédit que la moindre paix sera établie avant la fin de ce siècle.

[Nota: Voir Sélection des écrits de 'Abdu'l-Bahá , pp. 31-32.]

La moindre paix est considérée comme le prélude nécessaire à la troisième étape de la naissance d'un ordre mondial, étape qui ne se fera que beaucoup plus progressivement. Bahá'u'lláh a intitulé cette dernière étape la plus grande paix. Son avènement, a-t-il dit, coïncidera avec la naissance de l'ordre mondial bahá'í. La description faite par Shoghi Effendi de ce futur ordre mondial a déjà été citée précédemment dans ce chapitre. Il en parle dans un autre passage comme de la " fusion ultime de toutes les races, croyances, classes et nations ". Alors que la moindre paix sera réalisée par les " nations de la terre, encore inconscientes de la révélation [de Bahá'u'lláh] mettant en place sans le savoir [ses] principes généraux ", la plus grande paix devra être la " conséquence de la reconnaissance du caractère et des revendications de la foi de Bahá'u'lláh. "

[Nota: Shoghi Effendi, The Promised Day Is Come.]

Les bahá'ís pensent que c'est au cours de cette évolution de la moindre paix à la plus grande paix que la mission de Bahá'u'lláh sera pleinement reconnue par les peuples de la terre et ses principes consciemment acceptés et appliqués par l'ensemble de l'humanité.

L'ordre administratif de la foi bahá'íe est considéré comme la forme embryonnaire du futur ordre mondial. Selon Shoghi Effendi, les institutions et lois de l'ordre administratif bahá'í " sont destinées à être un modèle pour la société future, un instrument suprême pour l'instauration de la plus grande paix, et le seul moyen d'unifier le monde et de proclamer le règne de la droiture et de la justice sur la terre. "

[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 16.]

Cette vision de la plus grande paix correspond à une vision similaire d'Habakkuk d'un temps où " la terre sera inondée par la connaissance de la gloire du Seigneur, de même que les eaux recouvrent la mer " (Habakkuk, 2:14). Elle marquera la guérison des nations promise dans l'apocalypse chrétienne (Révélation, 22:2). Elle apportera non seulement une civilisation mondiale, mais aussi la " spiritualisation des masses ". Elle représente la " maturité du genre humain tout entier ".

[Nota: Shoghi Effendi, The Promised Day Is Come, 301, 302.]

À propos de la plus grande paix, Shoghi Effendi a dit :

" Alors naîtra, prospérera et se perpétuera une civilisation mondiale dans une plénitude de vie telle que le monde n'en a encore jamais connu ni même conçu. Alors l'alliance éternelle sera totalement réalisée. Alors seront accomplies la promesse contenue dans tous les Livres de Dieu ainsi que toutes les prophéties des prophètes du passé et les prédictions des visionnaires et poètes. Alors la planète, galvanisée par la croyance universelle de ses habitants en un seul Dieu et leur allégeance à une seule révélation, réfléchira, dans les limites qui lui ont été fixées, la gloire éclatante de la souveraineté de Bahá'u'lláh... et [sera] célébrée en tant que paradis terrestre, capable d'accomplir cette ineffable destinée qui lui avait été fixée, en des temps immémoriaux, par l'amour et la sagesse de son créateur "

[Nota: Shoghi Effendi, The Promised Day Is Come]

La volonté de Dieu, selon les bahá'ís, agit de deux manières ou à deux niveaux. Il y a, d'une part, la volonté de Dieu en général qui pénètre toutes choses et se meut au cœur de tout événement de l'histoire de l'humanité, tout insignifiant qu'il puisse paraître. Toute chose sert à long terme le but de Dieu qui est d'unifier le genre humain. C'est pour cette raison que les bahá'ís s'associent à de nombreuses causes humanitaires et universelles et essaient d'apprécier les éléments positifs d'autres causes, dont par ailleurs ils ne partagent pas toujours entièrement la philosophie.

D'autre part ils pensent que leur foi et leur ordre administratif représentent une articulation spécifique de la volonté de Dieu pour cette époque. C'est par cet intermédiaire que l'esprit et le modèle d'unité ont pénétré toutes les affaires humaines. Les bahá'ís considèrent le perfectionnement de cet instrument divin comme leur premier devoir. Au fur et à mesure que cette nouvelle révélation commence à influencer la société dans sa totalité, le processus d'évolution de la moindre paix vers la plus grande paix s'effectuera progressivement. Les peuples seront amenés à reconnaître progressivement la volonté de Dieu pour l'humanité et seront les témoins de l'établissement du royaume de Dieu sur la terre.



8. ADMINISTRATION ET LOIS

Les bahá'ís considèrent l'alliance spéciale de Bahá'u'lláh, grâce à laquelle un futur ordre mondial et une civilisation mondiale verront naissance, comme l'une des particularités de leur religion. Ils pensent que le noyau et le modèle de ce futur et vaste système existent déjà dans les lois et l'ordre administratif conçus par le fondateur de leur foi, mis en œuvre et développés par 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi. C'est pour cette raison que les bahá'ís consacrent beaucoup de temps et d'énergie à développer les institutions de leurs communautés. Ces institutions de l'ordre administratif bahá'í ne servent pas uniquement à résoudre les problèmes et à prendre des décisions collectives à l'intérieur de la seule communauté des croyants; elles sont aussi régulièrement entraînées et affinées de manière que leurs potentiels administratifs d'ordre divin émergent progressivement, tout comme les potentialités de l'être humain se développent au travers de l'instruction et d'un effort continu.

Ceci explique la préoccupation que manifestent les bahá'ís pour tout ce qui concerne les processus administratifs, fait remarqué par de nombreux observateurs. Les bahá'ís pensent que Dieu a racheté à des fins divines l'une des activités humaines de la civilisation moderne les plus corrompues et déformées. Ils croient que le but de Dieu est de faire du service administratif une quête spirituelle qui attirera des bénédictions non seulement sur ceux qui y contribuent directement, mais aussi sur la société tout entière qui en dépend directement.

[Nota: 'Abdu'l-Bahá a dit par exemple : Ces assemblées spirituelles sont des lampes qui brillent, de célestes jardins d'où s'exhalent les parfums de sainteté sur toutes les régions... D'elles, l'esprit de lumière s'écoule dans toutes les directions. Elles sont vraiment les puissantes sources du progrès de l'homme... Cité par Shoghi Effendi dans Dieu passe près de nous, p. 321.]


8.1. Les institutions de la foi bahá'íe

Sous les directives des écrits du Gardien de la foi bahá'íe et l'autorité du rôle législatif et exécutif de la Maison Universelle de Justice, l'organisation de la communauté bahá'íe est structurée autour de deux principaux types d'institutions :

- celles conçues pour prendre des décisions en tout ce qui concerne la vie et les objectifs de la communauté; et

- celles qui fonctionnent pour protéger la communauté et contribuer de manière particulière à la propagation de la foi.

Les institutions qui prennent des décisions sont essentiellement la Maison Universelle de Justice, qui fonctionne à un niveau international, et les assemblées spirituelles qui existent à la fois au niveau national et au niveau local.

Les institutions de protection/propagation proviennent des pouvoirs conférés par l'alliance de Bahá'u'lláh aux Mains de la cause de Dieu, et étendus par le Gardien puis par la Maison Universelle de Justice à des corps de Conseillers et à des corps Auxiliaires. Ils conseillent, encouragent et stimulent à la fois les assemblées spirituelles et les croyants. Ces deux branches de l'ordre administratif vont être expliquées dans ce qui suit.


8.2. La Maison Universelle de Justice et les assemblées spirituelles

Pour préparer le futur établissement d'une maison de justice dans chaque localité, ainsi que Bahá'u'lláh l'a enjoint dans ses Écrits, 'Abdu'l-Bahá a déclaré qu'aussitôt que le nombre de bahá'ís adultes dans une localité atteint le chiffre de neuf ou plus, une élection doit se dérouler pour créer une assemblée spirituelle locale qui servira d'autorité à la communauté locale. Chaque assemblée spirituelle se compose de neuf membres élus parmi les adultes de cette communauté locale. Les assemblées spirituelles ont pour tâche de superviser toutes les activités bahá'íes locales telles que la propagation (ou enseignement) de la foi, la conduite de programmes éducatifs, la prise en charge de toute publicité ou publication locale, l'organisation de réunions de prières, l'utilisation des fonds bahá'ís, l'administration de conseils aux croyants sur les exigences spécifiques des lois et enseignements bahá'ís, ainsi qu'un certain nombre d'autres responsabilités similaires.

[Nota: Pour une introduction à la nature et aux fonctions des assemblées spirituelles bahá'íes, voir Adib Taherzadeh, Les Dépositaires de la confiance divine.]

'Abdu'l-Bahá s'occupa de la mise en place des premières assemblées spirituelles en Perse et en Occident et les guida dans leurs premières entreprises. Une grande partie de la vie de Shoghi Effendi en tant que Gardien de la communauté bahá'íe fut consacrée à cette même tâche. L'ensemble des principes administratifs soulignés dans l'importante correspondance de ces deux Interprètes désignés a été publié sous forme de livres et manuels qui sont utilisés dans tout le monde bahá'í. Les directives qu'ils contiennent couvrent un nombre impressionnant de sujets et sont la garantie même que le développement de la communauté bahá'íe pour les siècles à venir se conformera précisément au schéma conçu par Bahá'u'lláh et par ceux qu'il a désignés comme Interprètes dans son alliance.

[Nota: Pour plus de détails, voir les différentes compilations des écrits de Shoghi Effendi sur l'administration bahá'íe, telles que Principes de l'administration bahá'íe; Shoghi Effendi, Bahá'í Administration, Selected Messages, 1922-32; l'Assemblée spirituelle locale; l'Assemblée spirituelle nationale.]

Des assemblées spirituelles ont également été créées à un niveau national (et parfois régional). Leurs responsabilités sont semblables à celles des assemblées spirituelles locales, quoique plus importantes par leur étendue et leur complexité. Elles ont en plus la responsabilité de superviser le travail des assemblées spirituelles locales et de déterminer les sujets qui incombent à la responsabilité des institutions locales et ceux qui doivent être traités à un niveau régional ou national.

Alors que l'élection des membres de chaque assemblée spirituelle locale se fait directement par les membres de la communauté locale même, l'élection des membres des assemblées spirituelles nationales se fait en deux étapes. Tous les membres adultes de la communauté bahá'íe d'une région donnée élisent un nombre spécifique de délégués. Ce nombre dépend de la taille et de l'étendue de la communauté bahá'íe de cette région particulière du pays. Les délégués de tout le pays se réunissent ensuite pour une convention nationale annuelle et élisent les neuf membres de l'assemblée spirituelle nationale parmi tous les adultes de la communauté bahá'íe nationale, qu'ils soient ou non des délégués à la convention nationale.

Le processus électoral qui donne naissance à des assemblées spirituelles bahá'íes contient un certain nombre de caractéristiques intéressantes, voire peut-être même uniques. Tout vote s'effectue par bulletin secret. Les enseignements bahá'ís interdisent également toute forme de propagande électorale, y compris la nomination de candidats. Tout électeur écrit une liste de neuf noms différents sur son bulletin. Après le décompte des votes, sont déclarés élus les neuf individus qui comptent le plus grand nombre de voix. Ce système évite de présenter et de nommer des candidats, laissant ainsi à chaque électeur un maximum de liberté quant à son choix et évitant cette attitude de recherche du pouvoir inhérente à de nombreuses autres formes d'élection. Il est supposé que tout croyant adulte, une fois qu'il a été choisi par le corps électoral, sera capable et prêt à assumer ses responsabilités en tant que membre d'une assemblée spirituelle locale ou nationale.

Les élections ont lieu chaque année vers la fin du mois d'avril et coïncident avec le festival bahá'í de Ridván. Ces assemblées spirituelles élues servent alors pendant une année entière, prenant effet immédiatement après les élections et, dans tous les cas, aussitôt que possible.

La forme et l'esprit que prend ce processus sont sans doute parfaitement illustrés par les paroles suivantes de Shoghi Effendi :

" Si nous tournons nos regards vers les hautes compétences des membres des assemblées bahá'íes telles qu'elles sont énumérées dans les tablettes de 'Abdu'l-Bahá , nous ne pouvons qu'être envahis par un sentiment d'incapacité et de consternation, et nous serions vraisemblablement découragés si nous n'étions réconfortés par la pensée qu'en nous levant pour remplir noblement nos devoirs, toute imperfection dans notre vie sera largement compensée par l'esprit triomphant de sa grâce et de son pouvoir. Il incombe par conséquent aux délégués choisis de considérer sans la moindre trace de passion ou de préjugé, et indépendamment de toute considération matérielle, les noms seuls de ceux qui allient le mieux ces qualités nécessaires de loyauté incontestée, de dévouement désintéressé, d'esprit bien formé, de facultés reconnues et de mûre expérience. "

[Nota: Les Principes de l'administration bahá'íe, (recueil), p. 69-70.]

Un autre aspect important des élections bahá'íes doit être souligné : comme dans de nombreux autres domaines de ses enseignements (se référer par exemple au débat sur l'égalité des sexes, chapitre 5), Bahá'u'lláh a donné une forme pratique à un commandement spirituel. Il souligna que les races minoritaires et les groupes ethniques avaient été fortement désavantagés par la discrimination dans de nombreuses régions du monde. Les membres de ces minorités n'ont jamais eu l'occasion de développer les qualités d'esprit qu'ils possèdent cependant tout autant que les peuples plus fortunés. La communauté bahá'íe doit délibérément gérer ses affaires de telle manière que ces injustices et handicaps soient éliminés dans la mesure du possible. Par conséquent, au cours d'un processus électoral, chaque fois que pour une tâche particulière un électeur hésite entre les compétences d'une personne représentant un groupe minoritaire et un autre individu, il doit être enclin par sa conscience à voter pour la personne représentant le groupe minoritaire. De même, s'il y a ballottage au cours d'une élection bahá'íe et que l'une des personnes en question représente une minorité, la préférence devrait lui être donnée au tour suivant.

Les mêmes principes électoraux fondamentaux s'appliquent à l'élection des membres de la Maison Universelle de Justice. Dans ce cas précis, les électeurs sont les membres des assemblées spirituelles nationales du monde bahá'í. À la différence toutefois des assemblées spirituelles locales et nationales, la Maison Universelle de Justice n'est élue que tous les cinq ans au cours d'une Convention internationale qui se déroule à Haïfa en Israël, Centre mondial de la foi bahá'íe.

[Nota: La première élection de la Maison Universelle de Justice a eu lieu en avril 1963.]


8.3. Les Mains de la cause, les corps des Conseillers et leurs délégués

Ce système de prise de décision en groupe est secondé par des corps consultatifs. Durant leur vie, Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá nommèrent un certain nombre de croyants éminents Mains de la cause, soit pour propager, soit pour protéger la foi bahá'íe. Le Testament de 'Abdu'l-Bahá indiquait que ces fonctions devraient se poursuivre tout au long de la dispensation bahá'íe; c'est pourquoi Shoghi Effendi nomma lui aussi des Mains de la cause, dont vingt-sept étaient toujours en vie au moment de sa mort en novembre 1957.

" Ô amis ! Les Mains de la cause de Dieu doivent être désignées et nommées par le Gardien de la cause de Dieu. Elles doivent toutes demeurer sous son ombre et obéir à son commandement...

Les Mains de la cause ont pour devoir de diffuser les parfums divins, d'édifier l'âme des hommes, d'encourager l'étude, d'améliorer le caractère des hommes et d'être toujours et en toutes circonstances purifiées et détachées des choses terrestres. Leur conduite, leur comportement, leurs actes et leurs paroles doivent témoigner de leur crainte de Dieu. "

[Nota: Le Testament de 'Abdu'l-Bahá , pp. 27-28; voir aussi Bahá'í World Faith, p. 444.]

En l'absence d'un gardien de la foi après la mort de Shoghi Effendi, il n'y eut plus de possibilité de nommer d'autres Mains de la cause. La Maison de Justice cependant a tous pouvoirs, selon les termes explicites de l'alliance de Bahá'u'lláh, pour créer toute institution jugée nécessaire selon les besoins du développement de la communauté bahá'íe. Étant donné que le Testament de 'Abdu'l-Bahá demande que les fonctions remplies par les Mains de la cause se poursuivent en tant que partie intégrante de l'ordre administratif, la Maison Universelle de Justice créa une institution spécialisée dans ce but, une institution entièrement distincte du système élu des assemblées spirituelles. Cette institution est connue sous le nom de corps des Conseillers et ses membres servent à un niveau continental.

[Nota: Voir une déclaration générale de la Maison Universelle de Justice publiée dans Messages from the Universal House of Justice 1963-1986, n° 59.]

Les Conseillers sont des croyants éminents qui sont nommés pour cinq ans, chaque corps continental possède de sept à seize membres.

Les Mains de la cause, encouragées par Shoghi Effendi, avaient déjà nommé sur chaque continent des groupes de délégués, désignés comme corps Auxiliaires par le Gardien. Ces corps secondaires ont été rattachés au corps des Conseillers par la Maison Universelle de Justice, et les servent de la même manière qu'ils servaient auparavant les Mains de la cause. De plus, avec le rapide développement de la foi bahá'íe ces dernières années, la Maison Universelle de Justice a autorisé chaque membre du corps Auxiliaire à nommer des assistants pour l'aider à poursuivre son travail au niveau local. Ainsi, parallèlement au système des assemblées spirituelles nationales et locales, il existe maintenant une branche de l'ordre administratif destinée à remplir certaines fonctions bien précises à un niveau continental, régional et local.


8.4. Les rapports entre les Conseillers et les assemblées spirituelles

Il existe deux différences principales entre les institutions qui constituent les deux branches de l'ordre administratif bahá'í. Ces différences portent sur la manière d'opérer et sur les pouvoirs spécifiques à chaque institution. Les assemblées spirituelles sont des corps constitués qui prennent naissance au travers d'élections effectuées par la communauté bahá'íe dans son ensemble, et pour fonctionner, elles utilisent la prise de décision à la majorité. Les Conseillers et les membres du corps Auxiliaire sont nommés individuellement et respectivement par la Maison Universelle de Justice et les corps des Conseillers, et ils fonctionnent avant tout individuellement comme des serviteurs de la cause de Bahá'u'lláh. Bien que les membres des assemblées spirituelles accomplissent à l'occasion certaines tâches individuellement, en tant que membres élus par exemple, et bien que la consultation existe entre les Conseillers et les membres auxiliaires, les assemblées demeurent principalement des corps constitués, tandis que les autres institutions représentent des équipes d'individus travaillant en collaboration.

La seconde différence est relative à la nature de l'autorité conférée à chacune de ces branches de l'administration bahá'íe. Le pouvoir de prendre des décisions quant à la vie de la communauté revient uniquement aux assemblées spirituelles, et en dernier lieu à la Maison Universelle de Justice. Les Conseillers et les membres du corps Auxiliaire conseillent les assemblées spirituelles, commentent leurs plans et entreprennent tout ce qu'ils jugent nécessaire pour les stimuler, mais leur rôle se limite à ces activités. La responsabilité dernière et l'autorité quant à la prise de décision incombent aux assemblées spirituelles, car elles sont les représentantes élues de la communauté bahá'íe. C'est ceci qui, sans doute plus que tout autre facteur, différencie le rôle des Mains, des Conseillers et des membres du corps Auxiliaire dans la foi bahá'íe, de celui d'un clergé (ainsi qu'il est communément défini par les autres religions). Les Mains et leurs successeurs, les Conseillers et les membres du corps Auxiliaire n'ont ni autorité pour prendre des décisions, ni fonctions sacerdotales; ils n'ont pas non plus le droit d'interpréter les Écrits saints.

[Nota: L'autorité et les directives proviennent des assemblées, tandis que le pouvoir d'accomplir les différentes tâches revient essentiellement au corps des croyants tout entier. La principale tâche des membres du corps Auxiliaire est de susciter et de libérer ce pouvoir. Lettre de la Maison Universelle de Justice datée du 1er octobre 1969, The Continental Boards of Counsellors, p. 37.]

De plus, les Conseillers ne servent que le temps de leur nomination et non toute leur vie.

Leur rôle est cependant très significatif. Ils sont choisis parce qu'ils ont fait preuve, en tant qu'individus, d'un degré élevé de maturité spirituelle et d'aptitudes certaines à rendre de précieux services à la vie de la communauté. Les écrits bahá'ís leur accordent un certain rang en tant que membres de la communauté, et l'on attend des assemblées locales aussi bien que des individus qu'ils profitent de l'aide que leur expérience peut apporter.


8.5. Le centre international d'Enseignement

En 1973, les Conseillers et les membres du corps Auxiliaire furent réunis sous les directives d'une seule institution internationale installée au Centre mondial de la foi bahá'íe, à Haïfa, Israël.

[Nota: Voir The Continental Boards of Counsellors, pp. 45-48.]

Cette institution est connue sous le nom de centre international d'Enseignement. Il est composé des Mains encore en vie et d'un certain nombre de conseillers nommés à cette fin par la Maison Universelle de Justice. Dans le futur, après le décès de toutes les Mains, le centre international d'Enseignement sera uniquement composé de membres nommés par la Maison Universelle de Justice, et l'institution de ce centre continuera à fonctionner sous la surveillance de la Maison de Justice.

Les principaux devoirs du centre international d'Enseignement sont de coordonner les activités des différents corps de Conseillers, d'aider la Maison Universelle de Justice à développer les plans d'ensemble qui permettent à la foi de s'étendre. Il serait peut-être utile de souligner la distinction que font les Écrits bahá'ís entre la station spirituelle des croyants en tant qu'individus et le rang qu'ils peuvent avoir dans la communauté bahá'íe. La Maison Universelle de Justice a dit :

" La courtoisie, la révérence, la dignité, le respect du rang et des réalisations d'autrui sont des vertus qui contribuent à l'harmonie et au bien-être de chaque communauté, tandis que l'orgueil et la mise en avant de soi sont parmi les plus mortels des péchés ... le but ultime de la vie de chaque âme devrait être de parvenir à la perfection spirituelle - d'atteindre le bon plaisir de Dieu. Le véritable rang spirituel de toute âme n'est connu que de Dieu. Ce qui est très différent des rangs et positions que les hommes et femmes occupent dans les différents secteurs de la société. "

[Nota: Voir The Continental Boards of Counsellors, p. 60.]


8.6. Vie communautaire et Fête des dix-neuf jours

À un niveau local, les activités de la communauté bahá'íe se concentrent autour d'une réunion périodique, de toute la communauté, appelée une fête. Les dates de ces réunions sont les mêmes dans tout le monde bahá'í, elles sont basées sur le calendrier solaire bahá'í dont l'auteur fut le Báb. Ce calendrier se compose de dix-neuf mois de dix-neuf jours, ce qui fait au total 361 jours.

[Nota: Bahá'í World, vol. 13, p. 751.]

Les quatre jours restants de l'année solaire (cinq les années bissextiles) sont appelés jours intercalaires, ils sont consacrés à offrir des cadeaux, à l'hospitalité et aux réjouissances.

[Nota: Les quatre ou cinq jours intercalaires sont insérés dans le calendrier bahá'í juste avant le dernier mois de l'année, le mois du jeûne, qui débute le 2 mars de chaque année du calendrier grégorien. En dehors des 19 jours de fête et des jours intercalaires, l'année bahá'íe comporte un certain nombre de jours saints, parmi lesquels quelques-uns sont fériés. La plupart de ces jours saints commémorent un événement capital des premiers temps de l'histoire de la foi, tel que la naissance du Báb ou de Bahá'u'lláh.]

La fête a lieu le premier jour de chaque mois bahá'í, il y a donc dix-neuf fêtes dans l'année bahá'íe.

Les fêtes se composent de trois parties. La première est consacrée à la lecture de prières et de textes propres à la méditation qui peuvent être extraits aussi bien des livres saints bahá'ís que des Écrits saints des autres religions. La seconde partie est administrative : tous les participants, jeunes et enfants compris, se consultent sur les affaires de la communauté. L'assemblée spirituelle locale fait un rapport sur les décisions prises ayant trait à la vie générale de la communauté; le trésorier fait lui aussi son rapport; et on encourage les membres de la communauté à faire des suggestions, poser des questions ou exprimer leurs préoccupations en consultant les représentants de l'assemblée spirituelle locale. L'assemblée spirituelle n'est pas tenue d'accepter les recommandations formulées lors de la fête, mais elle doit les étudier et rendre compte à la communauté de la décision prise dans chaque cas. La troisième partie de la fête est sociale. Outre les rafraîchissements et les discussions amicales, elle peut comprendre une partie musicale ou autre représentation d'ordre artistique, des jeux et autres divertissements. Les trois parties sont nécessaires à la bonne marche de la fête, et les bahá'ís sont encouragés à développer le caractère spirituel non seulement de la partie consacrée à la prière, mais aussi des parties consultatives et sociales.

Si, dans la plupart des communautés bahá'íes, la fête a lieu dans des maisons particulières ou dans de petits centres communautaires, c'est parce que ces communautés ne sont pas suffisamment importantes pour investir dans des locaux plus conséquents. Le schéma du développement communautaire conçu par Bahá'u'lláh peut s'adapter à des communautés beaucoup plus importantes. Il est prévu que, dans le futur, chaque village ou autre localité aura sa propre maison d'adoration. (Mashriqu'l-Adhkár ou Point d'aurore de la mention de Dieu) Cette maison d'adoration deviendra le centre de la vie communautaire bahá'íe et l'on construira autour d'elle différents bâtiments d'intérêt public.

[Nota: Voir aussi le chapitre 9.]


8.7. Loi bahá'íe : la liberté spirituelle par la discipline

Toutes les institutions bahá'íes dont nous avons parlé fonctionnent en accord avec un système de lois révélées. La loi, nous dit Bahá'u'lláh, est à la base de toute société humaine.

[Nota: Voir Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 218-219; et p. 221.]

Sans elle, tout ordre est impossible, et sans ordre il n'existe aucun schéma selon lequel les activités spirituelles, culturelles, technologiques et intellectuelles qui dépendent des interactions humaines puissent se développer. Même la liberté individuelle dépend de la loi. En abandonnant un certain degré de liberté personnelle pour un système de lois accepté de tous, l'individu participe à la création d'un environnement qui lui offre en retour des avantages bien plus grands en terme de liberté que l'investissement personnel qu'il a nécessité.

C'est avant tout le côté animal de la nature humaine que la loi juste cherche à discipliner. Ce sujet a déjà été abordé de manière assez détaillée. Il est cependant bon de souligner à nouveau que les bahá'ís pensent que nos qualités intrinsèques spirituelles, intellectuelles et morales ne peuvent être libérées que lorsque notre nature physique a été disciplinée et purifiée comme un instrument fiable. Lorsque ce sont les besoins du corps physique qui prédominent, notre véritable nature reste prisonnière de notre nature physique, animale.

La source profonde de toute loi bénéfique au développement spirituel se trouve dans les révélations successives des manifestations de Dieu.

[Nota: Voir 'Abdu'l-Bahá , Le Secret de la civilisation divine, pp. 98-103.]

Les lois révélées par Moïse, Jésus ou Mohammed ne sont pas de simples réglementations ou préceptes moraux. Parce que l'amour de la manifestation pour nous touche nos cœurs, les lois qu'elle nous enseigne sont capables de remodeler la conscience humaine. Les notions de bien et de mal varient en fonction de la révélation, et c'est sur cette assise que la société elle-même élabore de nouveaux codes de lois. " Ne croyez pas, déclare Bahá'u'lláh, que Nous vous avons révélé un simple code de lois. Nous avons plutôt décacheté, avec les doigts de la force et du pouvoir, le vin de choix. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 219.]


8.8. Le Kitáb-i-Aqdas, le Livre des lois

À la lumière de ce point de vue sur l'importance de la loi divine, il n'est pas étonnant que Shoghi Effendi fasse référence au Livre des lois de Bahá'u'lláh, le Kitáb-i-Aqdas (littéralement le Plus Saint Livre), en tant qu'acte " le plus significatif de la vie de Bahá'u'lláh, la plus brillante conception sortie de l'esprit de Bahá'u'lláh et la charte de son nouvel ordre mondial. "

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 204.]

Le Kitáb-i-Aqdas fixe les principales lois de la vie spirituelle de l'individu et celles qui caractérisent son appartenance à la communauté bahá'íe. C'est, à tout point de vue, un document extraordinaire. Une étude approfondie du sujet dépasse le cadre du présent ouvrage, mais les trois caractéristiques suivantes en ressortent : son aspect détaillé et complet, son application progressive et la manière dont il fut publié.

Les lois de Bahá'u'lláh portent sur un très grand nombre de préoccupations individuelles et communautaires. Parmi les sujets traités, se trouvent la prière, le jeûne, le mariage, le divorce, la succession, l'éducation, l'inhumation, le testament, la chasse, le prélèvement de la dîme, les relations sexuelles, le soin du corps, le travail et les habitudes alimentaires.

Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont tous deux souligné le fait que l'application des lois du Kitáb-i-Aqdas devait se faire progressivement, en même temps que l'homme développait sa capacité à réagir aux responsabilités exigées par les circonstances. L'apprentissage de certaines lois accélère le processus de maturation spirituelle et rend possible l'application d'autres dispositions. Bahá'u'lláh a expliqué ce principe progressif :

" Sachez avec certitude que, dans chaque dispensation, la lumière de la révélation divine a été octroyée aux hommes en fonction de leur capacité spirituelle. Considérez le soleil. Comme ses rayons sont faibles quand il paraît à l'horizon. Comme sa chaleur et sa puissance augmentent à mesure qu'il approche de son zénith, permettant ainsi à toutes choses créées de s'adapter à l'intensité croissante de sa lumière... S'il manifestait brusquement les énergies qui sont latentes en lui, nul doute que toutes choses créées en seraient endommagées... De même si, dès le début de son apparition, le Soleil de vérité devait soudainement manifester la pleine mesure de la puissance dont l'a doté la providence du Tout-Puissant, la substance de l'intelligence humaine s'épuiserait et se consumerait; car le cœur des hommes ne pourrait soutenir l'intensité de sa révélation, ni s'avérer capables de refléter l'éclat de sa lumière. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Synopsis et codification des lois et ordonnances du Kitáb-i-Aqdas, pp. 5-6.]

