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Source : www.bahai-biblio.org
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La renaissance de la civilisation
Par David Hofman

"Le présent ordre des choses sera bientôt révolu et un nouvel ordre prendra sa place."
Bahá'u'lláh

Table des matières :

Introduction
1. La révélation nouvelle
1.1. Le Báb
1.2. Baha'u'llah
1.3. 'Abdu'l-Bahá
2. Notre place dans l'histoire
3. Une religion purifiée
4. Les principes de l'ordre mondial
4.1. L'abandon des préjugés et des superstitions
4.2. L'éducation universelle
4.3. L'égalité des hommes et des femmes
4.4. L'adoption d'une langue auxiliaire internationale
5. La science et la religion
6. Une fédération mondiale
7. L'économie sociale
8. Le système administratif bahá'í
8.1. L'Alliance
8.2. Les assemblées spirituelles locales et nationales
8.3. La consultation
9. Des perspectives d'avenir


INTRODUCTION

Ce livre se divise en deux parties : la première raconte une histoire et la seconde proclame un message. L'histoire en est une d'héroïsme ; elle traite d'hommes et de femmes qu'une force irrésistible élève jusqu'au faîte de la noblesse et du martyre. Le message, lui, en est un d'espoir et de confiance.

En ce siècle, la désagrégation graduelle de tout ce qu'on croyait stable dans l'ancien ordre mondial a provoqué doutes et craintes dans tous les coeurs. On redoute l'avenir, on s'interroge sur le but de la vie, sur la valeur de l'effort, sur les bienfaits de la civilisation.

De telles questions mettent en cause les fondements mêmes de notre existence. Elles nous importent plus que la guerre, la naissance ou la mort qui ne sont que des moments transitoires dans le cours de notre existence. Elles nous ramènent au mystère qui, depuis les débuts de l'histoire, fascine et déconcerte l'esprit humain. Une fois résolues, ces questions nous incitent aussi à une action d'ordre pratique, à la reconstruction de notre société selon la réponse que nous leur fournissons. Celui qui, par exemple, croit que la glorification de l'État est le seul but de la vie refaçonnera le monde selon une conception totalitaire. Un autre qui estime, comme les mystiques, que le but de la vie est de s'unir à cette Essence qui donna naissance à l'être humain passera ses jours en méditation, sans s'occuper des affaires du monde. D'autres encore, qui ne reconnaissent à l'existence aucun dessein ou qui se préoccupent peu de lui en trouver un, constateront que leur vie devient de moins en moins agréable, que leur monde s'effondre et qu'ils sont eux-mêmes au bord du désespoir.

Tout cela nous amène, bien entendu, à la religion, ce sujet profondément litigieux qui éveille les sentiments les plus divers, de l'aversion passionnée à la bigoterie des dévots. Permettez-moi de vous assurer que ce livre, bien qu'il traite de la religion, ne plaide la cause d'aucune croyance, d'aucun rite, d'aucun sectarisme, ni d'aucune de ces doctrines d'origine humaine qui étouffent le véritable esprit de la religion.

Ce livre traite de l'esprit humain et démontre la manière dont cet esprit, à l'image de tout ce qui vit, se développe selon sa propre nature, de saison en saison, selon la trajectoire du soleil.

Le soleil qui éclaire l'esprit humain, c'est la parole de Dieu qu'ont révélée en chaque âge les fondateurs des grandes religions. Moïse, Jésus, Muhammad, Krishna, Bouddha ont été les médiateurs grâce auxquels ce soleil a resplendi dans les siècles passés, donnant naissance à de grandes civilisations.

Aujourd'hui, un nouveau printemps s'épanouit. Réalisant les anciennes promesses, le soleil spirituel se lève de nouveau pour guider l'humanité dans cette heure d'obscurité, pour répandre la lumière de la vérité sur les problèmes difficiles de notre époque et pour éveiller dans le coeur humain cette foi et cet amour radieux qu'exige toute reconstruction.

Aujourd'hui, la parole de Dieu est révélée par Bahá'u'lláh (nom persan qui signifie "la Gloire de Dieu"). La religion mondiale qu'il fonda s'appelle la foi bahá'íe, et son but n'est autre que la création d'une civilisation mondiale. Elle offre à l'humanité non seulement une renaissance de la vie spirituelle, mais aussi des lois et des enseignements conformes à l'esprit nouveau d'un ordre mondial.