Guidés par cela, le Gardien et la Maison Universelle de Justice ont progressivement introduit des clauses du Kitáb-i-Aqdas au fur et à mesure que la communauté bahá'íe grandissait et mûrissait. De toute évidence, le processus sera très long. Certaines lois, a souligné Shoghi Effendi, ont été formulées en prévision d'un état de société appelé à sortir du chaos qui prévaut aujourd'hui.

[Nota: Cité dans Synopsis et codification, de Bahá'u'lláh, p. 8.]

Le Kitáb-i-Aqdas n'est un livre que nominalement. Plus précisément, c'est le cœur d'un vaste ensemble littéraire dans lequel les lois de la foi bahá'íe sont énoncées et expliquées. Le volume original en arabe est un très petit ouvrage. Bahá'u'lláh y a ajouté un nombre important d'écrits qui développent les déclarations qui y sont faites, en commentant certaines questions soulevées par des érudits persans bahá'ís du dix-neuvième siècle qui avaient lu son ouvrage. 'Abdu'l-Bahá a complété ces écrits annexes et donné de plus amples interprétations et commentaires sur le contenu du Kitáb-i-Aqdas, tout comme Bahá'u'lláh l'avait jugé nécessaire. Tout ceci fut ensuite largement détaillé et interprété par Shoghi Effendi qui remplissait son rôle de gardien de la communauté bahá'íe.

Aussi les clauses spécifiques du Kitáb-i-Aqdas ne peuvent-elles être déterminées qu'en retraçant leur développement particulier au travers du processus entier de codification. Shoghi Effendi a mentionné qu'une codification des lois et ordonnances du Kitáb-i-Aqdas serait réalisée et publiée ultérieurement. Lui-même y travailla beaucoup, traduisant différents passages de l'original et laissant une ébauche du Synopsis et Codification avec des notes complémentaires. En 1973, pour le centenaire de la révélation du Kitáb-i-Aqdas par Bahá'u'lláh, la Maison Universelle de Justice publia les extraits recueillis, tels qu'ils avaient été traduits par le Gardien, ainsi qu'un résumé complet des sujets traités dans l'ouvrage original, sous le titre de Synopsis et codification des lois et ordonnances du Kitáb-i-Aqdas. Puis, en 1992, la Maison Universelle de Justice publia une traduction anglaise considérablement annotée du texte entier du Kitáb-i-Aqdas, ainsi que les commentaires supplémentaires de Bahá'u'lláh et le Synopsis et Codification publiés précedemment.

[Nota: Des opposants à la foi bahá'íe, en particulier parmi le clergé musulman et chrétien, ont tenté de suggérer qu'en n'ayant pas traduit et publié le texte du Kitáb-i-Aqdas, les dirigeants de la communauté bahá'íe avaient privé les membres de la communauté de l'occasion de suivre les injonctions de Bahá'u'lláh, à savoir de se tourner vers le Plus Saint Livre. Cependant, comme nous l'avons déjà exposé dans d'autres chapitres, Bahá'u'lláh s'est montré clair en insistant sur le fait que le seul moyen pour ses disciples, de se tourner vers ses enseignements et de les suivre, était de passer par les interprétations de son successeur autorisé, 'Abdu'l-Bahá . 'Abdu'l-Bahá fut également formel en conférant à Shoghi Effendi, et à lui uniquement, l'autorité d'interprétation. Tout au long de leurs ministères respectifs, durant une période totale de soixante-cinq ans, 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi ont fourni une interprétation approfondie des enseignements de Bahá'u'lláh dans le but de guider la communauté bahá'íe. En fait, sans cette interprétation, il est impossible d'imaginer comment les lois et principes soulignés dans le Kitáb-i-Aqdas auraient pu avoir l'effet si pénétrant et si répandu qu'il a eu en quelques courtes décades.]

En 1994, la Maison Universelle de Justice publia en anglais le texte intégral de l'Aqdas. La traduction française a été éditée par la Maison d'Éditions Bahá'íes en 1996.


8.9. Les lois spécifiques du Kitáb-i-Aqdas

Une brève étude des domaines spécifiques de la conduite humaine pour lesquels les clauses du Kitáb-i-Aqdas ont déjà été appliquées par la communauté bahá'íe donnera les grandes lignes des directives de Bahá'u'lláh et illustrera les trois caractéristiques qui viennent d'être mentionnées.


8.9.1. Prières et méditations

L'une des plus importantes lois prescrites par Bahá'u'lláh pour une discipline individuelle est la prière et la méditation quotidiennes. Des compilations des prières de Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont été publiées en plusieurs langues et il existe, en anglais, un volume de trois cents pages composé uniquement de textes de Bahá'u'lláh à méditer. Ces livres servent de base aux prières et aux méditations des bahá'ís.

En dehors de cette injonction à la prière et à la méditation, Bahá'u'lláh a aussi ordonné une prière quotidienne obligatoire à chaque bahá'í ayant atteint l'âge adulte.

[Nota: Le Kitáb-i-Aqdas fixe l'âge de la maturité à quinze ans. C'est lorsqu'il entre dans sa quinzième année que le croyant assume la pleine responsabilité de sa propre vie spirituelle et de son développement.]

Cette prière obligatoire revêt trois formes différentes, et chacun est libre de choisir chaque jour l'une ou l'autre de ces prières. La courte prière par exemple se dit entre midi et le coucher du soleil :

" Je suis témoin, ô mon Dieu, que tu m'as créé pour te connaître et pour t'adorer. J'atteste, en cet instant, mon impuissance et ta puissance, ma pauvreté et ta richesse. Il n'est pas d'autre Dieu que toi, le Secours dans le péril, Celui qui subsiste par Lui-même. "

[Nota: Livre de Prières, p. 86.]


8.9.2. Abstinence de boissons alcoolisées et de drogue

Bahá'u'lláh a enseigné que l'usage d'alcool, de stupéfiants ou d'hallucinogènes nuit aux facultés physiques et mentales, mettant par conséquent un frein au développement spirituel. Il est donc interdit aux bahá'ís de les utiliser sous quelque forme que ce soit. La seule exception à cette règle est d'ordre médical : un médecin a le droit de prescrire alcool et drogues lorsqu'il n'y a aucun autre mode de traitement connu possible. Il n'y a dans les enseignements bahá'ís aucun autre interdit concernant la nourriture ou les boissons. Fumer du tabac par exemple n'est pas interdit bien que fortement déconseillé, car nuisible à la santé et souvent gênant en société.

[Nota: Voir aussi Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá , Bahá'í World Faith, pp. 333-336, pour la déclaration de 'Abdu'l-Bahá à ce sujet.]


8.9.3. Jeûne

Comme cela a été le cas pour d'autres religions révélées, la foi bahá'íe accorde une grande importance à la pratique du jeûne en tant que discipline de l'âme. Bahá'u'lláh a désigné une période de dix-neuf jours chaque année pendant laquelle les adultes bahá'ís jeûnent chaque jour, du lever au coucher du soleil. Cette période correspond au mois bahá'í d'`Alá, (qui signifie Élévation) du 2 au 21 mars inclus. C'est le mois qui précède le Naw-Rúz bahá'í, ou nouvel an, qui a lieu le jour de l'équinoxe du printemps; et la période de jeûne est par conséquent considérée comme une période de régénération et de préparation spirituelle aux activités de l'an nouveau. Cependant, selon le Kitáb-i-Aqdas, les femmes enceintes ou qui allaitent, les personnes âgées, les malades, les voyageurs, les travailleurs de force ainsi que les enfants en dessous de quinze ans sont exempts du jeûne.

[Nota: Pendant le jeûne, les bahá'ís se lèvent et mangent avant le lever du soleil. Ils s'abstiennent ensuite chaque jour de toute nourriture ou boisson jusqu'au coucher du soleil. Le jour commence souvent par la lecture de prières en famille, et le temps habituellement consacré dans la journée à préparer les repas et à manger est fréquemment utilisé pour prier et méditer.]


8.9.4. Refus de la calomnie

En sus des lois qui s'adressent individuellement au croyant, Bahá'u'lláh a établi un certain nombre de lois et principes sociaux. Il condamne par exemple la critique d'autrui et la médisance comme extrêmement préjudiciables à la santé spirituelle :

" ... la médisance étouffe la flamme du cœur et éteint la vie de l'âme. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 174.]

La médisance s'entend comme une critique d'autrui adressée à une tierce personne, que cette médisance soit ou non le résultat d'une intention maligne. Les membres de la communauté bahá'íe sont autorisés à s'inquiéter des actes d'autrui, de manière confidentielle, au sein de leur assemblée spirituelle, mais ils doivent se garder d'en discuter plus avant.


8.9.5. Le mariage

Le mariage est considéré par la loi bahá'íe comme une institution sociale et spirituelle. Elle concerne non seulement le couple et ses enfants, mais aussi les parents, les grands-parents, les petits-enfants et autres parents proches. En fait, elle touche (ou du moins devrait toucher, dans une société saine) toutes les autres associations communautaires qui l'entourent. Bahá'u'lláh a amplement mis l'accent sur l'éducation du couple, afin que chacun apprenne à connaître les possibilités et les limites de l'autre, leur permettant ainsi d'éviter, dans une certaine mesure, des erreurs futiles dans leurs relations. Un bahá'í qui désire se marier doit obtenir le consentement de ses parents naturels vivants, ainsi que celui des parents du futur conjoint (que ces derniers soient bahá'ís ou non). Contrairement à la tradition qui a longtemps prévalu en Orient, les parents n'ont pas le droit de choisir le conjoint de leurs fils ou filles. Mais, contrairement aussi à ce qui se passe actuellement en Occident, le couple n'est pas libre, de lui-même et sans l'autorisation de ses parents, (qui peuvent être directement concernés par les conséquences d'une telle décision) de prendre une décision qui engage d'autres personnes.

[Nota: Consulter A Fortress for Well-Being, Bahá'í Teachings on Marriage pour une étude plus complète des enseignements bahá'ís relatifs au mariage.]

Les enseignements bahá'ís préconisent la chasteté avant le mariage, car l'instinct sexuel est lié à la procréation et au renforcement des liens du mariage. Par conséquent, la fidélité absolue entre les deux conjoints à l'intérieur du mariage est une loi à laquelle les Écrits bahá'ís attachent également une grande importance. Si le mariage n'est en aucun cas obligatoire pour les bahá'ís, il est fortement recommandé en tant que forteresse de bien-être. Loin d'être considéré comme une vertu particulière, le célibat est considéré dans les Écrits bahá'ís comme une contrainte peu souhaitable.

[Nota: Dans son appel au clergé chrétien Bahá'u'lláh dit : Dis : Ô assemblée de moines ! Ne vous retirez pas dans vos églises et dans vos cloîtres. Sortez-en avec ma permission et préoccupez-vous de ce qui profitera à vos âmes et à celles des hommes... Acceptez la vie conjugale, afin que quelqu'un après vous puisse prendre votre place. Nous vous avons interdit la perversité, non pas la fidélité. Resterez-vous attachés aux règles de conduite que vous avez vous-mêmes établies, et rejetterez-vous les consignes de Dieu ? Craignez Dieu et ne faites pas partie des insensés. S'il n'y avait pas l'homme, qui donc me mentionnerait sur ma terre, et comment mes attributs et mon Nom auraient-ils pu être révélés ? Cité par Shoghi Effendi dans The promised Day Is Come, 256.]

La cérémonie même du mariage bahá'í ne revêt aucune forme particulière et peut être extrêmement simple. Le seul impératif est l'échange du serment : En vérité, nous dépendons de la volonté de Dieu. La cérémonie doit être agréée par une assemblée spirituelle après s'être assuré du consentement des parents et du choix des témoins. Prières, méditations et musique choisies par les deux parties, viennent souvent compléter l'événement.


8.9.6. Le divorce

Le divorce est autorisé dans la foi bahá'íe, quoique fortement déconseillé. Les difficultés habituelles rencontrées dans la vie de couple sont destinées à purifier les caractères des conjoints et à renforcer leur union en tant que cellule de base de la société elle-même. Les enseignements bahá'ís reconnaissent néanmoins que des problèmes insolubles peuvent se développer dans des relations conjugales où il s'avère que les deux conjoints ne s'entendent pas du tout. Si, par conséquent, des différends se développaient entre mari et femme bahá'ís au point qu'ils envisagent sérieusement le divorce, les lois bahá'íes possèdent une institution appelée année de patience : les deux parties vivent séparées pendant une année entière, ce qui leur permet de rechercher des conseils et d'entreprendre des efforts pour surmonter les difficultés qui ont conduit à cet échec. L'une ou l'autre partie peut porter le problème devant l'assemblée spirituelle locale qui rencontre alors les deux conjoints séparément et détermine s'il y a ou non désir de tentative de réconciliation. Si cette possibilité ne transparaît pas, l'assemblée spirituelle fixera la date de commencement de l'année de patience, date à partir de laquelle chacune des parties s'établira dans une résidence séparée.

Au cours de cette année d'attente, l'assemblée spirituelle essaiera, souvent avec une aide professionnelle, d'aider le couple à surmonter ses difficultés. Un divorce bahá'í ne peut être obtenu qu'après l'écoulement complet de l'année d'attente.

Dans un certain sens, on pourrait considérer cette institution comme une sorte d'hôpital du mariage où les relations conjugales déficientes sont soignées et par le biais duquel les pressions immédiates sont temporairement supprimées et le processus de guérison entamé jusqu'à ce que les forces saines de l'union puissent se réaffirmer.


8.9.7. Non-ingérence dans les affaires politiques

Il est une autre loi sur laquelle Bahá'u'lláh a insisté : il a explicitement demandé à ses disciples de s'abstenir de toute ingérence en matière de politique. À première vue, on pourrait s'attendre à ce que les membres de la communauté bahá'íe soient activement engagés dans un vaste champ d'activités politiques pour faire progresser leurs idéaux universels. Or, c'est l'inverse qui se produit. Il est permis à un bahá'í de voter pour un candidat qu'il aura jugé, selon sa propre conscience, capable de rendre de précieux services à la société dans laquelle il vit. Les bahá'ís peuvent aussi accepter une charge gouvernementale apolitique. Mais ils ne peuvent s'identifier à ou faire campagne pour un quelconque parti politique ou mouvement partisan.

[Nota: Il existe dans les Écrits bahá'ís un certain nombre de déclarations concernant l'obéissance aux gouvernements et l'abstention de tout engagement politique. Voir par exemple : La Maison Universelle de Justice, Messages from the Universal House of Justice 1963 - 1986, n° 55, 77 et 173 .]

Ceci s'explique par la croyance bahá'íe fondamentale que le principal défi lancé aujourd'hui à tous les peuples et nations est la réalisation de l'unité de l'humanité. Le véritable progrès social, enseigne Bahá'u'lláh, suit la réalisation de cette nouvelle étape dans le développement de la civilisation humaine : Le bien-être de l'humanité, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus aussi longtemps que son unité ne sera pas fermement établie.

[Nota: Cité par Shoghi Effendi dans L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 197.]

Bahá'u'lláh explique que l'action politique, par nature partisane et source de division, ne peut détenir les réponses à des problèmes qui sont universels par leur essence même. Tout instrument politique, a-t-il souligné, est limité et spécifique, qu'il soit national, racial, culturel ou idéologique.

Le principe bahá'í de la non-ingérence dans les affaires politiques n'empêche pas les bahá'ís de prendre des positions publiques sur des questions sociales et morales lorsque ces questions ne font pas partie d'un quelconque débat politique partisan. En fait, les bahá'ís sont, depuis plusieurs années, au premier plan en ce qui concerne différentes questions sociales telles que l'égalité raciale et la non-discrimination.

Le principe de non-ingérence dans les affaires politiques, que ce soit en croyance ou en pratique, est étroitement lié à l'enseignement bahá'í de loyauté envers le gouvernement. Bahá'u'lláh a demandé à ses disciples d'obéir au gouvernement en place à une époque donnée, et de s'abstenir formellement de toute tentative visant à le renverser ou à le miner. Si le gouvernement d'une nation venait à changer, la communauté bahá'íe doit, avec ce même esprit de fidélité, accorder sa loyauté à la nouvelle administration, en se conformant toujours au principe de non-ingérence dans les affaires politiques.

[Nota: Dans chaque pays où ils résident, les membres de ce peuple doivent se comporter envers le gouvernement de ce pays avec loyauté, honnêteté et fidélité. Bahá'u'lláh, Les Tablettes de Bahá'u'lláh, révélées après le Kitáb-i-Aqdas, p. 22.]


8.9.8. Une nécessité fondamentale de la vie communautaire bahá'íe : la consultation

À la base de toutes les lois et structures communautaires de la foi bahá'íe se trouve un processus de prise de décision en groupe appelé consultation.La consultation bahá'íe consiste principalement en un échange d'opinions franc mais amical entre les membres d'un groupe dont le but est de déterminer la vérité d'un sujet et d'établir un consensus de groupe véritable. Il n'est pas exagéré de dire que pratiquement chaque membre de la communauté bahá'íe est un élève dans ce processus qu'est la consultation. Shoghi Effendi a dit à ce sujet :

" Le principe de la consultation, qui constitue une des lois de base de l'administration, devrait être appliqué à toutes les activités bahá'íes qui touchent les intérêts collectifs de la foi; car c'est en coopérant et en échangeant continuellement des idées et des opinions que la cause est la plus à même de sauvegarder et de protéger ses intérêts. L'initiative individuelle, la compétence et les ressources personnelles, bien qu'indispensables, sont tout à fait incapables d'accomplir une tâche aussi immense, à moins que les expériences collectives et la sagesse du groupe ne les soutiennent et ne les enrichissent. "

[Nota: Consultation : A compilation, Extracts from the Writings and Utterances of Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá , Shoghi Effendi and the Universel House of Justice, p. 15.]

Un accent similaire a été placé sur ce principe dans la vie familiale bahá'íe, et particulièrement dans les relations entre mari et femme. Selon les circonstances, même pour des problèmes purement personnels, les bahá'ís sont encouragés à se consulter. La Maison Universelle de Justice nous met toutefois en garde :

" Il ne faut pas oublier que toute consultation a pour objet d'arriver à la solution d'un problème et diffère profondément d'une autre méthode qui consiste à mettre l'âme à nu, très populaire de nos jours dans certains cercles et ressemblant en quelque sorte à une confession interdite dans la foi... " Il est interdit de confesser à qui que ce soit ... nos péchés et nos défauts, ou de se confesser en public comme le font certaines sectes religieuses. Néanmoins, nous sommes tout à fait libres d'avouer spontanément notre erreur sur un sujet quelconque, ou de mentionner les défauts de notre caractère, ou de demander pardon à une autre personne. "

[Nota: Consultation : A compilation, pp. 22-23.]

L'un des résumés les plus connus du schéma bahá'í de la consultation se trouve dans un passage des écrits de 'Abdu'l-Bahá devenu un document de réflexion pour les assemblées spirituelles locales et nationales :

" La condition première est un amour et une entente totale entre les membres de l'assemblée. Ils doivent être absolument libres de toute discorde, et manifester entre eux l'unité de Dieu, car ils sont les vagues d'une seule mer, les gouttes d'une seule rivière, les étoiles d'un seul ciel ... ils doivent, lorsqu'ils se réunissent, tourner leurs visages vers le royaume d'en haut et demander l'aide du royaume de gloire. Pour exprimer leurs opinions, ils doivent alors procéder avec une dévotion, une courtoisie, une dignité, une attention, une modération extrêmes. Ils doivent, pour chaque sujet, rechercher la vérité et ne pas insister sur leur propre opinion, car l'obstination et l'insistance à maintenir une opinion personnelle ne peuvent conduire finalement qu'à la discorde et aux querelles, et à cacher la vérité. Ces membres honorables doivent, en toute liberté, exprimer leurs propres pensées, et il n'est en aucun cas acceptable que l'un d'entre eux déprécie la pensée d'un autre; non, il doit avec modération établir la vérité, et si des différences d'opinions surgissent, la majorité des voix doit prévaloir, et tous doivent obéir et se soumettre à la majorité. De même, que ce soit pendant ou après la réunion, il n'est pas permis à l'un des membres estimables de s'opposer à toute décision prise précédemment ou de la critiquer, même si cette décision n'est pas bonne, car une telle critique empêcherait son application... S'ils s'efforcent de remplir ces conditions, la grâce de l'Esprit saint leur sera accordée, et cette assemblée deviendra le centre des bénédictions divines; les armées de la confirmation divine viendront à leur aide et, jour après jour, ils recevront une nouvelle effusion de l'Esprit. "

[Nota: Shoghi Effendi Bahá'í administration, p. 22-23.]

Une autre caractéristique intéressante de la consultation des assemblées spirituelles bahá'íes est leur objectif délibéré de parvenir à une unanimité d'opinion. La prise de décision à la majorité est, par conséquent, considérée comme l'exigence minimum d'une consultation administrative bahá'íe :

" L'idéal de la consultation bahá'íe est d'arriver à une décision unanime. Si ceci n'est pas possible, il faut voter... Dès qu'une décision est prise, elle devient la décision de toute l'assemblée, et non pas simplement celle des membres qui faisaient partie de la majorité. "

[Nota: Consultation : A compilation, p. 21.]


8.9.9. Conclusions

Les lois dont nous avons parlé précédemment, ainsi que d'autres lois fondamentales et procédures dominantes dans la foi bahá'íe, représentent une sorte de trame de force qui sous-tend la nouvelle religion. De manière superficielle, on pourrait s'attendre à trouver une préférence pour l'imprécision et, peut-être, un manque de réalisme parmi les membres d'une foi dont le but est l'unification de l'humanité et la création d'une nouvelle société universelle basée sur la justice. Le message bahá'í est sûrement un message visionnaire, et les membres de la communauté bahá'íe sont certainement gagnés à cette vision. D'un autre côté, ils ne pensent pas que ce but puisse être atteint sans d'énormes sacrifices, aussi bien de la part des individus que des sociétés dans leur totalité.

Ils pensent que la réalisation d'un ordre mondial et d'une civilisation mondiale implique la création d'un nouveau mode de vie qui orientera la nature humaine selon les vastes desseins de Dieu. Cette discipline doit affecter aussi bien les événements les plus ordinaires de la vie que les préoccupations plus générales de la société. L'institution du mariage doit retrouver sa place de fondation sur laquelle peut s'épanouir la civilisation. La vie de l'individu doit se spiritualiser par l'intermédiaire de disciplines telles que la prière, la méditation et le service à autrui. Des habitudes sociales telles que la médisance, qui frappe les racines mêmes des relations humaines, doivent être éliminées, les peuples doivent abandonner la fascination qu'ils éprouvent pour des quêtes aussi vaines que la politique partisane et se tourner vers l'apprentissage de la coopération et l'art de la véritable consultation. De nouvelles structures sociales nécessitant une plus grande participation individuelle doivent être mises en place. C'est ce manquement contemporain à la soumission à ces disciplines nécessaires (et inévitables) et à la mise en œuvre de ces nouvelles structures que les bahá'ís considèrent comme une reddition à la pensée avide et un abandon confiant à des solutions magiques aux problèmes critiques du monde. Selon Bahá'u'lláh :

" Ceux que Dieu a dotés de discernement reconnaîtront aisément que les préceptes qu'Il a établis constituent les moyens suprêmes pour maintenir l'ordre dans le monde et assurer la sécurité des peuples. Celui qui s'en détourne est compté parmi les êtres abjects et insensés. En vérité, Nous vous avons commandé de ne pas céder aux impulsions de vos passions mauvaises, de vos désirs corrompus, et de ne pas dépasser les limites fixées par la Plume du Très-Haut, car elles sont le souffle de vie pour toutes choses créées...

Ô vous peuples du monde ! Sachez avec certitude que mes commandements sont les lampes de mon affectueuse providence parmi mes serviteurs, les clefs de ma miséricorde pour mes créatures... Si un homme goûtait à la douceur des paroles que les lèvres du Très-Miséricordieux ont voulu prononcer, il renoncerait complètement à tous les trésors de la terre, s'il les possédait, pour pouvoir défendre la vérité ne fut-ce que d'un seul, de ses commandements qui irradient du levant de sa généreuse sollicitude et de sa tendre bonté. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 218.]



9. LA COMMUNAUTÉ BAHÁ'ÍE

Depuis les temps les plus reculés, des communautés se sont créées autour de croyances religieuses. Les premières réactions aux enseignements de Bouddha, de Jésus-Christ et de Mohammed sont des exemples particulièrement spectaculaires de la manière dont des milliers de personnes furent amenées à former des communautés que leur foi unissait, chacune étant organisée autour des priorités et principes établis par le fondateur. Au fur et à mesure que ces communautés croissaient et s'avéraient capables de répondre aux besoins de leurs membres, elles finissaient par comprendre des millions d'adhérents et par, finalement, donner naissance à de nouveaux États et de nouvelles cultures.

Ce fut le rôle de la religion même, y compris au cours des étapes les plus primitives de la civilisation humaine. Dans son étude bien connue, The City in History, le philosophe et sociologue Lewis Mumford dit des premières formes de groupement humain :

" [Ils] s'occupent aussi du sacré, et non pas uniquement de la survie physique : ils se rattachent à une sorte de vie plus précieuse et plus significative, conscients du passé et du futur, percevant le mystère originel de la génération sexuelle et le mystère ultime de la mort et de l'au-delà. Avec l'élaboration de la cité, bien d'autres choses seront ajoutées : mais ces préoccupations centrales demeurent, la raison même de l'existence de la cité, inséparables des contingences économiques qui la rendent possible. Dans les premières réunions autour d'une tombe ou à propos d'un symbole peint, d'une grande pierre ou d'un bosquet sacré, se trouve le commencement d'une succession d'institutions civiques qui vont depuis le temple jusqu'à l'observation astronomique, depuis le théâtre jusqu'à l'université. "

[Nota: Lewis Mumford, The City in History, p. 9.]

Le processus d'élaboration d'une communauté est bien avancé dans la foi bahá'íe. Au cours du premier siècle de son existence, la communauté bahá'íe était principalement concentrée en Perse où, en tant que minorité proscrite et fortement persécutée, elle n'eut guère l'occasion d'expérimenter les enseignements de son fondateur. Cependant, une fois les plans d'enseignement mis en œuvre par Shoghi Effendi et particulièrement lorsque ces plans se furent généralisés, la vie collective des croyants commença à témoigner de certaines potentialités à construire une société. Que la foi bahá'íe devienne finalement une force inspiratrice et directrice d'une nouvelle progression vers une civilisation mondiale comme l'ont été les autres religions révélées, voilà une chose que seul le temps pourra démontrer. Le fait important à noter est que des activités de la foi, depuis sa naissance en 1844, une communauté bahá'íe universelle qui se développe rapidement est née. Une appréhension de la foi bahá'íe doit inclure une évaluation de cet important développement.

Comme nous l'avons déjà vu, l'héritage spirituel des membres de la communauté bahá'íe est impressionnant. L'histoire de la communauté depuis 1844, avec ses martyrs, ses sacrifices, ses réalisations et son drame, peut véritablement être qualifiée d'héroïque. Le message bahá'í est tout aussi puissant : les enseignements de Bahá'u'lláh portent sur un nombre important de préoccupations humaines et étudient un grand nombre de problèmes parmi les plus controversés de la pensée humaine moderne. Il y a également peu de personnes qui nieraient le fait que l'ordre administratif bahá'í soit une réalisation remarquable, à la fois par la manière dont ses principes sont en harmonie avec les objectifs de la foi et par le succès avec lequel ses institutions ont été établies sous la forme précise prévue par son fondateur. Si l'on considère l'histoire, les enseignements et l'administration bahá'íe comme un leg de Bahá'u'lláh à ses disciples, la nouvelle foi a débuté sa vie avec d'importants avantages.

Qu'ont fait les héritiers de Bahá'u'lláh de cet héritage ? Quelle sorte de communauté ont-ils été capables de créer jusqu'à présent comme résultat de leurs efforts, pour être les émules des héros de leur foi, pour comprendre le but et le message du fondateur, et pour organiser leur vie collective sur le modèle administratif établi par ce dernier, ainsi que par ses successeurs désignés ?

Il serait peut-être bon de commencer par un examen de la dimension physique de la communauté et du genre de développement survenu depuis ses débuts. Si des statistiques précises ne sont pas disponibles, il semble qu'il y a plus de 5 millions de bahá'ís dans le monde, dont la moitié vit dans la plus importante communauté nationale : l'Inde. Le chiffre total ne paraît pas très important si l'on considère la taille des autres mouvements religieux sensiblement contemporains de la foi bahá'íe.

[Nota: On peut retrouver les détails de ce développement dans The Bahá'í Faith, 1844-1952, ainsi que dans The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 7, 1936-1938; The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 8, 1938-1940; The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 9, 1940-1944; The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 10, 1944-1946; The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 11, 1946-1950; The Bahá'í World : A Biennial International Record, vol. 12, 1950-1954; The Bahá'í World : An International Record, vol. 13, 1954-1963; The Bahá'í World : An International Record, vol. 14, 1963-1968; The Bahá'í World : An International Record, vol. 15, 1968-1973; The Bahá'í World : An International Record, vol. 16, 1973-1976; The Bahá'í World : An International Record, vol. 17, 1976-1979; The Bahá'í World : An International Record, vol. 18, 1979-1983; The Bahá'í World : An International Record, vol. 19, 1983-1986; The Bahá'í Faith, Statistical Information, 1844-1968; The Bahá'í World : An International Record, 1992-1993; The Bahá'í World : An International Record, 1993-1994; The Bahá'í World : An International Record, 1994-1995.]

L'importance de cette croissance n'apparaît qu'après un examen de la nature du développement qui a eu lieu. Il a été très étendu. Il existe aujourd'hui près de 17 000 assemblées spirituelles locales élues qui fonctionnent dans plus de 200 États indépendants et territoires; et il existe près de 119 000 centres où résident des bahá'ís ou groupes de bahá'ís. D'après les estimations de la communauté internationale bahá'íe, plus de deux mille minorités tribales et groupes ethniques différents seraient représentés, dont un grand nombre vit dans des régions reculées du monde : îles du Pacifique, colonies arctiques, villages de la jungle, hautes terres des Andes. Afin d'éduquer et d'organiser ces communautés hautement diversifiées qui leur étaient confiées, les plus de 170 assemblées spirituelles nationales établies jusqu'à présent ont traduit et publié de la littérature et des prières bahá'íes dans plus de huit cents langues.

Qu'une communauté religieuse relativement petite et jeune soit déjà cosmopolite, bien répandue et très organisée dès les débuts de son histoire est un résultat extraordinaire. On pourrait dire la même chose du succès rencontré par les bahá'ís pour se faire reconnaître des autorités civiles. Loin de rejeter le monde et les institutions qui le gouvernent, la communauté bahá'íe a délibérément recherché - et cela faisait partie intégrale de son développement - à établir d'étroites relations avec les autorités civiles. Grâce à des efforts soutenus au travers de toute une série de plans généraux de développement, les assemblées spirituelles bahá'íes, à des niveaux aussi bien locaux que nationaux, ont été légalement incorporées dans la plupart des pays où la foi a été établie. La cérémonie du mariage bahá'í a été formellement reconnue par un grand nombre de juridictions civiles et, dans différents endroits du monde, les jours saints bahá'ís commencent à obtenir un statut similaire à celui accordé aux autres principales religions, aussi bien dans le monde des affaires et à l'école que dans l'administration gouvernementale.

Aux Nations unies, la communauté internationale bahá'íe a régulièrement développé le statut qui lui a été accordé auprès du Conseil Économique et Social (ECOSOC). Ses représentants participent à un très grand nombre de conférences internationales organisées par différents bureaux et organismes de la famille des Nations unies, aidant ainsi à poser les fondations d'un accord international et acquérant pour la communauté bahá'íe l'occasion de partager les idéaux universels de la foi.

[Nota: Au cours du Plan de sept ans (1979-1986) par exemple, la communauté bahá'íe internationale a participé à plus de 200 conférences, séminaires, et congrès des Nations unies de par le monde.]

Dans la mesure où les circonstances le permettent, les bahá'ís attachent beaucoup d'importance à s'assurer de ce que le grand public, dans toutes les régions du monde, soit conscient de l'existence de la foi et de la nature de ses enseignements. Des maisons d'éditions dans différents pays impriment et distribuent une littérature bahá'íe très diversifiée, allant des compilations des Écrits de Bahá'u'lláh aux commentaires d'érudits, ouvrages destinés au grand public, bulletins et magazines. D'autres formes de médias sont aussi utilisées de manière intensive : films, programmes de télévision et émissions de radio, articles de journaux et publicité, brochures, affiches et manuels, cours par correspondance, expositions, conférences, écoles d'hiver et d'été. Au printemps 1996, grâce à l'ouverture offerte par l'électronique, à un nouveau monde de possibilités pour la communication d'informations et d'idées, la communauté internationale bahá'íe a lancé son site officiel sur le Web, The Bahá'í World.

[Nota: The Bahá'í World http://www.bahai.org Le but de toutes ces activités est de s'assurer qu'avec le temps toute personne sur terre rencontrera le message de Bahá'u'lláh.]

L'une des institutions bahá'íes qui a joué un rôle particulièrement important dans ce programme d'éducation du public est la maison d'adoration. Il y a actuellement des maisons d'adoration bahá'íes sur chaque continent, et un nombre important de sites ont été acquis de par le monde pour la future construction de ces édifices qui devront jouer un rôle central dans la vie communautaire bahá'íe. Autour de chacun d'eux seront construits, avec le temps, d'autres bâtiments tels que des écoles ou collèges, des foyers, des maisons de retraite ou des centres administratifs. À l'heure actuelle, ces maisons d'adoration ne sont pas uniquement utilisées pour les besoins de la communauté bahá'íe. Ce sont plutôt des lieux ouverts aux adeptes de toutes religions (et à ceux qui ne professent aucune foi en particulier), où ils peuvent se rencontrer pour adorer un seul Dieu. Les offices ne sont pas confessionnels et se composent de lectures et de prières des Écrits saints de toutes les religions du monde, sans sermon ou autre tentative de couler ces enseignements dans le moule d'une interprétation spécifiquement bahá'íe. Les Écrits choisis sont souvent mis en musique et chantés par un chœur de niveau professionnel. Le seul impératif architectural d'une maison d'adoration est de posséder neuf côtés et un dôme, symbolisant l'acceptation par les bahá'ís de toutes les traditions religieuses et représentatives du fait que, bien que les participants puissent entrer par différentes portes, ils s'unissent pour reconnaître un seul Créateur.

À bien des égards, les maisons d'adoration sont représentatives des relations des bahá'ís avec le reste de la société. Les temples sont des structures ouvertes, emplies de lumière. Ils sont destinés à exprimer l'engagement bahá'í envers l'unité dans la diversité et à démontrer la praticabilité de ce principe. Dans le cas du temple-mère de l'Occident situé à Wilmette dans l'Illinois, l'architecte a intégré différentes traditions architecturales importantes ainsi que les symboles de plusieurs grandes religions révélées. Selon ses propres paroles :

" Lorsque les croyances des hommes prennent leurs racines dans toutes les religions, nous ne rencontrons que l'harmonie. Aujourd'hui cependant, la religion s'enfonce tellement dans les superstitions et les théories humaines qu'elle doit être définie d'une nouvelle manière afin de redevenir pure et sans tache. Il en est de même en architecture... Maintenant, avec ce nouveau concept du temple, est intégré de manière symbolique l'important enseignement bahá'í de l'unité - l'unité de toutes les religions et de toute l'humanité. Nous y trouvons les associations de lignes mathématiques symbolisant celles de l'univers; et dans leur fusion complexe de cercles se chevauchant, de cercles à l'intérieur d'autres cercles, il est possible de décrire la fusion de toutes les religions en une seule. "

[Nota: Cité dans Louis Bourgeois, Un Homme et son œuvre.]

Dans l'architecture des maisons d'adoration on peut également constater l'optimisme de la communauté bahá'íe. Les bahá'ís pensent avec confiance que la plupart des hommes accepteront finalement les enseignements de Bahá'u'lláh. Ils croient qu'avec l'amplification des crises actuelles, hommes et femmes seront poussés à rechercher plus sérieusement la vérité; et si le message de Bahá'u'lláh est correctement présenté, les chercheurs seront de plus en plus nombreux à répondre à ses préceptes. Par leur liberté de conception, l'intégration de différentes traditions architecturales et leurs offices dépourvus de sermons et de rites, les maisons d'adoration bahá'íes expriment avec force cet esprit d'optimisme.

L'optimisme de la communauté bahá'íe semble à ce jour pleinement justifié. La foi bahá'íe est actuellement l'un des systèmes religieux du monde qui se développe le plus rapidement. En avril 1979, la Maison Universelle de Justice annonçait que le dernier d'une série de plans internationaux d'enseignement, le Plan de cinq ans lancé en 1974, avait été accompli avec succès. Une grande partie de ses buts ont été dépassés, en particulier en ce qui concerne le nombre d'assemblées spirituelles à former et le nombre de localités à ouvrir. L'accroissement du nombre de croyants pendant cette période de cinq ans a été estimé à quarante pour cent.

Alors que c'étaient l'Afrique et l'Amérique latine qui avaient connu la croissance la plus rapide pendant la période précédente de neuf ans, le relais était désormais pris par les communautés bahá'íes d'Asie et des îles du Pacifique. Encouragée par ces résultats, la Maison Universelle de Justice annonça le lancement immédiat d'un nouveau Plan de sept ans devant prendre fin au printemps 1986.

[Nota: Le détail des réalisations du Plan de cinq ans est donné dans The Five Year Plan, 1974-1979 : Statistical Report. Trois plans successifs, couvrant les périodes de 1979 à 1986, 1986 à 1992 et 1993 à 1996, ont également réussi à atteindre leurs objectifs.. Lorsque les délégués bahá'ís du monde entier se réunirent à Haïfa pour leur Convention internationale de 1983, ce dernier projet avait lui aussi dépassé ses objectifs.]

L'étendue de la communauté bahá'íe et la nature de l'expansion qui l'a caractérisée ont été brièvement examinées. Un examen de la vie interne de la communauté est plus difficile. L'approche la plus directe qui puisse être faite est d'essayer de la considérer par l'intermédiaire de l'expérience de ses membres. Comment devient-on bahá'í ? Quelles caractéristiques se dégagent plus particulièrement de l'expérience d'une personne qui se joint à la cause bahá'íe à cette époque-ci de son histoire ?

De toute évidence la réponse variera d'un individu à un autre. De plus, il existe vraisemblablement des différences significatives d'accentuation et de priorité dans les différentes régions du monde, ce qui entraîne des différences relatives quant aux expériences vécues par les membres. Néanmoins, l'histoire de la foi bahá'íe, ses enseignements et le développement de son ordre administratif représentent un contexte global qui est essentiellement le même à travers le monde, ce qui doit susciter inévitablement une certaine similarité dans les réponses de la part de ceux qui l'acceptent, quelles que soient leurs origines ethniques.

En ce qui concerne les conditions requises pour devenir membre, la Maison Universelle de Justice a écrit :

" Le premier motif devrait toujours être la réponse de l'homme au message de Dieu et la reconnaissance de son messager. Ceux qui se déclarent bahá'ís devraient tomber sous le charme de la beauté des enseignements et être émus par l'amour de Bahá'u'lláh. Ceux qui désirent se déclarer n'ont pas besoin de connaître toutes les preuves, l'histoire, les lois et principes de la foi, mais ils doivent, avant de se déclarer et après avoir capté l'étincelle de la foi, être fondamentalement informés des figures centrales de la foi, ainsi que de l'existence de lois à suivre et de l'administration à laquelle il leur faudra obéir. "

[Nota: La Maison Universelle de Justice : Message from the Universal House of Justice, 1963-1986, 18.4.]

Pour ceux qui sont nés et élevés dans une famille bahá'íe, le processus de déclaration est direct. Alors que les enseignements bahá'ís condamnent le dogmatisme en matière d'éducation, les enfants bahá'ís sont élevés en tant que membres de la communauté. Ils participent à la plupart des événements du calendrier bahá'í, étudient l'histoire bahá'íe et les enseignements de Bahá'u'lláh ainsi que les autres grandes religions du monde, et ils sont encouragés à vivre selon les critères de la vie bahá'íe pour leur âge.

[Nota: Voir l'Éducation bahá'íe : une compilation extraite des Écrits de Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi.]

L'accent mis par les enseignements bahá'ís sur des questions sociales contemporaines contribue sans aucun doute à encourager la jeunesse bahá'íe à poursuivre sa quête spirituelle et intellectuelle à l'intérieur de la foi. Ils sont néanmoins libres de rejeter une telle appartenance s'ils le désirent. En atteignant l'âge nubile, qui est fixé à quinze ans dans la communauté bahá'íe, les jeunes assument la responsabilité de leur propre développement spirituel. Vers cet âge, les jeunes précisent si oui ou non ils se considèrent comme bahá'ís et continueront à participer à la vie communautaire bahá'íe.

Dans le cas de ceux qui entrent dans la foi à l'âge adulte, la décision est généralement prise après avoir fréquenté les croyants de manière informelle. Le vaste champ d'activités d'information poursuivi par la communauté pousse des milliers de chercheurs intéressés à contacter des membres de la foi. Par l'intermédiaire de petites réunions d'étude en groupes ou de présentations plus formelles, on présente aux chercheurs les enseignements et les objectifs de la foi bahá'íe de manière plus ou moins détaillée, selon leur intérêt. Arrive un moment où ils demandent eux-mêmes spontanément comment l'on devient membre de la communauté bahá'íe; il se peut aussi que les bahá'ís leur demandent d'envisager cette possibilité. S'ils désirent faire partie de la communauté, leur demande est retransmise à l'assemblée spirituelle locale la plus proche; si cette institution est convaincue que les demandeurs comprennent les implications d'une telle participation et sont prêts à assumer la responsabilité de vivre selon les enseignements de Bahá'u'lláh, elle les accepte. Il n'y a ni rituel, ni vœu, mais cet événement peut donner lieu à une petite fête.

Une fois devenu membre de la communauté bahá'íe, le nouveau croyant est entraîné dans deux processus simultanés : son propre développement spirituel et la lutte d'une très jeune communauté pour comprendre et exprimer les idéaux exposés dans les enseignements de son fondateur. La prière, la méditation, le jeûne à une période très précise de l'année, l'abstinence de drogues et de boissons alcoolisées et cette lutte pour éviter critique et médisance constituent les principaux éléments d'un schéma explicite de discipline individuelle. De même, la communauté bahá'íe est engagée dans un programme à long terme de croissance et d'expansion, qui requiert des efforts concertés et une attention particulière en ce qui concerne les priorités et les buts. La poussée de la croyance et des pratiques dans la foi bahá'íe accentue la relation réciproque qui existe entre le croyant et la communauté bahá'íe.

Ces deux défis sont liés en raison de l'accent mis par la foi bahá'íe sur le service. Bahá'u'lláh nous a enseigné que l'expression la plus élevée de la nature humaine était le service. La croissance intérieure, devenant le véritable côté de notre nature, se fait au fur et à mesure que nous servons l'idéal de l'unification de l'humanité. Le but de toute discipline individuelle est de libérer l'âme de ses préoccupations d'avec elle-même, d'approfondir le sentiment d'identification avec toute l'humanité et de concentrer l'énergie à découvrir des moyens de servir les besoins des autres. Les activités de la communauté bahá'íe fournissent à l'individu toutes sortes d'occasions de rendre de tels services. En l'absence d'un clergé, les affaires de la communauté sont organisées de manière à encourager un maximum de participation de la part de tous les membres.

La participation est particulièrement encouragée en ce qui concerne les efforts entrepris pour promouvoir l'expansion de la foi. Bahá'u'lláh a dit que le plus grand service que chaque individu puisse rendre en ce jour est d'enseigner la cause de Dieu.

[Nota: Voir la compilation intitulée : " The Individual and Teaching, Raising the Divine Call ", extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi.]

Chaque bahá'í est encouragé à partager la tâche d'apporter le message de Bahá'u'lláh à tous ceux qui, selon les bahá'ís, sont susceptibles d'être réceptifs à ce dernier. Nous ne disposons que de peu de temps, a averti 'Abdu'l-Bahá . Les crises qui oppressent la société actuelle s'accentueront et apporteront de plus en plus de souffrances et finalement la destruction des institutions existantes. Un autre mode de vie doit être développé à l'intérieur des communautés bahá'íes et ceci ne peut être fait qu'en accroissant considérablement, dans tous les pays, le nombre de ceux qui ont répondu à l'appel de Bahá'u'lláh et se sont engagés à mettre en pratique ses enseignements.

[Nota: Voir Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 183.]

Il n'est d'ailleurs pas surprenant que la plupart des membres nouvellement enrôlés soient désireux de répondre à cet appel, de toutes les manières possibles. Ils ont trouvé quelque chose qui les a profondément rassurés et leur a donné un but, et ils veulent le partager avec les autres. En dépit cependant de cet accent important mis sur l'enseignement, le prosélytisme est explicitement interdit.

[Nota: " Si vous sentez que vous possédez quelque vérité, un joyau dont les autres soient privés, faites-leur en part dans un langage empreint de bonté et bonne grâce. S'ils l'acceptent, votre but est atteint. Si quelqu'un le refuse, laissez-le à lui-même, en priant toutefois Dieu de le guider. Gardez-vous de toute rudesse à son égard. " Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 190.]

Les bahá'ís sont donc mis au défi de trouver les moyens de partager leurs croyances sans nuire à la vie privée des autres ni enfreindre les coutumes de la société dans laquelle ils vivent. Ce qui a eu pour résultat de générer toutes sortes d'expérimentations variant selon les différentes régions du monde et selon les individus.

Il est difficile de généraliser en ce qui concerne la nature des activités bahá'íes d'enseignement. Dans la plupart des pays occidentaux, les bahá'ís enseignent en tant qu'individus ou familles dans leurs rapports quotidiens avec les autres : conversations entre voisins, amis, collègues de travail; connaissances qui s'établissent au travers d'intérêts partagés pour des projets d'intérêt public; études ou activités récréatives et rencontres lors d'événements bahá'ís ouverts au public. Dans de nombreuses autres parties du monde, la religion est le centre d'un intérêt général beaucoup plus grand, et des communautés entières peuvent être engagées à débattre des nouveaux enseignements spirituels. Des déclarations en masse ont eu lieu en Afrique centrale, en Amérique du Sud et dans le Sud-Est asiatique par l'intermédiaire d'équipes de bahá'ís qui allient des représentations musicales et théâtrales avec des causeries et cours sur la foi. En ce qui concerne certains événements sociaux, l'initiative peut venir des auditeurs éventuels. Les bahá'ís d'Amérique du Nord se sont trouvés invités à parler devant des assemblées de Noirs américains dans des églises des États du sud, ou bien à partager le message bahá'í au cours de rassemblements d'Indiens Peaux-Rouges d'Amérique dans les prairies du Canada. Des universitaires bahá'ís d'Amérique du Nord, d'Inde, des nations naissantes du Pacifique ou des Caraïbes peuvent se trouver invités à parler dans des collèges et universités au sujet des enseignements de leur foi.

Toutefois, la méthode la plus communément utilisée pour répandre les enseignements de Bahá'u'lláh est le coin de feu. Ce terme est né parmi les premiers bahá'ís de Montréal au Canada, bien que l'activité ait déjà été pratiquée dans un certain nombre de centres.

[Nota: Les auteurs doivent ce renseignement à Mme Rúhíyyih Rabbani, veuve de feu le Gardien de la foi bahá'íe, dont la mère fut à l'origine de ces coins de feu à Montréal. L'usage répandu de ce terme est sans aucun doute dû au fait que le Gardien l'ait utilisé dans sa correspondance.]

Il désigne des petits groupes d'étude qui se réunissent à intervalles réguliers dans des maisons particulières et auxquels sont invités à se joindre amis et connaissances. Cette activité tout à fait officieuse a été une source prolifique de nouveaux membres. Elle permet au chercheur d'explorer les concepts, les lois et les enseignements bahá'ís à leur propre rythme, libéré de la préoccupation engendrée parfois par des réunions publiques, à savoir celle d'exposer ouvertement sa propre recherche spirituelle. Cette disposition permet aussi de renforcer des liens qui se poursuivront après qu'un nouveau membre a rejoint la communauté bahá'íe, permettant ainsi à l'enseignant bahá'í de l'aider dans son intégration au sein de la communauté.

Une forme particulière d'enseignement est ce que les bahá'ís appellent devenir pionnier. De même qu'il n'y a aucun clergé, il n'existe aucun missionnaire professionnel pour apporter les enseignements bahá'ís aux nouvelles localités. La foi bahá'íe se développe plutôt par les initiatives prises par des milliers de ses membres qui, individuellement ou en famille, quittent leur maison pour s'installer dans de nouveaux lieux. Les pionniers sont censés subvenir eux-mêmes à leurs besoins par l'exercice de leur profession et utiliser leur temps libre pour s'occuper de la foi. On change de travail, on vend sa maison, on en acquiert une nouvelle, on apprend une seconde langue, renouvelant ainsi bien des aspects de la vie quotidienne dans le seul but d'introduire la foi bahá'íe dans quelque nouvelle ville, district ou territoire.

Devenir pionnier peut aussi signifier s'établir dans un pays totalement différent où la foi n'est pas encore fermement implantée. Pour chaque plan d'enseignement, la Maison Universelle de Justice fait paraître une liste de pays qui ont besoin de l'aide de confrères d'autres pays et en spécifie le nombre requis. Dans de nombreux plans, des buts spécifiques sont assignés à différentes communautés nationales bahá'íes; il n'est pas rare que trois ou quatre pays différents soient appelés à envoyer des pionniers dans un même pays ou région. Par exemple un pays cible comme la Finlande ou Haïti peut recevoir des pionniers d'Iran, de France, du Japon ou des États-Unis. En dehors des ressources que représentent ces nouvelles arrivées, l'expérience qu'a la communauté hôte du principe bahá'í de l'unité dans la diversité se trouve profondément enrichie (de même que l'est, sans aucun doute, l'expérience des pionniers venant de l'étranger).

En ceci, comme dans toutes ses activités, la communauté bahá'íe dépend directement de l'initiative et de la responsabilité prises individuellement par des croyants. Aucune agence ne contrôle dans quelle mesure tel ou tel croyant s'acquitte de ses obligations à enseigner la foi. Si une assemblée spirituelle peut intervenir lorsque les activités d'enseignement d'un individu paraissent inopportunes pour une raison ou une autre, c'est le croyant qui, selon sa propre conscience, décide de la réponse à donner à l'appel de l'enseignement. Ceci est également vrai de l'activité de pionnier, qui est considérée comme un grand privilège. Chaque mois, on fait connaître à chaque communauté locale bahá'íe les besoins en pionniers ou enseignants lors des fêtes de Dix-Neuf jours, ainsi que lors de conférences ou au travers des différentes publications de la communauté. L'initiative doit venir du cœur du croyant et de la consultation de la famille bahá'íe. L'individu ou la famille qui décide de partir comme pionnier s'adresse alors aux instances administratives de la foi pour une consultation au sujet de projets ou de buts spécifiques.

La participation volontaire est aussi la clef du financement de nombreux programmes de la foi bahá'íe. Au début de l'année bahá'íe, chaque assemblée spirituelle locale ou nationale décide du budget requis pour mener à bien les projets de cette année particulière, qu'il soit lié à des buts d'enseignement, à l'achat de terrains ou à des projets de développement, à des dépenses administratives ou à des services communautaires. Ces besoins sont alors annoncés à la communauté bahá'íe de la même manière que sont annoncés les besoins en enseignants ou pionniers. La collecte de fonds professionnelle souvent associée aux organismes religieux ou de charité n'est pas autorisée dans la communauté bahá'íe. Seuls des appels d'ordre général peuvent être faits; la sollicitation individuelle est interdite. Toute contribution est volontaire, et Shoghi Effendi a fortement condamné tout ce qui peut ressembler à une manipulation psychologique.

[Nota: Voir Le Fonds bahá'í et les Contributions au Fonds, p. 13, Compilation Maison d'Éditions Bahá'íes.]

De plus, les contributions sont confidentielles et se passent entre l'individu ou la famille et le trésorier de l'institution à qui la contribution est faite.

Les bahá'ís considèrent la contribution au fonds bahá'í comme un privilège spirituel réservé à ceux qui ont reconnu Bahá'u'lláh. Par conséquent aucune contribution pour le développement de la foi bahá'íe, sous quelque forme que ce soit, ne peut être acceptée de la part de personnes qui ne sont pas bahá'íes. Il n'est pas rare que des non-bahá'ís, qui approuvent tel ou tel programme, fassent pression sur des assemblées pour leur faire des dons. Dans de tels cas, les donateurs sont encouragés à en faire profiter une œuvre de bienfaisance publique. Dans le cas de dons anonymes, l'administration bahá'íe remet elle-même les contributions à une œuvre de bienfaisance. Ce n'est que pour des projets qui servent les besoins sociaux, économiques ou éducatifs de la société en général que les bahá'ís acceptent et utilisent des fonds provenant de sources non bahá'íes. Cette politique accroît le sentiment d'identification des membres et leur responsabilité personnelle face aux travaux entrepris par la communauté.

[Nota: La conception bahá'íe du financement de la foi est résumée par le passage suivant dans une lettre de Shoghi Effendi à l'Assemblée Spirituelle Nationale des Bahá'ís des États-Unis en 1942 : " Nous devons ressembler à la fontaine ou à la source qui, se vidant sans cesse de son contenu, est sans arrêt remplie sous l'action d'un invisible jaillissement. Donner continuellement pour le bien de nos semblables, ignorant la crainte de la pauvreté et confiants en l'infaillible générosité de la Source de toute richesse et de tout bien : tel est le secret d'une vie droite. " Cité dans Le Fonds bahá'í et les Contributions au Fonds, p. 17.]

La gestion des affaires de la communauté bahá'íe offre aussi la possibilité à un individu de répondre à l'idéal bahá'í de service. Le fait que la foi bahá'íe soit la religion du laïque s'impose aux nouveaux membres peu après leur entrée dans la foi. Ils réalisent qu'ils ont rejoint une communauté, et non une assemblée de fidèles. Les membres de la communauté non seulement accomplissent les tâches les plus humbles dans le domaine du service, mais sont aussi pleinement responsables des décisions à prendre, de la planification et de leur rôle de représentant formel de la communauté.

Les nouveaux membres de la communauté réalisent rapidement que la foi qu'ils viennent d'adopter est dans sa phase de formation. D'une part le champ d'expérimentation est très vaste à l'intérieur des grandes lignes que définissent les Écrits bahá'ís et les directives continues de la Maison Universelle de Justice; d'autre part cette expérimentation répond à un besoin véritable, afin d'assurer l'accomplissement des buts ambitieux de cette communauté qui se développe rapidement. Si le nouveau croyant a des talents spécifiques, ceux-ci peuvent être rapidement utilisés. On peut lui demander d'enseigner à des classes d'enfants, de concevoir des publicités pour des journaux, de faire partie d'une délégation auprès du maire de la ville ou d'une commission gouvernementale, de prendre en charge une fête des Dix-Neuf jours, de participer à la planification d'une conférence régionale, à une représentation musicale ou théâtrale, de faire fonctionner un projecteur, de construire un stand d'exposition, de taper du courrier, d'aider à la comptabilité, de monter une petite bibliothèque ou de prendre part à l'une ou l'autre des activités de la communauté. Lorsque l'on pose la question : Pourquoi ne faites-vous pas ceci ou cela ? La réponse est en général : Parce que, jusqu'à présent, il n'y a personne qui ait le temps ou les qualifications requises pour l'entreprendre.

L'une des principales caractéristiques de la communauté bahá'íe est son active vie sociale. Il a été fait référence au chapitre 8 à la fête des Dix-Neuf jours, qui est à la base de la vie communautaire sociale bahá'íe au niveau local, et à l'importance que les Écrits bahá'ís attachent à tous les aspects de cette réunion. Les conventions régionales et nationales fournissent elles aussi l'occasion de se consulter sur la bonne marche de la communauté et développent en même temps le caractère social des croyants de la région ou du pays.

De plus, la communauté organise régulièrement des conférences en tout genre. Chaque plan d'enseignement général comprend la coordination d'un certain nombre de conférences internationales dans les principaux centres. La participation à ces événements est importante, les bahá'ís peuvent venir de différents pays du monde pour passer trois à cinq jours à se réjouir des récents développements en matière d'enseignement, à étudier les tendances et les besoins courants, à prendre connaissance des derniers ouvrages parus, des ressources en matière d'audiovisuel ou de tout autre support pour le développement de la communauté. Les Mains de la cause (voir chapitre 8) participent souvent en tant que conférenciers à ces événements, de même que d'éminents érudits bahá'ís de différents horizons. Ces conférences donnent aussi l'occasion aux bahá'ís d'expérimenter directement la palette des cultures représentées dans la communauté bahá'íe internationale, par l'intermédiaire de représentations théâtrales, musicales ou autres.

[Nota: Au cours du Plan de sept ans, des conférences internationales ont eu lieu à Montréal, Canada; Quito, Équateur; Lagos, Nigéria; Canberra, Australie; Dublin, Irlande.]

Ce schéma est aussi suivi, dans la mesure où les ressources le permettent, à des niveaux nationaux et régionaux. Ce qui a pour résultat de faire bénéficier les bahá'ís de l'occasion peu courante de se connaître. De plus, les nombreux déplacements engendrés par ces événements fournissent davantage l'occasion aux bahá'ís de se familiariser avec les coutumes et structures sociales des autres sociétés. Ils permettent aussi à certains, sans aucun doute, d'enseigner la foi de manière officieuse, et rend la possibilité d'un éventuel projet d'installation de pionniers à la fois plus attrayante et moins intimidante pour l'individu ou la famille qui l'envisage.

Aucune institution bahá'íe ne contribue plus intensément à l'enrichissement spirituel et social des croyants que le pèlerinage. Les enseignements bahá'ís encouragent chaque croyant à essayer au moins une fois dans sa vie d'entreprendre un pèlerinage de neuf jours au centre mondial de la foi bahá'íe à Haïfa en Israël. Un nombre de plus en plus grand de croyants répond à cette injonction; tellement en fait, que ces dernières années il y a eu un délai d'attente.

Le pèlerinage est considéré comme l'un des temps forts de la vie d'un bahá'í. Il ou elle arrive à Haïfa pour faire partie d'un groupe d'environ quatre-vingts croyants venus de tous les coins du monde. Pendant neuf jours ce groupe visite les Lieux saints d'Haïfa, de Saint-Jean-d'Acre et des environs. Seuls ou par petits groupes, ils passent un certain temps dans les tombeaux de Bahá'u'lláh, du Báb et de 'Abdu'l-Bahá . Ils peuvent visiter les maisons où vécut le fondateur de leur foi pendant son exil et son emprisonnement en Terre sainte et consacrer une partie d'une journée à faire le tour du magnifique bâtiment des Archives, où l'on peut consulter les Écrits bahá'ís originaux et voir des articles consacrés à la mémoire des figures centrales de la foi et de ses premiers héros et martyrs. On peut aussi y voir des portraits du Báb et de Bahá'u'lláh qui ne sont pas visibles autrement.

[Nota: Shoghi Effendi a découragé l'exposition de portraits du Báb ou de Bahá'u'lláh à l'exception de ceux que l'on peut observer brièvement au cours de pèlerinages, de façon à éviter qu'ils ne deviennent des objets de vénération.]

Les liens étroits et encore relativement officieux qui unissent la communauté bahá'íe dans cette première étape de sa croissance sont resserrés par une réception donnée par la Maison Universelle de Justice à chaque groupe de pèlerins et par l'occasion ainsi offerte à chaque croyant de rencontrer de manière tout à fait informelle les membres de cette institution suprême de leur foi.