Ce livre traite du message offert par la foi bahá'íe et trace les grandes lignes de son histoire.

ASN du Canada - Édition révisée, 1999 - ISBN 0-88867-000-1


1. LA RÉVÉLATION NOUVELLE

1.1. Le Báb

Le dix-neuvième siècle fut remarquable à tout point de vue. En 1815, quand s'acheva l'ère napoléonienne et que le système rigide de Metternich jugula le libéralisme en Europe, l'obscurité sembla envelopper de nouveau l'esprit humain. Mais, dans le coeur des hommes, des forces étaient à l'oeuvre qu'aucune tyrannie ne pouvait supprimer et, une par une, les nations d'Europe rejetèrent le joug qui leur avait été imposé à Vienne. La démocratie et le nationalisme triomphèrent.

L'Europe n'était pas la seule partie du monde à prendre conscience de ces forces nouvelles. L'Amérique, reculant toujours ses frontières vers l'Ouest, marchait vers la grande convulsion qui devait régler ses deux problèmes principaux : celui de l'unité politique et celui de l'unité raciale, ce dernier du moins en principe. L'impérialisme se frayait un chemin à travers l'Afrique. Le Japon commençait à adopter les méthodes occidentales et à s'ériger en grande puissance. Même en Russie et en Chine, les anciens régimes étaient déjà remis en question, avant que le tourbillon des transformations ne les emporte.

Ces événements étaient les signes visibles de deux grandes révolutions qui se produisaient simultanément. À l'Ouest, la révolution industrielle changeait les modes de vie, les relations humaines et les conditions sociales. À l'Est naissait une révolution d'un genre tout à fait différent : une révolution spirituelle. Toutes deux étaient destinées à s'étendre à la terre entière et, en agissant l'une sur l'autre, à ouvrir les portes d'une ère nouvelle pour l'humanité.

À la fin du siècle, le Moyen-Orient tombait en décadence. La brillante civilisation de I'Islám, son ordre social, ses arts et ses sciences s'étaient évanouis. C'était l'ignorance, le manque d'hygiène et la paresse, renforcés par le fanatisme, qui avaient cours. Et la Perse (aujourd'hui l'Irán) touchait le fond de l'abîme. Son peuple gémissait, opprimé par le clergé et l'État dont l'avide cruauté ne lui laissait que le strict minimum en matière de moyens d'existence. La corruption, la dépravation et l'avidité se voyaient partout, et la nation entière se trouvait plongée dans l'apathie et dans la superstition. Les préjugés religieux étaient empreints d'un tel fanatisme qu'un musulman dont les vêtements frôlaient ceux d'un chrétien ou d'un juif se croyait souillé. Les membres du clergé assuraient leur domination en maintenant le peuple dans l'ignorance et dans la crainte. La cour du sháh menait une vie de faste et les ministres d'État s'occupaient de frivolités tandis que le peuple gémissait sous un fardeau de plus en plus écrasant.

C'est dans ce pays d'ignorance et de ténèbres que la révolution spirituelle vit le jour.

À cette époque, dans le monde chrétien, bien des gens, encouragés par les Églises [1], attendaient le retour du Christ. L'islám, divisé comme la chrétienté en deux groupes principaux - celui des sunnites et celui des chiites - attendait deux messagers. Beaucoup de chrétiens s'étonneront peut-être d'apprendre qu'un de ces deux goupes musulmans attendait le retour de Jésus.

Grâce à la connaissance approfondie et au dévouement de deux savants, Shaykh Ahmad et Siyyid Kázím, un petit groupe de personnes avaient été préparées à chercher et à reconnaître le promis quand il déclarerait sa mission prophétique. Elles croyaient son avènement proche et, à la mort de Kázim, un de ses disciples, Mullá Husayn, partit à sa recherche. Ce dernier raconte qu'il se sentit attiré vers la ville de Shíráz "comme par un aimant" et qu'un soir, comme il approchait des portes de la ville, un jeune homme inconnu le salua. Ce jeune homme au visage souriant, qui portait un turban vert, s'adressa à Mullá Husayn comme à un ami d'enfance.

Mullá Husayn rapporte ainsi cette aventure et les événements qui la suivirent:

" Le jeune homme qui me rencontra en dehors de la ville de Shíráz me combla de marques d'affection et de bonté. Il m'invita chaleureusement à me rendre chez lui et à m'y rafraîchir après les fatigues du voyage. Je demandai à être excusé, déclarant que mes deux compagnons avaient déjà pris des arrangements en vue de mon séjour dans cette ville, et qu'ils attendaient à présent mon retour. " Confiez-les aux bons soins de Dieu ! répondit-il ; Il les protégera et veillera certainement sur eux." Ayant prononcé ces mots, il me pria de le suivre. La façon douce et pourtant irrésistible dont ce jeune homme étrange me parlait m'impressionna profondément. Tandis que je le suivais, son allure, le charme de sa voix et la dignité de son comportement contribuaient à confirmer mes premières impressions sur cette rencontre inattendue. [...]

En entrant dans la maison et en suivant mon hôte vers sa chambre, un sentiment de joie inexprimable envahit mon être. Dès que nous fûmes assis, il fit apporter une aiguière pleine d'eau et me pria de me laver les mains et les pieds souillés par la poussière du voyage. Je demandai la permission de me retirer et d'accomplir mes ablutions dans une chambre adjacente. Il refusa d'accéder à ma requête et se mit à me verser de l'eau. Ensuite il me donna à boire un breuvage rafraîchissant, après quoi il fit apporter le samovar et prépara lui-même le thé qu'il m'offrit.

Comblé de ses faveurs et par son extrême gentillesse, je me levai pour partir. "L'heure de la prière du soir approche", me hasardai-je à observer. "J'ai promis à mes amis de les rejoindre à cette heure-là à la mosquée d'Ílkhání." Avec un calme et une courtoisie extrêmes, il répondit : "Vous avez certainement subordonné l'heure de votre retour à la volonté et au plaisir de Dieu. Il semble que sa volonté en ait décrété autrement. Vous n'avez pas à craindre d'avoir rompu votre promesse." Sa dignité et son assurance me réduisirent au silence. Je renouvelai mes ablutions et me préparai à la prière. Lui aussi resta debout près de moi et pria. Pendant que je priais, je soulageai mon âme très oppressée aussi bien par le mystère de cette entrevue que par les tracas et les efforts de ma recherche. Je murmurai cette invocation : "Je me suis efforcé de toute mon âme, ô mon Dieu, de trouver le messager promis et, jusqu'à présent, j'ai échoué dans ma tâche. Je témoigne que ta parole ne faillit point et que ta promesse est sûre."

Cette nuit, cette mémorable nuit, était la veille [du vingt-trois mai 1844]. Ce fut environ une heure environ après le coucher du soleil que mon jeune hôte commença à converser avec moi : "Qui, après Siyyid Kázim, me demanda-t-il, considérez-vous comme son successeur et votre chef?" "À l'heure de son décès, répondis-je, notre regretté maître nous exhorta avec insistance à abandonner nos maisons, à nous disperser au loin, à la recherche du Bien-Aimé promis. J'ai, par conséquent, voyagé en Perse ; je me suis levé pour accomplir son voeu et suis encore engagé dans ma recherche." "Votre maître, poursuivit-il, vous a-t-il donné des indications détaillées quant aux caractères distinctifs du Promis ?" "Oui, répondis-je. Il est de pure lignée ; il est de descendance illustre, et de la lignée de Fátimih. Quant à son âge, il se situe entre vingt et trente ans. Il est doté d'un savoir inné. Il est de taille moyenne, s'abstient de l'usage du tabac et est dépourvu d'imperfections physiques." Il attendit un moment puis, d'une voix vibrante, déclara : "Voyez, tous ces signes sont manifestes en moi! " [2] "

Cette déclaration bouleversa Mullá Husayn. Toute la nuit, il resta assis aux pieds du Báb, ému par la puissance et par le charme de ses paroles, pendant que celui-ci lui donnait des preuves de sa haute destinée. À l'aube, avant son départ, son hôte lui adressa ces paroles : "Ô toi qui es le premier à croire en moi ! En vérité je le dis, je suis le Báb, la Porte de Dieu, et tu es le Bábu'l-Báb, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d'abord, spontanément et de leur plein gré, m'accepter et reconnaître la vérité de ma Révélation [3]."