Pour les pèlerins, l'expérience est généralement intense. Les bahá'ís estiment qu'à bien des égards le pèlerinage représente l'approche la plus étroite que l'on puisse avoir du monde de Dieu. Un écrivain bahá'í particulièrement respecté, ex-archidiacre anglican, George Townsend l'a exprimé en ces termes : " Dieu est passé près de nous dans les révélations du Báb et de Bahá'u'lláh. À Haïfa et à Saint-Jean-d'Acre, le croyant est en contact avec les traces les plus intimes de ce passage divin, et cette expérience pousse son esprit et son cœur à se concentrer plus intensément sur les vérités fondamentales de la révélation bahá'íe. "

Le pèlerinage permet aussi aux individus d'enrichir davantage leur compréhension sociale de l'ensemble de cette communauté dont ils sont les membres. Passer neuf jours en étroite association avec des gens de différentes cultures est une chance que n'ont qu'un nombre relativement restreint d'individus dans la société contemporaine. Le fait de pouvoir le faire dans un environnement qui rappelle une histoire où se sont mêlés tragédie, sacrifice et exploits permet d'expérimenter intensément cette famille universelle que la révélation de Bahá'u'lláh a fait naître. De plus, le pèlerinage fournit souvent aux bahá'ís l'occasion d'entreprendre des projets d'enseignement dans d'autres régions du monde, de rendre visite à des amis qui sont partis comme pionniers à l'étranger et d'envisager la possibilité d'entreprendre eux-mêmes un tel projet.

Au-delà de cette formation morale et spirituelle, Bahá'u'lláh a fortement mis l'accent sur l'éducation dans les arts et les sciences. Les bahá'ís sont encouragés non seulement à assurer la meilleure éducation possible à leurs enfants, mais aussi à profiter eux-mêmes, pour leur propre développement, des occasions offertes par la société en matière d'éducation.

" La connaissance est semblable à des ailes pour la vie de l'homme, à une échelle pour son ascension. Son acquisition incombe à chacun. Toutefois, les sciences à acquérir sont celles qui peuvent profiter aux peuples de la terre, et non celles qui commencent par des mots et se terminent par des mots. Grande, en vérité, est l'emprise des savants et des artisans sur les peuples du monde. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Epistle to the Son of the Wolf, pp. 26-27.]

Dès le début de son existence, la communauté bahá'íe de Perse prit cette injonction très au sérieux. En conséquence de quoi, après trois ou quatre générations, la communauté a atteint un point où ses membres représentent un pourcentage important de la classe instruite de l'Iran d'aujourd'hui, bien qu'ils ne soient qu'environ trois cent cinquante mille dans ce pays.

[Nota: Ce fait a eu des conséquences inattendues et malheureuses au cours des soulèvements politiques en Iran. Représentant une partie si importante de la classe instruite, de nombreuses familles bahá'íes avaient bâti des carrières réussies dans l'administration, les professions libérales, les affaires et l'industrie. Cette position importante elle-même attira cependant l'hostilité des éléments révolutionnaires. Cruellement et ironiquement, les bahá'ís se retrouvèrent accusés d'avoir profité de l'ancien régime en dépit de la discrimination systématique pratiquée contre eux à l'époque des deux chahs Pahlavi et en dépit de leur abstention totale de toute politique partisane.]

Dans un pays où le taux d'alphabétisation n'atteignait pas quarante pour cent, la communauté bahá'íe jouissait d'un taux d'alphabétisation de plus de quatre-vingts pour cent.

L'exemple iranien est suivi par les bahá'ís partout dans le monde dans la mesure où les conditions locales le permettent. L'une des tâches spécifiques assignées aux assemblées spirituelles nationales et locales dans les derniers plans internationaux d'enseignement, a été de prendre les dispositions nécessaires pour conseiller la jeunesse bahá'íe et l'aider à planifier ses études de manière à rendre un maximum de services non seulement à leur foi, mais aussi à l'humanité.

[Nota: Les bahá'ís iraniens ont montré l'exemple aux autres communautés qui avaient de lourdes responsabilités en matière de pionniers, en encourageant la jeunesse à poursuivre des études qui leur permettraient de trouver facilement du travail dans les pays en voie de développement : médecins, infirmiers, ingénieurs, enseignants techniques, ingénieurs agricoles, etc.]

De nombreuses écoles d'été et d'hiver bahá'íes proposent des programmes de ce type. Elles mettent aussi à profit tout le temps que peuvent leur consacrer des conférenciers qualifiés pour organiser des cours faisant le lien entre la connaissance contemporaine dans différentes disciplines et les enseignements des Écrits bahá'ís. L'exemple d'érudits mûrs ayant intégré avec succès science et foi dans leur propre vie intellectuelle encourage sans aucun doute les jeunes croyants à suivre leur exemple.

[Nota: En 1974, un groupe d'étudiants bahá'ís et d'universitaires forma l'Association des Études Bahá'íes. Elle a, depuis, établi le Centre des Études Bahá'íes à Ottawa, Canada, avec des filières nationales dans le monde entier. Le principal but de cette association est de développer des cours et des matériaux destinés à l'étude de la foi bahá'íe dans des institutions universitaires.]

Là où l'éducation publique est soit inadéquate, soit inexistante, les communautés locales bahá'íes ont leur propre programme éducatif, en particulier dans le primaire. En Inde, l'Assemblée spirituelle nationale s'occupe de plusieurs écoles bahá'íes qui fonctionnent à temps complet et proposent des cours pour le primaire, le secondaire, et le technique. De nombreuses autres communautés nationales bahá'íes proposent parmi leurs principales activités des cours par corres-pondance pour adultes ainsi que pour enfants et jeunes gens. Lors du dernier plan international, trente-sept assemblées spirituelles nationales ont rapporté avoir institué des programmes similaires. L'esthétique est l'un des aspects de l'éducation qui a reçu une attention toute particulière depuis le commencement de l'histoire bahá'íe. Bahá'u'lláh a qualifié l'art de forme d'adoration de Dieu; et la beauté des tombeaux, temples et jardins bahá'ís est l'une des impressions dominantes qu'emportent avec eux les observateurs qui ont abordé la foi. Shoghi Effendi a souligné que des siècles s'écouleraient avant qu'apparaisse ce que l'on pourra appeler l'art bahá'í. Ce n'est que lorsqu'une religion s'est pleinement épanouie pour aboutir à une nouvelle civilisation que naissent de nouvelles formes d'art qui peuvent lui être spécifiquement identifiées. Dans le même temps, il ne fait aucun doute que l'œuvre d'artistes bahá'ís contemporains a été affectée par l'appel à l'unité, à l'harmonie, à l'ouverture et à l'optimisme lancé par Bahá'u'lláh. L'artiste bahá'í américain, Mark Tobey - l'un des peintres les plus renommés du vingtième siècle - a dit ceci de cette influence sur son œuvre :

" Cette cause universelle de Bahá'u'lláh, qui fait fructifier le développement de l'homme, le défie aussi et le pousse à considérer la lumière de ce jour comme l'unité de toute vie; [elle] lui fait remettre en cause une grande partie de son héritage automatique, conditionné par le milieu; [elle] cherche à créer en lui une vision absolument nécessaire à son existence. Les enseignements de Bahá'u'lláh sont eux-mêmes la lumière qui nous permet de voir comment nous déplacer sur le chemin de l'évolution. "

[Nota: Cité par Arthur Dahl dans The Fragrance of Spirituality : An Appreciation of the Art of Mark Tobey; dans The Bahá'í World, vol. 16, 1973-1976, p. 638-645. Tobey attira à la foi un autre artiste au renom international, le potier britannique Bernard Leach.]

En ce qui concerne le rapport de l'art avec la future civilisation mondiale, Tobey a ajouté :

" Nous parlons bien sûr aujourd'hui de styles internationaux, mais je pense que plus tard nous parlerons de styles universels ... le futur du monde doit être cette réalisation de son unité qui est l'enseignement de base tel que je le comprends dans la foi bahá'íe; et de cette unité se développera naturellement un nouvel esprit dans l'art, parce que c'est de cela qu'il s'agit. C'est tout un état d'esprit, ce ne sont pas seulement de nouvelles paroles ou de nouvelles idées. "

[Nota: Ibid., p. 644.]

Les musiciens bahá'ís ont été influencés de la même manière. En fait, 'Abdu'l-Bahá a longuement encouragé les communautés bahá'íes à faire bon usage de ces personnes qui possédaient des talents musicaux :

" L'art de la musique est divin et efficace. C'est la nourriture de l'âme et de l'esprit. Par le pouvoir et le charme de la musique, l'esprit de l'homme est exalté. Elle a une action et un effet merveilleux sur le cœur des enfants, car leur cœur est pur et les mélodies ont une grande influence sur eux. Les talents latents que recèle le cœur de ces enfants pourront s'exprimer par l'intermédiaire de la musique. Vous devez donc vous efforcer de leur permettre de maîtriser cet art; apprenez-leur à chanter avec excellence et effets. Il appartient à chaque enfant de connaître quelque peu la musique... "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , cité dans Bahá'í Writings on Music, p. 6.]

Telles sont donc quelques-unes des caractéristiques de la vie de la communauté bahá'íe qui a hérité de l'histoire, des institutions administratives et des enseignements que lui a légués Bahá'u'lláh. Cette communauté est, de fait, établie dans chaque pays et territoire sur terre; elle représente une coupe transversale de l'humanité, et elle reste dévouée à la mission que lui a confiée 'Abdu'l-Bahá : la conquête spirituelle de la planète. Le processus de ce développement engage ses membres dans différentes formes de participation, d'interaction sociale et de développement personnel. Cette interaction et la croissance spirituelle qui s'ensuit font naître un sentiment de famille universelle et donnent une nouvelle identité à la communauté, différente de celle des autres traditions religieuses.

Les bahá'ís considèrent cette communauté non seulement comme un tout collectif, mais comme un tout organique. Les écrits de 'Abdu'l-Bahá et de Shoghi Effendi sont émaillés d'analogies avec la biologie : efflorescence, évolution, germe, graine, développement organique, noyau, influence génératrice, assimilation. Les bahá'ís sont encouragés à se considérer eux-mêmes, individuellement, comme faisant partie d'un organisme vivant en développement, dont le mode de vie serait : les lois, les institutions et les enseignements créés par Bahá'u'lláh. La Maison Universelle de Justice a souligné que le développement du potentiel d'un individu et son sentiment d'identification avec les enseignements bahá'ís dépendaient de sa capacité à participer pleinement à la vie de la communauté :

Dans le corps humain chaque cellule, chaque organe, chaque nerf ont leur rôle à jouer. Lorsque tous le jouent, le corps est sain, vigoureux, rayonnant, prêt à répondre à tout appel qui lui est lancé. Aucune cellule, aussi humble soit-elle, ne vit séparée du corps, que ce soit en le servant ou en étant servie. Ceci est vrai du corps de l'humanité dans lequel Dieu " a doté chaque humble créature de capacités et de talents ", cela est encore plus vrai du corps de la communauté bahá'íe mondiale, car ce corps est déjà un organisme uni dans ses aspirations, unifié dans ses méthodes, recherchant aide et confirmation d'une même source, et illuminé par la connaissance consciente de son unité... La communauté bahá'íe mondiale, se développant comme un nouveau corps sain, développe de nouvelles cellules, de nouveaux organes, de nouvelles fonctions et de nouveaux pouvoirs, tout en se hâtant vers sa maturité; alors chaque âme, vivant pour la cause de Dieu, recevra de cette cause santé et confiance, ainsi que les abondantes bénédictions de Bahá'u'lláh répandues par l'intermédiaire de son ordre divin.

[Nota: La Maison Universelle de Justice : Message from the Universal House of Justice, 19.4.]

Durant les années 1986 et 1996, la foi bahá'íe bénéficia d'une attention accrue de la part du public et des gouvernements. Des politiciens de haut rang, y compris des chefs d'État, demandèrent l'avis de bahá'ís concernant des problèmes sociaux et économiques qu'ils rencontraient dans leurs pays, mais également sur des questions plus générales ayant trait à la paix mondiale. La communauté internationale bahá'íe fut représentée à plus de cent sessions consultatives et conférences internationales des Nations unies, et soumit plus de cent déclarations et rapports à différents organes de cette même institution. Assumant de plus en plus de responsabilités au sein de la communauté N. U / O. N. G. de New-York, Genève et Vienne, les représentants bahá'ís furent membres de comités d'O. N. G. s'occupant des droits de l'homme, de la famille, des femmes, du développement économique, de la jeunesse, de l'information au grand public et des enfants.

Alors que la foi bahá'íe émergeait de l'obscurité, des bureaux spéciaux de la communauté internationale bahá'íe furent créés, afin de traiter les différents aspects du travail relatif aux affaires internationales. Le Bureau aux Nations unies continua à assumer la responsabilité des relations avec les Nations unies. Un bureau d'information publique fut établi en 1985, avec son siège à Haïfa, en Israël. En 1992, deux bureaux particuliers ont été ajoutés : le Bureau de l'Environnement (créé en 1989), et le Bureau pour la Promotion des Femmes (créé en 1992). Siégeant à New-York, ces bureaux se sont vu attribuer la responsabilité d'établir des rapports avec des organisations internationales, y compris les Nations unies, et avec la communauté bahá'íe, concernant les résultats d'un développement durable qui comprendrait respectivement l'éducation et la santé, et les femmes.



10. EN AVANT VERS UN SIÈCLE NOUVEAU

Le 29 mai 1992, le jour du centième anniversaire du décès de Bahá'u'lláh, la Chambre brésilienne des députés s'est réunie pour une séance spéciale de deux heures, afin de rendre hommage à sa vie et à son œuvre. L'orateur a lu un message de la Maison Universelle de Justice, et les porte-parole de tous les partis politiques représentés à la Chambre contribuèrent à cet hommage. Pour les bahá'ís du monde entier, l'événement fournit une illustration supplémentaire de la reconnaissance grandissante de leur foi, comme religion indépendante et respectée sur la scène contemporaine. Mais ce qui semble le plus important est le fait que dans ce processus, la personne du fondateur de la foi émerge progressivement de l'obscurité qui enveloppait le premier siècle au cours duquel son influence commença à s'exercer.

Cette préoccupation fut primordiale en ce qui concerne les efforts personnels des croyants pour faire connaître leur religion à leurs amis et à toute autre personne désireuse de se renseigner. Dès la naissance de la nouvelle foi, la revendication prophétique du Báb et de Bahá'u'lláh fut le point de mire de l'activité individuelle d'enseignement. La littérature bahá'íe aussi s'était principalement préoccupée de présenter la mission des deux fondateurs de la foi, dans le contexte de la succession des révélations divines qui leur avaient ouvert la voie.

Un effort parallèle avait néanmoins été entrepris très tôt par des communautés organisées, en Occident particulièrement, pour fournir des informations plus générales à un public plus large. Alors que les institutions bahá'íes se consolidaient partout dans le monde durant la seconde moitié du vingtième siècle, le discours officiel de la communauté s'orientait de plus en plus vers la tâche consistant à démontrer l'applicabilité des enseignements bahá'ís aux problèmes auxquels doit faire face l'humanité : les conflits raciaux, les disparités sociales et économiques, les injus-tices qui handicapent le rôle des femmes dans la société et les conséquences des préjugés religieux et culturels.

L'expression la plus développée de ce message social parut en octobre 1984 lorsque, pour la première fois de son histoire, la Maison Universelle de Justice adressa une déclaration aux peuples du monde, sous le titre Promesse de la Paix mondiale.

[Nota: Promesse de la Paix mondiale, Maison Universelle de Justice.]

Étant donné le contexte politique existant lors de sa publication, sa thèse débutait de façon optimiste; à la lumière des événements ultérieurs au niveau mondial, il se révéla également extraordinairement prémonitoire. L'établissement de la paix internationale fut déclaré, " non seulement comme possible, mais, comme inévitable ", en fait, l'étape suivante dans l'évolution de cette planète... Le défi auquel doivent faire face les dirigeants de l'humanité, selon la déclaration, consistent à se libérer de l'opinion paralysante selon laquelle l'agressivité et le conflit représentent un comportement intrinsèque de la nature de l'homme et sont, dès lors, indéracinables. Le fait de rejeter cette illusion sur la nature humaine, profondément enracinée, et d'opter pour la paix ne signifie pas renier le passé de l'humanité, mais le comprendre.

[Nota: Promesse de la Paix mondiale pp. 5-7.]

La déclaration affirme que :

" Reconnaître sincèrement que le préjugé, la guerre et l'exploitation ont été l'expression d'étapes d'immaturité dans un vaste processus historique, et que le genre humain fait aujourd'hui l'expérience d'un tumulte inévitable qui marque son accès collectif à la maturité n'est pas une raison de désespoir, mais une condition préalable à l'entreprise de la prodigieuse construction d'un monde de paix. Les thèmes que nous vous demandons d'examiner sont la possibilité d'une telle entreprise, l'existence des forces nécessaires à sa construction, et le pouvoir d'établir les structures sociales unificatrices. "

[Nota: Promesse de la Paix mondiale, pp. 6-8.]

Le document fut distribué dans de nombreuses langues, et par centaines de milliers de copies aux membres de gouvernements et aux maîtres à penser, dans différents domaines de l'activité humaine, démonstration spectaculaire du réseau mondial que la foi avait développé. Au cours de la décennie suivante, les concepts qu'il avançait devinrent des thèmes majeurs du débat bahá'í et de l'information publique. Identifiant explicitement Bahá'u'lláh comme l'auteur des principes et des concepts présentés, ainsi que comme le fondateur de la foi bahá'íe, le document ne tenta pas de discuter la nature de sa mission ni la divine autorité dont il se réclamait.

[Nota: Promesse de la Paix mondiale, pp. 2-3.]

Depuis lors, comme le montre l'hommage rendu par la Chambre des Députés du Brésil, le discours public bahá'í en est venu à se focaliser beaucoup plus sur la personne de Bahá'u'lláh, pas seulement en tant que fondateur de la religion, mais en tant qu'auteur d'un corpus incisif de pensées sur la nature de l'humanité et l'organisation de la société. Le fait que son débat public sur les problèmes mondiaux et les efforts de ses membres pour l'enseignement semblent converger est sans doute, un signe de la confiance croissante de la communauté bahá'íe dans son audience auprès du public. À l'occasion de la commémoration du centenaire du décès de Bahá'u'lláh, la communauté internationale bahá'íe a publié une brève présentation de sa vie et de son œuvre, qui fut largement distribuée, et qui débute par ces paroles :

" À la veille du nouveau millénaire, le genre humain ressent le besoin crucial de trouver une vision unificatrice de la nature de l'homme et de la société... Cependant, sans une conviction commune quant au sens et à la direction de l'histoire humaine, il est inconcevable que les fondations d'une société mondiale, auxquelles puisse participer l'ensemble de la société, puissent être posées.

Une telle vision est développée dans les Écrits de Bahá'u'lláh, la figure prophétique du dix-neuvième siècle, dont l'influence grandissante constitue le développement le plus remarquable de l'histoire religieuse contemporaine... Ce phénomène n'a aucune référence dans le monde contemporain : il faut plutôt l'associer à des changements de direction cruciaux survenus dans le passé collectif du genre humain. Bahá'u'lláh proclama n'être autre que le messager de Dieu pour l'âge de la maturité humaine... "

[Nota: Bahá'u'lláh, p. 7.]

Le terme Année sainte avait été utilisé par Shoghi Effendi en 1953 pour désigner le centenaire du début de la mission de Bahá'u'lláh dans l'obscurité du Síyáh-Chál. Suivant cet exemple, la Maison Universelle de Justice déclara alors la période entre avril 1992 et avril 1993, comme étant la seconde Année sainte bahá'íe, marquant à la fois le centenaire du décès de Bahá'u'lláh, survenu le 29 mai 1892, et l'inauguration de son alliance en novembre de la même année. Plusieurs milliers de croyants désignés parmi les centaines de nations et d'ethnies représentées dans la communauté bahá'íe, se rassemblèrent au Centre mondial bahá'í, afin de rendre hommage au fondateur de leur foi lors du premier de ces deux événements commémoratifs.

Six mois plus tard, un congrès mondial attira au centre Javits à New York, ville de l'alliance [Nota: C'est-à-dire où 'Abdu'l-Bahá a proclamé l'alliance lors de sa visite en 1912. Voir p. 71], le rassemblement le plus important et le plus diversifié de bahá'ís qui ait jamais eu lieu, pour célébrer pendant quatre jours l'expansion mondiale que la puissance unificatrice de l'alliance de Bahá'u'lláh avait rendue possible. Un réseau, d'une conception très pointue, de huit satellites relia le congrès à des conférences secondaires données à Buenos Aires, Sydney, New Delhi, Nairobi, Panamá City, Bucarest, Moscou, Singapour et à Samoa-Ouest.

Ce fut un moment galvanisant lorsque les bahá'ís rassemblés à Moscou, qui participaient pour la première fois à un événement bahá'í international, s'adressèrent au congrès de New York, situé aux antipodes de Moscou. Le dernier jour, un relais vidéo par satellite permit aux membres de la Maison Universelle de Justice, siègeant sur le Mont Carmel, de s'adresser directement à l'assemblée de New York. Un cadre d'une société canadienne de diffusion qui avait aidé à coordonner cette opération dit à cette occasion " qu'un nouveau monde de possibilités s'était ouvert à une religion dont le principe de base est l'unité. "

La même année, un développement parallèle servit à concentrer l'attention sur le rôle de Bahá'u'lláh comme source de l'autorité au-delà du message de la foi. Référence a déjà été faite à l'apparition, en 1973, d'un Synopsis et Codification du Kitáb-i-Aqdas, le livre des lois de Bahá'u'lláh, travail préliminaire mis en route par Shoghi Effendi.

[Nota: Voir pp. 194 à 203.]

Au cours des années ultérieures, le travail avait lentement progressé dans les tâches complexes et exigeantes de la traduction, de la codification et de l'annotation du corps du document qui allait finalement constituer le texte édité. L'achèvement du projet, que le monde bahá'í avait ardemment attendu depuis des années, coïncida avec les événements de l'Année sainte.

Le Gardien de la foi avait lui-même traduit en anglais et publié environ deux tiers du livre. Cette tâche, après son décès, fut achevée par un comité supervisé par la Maison de Justice. Plus exigeante encore fut la traduction de textes supplémentaires de Bahá'u'lláh en rapport avec l'œuvre, et de commentaires qu'il avait écrits sur le texte original, en réponse aux questions qui lui avaient été posées. Selon Shoghi Effendi, l'ouvrage entier devait alors être abondamment annoté de commentaires sur des passages spécifiques, tirant leur autorité de déclarations explicites de 'Abdu'l-Bahá et de Shoghi Effendi, les interprètes désignés du Livre. En conséquence, alors que le document principal ne compte que soixante-neuf pages dans sa version anglaise, l'ouvrage complet, qui inclut les textes supplémentaires et les notes, atteint les cent cinquante et une pages.

Il serait impossible d'exagérer l'importance de ce livre pour la mission de la foi bahá'íe, livre que Shoghi Effendi a décrit comme l'acte le plus significatif de la mission de Bahá'u'lláh et la charte de son nouvel ordre mondial.

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 204.]

Alors qu'il reprend les vérités des grandes religions du passé, le Kitáb-i-Aqdas est considéré par les bahá'ís comme étant l'Écrit qui pose le fondement spirituel et moral pour l'âge de la maturité collective de l'humanité, en fournissant un système de lois, de préceptes moraux et d'institutions destinés à favoriser la naissance d'une communauté mondiale régie par des principes spirituels et moraux.

[Nota: Ces commentaires sont basés sur des articles de Douglas Martin, The Kitáb-i-Aqdas, Its Place in Bahá'í Literature, et de William Hatcher, The Kitáb-i-Aqdas, The Causalty Principle in the World of Being, dans la nouvelle série de Bahá'í World, vol. 1 et 2 respectivement.]

Dans ce texte central de sa révélation, Bahá'u'lláh réaffirme la souveraineté de Dieu, la seule autorité qui gouverne la vie morale. Dieu est la Source de tout ce qui existe; par ses messagers, à toutes les époques, il a révélé ces lois et ces principes qui furent les éléments civilisateurs essentiels de la nature humaine. L'autonomie de l'individu n'est donc pas seulement conditionnée par les limites du monde naturel dans lequel il vit, mais également par l'univers spirituel qui transcende et anime ce monde. Aujourd'hui, le genre humain assiste à l'aurore de l'âge de la justice, promis dans toutes les révélations passées. À travers le travail et la souffrance, les peuples du monde s'éveillent aux possibilités que leur confère leur humanité commune. Ils se préparent à accepter, à la fois, leur propre unicité et leur dépendance ultime de la justice d'un Créateur aimant et infaillible.

Le Kitáb-i-Aqdas est l'expression de cette justice divine. " Le but de la justice, affirme Bahá'u'lláh, est l'apparition de l'unité parmi les hommes. "

[Nota: Les Tablettes de Bahá'u'lláh révélées après le Kitáb-i-Aqdas, p. 69.a

Amour, miséricorde et pardon sont des qualités qui doivent caractériser les êtres humains dans leurs relations mutuelles. Mais, pour que ces qualités fleurissent comme les traits distinctifs de la civilisation, chaque membre, chaque groupe qui compose la société doit avoir l'assurance d'être protégé par des normes qui s'appliquent à tous de la même façon. Les concepts, les lois et les principes énoncés dans le Kitáb-i-Aqdas ont pour objectif de fournir la base spirituelle de cette assurance pour la vie collective de l'humanité.

Dans l'introduction du texte publié, la Maison Universelle de Justice explique :

" En ce qui concerne les lois elles-mêmes, une étude attentive permet de découvrir qu'elles s'adressent à trois domaines : la relation de l'individu avec Dieu, les questions physiques et spirituelles qui bénéficient directement à l'individu, les relations entre individu, et entre les individus et société. On peut aussi les regrouper sous les titres suivants : prière et jeûne; lois relatives au statut personnel traitant du mariage, du divorce et de la succession; une série d'autres lois, ordonnances et interdictions, ainsi que les exhortations; abrogation de lois et d'ordonnances précises de dispensations antérieures. "

[Nota: Kitáb-i-Aqdas p. 4.]

Cette présentation offre aussi une explication intéressante sur le style de langage dans lequel le Kitáb-i-Aqdas a été rendu en anglais :

" Bahá'u'lláh maîtrisait superbement l'arabe et préférait l'utiliser dans les tablettes et les autres écrits dans lesquels sa précision sémantique était particulièrement appropriée à l'exposé d'un principe de base. Pourtant, au-delà du choix de la langue elle-même, le style employé est d'un caractère élevé, émouvant et très imposant, surtout pour ceux qui connaissent la grande tradition littéraire d'où il vient. Entreprenant sa tâche de traduction, Shoghi Effendi dut faire face au défi de trouver un style en anglais qui, non seulement transmettrait fidèlement le sens précis du texte, mais qui évoquerait aussi pour le lecteur l'esprit de respect méditatif qui est un trait distinctif des réactions produites par le texte original. Il choisit une manière de s'exprimer rappelant le style des traductions anglaises de la Bible du dix-septième siècle, qui rend la noblesse de l'arabe de Bahá'u'lláh, tout en restant accessible au lecteur contemporain. "

[Nota: Kitáb-i-Aqdas p. 10.]

Une discussion sur ce sujet dépasse le cadre de cette courte étude. Mais il est important de noter que seule une part relativement peu importante des lois morales et spirituelles qui y sont contenues a été appliquée, à ce jour, par la communauté bahá'íe. Il a déjà été fait référence au fait souligné par Bahá'u'lláh, que le même principe de progressivité qui a gouverné la série de révélations divines au cours de l'histoire, guide aussi, l'application graduelle des exigences de la révélation qu'il a apportée à la vie de l'humanité, comparant ce processus à la venue du printemps.

[Nota: Voir pp. 194-195.]

Dès que ceux qui reconnaissent le nouveau messager divin commencent à mettre en pratique les lois et les principes qu'il enseigne, ils développent leur capacité de compréhension et servent d'exemple à d'autres dimensions de la volonté de Dieu. Dans le cas de la révélation de Bahá'u'lláh, comme l'a précisé la Maison de Justice dans son Synopsis et Codification, beaucoup de lois du Kitáb-i-Aqdas sont destinées à une société qui émergera de l'époque de troubles et de souffrances qu'elle traverse actuellement.

Pour les bahá'ís, l'apparition tant attendue du Plus Saint Livre marqua une nouvelle étape dans l'évolution de la mission de Bahá'u'lláh, une étape durant laquelle le concept du messager de Dieu comme législateur revêtira une importance croissante dans l'expérience bahá'íe. Publié justement au moment où la communauté entière commémorait le centenaire du décès du fondateur de leur foi et l'inauguration de son alliance, la publication du Kitáb-i-Aqdas donna un élan supplémentaire à la décision de diriger l'attention de manière plus explicite vers celui qui est la source de la croyance bahá'íe aussi bien que la raison du profond sentiment de confiance en l'avenir qui caractérise les adhérents à la foi.

Lors de la commémoration de ce centenaire, les bahá'ís du monde entier prirent conscience d'une autre dimension importante de l'autorité spirituelle, dimension incarnée par la cause dans laquelle ils s'étaient engagés. Il s'agissait de l'extension à toutes les communautés bahá'íes [Nota: La loi fut appliquée depuis la naissance de la foi aux communautés bahá'íes du Moyen-Orient] de l'opération du Droit de Dieu (Huqúqu'lláh), une forme de contribution financière, par tous les bahá'ís, à l'autorité centrale de leur foi, et un moyen d'une conception et d'une évidence indiscutable, pour accomplir la mission de Bahá'u'lláh à l'échelle mondiale. Comme expliqué précédemment [Nota: Voir pp. 223-224.], le principe central du financement du travail des communautés bahá'íes est la participation volontaire. Chaque individu doit décider en privé, en son âme et conscience, des contributions à apporter aux différents fonds bahá'ís. Le système de collecte de fonds, devenu familier dans la vie religieuse de nombreux pays est totalement proscrit dans les Écrits bahá'ís. Il est exclu de solliciter ou d'exercer quelque forme de pression que ce soit, directe ou indirecte, et aucune contribution ne peut être reçue de personnes qui ne sont pas enregistrées comme membres de la communauté bahá'íe.