À peine quelques jours après la déclaration du Báb, dix-sept personnes l'avaient reconnu spontanément. Celles-ci, dont Táhírih, héroïne et poétesse qui l'accepta sans même l'avoir rencontré, furent appelées les "Lettres du Vivant". Ce furent ses premiers disciples, et la tâche de percer l'obscurité spirituelle de leur pays leur fut confiée.

Le message du Báb annonçait le début d'une nouvelle période de l'histoire qui verrait la réalisation de la fraternité humaine dans un nouvel ordre mondial. Ce grand jour viendrait grâce à l'influence d'un prophète que le Báb appela "Celui que Dieu rendra manifeste", et qu'il avait pour mission d'annoncer. Il affirma que cet avènement était très proche. Il ordonna aux Lettres du Vivant de répandre ce message dans tout le pays et de préparer les habitants au grand événement, et il leur déclara qu'ils seraient persécutés et martyrisés. Il leur fit ses adieux en disant :

"Ô Mes amis bien-aimés! Vous portez en ce jour le nom du Seigneur [...] Il appartient à chacun de vous de manifester les attributs de Dieu et de démontrer par vos actes et par vos paroles les signes de sa justice et de sa gloire. Même les membres de votre corps doivent témoigner de la noblesse de vos intentions, de l'intégrité de votre vie, de la réalité de votre foi et du caractère élevé de votre dévotion [...] Méditez ces paroles que Jésus adressa à ses disciples en les envoyant de par le monde propager la cause de Dieu. Il leur enjoignit de se lever et d'accomplir leur mission en leur disant: "Vous êtes comme le feu allumé dans les ténèbres de la nuit au sommet de la montagne. Que votre lumière resplendisse aux yeux des hommes ! La pureté de votre vie et le degré de votre renoncement doivent être tels que, en vous voyant, les peuples de la terre reconnaissent leur Père céleste et se rapprochent de Lui, qui est la Source de la pureté et de la grâce [...] Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on?

Ô mes lettres [...] Vous êtes les témoins de l'aurore du Jour promis par Dieu [...] Purifiez vos coeurs des désirs terrestres et que les vertus angéliques soient votre parure [...] Les jours où l'adoration passive était jugée suffisante sont passés. L'heure est venue où seuls les motifs les plus désintéressés, appuyés par des actes sans tache, peuvent s'élever jusqu'au trône du Très-Haut et trouver grâce auprès de Lui. Je vous prépare pour la venue d'un grand jour. Déployez tous vos efforts afin que, dans le monde à venir, moi qui vous instruis aujourd'hui, je puisse, devant le trône de miséricorde divine, me réjouir de vos actes et me glorifier de vos exploits. Nul ne connaît encore le secret du jour qui doit venir. Il ne peut être divulgué et nul ne peut s'en faire une idée. L'enfant nouveau-né de ce jour sera plus avancé que les hommes les plus sages et les plus vénérables de notre temps. Le plus humble, le plus ignorant de cette époque-là surpassera en connaissance les théologiens les plus érudits et les plus accomplis de nos jours. Dispersez-vous en tous sens à travers ce pays et, d'un pied ferme, d'un coeur sanctifié, préparez la voie pour sa venue. Ne contemplez pas votre faiblesse et votre fragilité ! Fixez votre regard sur le pouvoir invincible du Seigneur, votre Dieu tout-puissant!

N'est-ce pas grâce à Lui que jadis Abraham, si faible en apparence, a triomphé des forces de Nemrod? À Moïse, qui n'avait d'autre arme que son bâton, Dieu n'a-t-il pas assuré la victoire sur Pharaon et ses armées ? Et bien que Jésus fût humble et pauvre aux yeux des hommes, Dieu n'a-t-il pas voulu qu'il triomphât des forces conjurées du peuple juif ? N'a-t-il pas assujetti les tribus barbares et turbulentes de l'Arabie à la sainte et transformante discipline de Muhammad son prophète?

Levez-vous en son nom, mettez toute votre confiance en Lui et soyez assurés de l'ultime victoire [4]."

Les Lettres du Vivant remplirent leur mission et moururent en martyrs. En seulement six ans, l'Irán fut galvanisé par le nouveau message, et la question sur toutes les lèvres était de savoir si l'on se déclarerait bábí ou non. Le clergé vit que l'émancipation spirituelle du peuple menaçait son autorité et ses privilèges. Animé par une haine féroce, il entreprit d'exterminer le Báb et ses disciples. Les bábís, privés de leur chef emprisonné et ne comprenant pas complètement l'esprit de la nouvelle révélation, prirent les armes pour se défendre. Par tous les moyens, l'État s'efforça de les détruire.

Une période d'incroyable chaos s'ensuivit. Le Báb devint le centre d'une tempête plus violente que celle qui s'était élevée autour du fondateur du christianisme. Bien des historiens parlent des persécutions terribles que subirent les disciples du Báb, des hauts faits qu'il inspira, de son éclat et de son charme irrésistibles. Nous nous contenterons de n'en citer qu'un seul, Lord Curzon : "Des récits d'un magnifique héroïsme illuminent les pages entachées de sang de l'histoire bábíe [...] les feux de Smithfield n'ont pu allumer un courage plus noble que celui qu'ont rencontré et défié les plus raffinés des bourreaux de Tihrán [5]."

Dans l'espace de quelques années, vingt mille personnes, hommes, femmes et enfants, furent martyrisées avec une horrible cruauté. Après six ans de ministère pendant lesquels il fut soumis à l'emprisonnement et à d'autres formes de persécution, le Báb lui-même fut condamné à mort et fusillé à Tabríz. Les autorités espéraient que la disparition du chef du mouvement mettrait fin à l'hérésie, mais nulle opposition ne pouvait éteindre la lumière qui brillait dans les coeurs. Le peuple vivait dans la terreur. Bien que le Báb ait été martyrisé, les bábís venaient encore par milliers arroser de leur sang la semence de cette ère qu'ils avaient le privilège d'annoncer.

Qui étaient-ils donc, ces méprisables hérétiques qui osaient accepter un nouveau prophète, après Muhammad, et défier la puissance du clergé ? Qu'on les extermine ! La persécution fut si impitoyable et si complète qu'elle sembla atteindre son but. Finalement, il ne resta plus qu'une seule personne influente dont l'autorité morale et les qualités de chef pouvaient encore soutenir les bábís meurtris et dispersés. Il s'appelait Mírzá Husayn 'Alí et prit plus tard le nom de Bahá'u'lláh. Les forces de l'opposition le condamnèrent à la prison et à la bastonnade ; ensuite, on l'envoya en exil à Baghdád, au-delà des frontières de la Perse. Sa famille et quelques amis purent l'accompagner.

Les disciples du Báb étaient abattus et épuisés, privés de leurs ressources et des conseils de leur chef, constamment en danger de mort. Leur sacrifice avait-il été inutile ? Cette lueur n'avait-elle été qu'un fugitif météore dans le ciel de la Perse ou présageait-elle, pour l'humanité, le véritable lever du soleil ? L'avenir seul le dirait.


1.2. Bahá'u'lláh

Mírzá Husayn 'Alí naquit à Tihrán le 12 novembre 1817. Son père, qui appartenait à la noblesse, possédait de grandes richesses et occupait une importante fonction ministérielle à la cour du sháh. Ce poste fut offert à Mírzá Husayn 'Alí à la mort de son père, mais il le refusa. Il s'intéressait à d'autres choses.

"Ce jeune homme, issu d'une famille noble, faisait preuve d'une passion indomptable pour la justice. Selon lui, une association humaine ne pouvait se vanter d'avoir une base solide que si la justice lui servait de fondement et de structure. Mírzá Husayn 'Alí abandonna la cour pour se vouer au service des opprimés et des affligés. Jamais il n'hésita à soutenir la cause des pauvres et des faibles qui s'adressaient à lui pour demander secours et protection. Il ne refusa jamais d'aider quiconque le méritait. Ainsi s'écoula sa jeunesse jusqu'à ce que ses vertus fassent de lui un havre et un refuge, qu'elles lui valent l'estime de ses contemporains et convainquent le messager du Báb qu'il était le glorieux personnage à qui était destinée la lettre qu'il portait [6]."