En dépit de ces contraintes scripturales, l'approche de cette forme de contribution s'est révélée très fructueuse pour faire face aux besoins des communautés bahá'íes, tant au niveau national que local. De telles contributions sont versées, par les bahá'ís à travers le monde, au fonds international de la foi. Pour l'âge qui verra la résolution des inégalités et des problèmes liés aux divisions qui ont fracturé le genre humain, Bahá'u'lláh s'appliqua à s'assurer que l'autorité internationale de sa religion aurait directement à sa disposition les moyens matériels nécessaires pour poursuivre les tâches mondiales qu'il avait établies pour elle, libre de toute dépendance envers des canaux nationaux ou locaux. C'est à ce besoin que s'adresse le Droit de Dieu.

Il réalise cela en ajoutant aux liens spirituels, qui relient individuellement le croyant à l'autorité centrale de la foi, un lien explicitement matériel. En attirant l'attention sur l'analogie que Bahá'u'lláh avait faite entre le corps de l'humanité et celui de l'individu, 'Abdu'l-Bahá explique :

" En contemplant la vaste étendue de la création, tu remarqueras que, plus élevé est un règne de choses créées sur l'échelle d'ascendance, plus manifestes sont les signes et les preuves de la vérité, selon laquelle, la coopération et la réciprocité au niveau d'un ordre élevé sont plus importantes, que celles qui existent au niveau d'un ordre inférieur...

... plus cette relation mutuelle est renforcée et développée, plus la société progressera et prospérera. En effet, sans ces liens vitaux, il serait absolument impossible pour l'humanité d'atteindre la vraie félicité et le véritable succès. "

Maintenant, considère que, si parmi les êtres qui sont simplement les manifestations du monde de l'existence, ce sujet insignifiant est d'une telle importance, alors combien plus grand l'esprit de coopération et d'assistance mutuelle doit-il être parmi ceux qui [ont reconnu la révélation de Dieu] ... Donc, il n'y a aucun doute qu'ils doivent être désireux de sacrifier leur vie pour leurs semblables.

Ceci est le principe de base sur lequel l'institution du Huqúqu'lláh est établie, puisque ses montants sont consacrés au progrès de ces buts.

[Nota: Cette citation, ainsi que celles qui suivent, sont toutes tirées de la compilation Huqúqu'lláh ou le Droit de Dieu, pp. 27-28.]

Aujourd'hui, le montant des recettes du Droit de Dieu constitue une partie majeure des revenus qui financent le travail de la Maison Universelle de Justice et du Centre mondial bahá'í. Ces revenus sont utilisés d'une part, à promouvoir les enseignements de Bahá'u'lláh et le développement des institutions internationales de la foi et, d'autre part, à financer un programme de plus en plus vaste de projets de développement dans le monde.

Comme le nom l'indique, le Droit de Dieu n'est pas une contribution ou une donation. Pour les bahá'ís, il représente plutôt une revendication par Dieu, pour ceux qui croient en sa révélation, de supporter le travail servant les intérêts du genre humain tout entier. Il n'est pas lié aux revenus, mais au capital accumulé, et son application assurera un équilibre progressif des bénéfices de la possession de richesses matérielles entre les activités bahá'íes exercées dans les parties riches du monde, et celles entreprises dans des régions économiquement moins développées. Fondamentalement, il appelle chaque croyant à rendre à Dieu dix-neuf pour cent du capital qu'il a accumulé, après que toutes les dépenses pour vivre ont été couvertes et que toutes les dettes ont été remboursées. Les avoirs tels que la maison, les meubles et les possessions personnelles d'une personne ou d'une famille ne sont pas inclus dans le calcul de la fortune, et la détermination du montant, de l'échéance du paiement et de toutes les questions y affairant est laissée à la personne qui prendra sa décision en son âme et conscience.

Même concernant l'obligation elle-même, comme pour d'autres affaires financières de la foi, Bahá'u'lláh interdit toute forme de sollicitation de la part des institutions bahá'íes; et aucun individu ne peut être informé de ce qu'un autre a fait. La loi est une sommation à la maturité personnelle et à l'identification de soi avec l'humanité. " Le Droit de Dieu est une obligation pour tous, déclare 'Abdu'l-Bahá . Cependant, il n'est pas permis de le solliciter ou de le demander. Si quelqu'un a le privilège de payer le Huqúq et le fait dans un esprit de joie et de rayonnement, un tel acte est acceptable, sinon il ne l'est pas. De plus ... le paiement du Droit de Dieu dépend de la capacité financière de chacun à le faire. Si une personne est incapable de remplir cette obligation, Dieu l'en excusera certainement. Il est Celui qui toujours pardonne, l'Infiniment généreux. " En participant à cette institution unique, le croyant, selon les paroles du fondateur de la foi, purifie la richesse que sa situation personnelle lui a permis d'amasser et contribue directement à l'immense entreprise que Bahá'u'lláh a établie comme le but de sa foi, à savoir, la transformation de la vie spirituelle et matérielle sur la planète.

[Nota: Huqúqu'lláh ou le Droit de Dieu.]

À ce stade récent de son application, alors que cette institution commence à devenir un acte courant de la vie personnelle de la plupart des bahá'ís, elle est probablement ressentie, surtout, comme un principe spirituel qui discipline l'attitude personnelle face à l'utilisation de la fortune. Cependant, la portée de ses implications est stupéfiante. Shoghi Effendi imagina le jour où les dépositaires de l'institution, opérant sous la guidance de la Maison Universelle de Justice, administreront un complexe d'agences de développement et de fonds d'investissement, qui mettront en pratique les principes de justice qui résident au cœur de la mission de Bahá'u'lláh. En rendant possible la participation directe de chaque bahá'í - en plus et au-delà de toute impulsion de charité et de toute contrainte nationale et culturelle - un processus, représentant une approche tout à fait neuve pour servir les besoins de développement international, a été lancé.

L'émission par satellite de l'Année sainte, qui avait relié le Congrès mondial avec des conférences simultanées à Bucarest et à Moscou, souligna l'importance d'un autre développement de cette fin de siècle, un développement que peu de bahá'ís s'étaient attendus à voir de leur vivant. Il s'agissait du rétablissement spectaculaire et de l'efflorescence de communautés bahá'íes en Russie, en Asie centrale et en Europe de l'Est, qui ont immédiatement suivi la chute du bloc soviétique. Avant la Deuxième Guerre mondiale et grâce aux efforts énergiques fournis par des voyageurs bahá'ís occidentaux pour l'enseignement, de petites communautés bahá'íes étaient nées dans la plupart des pays d'Europe de l'Est. Les restes émiettés de ces communautés avaient survécu à l'occupation nazie ainsi qu'à la répression soviétique. En effet, durant les années qui ont précédé la guerre, l'une des voix les plus prestigieuses et les plus claires de la scène internationale promouvant la vision de Bahá'u'lláh, était la Reine Marie de Roumanie. Convertie à la foi dans les années 1920 grâce aux efforts infatigables de l'enseignante itinérante Martha Root [Nota: voir p. 84.], la Reine Marie avait pris des mesures inhabituelles, pour que son témoignage du pouvoir de la révélation bahá'íe soit publié dans les journaux de différentes régions du monde. Voici l'une de ces déclarations en 1926 :

" Bahá'u'lláh et son fils 'Abdu'l-Bahá nous ont livré un merveilleux message... C'est le message renouvelé du Christ, prononcé presque avec les mêmes mots, mais adapté aux mille ans à venir et à toutes les différences qui existent entre l'an un et aujourd'hui...

Je vous le recommande à tous. Si le nom de Bahá'u'lláh ou de 'Abdu'l-Bahá arrive à vos oreilles, ne rejetez point leurs Écrits. "

[Nota: Toronto Daily Star, 4 mai 1926.]

Aucun autre pays cependant, à part la Perse elle-même, n'avait joui d'une association aussi intime avec les prémices de l'histoire de la foi bahá'íe et avec la personne de son fondateur, que l'avait fait la Russie. Particulièrement franc, le prince Dmitri Dolgorukov, ambassadeur du gouvernement impérial russe, fut parmi les diplomates de plusieurs gouvernements occidentaux qui protestèrent en 1850 auprès de Násiri'd-Dín Sháh, contre le traitement barbare infligé à d'innocentes victimes bábíes. En effet, Bahá'u'lláh attesta que Dolgorukov était intervenu directement en sa faveur, alors qu'il affrontait la mort dans le Síyáh-Chál. En écrivant des années plus tard au Tsar Alexandre II, l'auteur de la révélation bahá'íe rappela cet acte plein d'humanité, assurant au monarque que cet acte serait considéré comme un trésor spirituel pour la nation et pour le peuple au nom duquel il avait été entrepris.

Comme nous l'avons dit précédemment [Nota: Voir p. 40-41], les érudits russes avaient été parmi les premiers à s'intéresser aux fois bábíe et bahá'íe, leurs travaux publiés contribuant de façon non négligeable, à attirer sérieusement l'attention sur les événements qui se déroulaient en Perse. La proximité du berceau de la foi bahá'íe en Perse avait aussi contribué au premier établissement des communautés bahá'íes locales dans le sud de la Russie. En 1902, avec le soutien du gouvernement russe, et en présence du gouverneur provincial, la première maison d'adoration bahá'íe fut érigée à `Ishqábád, en Ádhirbáyján. Les bahá'ís russes sont aussi très fiers, et à juste titre, du fait que leur pays fut le premier à intervenir directement pour protéger les droits civils des membres de la foi vivant sous sa juridiction. Lorsque des fanatiques musulmans assassinèrent un bahá'í important à `Ishqábád, les autorités russes réprimèrent l'agression et une cour civile condamna le meurtrier à mort, une sentence qui fut commuée en emprisonnement, uniquement grâce à l'appel de la communauté bahá'íe locale.

[Nota: Voir The Bahá'í Yearbook, vol. 1 (Wilmette, Ill.: Bahá'í Publishing Trust, 1980) p. 79.]

Avec la chute du régime soviétique, sous lequel les activités de la foi avaient été sévèrement réprimées [Nota: Voir p. 281], des assemblées bahá'íes locales se multiplièrent dans toute la Russie et dans les républiques voisines; la consolidation de ces dernières réanima des communautés, et ajouta finalement une vingtaine d'assemblées nationales dans cette région du globe. L'une des trois Mains de la cause encore en vie, `Alí Akbar Furútan, qui était né et avait grandi en Russie, eut la satisfaction, à l'âge respectable de 86 ans, de retourner à Moscou pour l'élection de la première Assemblée spirituelle nationale de Russie, en avril 1991. Aujourd'hui, la littérature bahá'íe est disponible dans la plupart des langues de la région, et les institutions bahá'íes sont engagées dans la poursuite énergique de la même forme de reconnaissance civile que leurs homologues ont atteint ailleurs.

La dernière décennie de ce siècle a contribué à mettre en relief l'importance du diagnostic de Bahá'u'lláh concernant les maux de l'humanité et sa prescription pour guérir ces maux. Lors d'une série de conférences internationales organisées par les Nations unies, dont plusieurs étaient désignées sous le terme de sommets car des chefs d'États y assistaient, les gouvernements nationaux furent poussés à considérer des questions cruciales qui interpellent l'humanité. Celles-ci incluaient : les besoins des enfants dans le monde, la crise de l'environnement, les droits de l'homme, les problèmes de population, un développement soutenu, l'avancement de la femme et le problème de l'habitat. Les médias ont accordé beaucoup d'attention à ces questions, et plusieurs milliers d'organisations non-gouvernementales y ont également collaboré. La Communauté internationale bahá'íe fut aussi profondément impliquée dans la majorité des événements.

La volonté des décideurs du monde entier de se concentrer précisément sur les thèmes situés au cœur du message de Bahá'u'lláh, donna à cette série de conférences une grande signification pour les bahá'ís, allant bien au-delà des résultats immédiats. En fait, aussi faible que soit la volonté internationale de changer et aussi chimériques que soient certaines résolutions, le système des Nations unies avait déterminé - juste un siècle après le décès de Bahá'u'lláh - que les thèmes contenus dans son message représentent en effet les réalités urgentes auxquelles doit faire face l'humanité. Beaucoup d'Écrits dans lesquels Bahá'u'lláh avait développé ces concepts avaient été adressés à l'origine à des contemporains du dix-neuvième siècle tels que la reine Victoria, l'empereur d'Allemagne et le tsar de Russie - dont le contexte historique semble à présent aussi lointain que celui d'Agamemnon ou Mithridates.

Lorsque la série de réunions s'acheva en 1996, il était devenu évident au corps dirigeant de la foi, que l'époque réclamait une nouvelle initiative destinée à explorer plus systématiquement les implications des enseignements de Bahá'u'lláh relatives aux questions de transformation de la société, ainsi que l'interprétation des conclusions qui en découlent dans le langage du discours international contemporain. En conséquence, vers la fin de la même année, la Maison Universelle de Justice donna son accord à la proposition de créer une nouvelle agence de la Communauté internationale bahá'íe, l'Institut d'études pour la prospérité mondiale. Destinée à fournir une plate-forme d'échanges entre les érudits et les spécialistes bahá'ís d'une part, et leurs homologues dans un grand nombre d'organisations non gouvernementales et académiques d'autre part, la nouvelle institution emboîta le pas de Vers une Humanité prospère, un document qui avait été préparé par la Communauté internationale bahá'íe en 1995 pour la série de conférences des Nations unies. Parce que le document exprime si clairement la " prescription " bahá'íe - sur les efforts à fournir par la communauté internationale, pour s'attaquer à la crise à laquelle l'humanité est confrontée en cette fin de siècle - son contenu mérite une attention particulière.

[Nota: Vers une Humanité prospère, (New York : Bahá'í International Community, 1995) Librairie Bahá'íe, Paris, éd. 1995.]

Cette déclaration souligne en introduction, qu'avec l'unification physique de la planète durant ce siècle, " l'histoire de l'humanité en tant que peuple unifié commence ". Ce fait appelle à un réexamen minutieux " des attitudes et des postulats qui sous-tendent les approches actuelles du développement économique et social. "

[Nota: Vers une Humanité prospère, p. 2.]

Elle argumente sur le fait, qu'une telle reconsidération doit commencer par l'abandon de deux hypothèses erronées, qui paralysent tout effort visant à concevoir une stratégie de développement réaliste, même si elles sont bien intentionnées et largement fondées. La première est la foi dans l'idéologie d'un matérialisme dogmatique, que la déclaration regarde comme ayant essentiellement retiré tout pouvoir à la grande majorité des peuples de la terre. La seconde hypothèse est la croyance connexe selon laquelle, l'humanité entière ne peut apprendre à assumer la responsabilité de son avenir collectif, mais qu'elle doit se démettre de telles prises de décisions au profit de groupes d'élites commis précisément dans la vision du monde qui a conduit l'humanité au bord du désastre. La déclaration est intransigeante quant à débattre ces deux questions. À propos des doctrines matérialistes très répandues, elle dit :

" Au soir du vingtième siècle, il n'est plus possible de persister à croire que l'approche du développement social et économique née de la conception matérialiste de la vie puisse répondre aux besoins de l'humanité. Les prévisions optimistes relatives aux transformations que cette approche aurait dû provoquer se sont toutes dissipées dans l'abîme qui sépare toujours plus, d'une part les niveaux de vie d'une petite minorité de la population en régression relative, et, d'autre part, la pauvreté qui afflige la grande majorité des habitants de la planète. "

[Nota: Vers une Humanité prospère, p. 3.]

Concernant l'hypothèse sous-entendue selon laquelle les masses de l'humanité devraient être considérées comme des bénéficiaires, par essence, d'aides et de formations venant d'un autre monde que le leur, plutôt que comme des protagonistes conscients dans la lutte pour un développement global, la déclaration fait remarquer que :

" Cette attitude fait l'impasse sur ce qui est probablement le phénomène social le plus important de notre époque : s'il est vrai que les gouvernements de la planète s'efforcent, par le biais du système des Nations unies de construire un nouvel ordre mondial, il est tout aussi vrai que cette même perspective galvanise les peuples du monde. Leur réaction a pris la forme d'une prolifération soudaine de mouvements et d'organisations œuvrant pour un changement social aux niveaux local, national et international...

Cette réponse des peuples aux besoins criants de l'époque fait écho à l'appel lançé par Bahá'u'lláh, il y a plus d'un siècle : " Soyez vigilants aux besoins de votre époque et concentrez vos délibérations sur ses nécessités et sur ses exigences. " Radicale du point de vue de l'histoire de la civilisation, cette modification dans la façon dont un grand nombre de gens ordinaires en vient à se considérer soulève des questions fondamentales quant au rôle à assigner à l'ensemble de l'humanité dans la planification du devenir de notre planète. "

[Nota: Vers une Humanité prospère, pp. 4-5.]

Vers une Humanité prospère deviendra certainement le fer de lance d'une série d'études à travers lesquelles la communauté bahá'íe s'efforce d'appliquer, toujours plus directement, les prescriptions de Bahá'u'lláh aux problèmes auxquels la société est confrontée. Plusieurs de ses thèses suggèrent le cours à suivre par cet effort. Conseillant vivement, par exemple, que les capacités intellectuelles soient poussées à des niveaux bien supérieurs à ce que le genre humain a atteint jusqu'ici - il le peut et il le doit -, la déclaration accorde une attention particulière au rôle de la connaissance, ajoutant que la statégie du développement doit avoir pour objectif majeur de permettre aux personnes de toutes cultures et de toutes nationalités " d'accéder sur une base égale à cette science et à cette technologie auxquelles, elles ont, de naissance droit. " À voir avec quel mépris les vérités spirituelles de tous bords sont considérées par beaucoup de gens, au premier plan de la formulation de la stratégie du développement, la déclaration pose la question suivante : " Quel poids donner à une déclaration qui affiche son adhésion au principe de la participation universelle tout en niant, dans les faits, la validité du passé culturel par lequel les participants se définissent. "

[Nota: Vers une Humanité prospère, pp. 15-16.]

En regard des problèmes économiques, la déclaration voit une relation de cause à effet entre l'émancipation de la femme et les solutions à la crise économique qui s'aggrave. Elle ne réclame pas simplement pour les deux sexes, un accès égal à l'emploi, à la possession de la fortune et à l'éducation, mais également de repenser fondamentalement les questions économiques, ce qui permettra de comprendre les relations humaines de manière beaucoup plus profonde que ne le permet la compréhension alimentant actuellement le discours économique. L'approche nécessaire, selon cette déclaration, est une approche dont le centre " est résolument altruiste plutôt qu'égocentriqu "e, et où " des millénaires de pratique ont préparé les femmes à jouer un rôle crucial dans cet effort commun " [à la résolution de la crise].

[Nota: Vers une Humanité prospère, pp. 16-22.]

Au cours de l'histoire, la grande architecture a joué un rôle vital en mobilisant l'énergie sociale et l'engagement requis pour atteindre des objectifs publics ambitieux. Depuis les étapes les plus reculées de la civilisation, les sociétés ont senti l'importance d'ériger d'imposants édifices à l'image des idéaux qui les animaient, servant également de siège à l'autorité ainsi projetée. Ce phénomène s'est avéré particulièrement exact en ce qui concerne l'État, mais ne s'est pas limité au seul domaine politique. Cette perspective nous donne une idée de l'importance que les fondateurs de la foi bahá'íe ont accordée, dès l'arrivée de Bahá'u'lláh en Terre sainte, au développement du Centre mondial de la foi. Se représentant l'émergence d'institutions qui joueraient un rôle vital dans le processus de l'unification de l'humanité, Bahá'u'lláh parla en termes exaltés du Mont Carmel, qu'il désigna sous le nom de Montagne de Dieu, s'adressant en termes maintenant familiers aux bahá'ís du monde entier :

" Rends grâce à ton Seigneur, ô Carmel... Réjouis-toi, car Dieu, en ce jour a établi son trône sur toi, a fait de toi l'aurore de ses signes et la source des témoignages de sa révélation...

... car en vérité, voici le jour où la terre et la mer se réjouissent de cette annonce, le jour pour lequel ont été accumulées ces choses que Dieu, dans sa bonté inconcevable à l'esprit et au cœur du mortel, a réservées pour être révélées. Bientôt, Dieu conduira son arche vers toi et rendra manifeste le peuple de Bahá, mentionné dans le Livre des Noms. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 12-13.]

La foi bahá'íe jouit d'un grand avantage par rapport aux autres religions indépendantes, en ce que ses centres spirituels et administratifs se situent au même endroit, c'est-à-dire dans la vaste propriété qui borde la baie d'Haïfa et qui est dominée par le Mont Carmel qui s'élève sur sa côte sud. Son point central est le tombeau de Bahjí, juste à l'extérieur de l'ancienne ville de Saint-Jean d'Acre, où Bahá'u'lláh repose depuis 1892. Au fil des années, la communauté bahá'íe a pu acquérir, au prix d'un travail laborieux, les lieux de séjour du fondateur de la foi au cours de son ministère, et un programme de méticuleuse restauration historique permet, à des milliers de pèlerins bahá'ís qui se rendent chaque année au Centre mondial de leur foi, d'enrichir d'avantage leur vécu.

De l'autre côté de la baie et s'étendant sur un versant du Mont Carmel faisant face à Saint-Jean d'Acre, un ensemble à vous couper le souffle, de constructions monumentales, de larges terrasses, de sources, de fontaines et de jardins luxuriants attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs venus du monde entier. Les bâtiments construits dans le style grec classique [Nota: Shoghi Effendi opta pour le style grec classique, simplement en raison de ses origines méditerranéennes, et parce que, selon lui, ce style avait survécu à l'épreuve du temps], revêtus de marbre étincelant et rehaussés de piliers corinthiens, abritent la Maison Universelle de Justice ainsi que les autres institutions de l'administration centrale de la communauté bahá'íe.

Émergeant de cet ensemble, le dôme doré du tombeau du précurseur de Bahá'u'lláh, le Báb, a été érigé dans des jardins particuliers, face à Saint-Jean d'Acre situé de l'autre côté de la baie.

[Nota: Voir p. 87.]

Se référant au vieil adage qui dit que le sang des martyres est le germe de la foi, Shoghi Effendi a écrit qu'aujourd'hui, le sang des martyres bábís n'est pas seulement le germe de la foi individuelle des croyants, mais aussi des institutions d'un nouvel ordre social. Dès lors, il n'est pas surprenant que les sites des institutions administratives gouvernantes du système de Bahá'u'lláh aient été orientés en direction du lieu où repose celui que les bahá'ís considèrent comme le martyre suprême de leur foi. La dépouille mortelle du Báb avait été recueillie par ses disciples tout de suite après son exécution, et emmenée avec beaucoup de difficultés et en prenant infiniment de risques, de Perse en Terre sainte. C'est lors de l'une de ses visites au Mont Carmel durant les deux dernières années de sa vie, que Bahá'u'lláh choisit lui-même l'endroit qui allait accueillir le tombeau de son illustre précurseur, et ce fut 'Abdu'l-Bahá qui érigea, quelques années plus tard, la simple structure en pierre qui sert encore actuellement de tombeau intérieur.

Puisque Shoghi Effendi avait insisté sur le fait que le programme bahá'í de construction ne devait se poursuivre que lorsque les fonds suffisants auraient été accumulés, le processus d'érection non seulement du tombeau du Báb, mais aussi des institutions administratives de la foi se déroula avec une lenteur laborieuse sur une période de plusieurs décennies. Les archives internationales avaient été construites en 1957, alors que Shoghi Effendi était toujours en vie, et le siège de la Maison Universelle de Justice, en 1983. En 1987, la Maison Universelle de Justice estima que la voie était libre pour la construction des bâtiments qui manquent encore au complexe administratif. En même temps, elle approuva un projet parallèle envisagé par Shoghi Effendi, pour la construction d'escaliers en pierre et en marbre, qui partant du bas du Carmel doivent en montant, traverser neuf jardins en terrasses pour arriver au pied du tombeau du Báb, et continuer à s'élever derrière celui-ci, à travers neuf autres terrasses pour atteindre son sommet, l'ensemble décrivant des courbes majestueuses. L'achèvement de ce vaste programme est prévu pour la fin de ce siècle.

Simultanément à l'œuvre de construction sur le Mont Carmel, la communauté s'est appliquée à réaliser ses ambitieuses activités d'enseignement et un programme mondial de développement économique et social. L'effort a nécessité d'importants sacrifices financiers de la part d'une communauté encore relativement réduite, dont la majorité des membres vit dans des pays en voie de développement. Le fait que ces effusions de dons aient jailli avec empressement, démontre efficacement que les croyants du monde entier comprennent fort bien la signification de ce qui est en train de s'accomplir. Pour l'observateur contemporain qui possède une culture historique, il est très tentant d'établir un parallèle avec les entreprises collectives, qui mues par les mêmes motivations ont élevé les cathédrales, les mosquées et les temples à des époques plus lointaines.

'Abdu'l-Bahá a prédit avec assurance le jour où même la physionomie de la région serait transformée. Les villes jumelles d'Haïfa et de Saint-Jean d'Acre, situées aux deux extrémités de la baie, s'uniraient, disait-il, pour ne former qu'une seule métropole qui attirerait l'établissement des institutions internationales dédiées à l'amélioration de l'humanité. Mentionnant le majestueux escalier qui devait s'élever sur un des versants du Mont Carmel, Shoghi Effendi parla d'une façon toute aussi visionnaire de l'influence morale que le Centre mondial de la foi exercerait progressivement sur la direction des affaires internationales. Le jour viendra, disait-il, où les dirigeants du monde monteront respectueusement les terrasses menant au tombeau du Báb pour y déposer, sur le seuil, les symboles de leur pouvoir.

[Nota: Shoghi Effendi, message de Naw Rúz aux bahá'ís de Perse, 1951, traduit et publié dans Mountain of the Lord : The Terraces and the Ark (Oakham, U.K.: Bahá'í Publishing Trust, 1989).]

Aujourd'hui, les villes de Saint-Jean d'Acre et de Haïfa sont devenues un seul ensemble urbain, qui comme l'avait prédit 'Abdu'l-Bahá se reflète, la nuit, dans les eaux de la Méditerranée, tel un ruban de lumière ininterrompu encerclant la baie. De petits groupes de chefs de gouvernements et d'autres personnalités influentes dans les affaires humaines se sont déjà rendus à Haïfa, pour consulter l'institution gouvernante d'une communauté religieuse, qui démontre de façon persuasive les potentialités d'unification inhérentes au message de Bahá'u'lláh. Peu importe ce que nous réserve le futur proche, il n'y a rien dans la vision des fondateurs de la foi bahá'íe qui aujourd'hui semble plus improbable que ce qui a déjà été accompli. Aucun observateur du moment historique quand il y a cent trente ans, Bahá'u'lláh posa le pied sur le sol de cette colonie carcérale turque de Saint-Jean d'Acre, n'aurait pu imaginer les développements à l'échelle mondiale, qui seraient inspirés par les paroles d'un exilé méprisé, condamné à un emprisonnement à vie, et incapable de soulager ne serait-ce que la faim et la soif des membres de sa propre famille. Il serait audacieux l'observateur qui se risquerait, à ce stade de son développement, à écarter la possibilité selon laquelle l'entreprise lancée alors, accomplira finalement tous les autres objectifs que son fondateur lui a assignés.

L'effondrement global que Bahá'u'lláh avait prévu se déroule au même rythme que le progrès de l'entreprise qu'il avait lancée. Face à ce qui s'est déjà produit, il semblerait aussi par trop téméraire, de négliger ses mises en garde concernant le cours que les événements mondiaux vont prendre dans les années à venir. La souffrance et le chaos social atteindront un tel degré - encore inimaginable pour l'humanité à l'heure actuelle - que finalement ils amèneront les peuples du monde à abandonner leurs préjugés et leur hostilité hérités des générations précédentes, par souci commun de simple survie. Parlant de la consolidation de la Moindre Paix, il prédit le moment où tous les gouvernements nationaux se verront obligés par des circonstances hors de leur contrôle, d'abandonner une part importante de leur souveraineté nationale au profit de la sécurité collective. Si un gouvernement devait prendre les armes contre un autre, la communauté internationale aurait le droit et l'obligation, non seulement de riposter, mais également de retirer tout pouvoir aux responsables de cette agression. Selon les termes de 'Abdu'l-Bahá :

" Ils [les dirigeants des gouvernements nationaux] doivent conclure un traité obligatoire et établir une alliance dont les stipulations seront saines, inviolables et précises. Ils doivent la proclamer au monde entier et la faire sanctionner par la race humaine entière... Le principe fondamental sous-jacent à ce pacte solennel devrait être établi de telle sorte que si quelque gouvernement devait ultérieurement violer l'une de ses clauses, tous les gouvernements de la terre devraient se lever pour le réduire à une complète soumission; mieux encore, la race humaine tout entière devrait prendre la résolution d'anéantir ce gouvernement par tous les moyens mis à sa disposition. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , Le Secret de la Civilisation divine, pp. 89-90.]

Selon 'Abdu'l-Bahá , d'ici la fin de ce siècle, l'émergence visible de la Moindre Paix marquera la vie collective de l'humanité.

[Nota: Voir p. 175]

Si tel est en effet le cas, les historiens du futur feront remonter le début du processus dans l'établissement des Nations unies, dont les pouvoirs pour préserver la paix, obstinément refusés à l'infructueuse Société des Nations, furent octroyés au Conseil de Sécurité. Au cours du siècle, ces pouvoirs furent expérimentalement testés à divers endroits du globe assiégés par des troubles; plus récemment, ils sont intervenus par les armes pour réprimer des agressions particulièrement flagrantes. Quoique les initiatives soient hésitantes et les résultats insatisfaisants, un tournant historique dans les relations entre les États nationaux a déjà été clairement amorcé.

[Nota: Pour marquer le 50e anniversaire des Nations unies, la Communauté internationale bahá'íe publia un document sous le titre Tournant pour les Nations, New York, octobre 1995, dans lequel elle développa les recommandations pour la prochaine étape du développement de l'organisation.]

Mais cette percée est néanmoins loin de constituer le pacte global obligatoire et inconditionnel prévu par Bahá'u'lláh et qui ne sera possible, selon lui, qu'à la condition d'un changement profond de la conscience humaine. Pour celui qui connaît les événements historiques qui ont suivi les mises en garde explicites qu'il avait adressées à différents monarques du dix-neuvième siècle [Nota: Napoléon III, L'Empereur Guillaume I, le Sultan Abdul Aziz, le Pape Pie IX. Voir pp. 49 à 57], la description par Bahá'u'lláh des situations que l'humanité traversera pour entrer dans le siècle prochain est pleine de gravité :

" Voici le jour promis, le jour où les pénibles épreuves auront déferlé sur vos têtes et sous vos pieds, en disant : goûtez à ce que vos mains ont œuvré ".