Mullá Husayn, le porteur de ce message, put dire à son maître, le Báb, que Mírzá Husayn 'Alí avait reconnu sur-le-champ la vérité du message qu'il portait. "Ainsi, à l'âge de vingt-sept ans, ce fils de ministre, qui s'était détourné de la cour et de ses vanités, ce brillant homme de la noblesse [...] dont le savoir, l'éloquence et l'amabilité étaient exemplaires, se rangea du côté d'une renaissance religieuse qui devait soulever la haine des classes dirigeantes du royaume [7]. "

Le Báb ne rencontra jamais son noble allié, mais il savait qu'un jour, Mírzá Husayn 'Alí remplirait sa promesse, apparaissant comme "Celui que Dieu rendra manifeste", offrant unité et conseils à un monde livré bientôt à l'angoisse du bouleversement le plus grandiose de son histoire. Ce fut le Báb qui lui donna le nom de "Bahá'u'lláh", "la Gloire de Dieu", et c'est à lui que le Báb légua ses sceaux, sa plume et ses écrits.

Bahá'u'lláh apporta à la cause du Báb tout le poids de son prestige. Il avait trop d'influence pour que ses actions passent inaperçues et, à plusieurs reprises, il défia le clergé de démontrer la fausseté du message du Báb. Mais les prêtres n'étaient pas à la hauteur de cette tâche, et ils eurent recours aux méthodes dont se servent généralement ceux qui s'opposent à la vérité.

Lorsqu'il apprit que Mullá Husayn et trois cents de ses compagnons avaient cherché refuge dans un sanctuaire abandonné et qu'une expédition avait été envoyée contre eux, Bahá'u'lláh se mit en route pour aller partager leur sort. En cours de route, il fut arrêté et conduit à Amul. La foule, excitée par le clergé, était avide de sang. Pour l'apaiser, le gouverneur de la ville décida d'infliger quelque châtiment aux compagnons de Bahá'u'lláh. Celui-ci s'offrit lui-même comme victime et fut soumis à la bastonnade.

Le 9 juillet 1850, le Báb, ce doux et radieux jeune homme, fut exécuté. Les bábís furent pourchassés et mis à mort. Le seul défenseur qui leur restait était Bahá'u'lláh, le seul chez qui ils pouvaient trouver l'appui moral et spirituel dont ils avaient besoin.

Mais un incident se produisit bientôt qui fournit au clergé et aux fonctionnaires du gouvernement le prétexte qu'ils cherchaient. Deux jeunes gens, égarés par leur désespoir, résolurent de venger leurs amis martyrisés. Ils attentèrent à la vie du sháh. Mais leur état mental était tel qu'ils chargèrent leurs pistolets de balles de calibre trop faible pour tuer un homme. Ils furent rapidement condamnés, mais cela ne suffit pas à la foule qui voyait dans cet attentat la preuve qu'une menace mortelle pesait sur l'État. Ce fut le début d'une terrible vague de persécutions.

À cette époque, Bahá'u'lláh vivait à la campagne, près de la capitale. Refusant de céder à ses amis qui voulaient qu'il se cache, il résolut d'aller voir le sháh. Mais il fut arrêté et conduit devant un tribunal qui reconnut son innocence. Néanmoins, il dut aller à pied jusqu'à Tihrán, où il fut jeté dans un immonde cachot souterrain peuplé de voleurs et de meurtriers. À propos de cette épreuve, il écrivit: "La plume est impuissante à décrire cet endroit, et aucune langue ne peut définir sa répugnante odeur. La plupart de ces hommes n'avaient ni vêtements ni literie pour s'étendre. Dieu seul sait ce qui nous est arrivé dans ce lieu, le plus lugubre et le plus nauséabond qui soit [8]."