[Nota: Shoghi Effendi, L'Avènement de la Justice divine, pp. 100-112.]

" La civilisation, tant vantée par les représentants qualifiés des arts et des sciences, apportera de grands maux à l'humanité, si on lui laisse franchir les limites de la modération ... Méditez ceci, ô peuples, et ne soyez pas de ceux qui errent dans le désert de l'erreur. Le jour approche où ses flammes dévoreront les cités, où la Langue de grandeur proclamera : Le royaume est à Dieu, le Tout-Puissant, le Loué. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, pp. 225.]

Tout aussi catégorique est néanmoins l'assurance de Bahá'u'lláh, que l'humanité ressortira de cette plus grande mise à l'épreuve de sa vie collective, libérée des habitudes et des attitudes anachroniques - et étroitement unie en un seul peuple - engagée dans la tâche difficile de la construction d'un commonwealth global :

" Celui qui est votre Seigneur, le Très-Miséricordieux, nourrit en son cœur le désir de voir la race humaine tout entière ne former qu'une seule âme et qu'un seul corps. Hâtez-vous, en ce jour qui éclipse tous les autres jours créés, de gagner votre part de la grâce et de la miséricorde divines. Grande est la félicité réservée à l'homme qui renonce à tout ce qu'il possède dans le désir d'obtenir les choses de Dieu ! Cet homme est, Nous l'attestons, parmi les bénis de Dieu. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 140.]

" ... voici le jour où les précieuses faveurs ont été prodiguées aux hommes, le jour où sa puissante grâce a imprégné toutes les choses créées... Bientôt, le présent ordre des choses sera révolu et un nouveau le remplacera. Vraiment, la vérité sort de la bouche de ton Seigneur, Celui qui connaît toutes choses invisibles. "

[Nota: Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, p. 7.]

Enfin, comme c'est le cas de toutes les révélations divines de l'histoire, le message de Bahá'u'lláh s'adresse au cœur et à l'esprit de l'individu. Selon ses propres paroles : " Ceci est la foi immuable de Dieu, éternelle dans le passé, éternelle dans l'avenir. "

[Nota: Kitáb-i-Aqdas, § 182]

Il appelle l'individu à avoir une relation plus mature avec son créateur, une relation qui est de mise avec un genre humain qui a amorcé son passage vers la maturité collective. Toutes les questions spirituelles avec lesquelles se bat la conscience humaine - le but de la vie, la découverte de soi, le développement de ses capacités - sont remaniées dans cette perspective :

" Ô mon frère, lorsqu'un chercheur honnête se décide à entreprendre une recherche sur la voie menant à la connaissance de l'Ancien des jours, il doit, avant toutes choses, purifier son cœur qui est le siège de la révélation des mystères intimes de Dieu, de la poussière " obscurcissante " de toutes les connaissances acquises et de toutes les allusions des incarnations de l'imaginaire satanique. Il doit purifier sa poitrine qui est le sanctuaire de l'amour constant de l'Aimé de toute profanation, et sanctifier son âme de tout ce qui est propre à l'eau et à l'argile, de tous les attachements chimériques et éphémères...

Ce n'est que lorsque la lampe de la quête, de l'effort sérieux, du désir ardent, de la dévotion passionnée, de l'amour fervent, du ravissement et de l'extase sera allumée dans le cœur du chercheur, et que la brise de sa tendre bonté soufflera sur son âme, que les ténèbres de l'erreur se dissiperont, que les brouillards des doutes et des craintes se lèveront, et que les lumières de la connaissance et de la certitude envelopperont son être. À ce moment, le héraut mystique portant la joyeuse nouvelle de l'Esprit, brillera de la cité de Dieu resplendissant comme le matin et, du coup de trompette de la connaissance, il sortira le cœur, l'âme et l'esprit du sommeil de la négligence.

... cette cité n'est rien d'autre que le verbe de Dieu à chaque époque et dans chaque dispensation. "

[Nota: Bahá'u'lláh, Kitáb-i-Iqán (Le Livre de la Certitude), éd. 1965, pp. 92-96.]



11. ÉPILOGUE - LES DÉFIS DU SUCCÈS

Nous avons relevé dans l'introduction une hypothèse émise par Edward Granville Browne, l'un des premiers érudits occidentaux à prendre connaissance de la foi bahá'íe en Perse au dix-neuvième siècle. Browne pensait que cette jeune foi représentait sans doute les prémices d'une nouvelle religion mondiale. Il lui semblait qu'elle offrait aux érudits l'occasion unique d'examiner en détail comment une nouvelle religion prend réellement naissance.

[Nota: E. G. Browne, A Traveller's Narrative, p. viii. . À la suite de ses premières recherches, Browne consacra une grande partie de son temps, au cours des trois décades qui suivirent, à une étude minutieuse des origines bahá'íes; il produisit plusieurs commentaires critiques et publia quelques traductions en anglais des principaux ouvrages de littérature bábíe et bahá'íe.

Ces efforts ne furent pas universellement appréciés par les contemporains de Browne. Bien que son travail ait attiré le soutien sympathique de certains de ses collègues, d'autres estimaient qu'il consacrait une attention disproportionnée à ce qu'ils considéraient comme un simple mouvement réformateur à l'intérieur de l'islam.

[Nota: Voir par exemple de E. Denison Ross, Babism, dans Great Religions of the World, pp. 189-216. Ross était un orientaliste britannique et un ami et confrère de Browne.]

Dans la revue savante et influente The Oxford Magazine, l'un des critiques alla même jusqu'à traiter les études bahá'íes de Browne de violation absurde de l'optique historique.

[Nota: Cité par E. G. Browne dans son introduction au livre Life and Teachings of `Abbas Effendi, de Myron H. Phelps, p. xiii, f. n. 1.]

L'histoire des cent premières années écoulées depuis que Browne entreprit son étude de la foi bahá'íe a confirmé son jugement premier. Lentement mais sûrement, un nouveau système religieux indépendant a pris forme et s'est établi dans pratiquement tous les pays du monde, un système distinct du milieu islamique au sein duquel il a pris naissance. Il n'est plus étonnant de constater que des autorités contemporaines sur les religions comparées, telles que l'historien Arnold Toynbee, incluent la foi bahá'íe parmi les grandes religions du monde à côté de l'islam et du christianisme.

[Nota: Voir l'introduction, note de bas de page n° 1.]

La même idée a été exprimée, bien que dans un esprit assez différent, par des porte-parole officiels des institutions islamiques. Dès 1925, une cour d'appel sunnite siégeant à Beba, en Égypte, concluait dans un cas soumis à son jugement : " La foi bahá'íe est une nouvelle religion, entièrement indépendante [de l'islam]... Aucun bahá'í ne peut, par conséquent, être considéré comme musulman et vice versa, de même qu'un bouddhiste, un brahmane ou un chrétien ne peut être considéré comme musulman. "

[Nota: Cité dans Dieu passe près de nous, de Shoghi Effendi, p. 354.]

Les bahá'ís croient que cette nouvelle religion indépendante a la capacité d'unir les peuples du monde et rendra possible, dans un futur éloigné, la naissance d'une civilisation universelle. Ce qui se fera, soulignent-ils, lorsque leur communauté sera capable de faire face aux épreuves créées par ses propres succès. Ce sujet d'épreuves, dans le sens bahá'í du terme, a besoin d'être commenté.

Les épreuves, nous enseigne Bahá'u'lláh, sont essentielles à la croissance humaine. Si nous ne sommes pas éprouvés, dit 'Abdu'l-Bahá, les potentialités latentes en nous et qui nous ont été données pour l'éternité, ne se développeront jamais :

" Sans les épreuves, l'or véritable ne pourrait être distingué du faux. Sans les épreuves, le courageux ne se différencierait pas du couard... Sans les épreuves, l'intelligence et les facultés des érudits des grandes écoles ne pourraient se développer. "

[Nota: 'Abdu'l-Bahá , The Divine Art of Living, p. 91.]

Ce concept s'applique également au développement de la communauté bahá'íe elle-même. Shoghi Effendi écrivit :

" Certes, l'histoire des cent premières années de son évolution se ramène à une série de crises internes et externes d'une gravité variable, dévastatrices dans leurs effets immédiats, mais libérant chacune, mystérieusement, leur équivalent en force divine, et amenant alors une impulsion nouvelle à son déploiement; ce nouveau déploiement, engendrant à son tour une plus grande calamité suivie d'une effusion plus généreuse de grâce céleste, permet à ses défenseurs d'accélérer encore sa marche et de gagner à son service des victoires plus éclatantes encore. "

[Nota: Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. xv.]

Il serait utile dès lors, de réfléchir aux nouvelles épreuves que doit à présent affronter la foi bahá'íe en tant que religion établie et jouissant d'une reconnaissance de plus en plus importante. Les principaux défis auxquels la communauté bahá'íe doit faire face sont les suivants :

- maintenir la communauté unie;

- parvenir à une participation universelle;

- faire face à une opposition croissante; et

- établir un mode de vie bahá'í comme modèle devant favoriser la naissance d'une civilisation mondiale.

La caractéristique la plus importante de la communauté bahá'íe est son unité. L'un des principaux buts de la communauté bahá'íe est d'aider l'humanité à s'unir. Aux yeux d'une époque particulièrement sceptique, le fait que la foi ait traversé indemne le premier siècle critique de son histoire, maintenant fermement intacte l'unité de sa communauté (à savoir qu'elle ne se soit pas divisée en sectes), lui donne une crédibilité des plus intéressantes.

[Nota: Comme le montrent les histoires de Muhammad-`Alí et d'Ibrahim Kheiralla (voir chapitre 4), le succès remporté par la communauté bahá'íe en évitant le schisme n'est pas dû à l'absence d'attaques contre son unité fondamentale. En plus de ces deux contemporains de 'Abdu'l-Bahá , l'histoire de la foi bahá'íe depuis la mort de Bahá'u'lláh en 1892 a connu plusieurs tentatives de scission entreprises par des membres éminents de la communauté dans le but de créer des factions qui leur soient fidèles. Cependant, aucune de ces tentatives n'a été soutenue par un nombre conséquent de bahá'ís, et la plupart ont disparu avec la mort des individus qui en étaient à l'origine.. ]

Cette réalisation en elle-même la distingue des autres religions du monde, car on ne peut en dire autant d'aucun autre mouvement religieux d'importance. À maintes reprises, dans toutes les formes d'association religieuse, des schismes se sont développés très tôt au cours des phases les plus vulnérables de leur histoire; et l'impulsion génératrice a dû poursuivre son travail par l'intermédiaire de sectes et de confessions souvent en désaccord.

En ce qui concerne les religions mondiales plus anciennes, le problème était moins critique. D'autres préoccupations accaparaient l'énergie et l'attention des croyants. Cependant, dans le cas de la foi bahá'íe, l'unité est le cachet de sa revendication d'origines divines. Bahá'u'lláh refusa en des termes très forts toute tentative d'introduction du virus de l'esprit partisan ou de l'esprit de dissension à l'intérieur de la communauté.

[Nota: Dans son Testament (p.15), 'Abdu'l-Bahá demandait aux Mains de la cause d'expulser immédiatement de la foi tout individu qui tenterait délibérément de nuire à l'unité de la communauté. L'épreuve consiste à déterminer l'attitude de l'individu envers les institutions centrales établies dans l'alliance de Bahá'u'lláh : La jeune branche sacrée, le Gardien de la cause de Dieu, ainsi que la Maison Universelle de Justice qui doit être établie par des élections universelles, sont placées à la fois sous la garde et sous la protection de la Beauté d'Abhá [c.à d. Bahá'u'lláh], sous la sauvegarde et l'infaillible direction de Sa Sainteté, le Glorifié [c. à d. le Báb]... Tout ce qu'ils décident vient de Dieu. Quiconque ne lui obéit pas ni ne leur obéit, n'a pas obéi à Dieu... 'Abdu'l-Bahá avait clairement établi qu'il ne parlait pas là de différences d'opinions ou de défaillances de comportement personnel, mais plutôt de tentative délibérée de schisme niant l'autorité établie par les Écrits bahá'ís. À celui qui agissait ainsi, il a donné le nom de Briseur d'alliance et a affirmé qu'une telle personne ne pouvait plus prétendre au nom de bahá'í ni conserver quelque lien que ce soit avec la communauté bahá'íe. ]

Il n'y a pas de sectes ou de groupes dans la foi bahá'íe, tels que libéraux, orthodoxes ou réformés. La diversité de vue est perçue comme une fonction de l'individualité de la conscience. Elle est inhibée, découragée par l'esprit de discorde. Ainsi, les bahá'ís à travers le monde font partie d'une communauté unique et organiquement unifiée.

Que va-t-il se passer aujourd'hui que la foi commence à se développer très rapidement partout dans le monde, parmi des cultures et des peuples radicalement différents ? Va-t-elle pouvoir maintenir le même degré d'unité, alors que des communautés régionales ont des décades d'avance sur d'autres en matière d'intégration de certains des enseignements de la foi dans leur structure sociale tout en ayant des décades de retard en matière de ressources disponibles et de sophistication administrative ? Nous vivons aujourd'hui une ère de pressions politiques cruellement intenses. Dans des pays déchirés par des rivalités culturelles ou ethniques, la communauté bahá'íe sera-t-elle capable de poursuivre l'accroissement du nombre de ses membres en attirant des personnes de ces différents milieux opposés ? L'autorité de la Maison Universelle de Justice est vitale pour maintenir l'unité de la foi. Sera-t-elle capable de maintenir une discipline bahá'íe dans une communauté religieuse particulièrement diversifiée et en rapide développement à une époque où l'effondrement social est général ? À ce sujet, la communauté bahá'íe sera-t-elle capable de maintenir une unité de croyance en se concentrant sur les interprétations des enseignements de Bahá'u'lláh données par les figures centrales de la foi bahá'íe, dont le Gardien, Shoghi Effendi.

[Nota: La question n'est pas hypothétique. En 1994, un petit groupe d'individus, répertoriés comme étant membres de la communauté bahá'íe des États-Unis, conçurent un plan pour refondre entièrement la foi bahá'íe en une sorte d'idéologie socio-politique, dont ils seraient eux-mêmes les interprètes. Ce programme devait être accompli en démantelant la légitimité de 'Abdu'l-Bahá et de Shoghi Effendi, et en imposant aux Écrits de Bahá'u'lláh une interprétation profane, étrangère à leur dessein manifeste. Bien qu'elle ait été agressivement poursuivie au moyen de catalogues sur le réseau électronique, l'initiative ne réussit singulièrement pas à influencer les bahá'ís qui en eurent connaissance. Ses partisans se retirèrent finalement de la communauté lorsque leurs vues furent contestées par les institutions de la foi.?]

En un sens la communauté bahá'íe est de toute évidence bien mieux équipée pour faire face à ces défis aujourd'hui que par le passé. Aucune personne possédant une compréhension correcte des enseignements et de l'histoire de la foi ne pourrait invoquer la confusion quant à la position de la Maison Universelle de Justice en tant que seule autorité législative de la communauté. La documentation est complète et a été largement diffusée; la totalité des croyants participe à l'élection de cette institution selon les directives laissées par Bahá'u'lláh; et la Maison Universelle de Justice elle-même a guidé le développement de la communauté en général par le biais de plans successifs d'enseignement, au cours desquels tous les autres organes de la communauté ont mené à bien le rôle qui leur avait été assigné par la Maison de Justice.

Toute vulnérabilité attribuable à la foi à ce moment de son histoire est plutôt liée au rapide développement de la communauté et à la situation instable du monde. Au cours de chacune de ces dernières années, des milliers de croyants ont rejoint la foi et cet accroissement du nombre de ses membres semble aujourd'hui s'accélérer. Ceci est particulièrement vrai dans le Tiers-Monde. Une grande partie de la communauté est composée de membres qui sont venus à la foi en raison d'une reconnaissance intuitive de Bahá'u'lláh en tant que messager de Dieu et en raison de l'attraction exercée par l'esprit et l'exemple concret de l'unité bahá'íe.

Un grand nombre de ces nouveaux croyants est illettré, et par conséquent la consolidation de cette communauté grandissante dépend en grande partie des moyens de déplacement et du système de communications qui se dégradent chaque jour en raison d'événements internationaux incontrôlables. 'Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi ont tous deux prédit que viendrait un temps où, en raison d'un bouleversement social général et d'un éventuel effondrement total, les communications avec le Centre mondial de la foi seraient temporairement coupées (comme elles le furent durant la Première et la Seconde Guerre mondiale), peut-être pendant des périodes de temps assez conséquentes. La jeune administration bahá'íe sera-t-elle capable de maintenir l'unité de croyance et d'action actuelle au cours de telles périodes ?

Les bahá'ís pensent que oui. Pour eux, l'alliance de Bahá'u'lláh contient la certitude absolue que Dieu continuera de préserver l'unité de sa communauté comme il l'a fait tout au long des vicissitudes des années passées. Certes les institutions de la foi possèdent à travers les Écrits sacrés l'autorité requise pour retirer son droit de participation à un individu ou à un groupe d'individus qui, après avoir été conseillés et mis en garde, tentent de créer un schisme. Néanmoins, une chose est évidente : la communauté bahá'íe entre maintenant dans une étape de son développement où son unité soigneusement préservée sera davantage encore soumise à de puissantes tensions.

La communauté doit faire face à un autre défi : s'assurer de la participation de l'ensemble de ses membres au travail de la foi. À première vue, cette question ne devrait pas préoccuper les membres de cette religion outre mesure. La communauté bahá'íe est une organisation laïque (c'est-à-dire sans clergé); l'une de ses caractéristiques distinctives est l'implication déjà importante de ses membres, du plus haut placé au plus humble, dans la conduite de ses affaires.

Cette caractéristique n'est cependant pas simplement une adjonction agréable à son existence. Elle est essentielle à sa survie et à sa croissance. La raison d'être de la foi bahá'íe est de construire une nouvelle sorte de société qui puisse devenir le modèle d'une civilisation universelle. Elle n'y parviendra, du moins aux yeux de son fondateur et de ses membres, qu'en avançant fermement sur le chemin de la réalisation de sa mission. Une telle progression dépend de la mobilisation d'énormes ressources humaines et matérielles. Pour une communauté aussi petite, du moins relativement, ces ressources ne peuvent être disponibles qu'au travers de la volonté de tous ou d'une grande majorité de ses membres de participer activement aux programmes de la communauté. C'est sans doute dans cette optique que la Maison Universelle de Justice a instauré la participation universelle comme l'un des buts jumeaux de ses premiers plans généraux dont le premier fut lancé en avril 1964, une année après sa première élection.

[Nota: Message de la Maison Universelle de Justice, 1963-1986, 14.8.]

Travaillant sur ce thème, la Maison Universelle de Justice publia la déclaration suivante :

" ... la participation de chaque croyant est de la plus grande importance et une source de pouvoir et de vitalité qui nous est encore inconnue... Si chaque croyant s'acquitte de ces devoirs sacrés, nous serons étonnés de l'accroissement du pouvoir qui en résultera pour le corps tout entier, qui engendrera à son tour une croissance plus importante encore et une pluie de bénédictions plus grandes encore sur nous tous.

Le véritable secret de la participation universelle repose dans le souhait souvent répété du Maître [c'est-à-dire 'Abdu'l-Bahá ] : que les amis devraient s'aimer les uns les autres, constamment s'encourager, travailler ensemble, être comme une seule âme dans un seul corps et devenir en agissant ainsi un véritable corps, sain et systématiquement organisé, animé et illuminé par l'Esprit. "

[Nota: Message de la Maison Universelle de Justice, 1963-1986, 19.4-19.6.]

Cet appel a des implications évidentes sur la vie de la communauté dans le monde occidental. Dans les communautés plus jeunes d'Afrique, d'Amérique du Sud, d'Asie et du Pacifique où la foi fut introduite à l'origine par des pionniers venus d'Iran et d'Amérique du Nord, cet appel à la participation universelle a encore une autre dimension : dans ces pays, le défi consiste à faire assumer aux membres autochtones de la communauté bahá'íe, largement majoritaires, la pleine responsabilité de l'administration de la foi et de son développement selon des lignes propres à un environnement culturel particulier.

La communauté bahá'íe dans son ensemble a déjà fait des progrès impressionnants dans ce sens. Les premières photographies des assemblées spirituelles nationales d'un certain nombre de ces pays (et même celles de certaines petites nations européennes), montraient un pourcentage élevé de pionniers étrangers. Ceci a aujourd'hui totalement changé. Il n'y a que peu, voire aucune, communauté nationale où les affaires de la foi ne soient complètement entre les mains de croyants locaux dans ces parties du monde. Toutefois le contrôle de l'administration de la communauté bahá'íe n'est que la première étape. Les membres autochtones de ces importantes communautés bahá'íes doivent aujourd'hui faire face à un autre défi : assumer la pleine responsabilité des nombreuses activités détaillées que nécessitent les plans globaux d'enseignement conçus par la Maison Universelle de Justice, à savoir : créer des écoles et des centres communautaires, organiser des projets de développement économique et établir des liens plus étroits avec les autorités civiles gouvernementales à tous les niveaux.

Dans aucun domaine le défi à la participation n'est aussi important que dans celui de la propagation du message bahá'í. La plupart des corps religieux considéreraient que le taux actuel de croissance de la communauté est impressionnant; il est cependant loin de générer les millions d'adeptes nécessaires à la réalisation de la vision de Bahá'u'lláh pour sa communauté. De toute évidence cela est simplement dû au fait que jusqu'à présent seule une petite minorité des bahá'ís enseigne directement la foi aux autres. C'est sans doute dû en partie à l'interdiction bahá'íe de faire du prosélytisme agressif, principe dont peu d'observateurs seraient prêts à contester la valeur. Étant donné cependant que de nombreux bahá'ís attirent avec succès d'autres personnes à la foi sans violer ce principe, il est clair que la véritable solution est une plus grande participation.

La situation actuelle permet donc une participation active accrue de la part de milliers de bahá'ís, qui auraient pu sans cela, demeurer de simples membres passifs de la communauté. Ceci se produira-t-il vraiment ? Ou bien l'attraction et les pressions exercées par les problèmes politiques et économiques détourneront-elles les énergies des croyants les plus compétents des programmes de la foi, comme ce fut le cas pour les adeptes d'un certain nombre d'autres organisations religieuses ? Les membres autochtones des communautés nationales les plus importantes pourront-ils s'adapter au schéma de vie importé par les pionniers étrangers de manière à répondre à leurs besoins régionaux tout en demeurant fidèles à la vision de Bahá'u'lláh ? Pourront-ils produire les ressources humaines dont la communauté internationale bahá'íe a tant besoin pour mener à bien ses ambitieux programmes ?

De tels défis représentent pour des organismes sains des stimulations positives qui aident à leur développement. D'autres défis ont moins d'attrait. Il existe des personnes qui sont profondément opposées au développement de la foi bahá'íe et qui, dans certains cas, ne recherchent rien de moins que sa destruction. Les bahá'ís en général n'aiment pas s'étendre sur ce sujet, mais il est traité avec vigueur dans les écrits de la foi. Shoghi Effendi par exemple a dit :

" Comment les prémices d'un soulèvement mondial, libérant des forces qui dérangent si profondément l'équilibre social, religieux, politique et économique d'une société organisée, ... peuvent-elles manquer d'avoir des répercussions sur les institutions d'une religion si jeune, dont les enseignements ont une incidence directe et vitale sur chacune de ces sphères de la vie et de la conduite humaine ?

Il ne faut pas s'étonner, par conséquent, s'ils [les bahá'ís] ... s'aperçoivent qu'au milieu de ce tourbillon de passions opposées, leur liberté a été restreinte, leurs principes méprisés, leurs institutions attaquées, leurs mobiles calomniés, leur autorité compromise et leur revendication rejetée. "

[Nota: Shoghi Effendi, Avènement de la justice divine, p. 9.]

De telles attaques, à un degré ou à un autre, ont marqué le siècle tout entier et un tiers de la vie de cette jeune religion. Elles ont récemment commencé à s'aggraver et à nécessiter une réponse énergique et unifiée de la part de la communauté internationale bahá'íe. Dans plusieurs pays musulmans, l'opposition a pris la forme de campagnes manifestes de répressions, et en Iran, berceau de la foi bahá'íe, elle a eu pour résultat des souffrances humaines sur une grande échelle.

Le principal crime de la foi bahá'íe aux yeux du clergé chiite musulman en Iran est son existence même. La théologie musulmane fondamentaliste considère Mohammed comme le dernier des messagers que Dieu enverra et l'islam comme la dernière religion pour l'humanité. De ce point de vue par conséquent, il est absolument impossible qu'une nouvelle religion naisse. Contraints de faire face au fait que non seulement la foi bahá'íe existe, mais qu'elle se développe aussi rapidement, des musulmans fanatiques, en particulier dans l'Iran chiite, ont cherché à la représenter de différentes manières, soit comme une hérésie soit comme un mouvement politique ou une conspiration contre l'islam, et considèrent l'extermination de la foi comme un service rendu à Dieu.

Sous le régime des chahs et pour répondre à la pression du clergé, on refusa à la foi bahá'íe la reconnaissance civile accordée aux croyances des trois autres minorités religieuses du pays : les juifs, les chrétiens et les zoroastriens. Étant donné que les droits civiques en Iran dépendent de la reconnaissance officielle accordée à la foi de chaque individu, cela signifiait que les trois cent mille bahá'ís et plus, dont le nombre dépassait les trois autres minorités réunies, n'avaient aucun recours à la protection de la loi civile.

Cela eut pour résultat d'exposer les bahá'ís à tous les préjudices que les personnes malintentionnées parmi la majorité musulmane avaient décidé de leur faire subir. Les cimetières bahá'ís étaient fréquemment profanés par des foules organisées, les enfants bahá'ís couramment humiliés en classe sous le nom de sales bábís, on refusait aux bahá'ís des emplois dans différentes branches de l'administration, et de nombreux adeptes de la foi furent battus, violés et même tués lors d'explosions occasionnelles de fanatisme suscitées par le clergé chiite musulman. De temps à autre, dans le but de détourner l'attention publique des préoccupations politiques ou économiques, le régime du chah prenait l'initiative de persécuter les bahá'ís, qui servaient alors de boucs émissaires. En 1955 l'une de ces persécutions organisées nécessita l'intervention des Nations unies.

[Nota: Pour de plus amples informations sur les persécutions au cours de la période Pahlavi, voir Les bahá'ís d'Iran sous le régime Pahlavi, 1921-1979, de Douglas Martin, dans Middle East Focus, vol. 4, n° 6, 1982, pp. 7-17.]

Après la révolution islamique, au début de l'année 1979, la situation s'aggrava.

[Nota: L'Ayatollah Khomeini exprima le point de vue du nouveau régime dans une interview avec le professeur James Cockroft, de Rutgers University, en décembre 1978, publiée dans le journal des affaires publiques des États-Unis Seven Days du 23 février 1979, p. 20. La transcription de l'interview fut approuvée par l'Ayatollah et son assistant, le Dr. Ibrahim Yazdi : Question : Y aura-t-il une liberté religieuse ou politique pour les bahá'ís sous le régime instauré par le gouvernement islamique ? Réponse : Ils constituent une faction politique; ils sont nuisibles; ils ne seront pas acceptés. Question : Et en ce qui concerne la liberté de religion, de pratique religieuse ? Réponse : Non.]

Sous l'égide du clergé chiite alors à la tête du nouveau gouvernement, les biens bahá'ís furent saisis, les sanctuaires bahá'ís occupés par des bandes de musulmans armés et en grande partie détruits, les cimetières des croyants passés au bulldozer, les membres de la communauté renvoyés de leur travail, leurs retraites supprimées et leurs épargnes confisquées, et les enfants bahá'ís dans tout l'Iran furent renvoyés de l'école. La nouvelle constitution islamique adoptée en automne 1979 rendit la privation des bahá'ís de tous droits civiques encore plus explicite que ne l'était l'ancienne constitution impériale.

En été 1980, les comités révolutionnaires commencèrent à arrêter les membres des assemblées locales et de l'assemblée nationale bahá'íes, ainsi que d'autres éminents croyants, et à les condamner à mort. Bien que les porte-parole du gouvernement se soient efforcés, à l'extérieur de l'Iran, de présenter ces massacres comme l'exécution d'espions, les accusations étaient explicites : les croyances et l'appartenance à la communauté bahá'íe des victimes étaient assimilées aux crimes pour lesquels elles avaient été condamnées, et l'on proposait à chacune d'entre elles de se convertir à l'islam en échange de la vie sauve. Les exécutions et autres actes de persécution contre les bahá'ís étaient clairement qualifiées de suppression de l'hérésie bahá'íe dans la presse iranienne contrôlée par le gouvernement.

[Nota: Au cours d'une interview avec un journal contrôlé par le gouvernement, le Khabar-i-Junúb, Chiráz, le 22 février 1983, le juge religieux islamique qui envoya à l'échafaud dix femmes et jeunes filles bahá'íes de cette ville déclara : Les bahá'ís doivent renier le bahá'ísme avant qu'il ne soit trop tard. Faute de quoi la nation islamique accomplira bientôt la prière mentionnée dans le Qur'án : " Seigneur, ne laisse pas sur terre une seule famille d'infidèles. " Pour un rapport détaillé sur les persécutions, voir The Bahá'ís in Iran, A Report on the Persecution of a Religious Minority. ]

Finalement en août 1983, le régime islamique interdit formellement toute institution bahá'íe en Iran, qu'elle soit religieuse, éducative ou charitable. Dans le souci d'obéir au principe bahá'í de soumission aux autorités civiles dans de tels cas, l'Assemblée Spirituelle Nationale des Bahá'ís d'Iran décida de dissoudre toutes les assemblées spirituelles locales de l'Iran, puis annonça sa propre dissolution. En dépit de ce signe de soumission, les autorités commencèrent alors à emprisonner tous les anciens membres des assemblées dissoutes, rendant en fait le décret rétroactif. Le congrès des États-Unis a eu des preuves de première main de la torture systématique des prisonniers dans le but d'obtenir des rétractations et des confessions d'espionnage.

La réponse des bahá'ís à ces attaques s'est faite sous deux formes. Lorsque les appels répétés aux régimes révolutionnaires iraniens successifs ne reçurent aucune réponse, un effort concerté fut entrepris dans le but de s'assurer de l'intervention internationale. À la suite d'une résolution unanime prise par le Parlement canadien en été 1980, plusieurs gouvernements nationaux commencèrent à faire pression sur l'Iran pour qu'elle arrête sa campagne de terreur. Le Parlement européen en fit autant en automne 1980, et toute une série d'audiences par différents bureaux des Nations unies conduisirent à des prises de résolutions annuelles dont l'une, en mars 1984, institua une commission d'enquête sous l'autorité du secrétaire Général. Le Congrès des États-Unis a dénoncé à deux reprises ces persécutions en des termes particulièrement forts.

[Nota: Pour plus de détails à la fois sur les persécutions par le régime islamique et la réponse bahá'íe à celles-ci, voir The Bahá'ís of Iran under the Islamic Republic, 1979-1983, de Douglas Martin, dans Middle East Focus, vol. 6, n° 4, pp. 17-27, 30-31.]

La pression internationale s'accentua au fil des années, provoquant une dénonciation accrue du régime iranien par les médias, et une critique virulente de la part de divers rapporteurs des Nations unies. En 1994, il apparut que les autorités centrales de Téhéran commencèrent à considérer que les injures les plus flagrantes aux droits des bahá'ís entraînaient des conséquences politiques et économiques trop graves. L'emprisonnement et l'exécution de membres de la communauté diminuèrent de façon spectaculaire, pour privilégier la campagne de harcèlement dans la vie quotidienne. Un rapporteur spécial des Nations unies, Mr. Reynaldo Galindo Pohl, révéla en 1993 que le régime n'avait pas modifié son objectif premier, et divulgua à cet effet à la Commission des Droits de l'Homme, le contenu d'un document secret du gouvernement iranien qui fait état d'un programme qui, espérait-on, allait étouffer la minorité bahá'íe sans trop attirer l'attention internationale.

Le cas de la minorité des bahá'ís iraniens présente un aspect intéressant en illustrant l'efficacité surprenante du système des droits de l'homme des Nations unies. Alors que de l'aveu général elle est lourde et lente, la pression des évaluations et des résolutions toujours négatives du H.C.R. de l'O.N.U. peut avoir pour effet d'isoler un gouvernement peu coopératif et de rendre son économie et sa politique étrangère sujettes à de multiples conséquences indésirables.

[Nota: Voir aussi Douglas Martin, The Case of the Bahá'í Minority in Iran, dans Bahá'í World, série II, vol. 1, pp. 247-271, Centre Mondial Bahá'í, 1993.]

À long terme, la réaction la plus significative sera certainement celle de la communauté bahá'íe iranienne elle-même. En dépit des attaques des mollahs, les bahá'ís d'Iran ont conservé une attitude de respect envers l'islam. À leurs yeux, la critique que leur foi puisse être opposée à l'islam paraît particulièrement injustifiée. Ils ont souligné qu'en devenant bahá'ís, un grand nombre de croyants d'origine chrétienne, juive, bouddhiste ou hindoue avaient aussi accepté le caractère divin de l'islam et de son prophète.

La communauté a également donné des preuves convaincantes de sa fidélité au principe bahá'í de respect envers le gouvernement civil et de non-implication dans des politiques partisanes. Bien qu'ils appartiennent à la communauté la plus dénigrée de l'Iran actuel, les bahá'ís ont refusé de prendre part à différents soulèvements civils par le biais desquels les ennemis politiques du régime islamique ont cherché à provoquer sa chute. En fait, ils ont même évité de faire appel à l'intervention internationale pendant la première année des persécutions actuelles, afin de donner au régime une chance de rectifier les abus dont ils étaient victimes. Cette même politique, qui d'après les bahá'ís protégera leur foi à long terme, a été régulièrement suivie sous la dynastie Pahlavi.

D'un point de vue purement objectif, on pourrait dire que les épreuves subies actuellement en Iran ont été largement bénéfiques à la religion, bien que le prix payé ait été atrocement élevé. L'attention mondiale accordée aux efforts entrepris pour soulager les souffrances des bahá'ís a engendré une éducation massive de hauts fonctionnaires du gouvernement, d'universitaires, des médias et du public en général dans de nombreux pays quant à la nature de la foi bahá'íe, ses objectifs et ses enseignements. La nature même des questions en jeu a contribué à démontrer le caractère pacifique et progressif de la communauté bahá'íe. Pour les bahá'ís hors d'Iran, le fait de se dresser, ensemble, pour défendre leurs frères croyants contre un assaut barbare et gratuit a sans aucun doute eu un puissant effet de consolidation sur la foi de ses membres si différents. Par-dessus tout, l'héroïsme dont ont fait preuve les bahá'ís d'Iran en offrant leur vie même a servi à prouver de manière convaincante que l'élan spirituel premier de la foi n'avait en aucun cas faibli. Une fois de plus le vieil adage " le sang des martyrs est la semence de la foi " était démontré, cette fois-ci devant les caméras de télévision du monde entier.

Les persécutions des bahá'ís ne se sont pas limitées aux sociétés musulmanes. Les bahá'ís, tout comme de nombreuses autres religions, ont aussi subi l'hostilité des régimes totalitaires. Dans l'Allemagne nazie, la foi fut officiellement proscrite et les activités interdites. Cela était dû principalement aux enseignements bahá'ís concernant l'unité raciale. Dans les pays communistes, la suppression a été presque totale. La théorie marxiste qui dénie l'existence de Dieu et d'une âme rationnelle, et qui cherche à justifier l'histoire sociale de l'humanité par une philosophie du matérialisme, refusa toute existence à la foi bahá'íe, et ce sans le moindre examen. Il n'y avait pas plus de place dans la cosmographie marxiste pour une nouvelle révélation de Dieu que pour les précédentes. En Union Soviétique, un grand nombre de bahá'ís furent arrêtés et parfois même exilés en Sibérie; les institutions de la foi furent dissoutes; sa littérature et ses archives saisies et toutes ses activités d'enseignement interdites. La maison d'adoration bahá'íe d'Ishqábád, la première à être érigée, fut confisquée pour les besoins du gouvernement.

[Nota: Il a été construit vers la fin du dix-neuvième siècle. Les autorités soviétiques l'ont ensuite détruit.. ]

Le degré de répression variait d'un pays communiste à un autre mais, dans tous les cas, la permanence de la communauté bahá'íe était soumise à de sévères restrictions.

[Nota: Dans Dieu passe près de nous, pp. 343-344, Shoghi Effendi résume l'expérience de la communauté bahá'íe sous les régimes nazi et communiste.]

Comme tous les autres aspects de la vie dans les pays de l'Est, la situation changea de façon spectaculaire après la chute du mur de Berlin. Depuis 1990, de nouvelles assemblées spirituelles nationales ont été fondées dans toute cette région du globe, les assemblées spirituelles locales se multiplient, et des programmes énergiques de traductions et d'éditions rendent la littérature bahá'íe disponible dans différentes langues.

Enfin la foi bahá'íe a dû supporter les attaques persistantes de différents représentants de la chrétienté traditionnelle, en particulier celles des missionnaires de retour dans leur pays.

[Nota: Voir par exemple, S. G. Wilson, Bahá'ism and Its Claims; J. R. Richards, The Religion of the Bahá'ís; W. M. Miller, Bahá'ism, Its Origins and Teachings, New-York, Chicago, Fleming H. Revell company, 1931; R. P. Richardson, voir ses nombreux articles dont The Persian Rival to Jesus..., août 1915 et The Precursor, The Prophet and The Pope, octobre 1915, Open Court, un journal de religions comparées.]

Aucune région où se sont rendus les missionnaires chrétiens n'a été aussi ingrate et décourageante que le Proche et Moyen Orient islamique. Il y a plus de soixante-dix ans, Edward Grandville Browne soulignait qu'un certain nombre de missionnaires chrétiens, devant l'échec de leurs efforts, avait été irrité par les succès des enseignants bahá'ís qui travaillaient dans les mêmes régions. Cet antagonisme fut accentué par le fait que la foi bahá'íe commençait aussi à progresser de manière significative dans les pays occidentaux, parmi des personnes d'origine chrétienne. Les missionnaires répliquèrent en publiant, avec leurs homologues musulmans, des attaques acerbes sur les buts et pratiques bahá'íes. Cette foi, qui avait été l'objet de persécutions barbares en Orient, se retrouvait maintenant soumise en Occident à d'énormes déformations de son histoire et de ses enseignements et à des actions tendant à la présenter comme hostile au christianisme.

[Nota: Robert Richardson, The Precursor, The Prophet and The Pope, dans Open Court, vol. 30, novembre 1916, p. 626, dit par exemple de la croyance bahá'íe en l'infaillibilité de la manifestation de Dieu : Cette doctrine qui ne peut être caractérisée que comme le principe religieux le plus pernicieux qu'aucun être humain ait jamais osé formulé - ce même principe qui anima la secte religieuse connue sous le nom de Assassins - a été fermement suivie par les bábís et les bahá'ís et ce, contre vents et marées.]

Les attaques organisées par les Églises chrétiennes contre la foi bahá'íe ont été particulièrement violentes en Allemagne. En 1953, la communauté bahá'íe d'Allemagne fit la demande pour obtenir une parcelle de terrain à Francfort afin d'y ériger la première maison d'adoration sur le continent européen. Les Églises protestantes organisèrent une série de réunions de protestations, et furent rejointes plus tard par les autorités de l'Église catholique romaine locale. Cette pression eut pour conséquence une lutte qui dura six ans, simplement pour obtenir un site et le permis de construire.

En fin de compte, cette opposition se révéla non seulement inefficace, mais alla même à l'encontre du but recherché. Le permis de bâtir fut délivré en 1959 pour un plan conçu par l'architecte renommé Teuto Rocholi et, en 1963, plusieurs milliers de bahá'ís européens assistèrent à la consécration officielle de l'édifice. Il n'est pas surprenant que ce déploiement de préjugés ait eu pour conséquence de générer des articles de journaux et des présentations radiophoniques favorables à la communauté bahá'íe, produisant finalement la leçon publique la plus étendue sur la nature et les enseignements de la foi bahá'íe que l'Allemagne ait jamais connu.

En 1981, le Dr. Kurt Hutten, directeur de l'agence de publicité protestante, " Evangelische Zentralstelle für Weltanschauungsfragen ", et auteur de plusieurs articles anti-bahá'ís, se saisit d'une extraordinaire monographie rédigée par un certain Francesco Ficicchia, dont le comportement avait conduit à son expulsion de la foi, et qui avait exprimé par écrit son intention de faire tout ce qui était en son pouvoir pour salir sa réputation. Bien que cette monographie ait été clairement malveillante et intéressée, et bien que l'auteur n'ait pu se targuer d'aucune référence savante, la maison d'édition de la Zentralstelle édita ce travail et le distribua largement en le présentant comme le résultat d'une recherche scientifique très sérieuse.

Finalement, trois érudits bahá'ís allemands entreprirent la tâche laborieuse de répondre au tissu de polémiques et de déformations colporté par ce livre. Publié par l'honorable maison d'éditions indépendante Olms Verlag, leur réponse, " Desinformation als Methode " constitue un travail très fouillé de plus de 600 pages et un ouvrage source inestimable pour la communauté bahá'íe.

[Nota: Auteurs : Udo Schafer, Ulrich Gollmer, Nichola Towfigh]

Comme pour la crise à propos de la construction de la maison d'adoration, les attaques via les ouvrages publiés ont d'abord bénéficié aux victimes, en accomplissant en peu de temps ce que les efforts bahá'ís seuls n'auraient pu atteindre en plusieurs années. Le débat a en réalité attiré l'attention des érudits allemands sur les thèmes majeurs et les sources premières de l'histoire et de la croyance bahá'íe, et a semé un doute sérieux quant au crédit à accorder à ceux qui avaient gratuitement cherché à lui nuire.

Une crise récente dans un autre domaine a également renforcé la position bahá'íe en Allemagne. À Tubingen, l'administrateur juridique de la cour régionale refusa les statuts de l'assemblée bahá'íe locale, sous prétexte que le système à trois niveaux des institutions bahá'íes élues était d'une certaine manière incompatible avec la loi allemande. L'Assemblée Spirituelle Nationale fit appel devant la Haute Cour constitutionnelle fédérale. Cette institution décida que l'ordre administratif bahá'í faisait partie intégrante de la religion elle-même, et n'était donc pas soumis aux restrictions juridiques citées, décision qui fit date.

Dans un pays où les opposants ecclésiastiques cherchaient à semer le doute sur le statut de la foi comme religion reconnue, le jugement a été particulièrement significatif :

Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans cette affaire étant donné que la foi bahá'íe est évidemment reconnue comme religion et la communauté bahá'íe comme communauté religieuse, dans la vie quotidienne, dans la tradition culturelle, et dans la compréhension du public et de la science des religions comparées.

[Nota: Cour fédérale constitutionnelle, 5 février 1991; 2 Bur-263/86.]

Quoique ces victoires aient sans aucun doute été gratifiantes pour les communautés bahá'íes d'Allemagne et d'ailleurs, l'intensité de la campagne menée contre leur religion par des organisations religieuses nous donne un aperçu d'animosité profondément ancrée qui pourrait revêtir d'autres formes à l'avenir.

L'opposition représente un défi qui revêtira de nouvelles formes et de nouvelles dimensions au fur et à mesure que les activités de la communauté bahá'íe se développeront et attireront l'attention d'un plus vaste public. L'esprit avec lequel les bahá'ís font face à ces nouvelles attaques et leurs réponses à ces questions affecteront profondément l'image internationale naissante de leur foi et la qualité de la vie au sein même de leur communauté.

Le maintien de l'unité, la réponse à l'opposition et l'implication de la grande majorité des membres de la communauté dans le travail de développement ne suffiraient pas, en eux-mêmes, pour parvenir au but fixé par Bahá'u'lláh. Pas plus d'ailleurs qu'ils ne convaincraient l'humanité en général de ce que la révélation bahá'íe détient la réponse au futur de l'humanité. Ceci n'adviendra que si notre époque, de plus en plus sceptique, observe chez les bahá'ís une manière de vivre nouvelle et plus attrayante. Dans une déclaration souvent citée, Shoghi Effendi dit :

" Une chose et une chose seulement assurera à elle seule infailliblement le triomphe incontesté de cette cause sacrée, c'est-à-dire, le degré avec lequel notre propre vie intérieure et notre caractère particulier refléteront, dans leurs différents aspects, la splendeur de ces principes éternels proclamés par Bahá'u'lláh. "

[Nota: Shoghi Effendi, Bahá'í Administration, p. 66.]

Il ne fait pratiquement aucun doute que la communauté bahá'íe représente une alternative attrayante face à tout ce qui attire l'attention de la société moderne. Depuis les premiers jours de son existence, le caractère des membres de la foi a généralement conquis l'admiration et la louange des observateurs. Edward Granville Browne fit la remarque suivante à la fin du dix-neuvième siècle :

" J'ai souvent entendu les prêtres chrétiens exprimer leur émerveillement devant l'extraordinaire succès remporté par les missionnaires bábís [c'est-à-dire bahá'ís], qui contrastait avec l'échec pratiquement total des leurs... La réponse, pour moi, est aussi claire que le soleil en plein midi. [Viennent ensuite quelques commentaires critiques de certains aspects du sectarisme chrétien]... Cependant, pour l'observateur occidental, c'est la sincérité totale des bábís, leur courage et leur indifférence devant la mort et la torture endurées par amour de leur religion, leur certitude quant à la vérité de leur foi, leur admirable conduite envers l'humanité en général, et particulièrement envers leurs coreligionnaires, qui attirent le plus son attention. "

[Nota: E. G. Browne, dans son introduction au livre de Myron H. Phelps, Life and Teachings of `Abbás Effendi, pp. xv-xx.]

Les observateurs actuels ont eux aussi tendance à complimenter la communauté. Une démonstration pratique d'une totale intégration raciale, le soin pris d'éviter toute controverse religieuse ou critique à l'encontre des autres religions, son indépendance face à la corruption et aux scandales moraux et financiers souvent associés aux mouvements religieux des temps modernes, le développement du message bahá'í sans recours au prosélytisme agressif et, d'une manière générale, la réputation d'hospitalité que s'est faite la communauté, tout cela a contribué à jeter les bases d'un respect largement répandu.

Cependant, une fois encore, l'accroissement des crises dans les affaires humaines est aujourd'hui un défi impressionnant face à la revendication de la communauté bahá'íe de représenter un modèle pour un changement social radical. Dans les pays occidentaux, le public voudra vérifier, par exemple, si la vie familiale bahá'íe présente un renouveau, et dans quelle mesure les préceptes de Bahá'u'lláh se reflètent dans la vie et les attitudes des nouvelles générations d'enfants et d'adolescents bahá'ís. En Afrique le tribalisme continue à contrecarrer les efforts faits par les mouvements politiques aussi bien que religieux pour établir une identité propre autour de laquelle un type différent de société puisse être organisé. Est-ce que les communautés bahá'íes dans ces pays font face à ce défi ? Dans de nombreux pays asiatiques, en dépit de programmes éducatifs concertés, les femmes sont toujours cantonnées dans la position sociale essentiellement inférieure qu'elles ont occupée depuis toujours. Bien que les communautés bahá'íes aient fait de sérieux progrès en vue de rompre ce schéma, les enseignements de Bahá'u'lláh sur l'égalité des sexes peuvent-ils pénétrer ces communautés au point de révéler aux femmes bahá'íes le rôle transformateur qu'il a prévu pour elles dans la société ?

Finalement, la communauté bahá'íe peut-elle faire la preuve de l'applicabilité de ses croyances aux problèmes économiques qui paralysent la vie sociale et spirituelle de l'humanité ? Déjà dans plusieurs pays du Tiers-Monde il existe des régions où les bahá'ís constituent la majorité des populations locales, et où les assemblées locales sont directement confrontées à ce défi. Lors de la Convention internationale de 1983, la Maison Universelle de Justice a annoncé la création d'un nouveau bureau de développement économique et social. Les communautés bahá'íes ont été encouragées à entreprendre, " au niveau des racines ", une série de projets développant les principes économiques et sociaux que l'on trouve dans les Écrits de Bahá'u'lláh. Le périodique bahá'í One Country - qui paraît en anglais, en français, en espagnol, en chinois, en russe et en allemand - passe régulièrement ces projets en revue, et compte un grand nombre de lecteurs parmi la communauté des organisations non-gouvernementales. En tout état de cause, la communauté bahá'íe se voit engagée dans un processus d'apprentissage, par l'expérimentation, des affaires économiques, plus qu'elle ne propose un système idéologique. Ces efforts constitueront un aspect de la vie bahá'íe qui sera l'objet d'un examen particulièrement minutieux au cours des difficiles années à venir.

De tels défis éprouveront à l'extrême l'héroïsme et l'enthousiasme bahá'í pendant les dernières années du vingtième siècle. Elles mettront en particulier à l'épreuve le potentiel de la communauté bahá'íe dans son ensemble en tant que nouveau modèle social. Au cours des quelques années à venir les disciples de Bahá'u'lláh auront amplement de quoi méditer profondément sur la déclaration suivante, dans laquelle le fondateur de leur foi fit la distinction entre sa mission et celle des précédentes manifestations de Dieu :

En vérité, il [Jésus] a dit : " Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d'homme. " En ce jour, cependant, Nous disons : " Suivez-moi, afin que Nous fassions de vous des vivificateurs de l'humanité. "

[Nota: Bahá'u'lláh, cité dans The Promised Day Is Come de Shoghi Effendi, 293.]



APPENDICE

EDWARD GRANVILLE BROWNE

Le nom d'Edward Granville Browne occupe une place particulière dans l'histoire du premier siècle de la foi bahá'íe. Étudiant en médecine à Cambridge dans les années 1880, Browne fut attiré par un domaine de recherches dont il allait faire l'œuvre de sa vie : la littérature et l'histoire de la Perse. Ce qui, à son tour, le conduisit à étudier le mouvement bábí qu'il rencontra pour la première fois dans l'influent ouvrage de Joseph Arthur de Gobineau : les Religions et philosophies dans l'Asie centrale. Browne effectua ensuite un voyage en Perse en 1887-1888, à la suite duquel il se mit à compiler et à traduire les ouvrages les plus importants de la littérature bábíe et bahá'íe et à préparer un certain nombre d'études savantes dans ce domaine. Plusieurs d'entre elles furent publiées sous les auspices de la Royal Asiatic Society.

Les recherches de Browne le conduisirent finalement en Palestine où, en 1890, il eut le privilège d'obtenir une série de quatre entrevues avec Bahá'u'lláh, deux années avant la mort de ce dernier. Aussi idéaliste que brillant, Browne fut irrésistiblement attiré par l'histoire héroïque de cette nouvelle foi. On peut en voir les effets en lisant l'introduction de sa traduction du livre : " A Traveller's Narrative " [Nota: Edward G. Browne, A Traveller's Narrative.] de 'Abdu'l-Bahá , et les longs articles intitulés " Babism " et publiés dans " Religious Systems of the World. "

[Nota: Edward G. Browne, Babism, dans Religious Systems of the World.]

Malheureusement, le temps passant, les ouvrages de Browne furent mêlés aux préoccupations politiques de la fin de l'époque victorienne. En raison de sa profonde admiration pour le peuple persan, il désirait ardemment le voir libéré de l'ignorance et du despotisme sous lequel le double régime du clergé chiite et de la dynastie Qájár le maintenaient. Il se fit par conséquent l'apôtre du soi-disant Mouvement constitutionnaliste en Perse.

[Nota: Les Constitutionnels - étrange alliance entre les mollahs chiites obscurantistes et les politiciens laïques radicaux - furent les précurseurs du mouvement révolutionnaire qui mena finalement au pouvoir l'Ayatollah Khomeini en 1979. ]

Browne recueillit de l'argent pour ce mouvement en Europe, parla abondamment au nom de ce dernier, et fit de sa demeure à Cambridge une sorte de havre pour exilés persans. Ses idées politiques libérales furent grandement intensifiées par ses sympathies nationalistes : les Constitutionnalistes étaient considérés dans les milieux impérialistes britanniques comme des alliés naturels contre la Russie tsariste qui soutenait les chahs Qájár.

Browne estimant que la communauté bahá'íe (ou communauté bábí ainsi qu'il continua à l'appeler) était la force progressive la plus cohésive en Perse, il comptait sur elle pour se mettre au premier rang et apporter un changement politique aussi bien que social. À sa plus grande déception, les bahá'ís refusèrent de se laisser entraîner dans un conflit national ou international. La raison de ce refus était le fait que Bahá'u'lláh ait assumé le rôle prophétique pour lequel le Báb avait préparé la voie, et son refus de compromettre la nature universelle de son message à des fins de politique partisane. La déception de Browne transparaît dans ce qu'il écrivit à propos de la déclaration de Bahá'u'lláh sur l'unité de l'humanité :

Le bahá'ísme, à mon avis, est trop cosmopolite dans ses objectifs pour rendre directement service à ce renouveau [c.à d. celui de la vie politique en Perse]. " La gloire n'est pas pour celui qui aime son pays, dit Bahá'u'lláh, mais pour celui qui aime le monde entier. " C'est un sentiment louable, mais, à l'heure actuelle, la Perse a besoin d'hommes qui aiment leur pays " par-dessus tout ". [les guillemets ont été rajoutés].

[Nota: Introduction anglaise au Nuqtatu'l-Káf, cité par Balyuzi dans Edward Granville Browne, p. 88.]

Seule une petite poignée de bábís était prête, avides même, d'assumer le rôle politique que Browne avait prévu pour elle. C'étaient les Azalís qui avaient à cette époque là abandonné leur ancien dirigeant, Mírzá Yahyá, dans son exil à Chypre, et s'étaient soudain transformés en idéologues politiques, en journalistes et en agents secrets.

[Nota: Les Azalís avaient refusé d'accepter Bahá'u'lláh et continuaient à se donner le nom de bábís. La plupart d'entre eux semblent cependant avoir abandonné tout attachement religieux en faveur d'une action politique radicale dans laquelle leurs plus proches alliés étaient, ironiquement, ce même clergé chiite musulman qui avait été à l'origine des premiers massacres de bábís.]

De ce fait, ils entamèrent une correspondance intime avec Browne et devinrent, comme il le dit lui-même, ses collaborateurs les plus sûrs. Ce sont ces hommes, excessivement ambitieux pour leur carrière politique et que Bahá'u'lláh empêchait d'utiliser l'héritage du Báb à cette fin, qui procurèrent à Browne les documents sur lesquels il basa la plupart de ses recherches ultérieures.

[Nota: Les deux principaux instigateurs de cette action furent Ahmad-i-Rúhí et Aqá Khán-i-Kirmání, qui avaient chacun épousé une fille de Mírzá Yahyá. Il semble qu'ils ont considéré l'intérêt de Browne pour Bahá'u'lláh comme une menace à leur programme politique. Le but des documents qu'ils produisirent était donc de présenter Bahá'u'lláh comme ayant usurpé l'autorité qui appartenait de droit à Yahyá. On peut s'apercevoir de l'étendue de leur influence dans la persistance de Browne à utiliser le terme bábí pour désigner une communauté qui avait depuis longtemps adopté le nom de bahá'í.]

L'effet fut malheureux du point de vue du savoir. L'épisode des Azalís n'eut qu'une signification passagère dans l'histoire des bahá'ís, et des documents clefs dans lesquels Browne avait placé une grande confiance s'avérèrent, avec le temps, contrefaits.

[Nota: Voir par exemple l'étude de Hasan Balyuzi sur deux contributions azalíes dans Edward Granville Browne : le " Hasht Bihisht ", pp. 19-21, 33-34, 80-84; et l'introduction persane au Kitáb-i-Nuqtatu'l-Káf, pp. 70, 73-88.]

L'importance que Browne accorda à un étrange document qu'il découvrit en 1892 parmi les documents de feu le comte de Gobineau et qu'il publia plus tard sous son titre persan ésotérique, Kitáb-i-Nuqtatu'l-Káf (Livre du Point du K) fut particulièrement regrettable. L'histoire complète dépasse le cadre de cette note mais le sujet mérite que l'on y jette un coup d'œil, car la décision de Browne eut pour résultat de faire dévier temporairement l'étude des origines bahá'íes.

En apparence, une histoire du mouvement bábí, le Nuqtatu'l-Káf, fut attribuée par Browne à un martyr bábí respecté, Hájí Mírzá Jání, exécuté quarante années plus tôt, en 1852, et connu pour avoir écrit un mémoire personnel de certains des événements dans lesquels il avait été impliqué. L'unique autorité que pouvait consulter Browne pour attribuer cet ouvrage était Mírzá Yahyá, déjà discrédité aux yeux de la plupart de ses anciens associés; le manuscrit en lui-même ne comportait aucun nom d'auteur.

Bien que des extraits du mémoire perdu de Jání semblent y avoir été incorporés, il aurait dû être évident pour Browne que le martyr ne pouvait être l'auteur du Nuqtatu'l-Káf. En dehors d'autres preuves internes, on y fait référence à des événements qui se déroulèrent en 1853-1854, soit plus d'une année après la mort de Jání. Il existe de plus, de bonnes raisons de croire que la version définitive ne fut pas assemblée avant la fin des années 1860, et une copie fut acheminée anonymement à Paris, soit à Gobineau lui-même ou, après sa mort, à la Bibliothèque Nationale qui avait acquis sa collection de livres. La collection n'est pas mentionnée dans le propre livre de Gobineau les Religions et philosophies d'Asie centrale (publié en 1865) où il l'aurait certainement utilisée comme une source clef.

[Nota: L'exacte façon dont le manuscrit fut porté dans la collection Gobineau demeure un mystère; aucune preuve n'a encore été trouvée pour démontrer que Gobineau lui-même a eu l'ouvrage en sa possession ou que son contenu lui ait été familier.]

Un éminent érudit bahá'í qui avait à un certain moment travaillé avec une copie des mémoires originales de Jání, Mírzá Abu'l-Fadl Gulpaygani, nia catégoriquement le fait que le Nuqtatu'l-Káf fût le document en question.

Étant donné que le " Nuqtatu'l-Káf " fût prodigue en louanges extravagantes envers Mírzá Yahyá et cherche à dénigrer le rôle éminent et bien connu que Bahá'u'lláh avait joué dans les événements que le livre prétend décrire, ce manuscrit représente peut-être une tentative des partisans de Yahyá visant à renforcer le rôle de plus en plus faible joué par ce dernier vers la fin des années 1860. Le caractère étrange de certaines parties du contenu théologique, et reflétant fidèlement les opinions connues de Yahyá, ne fait que renforcer cette idée. Une recherche beaucoup plus poussée sera nécessaire pour dévoiler le mystère des origines de ce document.

Browne cependant s'empara du " Nuqtatu'l-Káf " comme d'un historique authentique des événements qui l'intéressaient si profondément. Délaissant toute preuve objective, il semble avoir été persuadé par ses collaborateurs Azalís que la communauté bahá'íe avait délibérément supprimé ces premiers mémoires parce qu'ils désiraient réécrire l'histoire bábíe afin de renforcer la revendication de Bahá'u'lláh. Il apparaît, au travers de différentes allusions de Browne à ce sujet, qu'il se considérait dans la même position que ces théologiens contemporains porte-parole de la " Critique des Sources " qui découvrirent simultanément, au travers des différents Évangiles synoptiques, des traces de rivalités parmi les premiers chrétiens.

[Nota: Browne mentionne à ce sujet la suggestion faite par l'un de ses plus proches amis du British Foreign Office, Sir Cecil Spring-Rice, à savoir que la relation qui existait entre Bahá'u'lláh et Yahyá était peut-être la même que celle qui existait entre Saint-Pierre et Saint-Paul (avec une référence au fait que le premier avait usurpé la primauté du second). En fait, comme l'avait fait remarquer Browne auparavant, la seule analogie qui ait un sens entre les événements chrétiens et l'histoire bahá'íe est le rôle joué par le Báb auprès de Bahá'u'lláh, semblable à celui joué par Jean-Baptiste lorsqu'il prépara la venue de Jésus-Christ. Le seul rôle qu'une poursuite de ce raisonnement puisse suggérer à l'endroit de Mírzá Yahyá est celui joué par Judas Iscariote dans l'histoire chrétienne, une approche qui n'eut sans doute séduit ni Browne ni ses correspondants azalís.]

Quelle qu'en soit la raison, l'effet en fut de détourner l'attention des phases critiques de développements dans l'ascension de la nouvelle religion. C'est peut-être parce qu'il sentait cela que Browne resta en relation avec la communauté bahá'íe jusqu'à la fin de sa vie, correspondant avec 'Abdu'l-Bahá , le rencontrant à Paris et à Londres lors de son voyage en Occident en 1911, puis écrivant une notice nécrologique dans le numéro de janvier 1922 du Journal of the Royal Asiatic Society. Il y décrivait le dirigeant de la foi bahá'íe comme quelqu'un " qui avait probablement exercé une plus grande influence non seulement en Orient, mais aussi en Occident, que n'importe quel penseur ou enseignant oriental des temps modernes. "

Le premier pas important visant à établir la contribution de Browne à l'histoire bahá'íe fut fait par Hasan Balyusi, érudit irano-britannique, lorsqu'il publia en 1970 " Edward Granville Browne and the Bahá'í Faith ". Une meilleure appréciation de cette contribution devra attendre des études ultérieures qui feront la part entre les travaux durables et érudits de Browne et les activités politiques plus éphémères de son temps. Et quelles que puissent être les conclusions de ces chercheurs, l'étude des origines bahá'íes a été grandement enrichie par cet équilibre d'érudition et de sympathie qui a poussé une éminente autorité occidentale à enregistrer de manière si méticuleuse ses expériences directes avec les fondateurs de la nouvelle foi.



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Mississippi Valley Historical Review

One Country

Open Court

Seven Days

Star of the West

World Order



INDEX

Dans le cas où le nom perse est précédé d'un titre honorifique tel que Siyyid, Mírzá, Shaykh ou Hájí, le nom propre apparaît en tête, suivi d'une virgule, puis du titre. Dès lors, Shaykh Ahmad-i-Ahsá'í est repris dans l'index comme Ahmad-i-Ahsá'í, Shaykh. Néanmoins, durant la période Qájár, le titre de Mírzá désignait un prince quand il suivait un nom. C'est pourquoi, quand c'est le cas, le nom apparaît ici sans virgule (ex : Farhád Mírzá). Ceci vaut aussi pour les notables turcs (ex : Khurshid Páshá).


`Abbás Effendi. Voir 'Abdu'l-Bahá

`Abbás, Mírzá (Mírzá Buzurg), père de Bahá'u'lláh, 36

`Abbassides (Califes), 5

`Abdu'l-`Azíz, Sultán, 52, 54, 57, 58

'Abdu'l-Bahá (`Abbás Effendi), 105

Centre de l'alliance, 166

chargé des affaires de la communauté bahá'íe, 63-64

consultation, réflexions sur, par, 205

contestations de l'autorité de, 68, 69

décès de, 76

description de Browne de,

et la maison d'adoration en Amérique du Nord, 86

et la Maison Universelle de Justice, 88, 89, 166-168

et le Kitáb-i-Aqdas, 194

exemple de la vie bahá'íe, 166

explique le retour du Christ, 67

explique les enseignements bahá'ís, 67, 69, 70

'Abdu'l-Bahá , suite

fils aîné de Bahá'u'lláh, 61, 63, 64, 66

funérailles de, 71, 76

impact de, sur les bahá'ís d'Occident, 66

inhume les restes du Báb, 71

libéré de prison, 70-71

nommé interprète des enseignements bahá'ís, 63

plan divin de, 75, 85

protection de la foi, 268

reçoit le titre de chevalier, 76

testament de, 74, 78-79, 81- 84, 87, 88, 90, 186, 268

traduction des écrits de, 78

vision du futur de, 91

voyage en Europe et en Amérique, 71-73

Abraham, prophète, 163, 161

Abu'l-Fadl, Mírzá, (érudit bahá'í), 57

Acre (`Akká, St. Jean d'), 52, 54, 59, 227, 228

Adhésion, bahá'íe, 216-219

conditions requises, 217

Afrique, 273, 287

`Ahd, Kitáb-i-, (Livre de l'Alliance), 75

Ahmad-i-Ahsá'í, Shaykh, précurseur du Báb, 7, 17

Ahmad-i-Rúhí, représentant azalí, 291

Alaska, 152

Alcool, abstention d', 198

Alexandre II, tsar, 54

Algar, Hamid, 12

`Alí-Muhammad, voir le Báb

`Ali Páshá, premier ministre ottoman, 47, 57

`Aliy-i-Bastamí, Mulla, 8

Allemagne

décision historique, Haute Cour constitutionnelle fédédale, 284

église catholique d', 283

église protestante d', 283

Alliance de Bahá'u'lláh, 63, 74, 162, 164-168, 181, 268

Alliance, Grande, 161

Alliance, Moindre, 164

Âme, 126-127, 131-134

Américains d'origine, 221

Amérique du Sud, 273

Amérique latine, 85, 87, 89

Andrinople (Édirne), 48, 51

Année sainte, seconde, 238-239

Aqá Khan-i-Kirmání, représentant azalí, 291

Aqásí, Hájí Mírzá, premier ministre perse, 13, 14, 15, 19, 20

Aqdas, Kitáb-i-, (" Le Plus Saint Livre "), 58, 194-207

attaque par les clergés musulman et chrétien, 196, 282

clauses introduites progressivement, 194-196

codification de l', 196

fondement de la foi bahá'íe, 194

lois spécifiques de l', 197-203

sujets traités, 194

un ensemble de documents, 194, 195

Arts, 228, 229, 231, 232

Asie, bahá'ís d', 273, 287

Assemblées spirituelles, 74, 82, 84-86, 89, 182-189, 182-183, 186, 188-189, 223

adhésion aux, 182-183

assemblées spirituelles nationales, 183-184

élection des, 184-186

et la Fête des dix-neuf Jours, 191, 223

fonctions des, 183-184

origine des, 183, 188

relations avec les conseillers, 189

Assises annuelles des Mains de la Cause, 88

Association des Études Bahá'íes, 230

Attaques contre la foi bahá'íe

réaction bahá'íe aux, 274-275, 278-279

résultat des, 280, 282

Autriche, 25, 57

Azal, voir Yahyá

Azalís, 49, 291

Báb (intermédiaires entre l'Imam caché et les croyants), 6, 8, 9, 17, 31

Báb, le (`Ali-Muhammad), 71, 78

Celui que Dieu rendra manifeste, 31, 32

concept d'une société nouvelle, 30-31, 32

déclaration du, 10-11

description du tombeau, 71

enseignements du, 29-30

et Bahá'u'lláh, 36, 37, 42

exécution du, 22-24

implications du message du, 16-17

inhumation sur le Mont Carmel, 71

interdit les jihads, 16

jeunes années du, 9-10

mausolée du, 87

nomme Mírzá Yahyá comme consignataire, 44

Báb, le, suite

premier procès du, 15

proclamation publique du, 10

refuse de prendre le pouvoir, 27

relation avec Shoghi Effendi, 268

signification du nom Bab, 31

traduction des Écrits du, 78

Bábís

auto-défense des, 16, 20

démoralisation des, 33, 44-45

deviennent bahá'ís, 49

dirigeants des, 35

instructions du Báb aux, 30, 32

massacres des, 20, 24, 25-27

Mírzá Yahyá comme chef nominal des, 44

reçoivent nouvelles lois, 19

retrouvent force morale, 46

Badasht, conférence de, 17, 37, 43

Baghdad, 8, 43, 46

Bahá'í World (the), site Web, 213

Bahá'u'lláh (Mírzá Husayn-`Alí), 35, 63, 64, 71, 73, 74, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 90, 91, 105, 106, 162, 167, 168, 169, 170, 192, 194, 195, 290

à Badasht, 37

à Bahjí, 59

accepte le message du Báb, 35

acquisition du site du tombeau de, 80

appelé à se rendre à Constantinople, 46

arrière grand-père de Shoghi Effendi, 79

attribua des noms aux dirigeants bábís, 37

autorité de la raison, xvi-xvii

centenaire de sa déclaration, 89

commentaire de Browne sur les enseignements universels de, 290

Bahá'u'lláh, suite

condamne la violence quelle qu'elle soit, 54

décès de, 61, 63

déclaration de sa mission, 46-47, 70

désigné sous le nom de Bahá'u'lláh par le Báb, 37

Écrits de, 105

emprisonné dans le Síyáh-Chál, 38-39, 41-42, 43

enseignements de, 49, 55, 56, 210

et l'administration bahá'íe, 83

et la Maison Universelle de Justice, 89, 169

et le Báb, 36, 37, 42

exil de, 41

fondateur de la foi bahá'íe

gouvernement perse reconnaît innocence de, 41

guide de la communauté bábíe, 36-37

Kitáb-i-Aqdas de, 57-58, 194-207

lettres aux souverains, 49, 54, 55

lignée de, 162

opposition azalíe à, 291

origines de, 35, 36

pèlerinage au tombeau de, 227

premiers Écrits de, 46

présentation de, 237

reçoit E.G Browne, 59

reçoit sa mission, 42

recommande Mírzá Yahyá comme consignataire du Báb, 44, 48-49

remonte le moral des exilés bábís, 46

retraite à Sulaymáníyyih, 44-45

second exil de, (Andrinople)

traduction des Écrits de, 82

unité de l'humanité, 202

Bahjí, manoir de, 59

Balyuzi, Hasan, 9, 15, 35, 65, 72, 194, 291

Bastonnade

de Bahá'u'lláh, 38

du Báb, 15

Bayán, le, 16, 29, 31, 42, 52

Beba, Cours d'Appel sunnite de, déclare la foi bahá'íe indépendante de l'islam, 1-2, 266

Bernhardt, Sarah, 39

Bible, la, 161, 164

Bien et mal, 139-140

Bloc de l'Est, voir soviétique

Bouddha, 102, 146, 209

Maitreya Bouddha, 6

Bouddhisme, 1, 6, 280

Bourgeois, Jean-Louis, 86, 213

Brésil, 235, 237

Briseurs d'alliance, voir aussi Azalís, 269

Brown, Ira, 7

Browne, Edward Granville, 29, 18, 39, 48, 49, 50, 52, 59, 70, 265, 282, 286, 289-294

activités politiques de, 289

description de 'Abdu'l-Bahá , 64-65

entrevue avec Bahá'u'lláh, 60, 289

Búshihr, 10

Calendrier bahá'í, 191

Calomnie, médisance, 199, 207

Canada, 68, 72, 75, 84-86, 278

parlement du, 278

Canberra, Australie, 226

Caraïbes, bahá'ís des, 221

Carmel, Mont, 60, 80

Celui que Dieu rendra manifeste, 31, 32, 42, 48

Centenaire bahá'í, le, 67, 89

Centre international d'Enseignement, 190

créé par la Maison Universelle de Justice, 190

supervise les conseillers, 190

Centre mondial, bahá'í, 80, 82, 228

Chase, Thornton, premier bahá'í d'Amérique, 65

Chicago, 65, 72

Chihríq, château de, 14, 17

Chrétiens, 2, 89, 104, 162, 164, 280

aux funérailles de 'Abdu'l-Bahá , 76

millérites, 7

peuples du Livre, 16

Christ, voir Jésus

Christianisme, 1, 2, 3, 30, 167, 173

christianisme social, 173

clergé chrétien attaque la foi bahá'íe, 282-285

clergé chrétien poussé à se marier, 200

échec au Proche-Orient, 282-285, 286

Ciel, enfer, 144

Civilisation planétaire, 96, 99, 101, 164-165, 178

Cockroft, Professeur James, 277

Coins du feu, 221, 221

Cole, J.R., 147

Communauté bahá'íe

attaques contre la, 275, 276, 275-281, 282-283

aujourd'hui, 77

caractère de la, 286-287

caractéristiques de la, 232-233

croissance et vie de la, 209-233

d'Amérique du Nord, 66, 71, 75-76, 86, 273

dimension physique de la, 211

diversité de la, 212

en 1921, 76-77

épreuves de la, 287

expansion de la, 213, 219-221, 222, 265, 266

financement de la, 223, 224

Maison Universelle de Justice décrit, la , 233

Communauté bahá'íe, suite

mission de la, 233-234

participation à la, 218-219, 225, 226, 271-274

Communisme, 281-282

Congrès, États-Unis, 279

Congrès mondial, 238

Conseillers, Corps des, 182, 186-189

pas un clergé, 189

sous l'autorité du Centre international d'Enseignement, 190

Constantinople (Istanbul), 47

Constitutionalistes en Perse, 290

Consultation

principes bahá'ís de la, 203-206

unanimité dans la, 206

Contributions financières volontaires, 223, 224

Conventions, bahá'íes, 226

Coopération, 207

Coran, voir Qur'án

Corbin, Henri, 7

Cormick, Dr.William, 15

Croisade, de dix ans, 87, 88

Cross, Whitney R., 7

Desinformation als Methode, 284

Développement

projets de, 251

social économique, 245-249,287

Dieu, 2, 3, 46, 47, 49, 79, 93, 118, 121, 122, 206, 207, 271

dessein pour l'humanité, 121

et les Manifestations, 146-153

inconnaissable, 155-158, 161

pas d'intérêt personnel de, 144

Diffusion de la foi bahá'íe, 213

Divorce

année d'attente, 201

permis mais déconseillé, 201-202

Dolgorukov, Prince Dimitri, ambassadeur russe en Perse, 26, 41

Druse, 76

Dublin, 226

Dynastie Qájár, 12, 41

École bahá'íe de Green Acre, 72

Écoles, bahá'íes, 78, 213

ECOSOC, 78, 213

Écrits bahá'ís, 70, 105

Éducation, 107, 113, 228-230

Égalité des sexes

Bahá'u'lláh enseigne l', 112-113, 287

le Báb enseigne l', 18, 25

Église catholique romaine, 56, 76

Élections, bahá'íes, 89, 184-186

préférence donnée aux minorités ethniques, 185-186

Empire ottoman (voir Turquie)

Enseigner la foi bahá'íe, 213, 218, 219-220, 273-274

coins du feu, 221

devenir pionnier, 222-223

prosélytisme condamné, 220

Épreuves, valeur des, 266-267

Eschatologie, 6

Espéranto, 119

État islamique, 30

États-Unis, 71

bahá'ís des, 83-84, 222, 279

congrès aux, 279

Être pionnier, 223

Europe, 87, 89

bahá'ís en, évolution, 273

Evangelische Zentralstelle, 283-284

Évolution société humaine, 95, 97, 99-101, 121, 122, 163

Farhád Mírzá, 14

Farmer, Sarah J., fondatrice de Green Acre, 72

Femmes

éducation des, 112

égalité des hommes et des, 112, 287

Fête des dix-neuf Jours, 191-192

Ficicchia, Francesco, 283

Financement de la foi bahá'íe (trésorerie), 191, 223, 224

Fonds bahá'ís, 192, 223, 224

Force internationale, 54, 176-177

Francfort, maison d'adoration, 283

Franz-Joseph, empereur d'Autriche-Hongrie, 54

Fu'ád, Páshá, ministre ottoman des affaires étrangères, 57

Furútan, `Alí-Akbar, Mains de la Cause, 249

Gardiennat, 74, 78, 79, 82, 87, 91, 169, 182, 268

Getsinger, Louisa (Lua) Moore, enseignante bahá'íe, 66

Giachery, Ugo, 79

Gobineau, Joseph Arthur, Comte de, 9, 13, 18, 19, 39, 289

God passes by, histoire de la foi bahá'íe, 81-82

Gollmer, Ulrich, 284

Goumoens, Capitaine Alfred von, 25

Gouvernement civil, loyauté envers le, 203

Gouvernement démocratique, 54-55

Gouvernement mondial, 54, 96, 164-165

Grande-Bretagne, 51, 76, 77

Hagar, femme du prophète Abraham, 162

Haïfa, 80, 227-228

Hallucinogènes, abstention des, 198

Hasan Khán, Mírzá, 22, 23

Hasht Bihisht, pamphlet azalí, 291

Hatcher, William S., 8, 16

Hearst, Phoebe, 66

Hindouisme

Horne, Alistair, 57

Humanité

base spirituelle d'une société, 117-118, 136, 145

Humanité, suite

devoir de l', envers Dieu, 143-145

inférieure au rang de la manifestation, 149-153

nature animale de l'homme, 135-136

unité de l', 94-105, 202, 266-271

Huqúqu'lláh, voir Droit de Dieu

Husayn `Ali, Mírzá, voir Bahá'u'lláh

Husayn Khán, Mírzá, ambassadeur perse dans l'empire ottoman, 47, 51, 53

Husayn, Mullá, dirigeant bahá'í, 7, 8, 20, 35, 36, 38

Hutten, Kurt, 283

Imam, 4, 5

Imam caché (Mahdi), 6, 7, 11, 18, 27, 30

Immortalité de l'âme, 126-127

Inde, 77

Inspiration divine, 154-155

Institut d'études pour la prospérité mondiale, 251

Internationale, communauté bahá'íe , 213

Iqán, Kitáb-i- (Le Livre de la Certitude), 46, 102, 105, 147

Iran (Perse), 5, 6, 7, 29, 35, 227, 275-280

bahá'ís d', 59, 77, 227, 230, 275-280

berceau de la foi bahá'íe, 2, 5-6

persécution des bahá'ís par l', 275-280

utilisation des noms iraniens et Perse, 2

voir État islamique

Isaac, 162

Ishmaël, 162

`Ishqábád, maison d'adoration, 249

Islam, 2, 16, 25, 28, 29, 30, 167, 276, 279, 280

Islam, suite

foi bahá'íe indépendante de l', 1-3, 266

islam chiite, 4, 6, 7, 8, 11, 27, 28, 30

islam sunnite, 1, 8, 11

matrice de la foi bahá'íe, 1-3, 4

opposition islamique à la foi bahá'íe, 2

Ives, H. Colby

Jésus, 1, 6, 7, 30, 31, 102, 104, 122, 146, 148, 146-147, 161-163, 164, 174, 209, 288

Jeûne, 198

Jihád

aucune doctrine bábíe du, 16

doctrine islamique du, 16, 25

interdit par Bahá'u'lláh, 58

Johnson, V. E., opinion sur la foi bahá'íe, xv

Judaïsme, 1, 3, 16, 167

Juifs, 89, 122, 162, 162, 164, 276

conversion juive à la foi bahá'íe, 2, 162

participation aux funérailles de 'Abdu'l-Bahá , 76

Justice économique, 113-114

Karbilá, 10

Kázim-i-Rashtí, Siyyid, précurseur du Báb, 7, 10

Keturah, femme du prophète Abraham, ancêtres de Bahá'u'lláh, 162

Khadíjih Bagum, femme du Báb, 10

Kheiralla, Ibrahim, 65, 68, 69, 90, 268

Khomeini, Ayatollah Ruhollah, 277, 290

Khurshíd Páshá, 51

Kitáb-i-Aqdas, voir Aqdas, Kitáb-i-

Krishna, xiv

Lagos, Nigéria, 226

La Mecque, 10

Langue, auxiliaire, 55, 119-120

Leach, Bernard, potier britannique, 231

Lettres du Vivant, les, 9, 17, 24

Libre arbitre (recherche personnelle), 133, 140

Libre entreprise, 116

Lois, bahá'íes, 58, 105, 168, 194-207

abstention de drogue et d'alcool, 198

abstention de la calomnie, 199

concept bahá'í des, 192

jeûne, 198

mariage, 199, 206

prière et méditation, 197

révélées progressivement, 194-196

Louis Napoléon, voir Napoléon III

Mahdi, voir Imam

Máh-Kú, forteresse de, 14

Mains de la cause, 75, 79, 83, 88, 90, 182,186-188, 189

Maisons d'adoration, 78, 192, 214-215

d'Amérique du Nord, 72, 85, 86

Maisons de justice, 74-75

Maison Universelle de Justice, 75, 83, 88, 90, 182, 183, 233, 269-270, 272, 273

crée le centre international d'Enseignement, 190

élection de la, 88, 90, 185-186

et le Kitáb-i-Aqdas, 196

et les conseillers, 187

Manifestations (de Dieu), 3, 4, 102-103, 120-123, 125, 161

grande alliance concernant les, 161

nature des, 147-159

relation avec Dieu, 151-153, 155

sources de lois, 193

unicité des, 148-149

Manúchihr Khán, gouverneur d'Isfahan, 27

Mariage,

année d'attente, 201

célibat déconseillé, 200

cérémonie de, 200

chasteté avant le, 200

consentement des parents, 200

fidélité dans le, 191

lois bahá'íes du, 199-201, 206, 287

Marie, reine de Roumanie, 84

Martin, J. Douglas, 276, 279

Martyrs

bábís, 20, 21, 22, 25-26, 33

bahá'ís, 210, 275-281

Marxisme, 174, 281, 282

Maturité, âge de la, 197

Maxwell, May Bolles, 72

Maxwell, William Sutherland, premier bahá'í canadien, 72, 87

Mazrá'ih, propriété de, 59

Médine, 10, 30

Membres du corps auxiliaire, 187, 189

pas un clergé, 189

Mihdí, Mírzá, second fils de Bahá'u'lláh, 53

Millerites, les, 7

Minorités, préférence donnée, dans la foi bahá'íe, aux, 185-186

Mohammed, 4, 5, 7, 9, 18, 31, 102, 104, 146, 148, 161, 193, 209, 275

Moindre Paix, 175-176, 177

Moïse, 31, 102, 104, 146, 148, 146-147, 161, 163

Momen, Moojan, 22, 23, 41, 51

Montréal, 72, 226

Montreal Star, 73

Muhammad, `Abduh, Shaykh, chancelier de l'université d'Al Azhar, 29

Muhammad-`Ali, demi-frère de 'Abdu'l-Bahá , 68-69, 74, 90, 268

Muhammad Sháh, Qájár, 13, 14, 19, 28, 30

Muhammad, Siyyid, 44, 45, 48, 50-54

Mujtahids, 11, 12

Mullas chiites, 11-12, 19-21, 275-277

attaques contre les bábís, 16, 18, 19, 21

attaques contre les bahá'ís, 276

condamnent le Báb à mort, 22

opposition au Báb, 14-16

pouvoir des, 11-12

Mumford, Louis, 217

Musique, 232

Musulmans, 275-280

Nabíl-i-A`zam (Muhammad-i-Zarandí), 9, 14, 29, 37

Napoléon III, empereur Louis, 54-57

Narcotiques, abstention de, 198

Násiri'd-Dín Sháh, Qájár, 21, 25, 26, 28, 47, 54

Nations unies, 78, 213, 278

conférences des, 250, 279

Nayríz, massacre de bábís à, 20-22

Nazis, 281

Nicolas, A. L. M., représentant consulaire du gouvernement français, et érudit, 14, 18, 24, 29

Nuqtatu'l-Káf, Kitáb-i-, 291

Omeyyades (califes), 5

One Country, 288

Ordre administratif bahá'í, 74, 80, 83, 106, 168, 171, 173, 177-178, 179

et le principe de base de la consultation, 203-206

et l'ordre mondial, 172-173, 177

Ordre mondial, 106, 206

étapes de l', 177, 179

et ordre administratif, 171- 173, 177

Orthodoxe grec, 76

Ottawa, Canada, 230

Pacifique, îles du, 221, 273

Pahlavi, régime des, 2, 227, 276

Palestiniens, 76, 77

Pape Pie IX, 55

Parlement

canadien, 278

européen, 278

Parlement des religions, 65

Partage des bénéfices, 115-116

Péché originel, doctrine refusée dans la foi bahá'íe, 139

Pèlerins

bahá'ís, 68, 80

institution du pèlerinage, 227-228

Perse, voir Iran

Peuples du Livre, 16

Pionniers bahá'ís, 222

Plan de cinq ans, 91, 215

Plan de neuf ans, 91

Plan de sept ans, premier, 85

Plan de sept ans, deuxième, 86

Plan de sept ans, troisième, 91

Plan divin, le, 75, 85

Plus Grande Paix, la, 177, 179

Politique, 207

loyauté envers le gouvernement, 203

non-ingérence dans la, 202-203, 207

Portraits du Báb et de Bahá'u'lláh, 226

Préjugés, abandon des, 108-109

Prières, bahá'íes, 191, 197, 206

Promesse de la Paix mondiale, 236-237

Promised Day Is Come, 57

Promulgation de la Paix universelle, 73

Prophètes, secondaires, 154

Propriété privée, 116

Prosélytisme, condamné par Bahá'u'lláh, 220

Protection de la foi bahá'íe, voir Conseillers

Publications, bahá'íes, 68, 78

Qa'im, voir Imám

Qayyúmu'l-Asmá', Écrit bábí, 8, 16

Quddús (Muhammad-`Alíy-i-Barfurúsh), dirigeant bábí, 19, 20, 36, 38

Questions économiques, 113, 117, 282, 288

Quito, Équateur, 226

Qur'án (Coran), 3, 7, 8, 9, 11, 16, 20, 21, 30

Qurbán `Ali, Mírzá, martyr bábí, 21

Rabbani, Rúhíyyih (née Mary Maxwell), 79, 84, 220

Rabbani, Shoghi Effendi

à propos des méthodes scientifiques, xvii

autorité de, 79-80, 183, 268, 269

création du Centre mondial bahá'í, 80

décès de, 87

descendant de Bahá'u'lláh et du Báb, 79

élément moteur des institutions bahá'íes, 80, 270-273

épreuves développent forces divines, 267

et la croisade de dix ans, 87

et le Kitáb-i-Aqdas, 194-207

et le premier plan de sept ans, 85

et le second plan de sept ans, 86

et les assemblées spirituelles, 182-184

et les pèlerins bahá'ís, 80

expansion de l'ordre administratif, 82-87

interprétation et traduction des Écrits bahá'ís, 82

la personnalité de, secondaire, 79

nommé Gardien, 74-75, 166

œuvre de, 78-87, 232

Race, 94, 98-99, 134, 281

Ráfátí, Vahíd, 7

Recherche indépendante de la vérité, 107-108

Religion, révélée, 102-103, 118, 120-123, 125-126, 129-131, 144-159, 209

dimension sociale de, 102-105, 129-130

en harmonie avec la science, xvii

unité des religions, 4, 102-108

Remey, Charles M., 90

Renan, Ernest, 39

Résolution de problèmes mondiaux, optique bahá'íe, 181, 207

Retour du Christ, 66-67

Révélation, 150, 154

Révélation, progressive, 102-103, 161-163

Revenus minimum, 113-116

Richards, J. R., 282

Richardson, Robert P., 282

Ridván, Paradis

fête du, 47, 185

jardin du, 46, 89

Root, Martha, 84

Ross, E. Denison, 265

Roumanie, 248

Royaume de Dieu, 173-179

Russie, 247

tsariste, 41, 51

Union Soviétique, 281

Salut, 133, 142-143

Sám Khán, officier de l'armée arménienne, 23

Sarah, femme du prophète Abraham, 162

Satan, 140

Schaefer, Udo, 2

Schisme, tentative avortée dans la foi bahá'íe, 90, 267-269

Sciences

en harmonie avec la religion, 109-111

études des, 107-108

Service (le), 219, 221-222

Sexes, égalité des, 112-113

Shaykhís, 7

Shoghi Effendi, voir Rabbani

Síyáh-Chál (le trou noir), 38-43, 47, 86

Siyyid-`Alí, Mírzá, 9

Société, effondrement total, 271

Souffrances mondiales, 175

Souverains, lettres de Bahá'u'lláh aux, 49, 54, 55

Soviétique, bloc, 248-249, 281

Subh-i-Azal, voir Yahyá

Sulaymán Khán, martyr bábí, 39

Sulaymáníyyih, les montagnes, 45

Synopsis et Codification, 196, 243

Tabac, fumer est déconseillé, 198

Tabarsí, Shaykh, tombeau de, 19, 38

Tabátabá'í, Siyyid M. H., 1

Tablettes du Plan divin, les, 75

Tabriz, 15, 17, 22

Táherzadeh, Adib, 35, 49, 183

Tahirih, (Qurratu'l-`Ayn), poétesse et guide spirituelle, 17-18, 26-27, 36, 37

Taqí Khán, Mírzá, premier ministre de Perse, 19, 21, 22, 41

Taxation progressive(impôt progressif), 116

Téhéran, 13, 14, 21, 22, 35, 41

Théologie

étude déconseillée par le Báb, 28-29

interdiction levée par Bahá'u'lláh, 58

Tiers-Monde, 287

Tobey, Mark, peintre américain, 231

Tolstoï, Comte Léon, 39, 79

Tombeau du Báb, 87, 227

Torah, 18

Towfigh, Dr. Nichola, 284

Toynbee, Arnold

Tribalisme, 287

Turquie (empire ottoman), 2, 43, 46, 47, 51, 53, 54, 70, 74

jeune révolution turque, 70

Unité dans la diversité, 98-99

Vahíd (Siyyid Yahyá Darabí), bábí, érudit et dirigeant, 13, 20, 32, 36

Vers une humanité prospère, 251-254

Victoria, reine, 54, 56

Vie sexuelle, 136-137

Vie sociale, bahá'íe, 225-226

Wagar, Warren, 168

Ward, Allan, L., 72

Widengren, George, 5

Wilhelm Ier, Empereur, 54, 57

Wilmette, Illinois, 72

Wilson, S. G., 282

World Order, magazine, 77

Yahyá, Mírzá (Subh-i-Azal), 35, 43-46, 48-52, 90, 291

Zamenhof, Lydia, 119-120

Zanján, massacre de bábís à, 20-21, 22

Zoroastre, zoroastriens, zoroastrisme, 2



THE BAHA'I FAITH : THE EMERGING GLOBAL RELIGION Copyright 1985, 1989, 1998 by William S. Hatcer and J. Douglas Mertin. All right reserved.
Pour la traduction française:
Maison d'Editions Baha'ies, rue du Trône 205, 1050 Bruxelles, Belgique
D 1547/1997/3 - ISBN 2-87203-098-7
Première édition - Imprimé en Belgique


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