Ce fut dans cette prison que Bahá'u'lláh, chargé de chaînes, reçut les premières indications de la nature de sa mission. Il décrit comment il décida qu'il lutterait de toutes ses forces, une fois sa liberté reconquise, pour la régénération de la communauté bábíe : "Une nuit, en rêve, ces paroles exaltantes se firent entendre de tous côtés: "En vérité, Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t'afflige pas à cause de ce qui t'est arrivé et ne sois pas effrayé, car tu es en sécurité. Bientôt, Dieu fera paraître les trésors de la terre : des hommes qui t'aideront par toi-même et par ton nom, avec lesquels Dieu a ranimé les coeurs de ceux qui l'ont reconnu." [9]"

Mais le moment n'était pas encore propice pour que Bahá'u'lláh annonce ouvertement sa mission. À sa sortie de prison, il fut dépouillé de tous ses biens et envoyé en exil, avec sa famille et quelques amis, au-delà des frontières de sa terre natale. Ses ennemis espéraient que le voyage vers Baghdád, que Bahá'u'lláh entreprit en plein hiver sur une route qui traversait un pays désolé et montagneux, le mènerait à la mort et le plongerait dans l'oubli. Mais nul ne pouvait savoir ce qui lui avait été révélé dans la prison.

Une fois remis des fatigues du voyage, Bahá'u'lláh entreprit de ranimer et de réunifier les bábís, dont un certain nombre s'étaient rassemblés à Baghdád. Son demi-frère, Mírzá Yahyá, s'opposa à lui et prétendit être le successeur du Báb. Ne voulant pas être une cause de désaccord dans une communauté déjà affaiblie, Bahá'u'lláh quitta Baghdád pour aller dans les montagnes de Sulaymáníyyih, où il se prépara pendant deux ans à la tâche qui l'attendait, comme s'étaient préparés avant lui Jésus dans le désert, Bouddha dans la forêt indienne et Muhammad dans les collines sauvages de l'Arabie. Bahá'u'lláh raconte que, souvent sans nourriture et sans abri, il vécut cependant dans un bonheur parfait : "[...] je ne désirais qu'une seule chose, ne pas être l'objet des discussions des croyants, la cause de la révolte des disciples et la raison des souffrances ou des tristesses de qui que ce fût. C'était là mon unique pensée, malgré tout ce qu'on a pu dire ou croire [10]."

Cependant, même dans cette région lointaine et déserte, sa renommée commençait à s'étendre. On racontait qu'il s'y trouvait un homme d'une sagesse et d'une bonté sans pareilles et, peu à peu, cette rumeur se répandit jusqu'à Baghdád.

Les bábís, privés de ses conseils et de son autorité, étaient divisés et découragés. À peine eurent-ils entendu parler du sage de Sulaymáníyyíh qu'ils reconnurent en lui leur conseiller et ami perdu. Ils dépêchèrent aussitôt des représentants chargés de le trouver et de le supplier de revenir. Bahá'u'lláh répondit à leur appel.

Il revint à Baghdád en 1856 et ramena l'ordre et la joie dans la communauté bábíe. Après les épreuves que les bábís avaient supportées sans lui, ils étaient heureux de reconnaître son autorité. Mírzá Yahyá, victime de sa propre vanité, complotait encore contre lui, mais les bábís avaient appris à reconnaître leur véritable guide, et c'est Bahá'u'lláh qui protégea son ennemi des conséquences de ses intrigues.

La foi bábíe fut ainsi renouvelée et revivifiée. Plusieurs de ceux qui se convertirent par la suite provenaient d'autres sectes que celle de l'islám chiite d'où, jusque-là, étaient venus la plupart des croyants.

Pendant son séjour à Baghdád, Bahá'u'lláh écrivit trois de ses principaux ouvrages, dont le Livre de la certitude qui offre une explication claire des écrits du judaïsme, du christianisme et de l'islám. C'est une réponse à ceux qui se moquent des religions révélées à cause des nombreuses déclarations mystérieuses qu'ils trouvent dans leurs textes sacrés. C'est un défi pour les agnostiques. C'est une révélation pour ceux qui ne considèrent que l'interprétation littérale des paroles des prophètes. Ce livre raconte l'histoire de la révélation progressive et expose l'unité mystique des grandes religions du monde.

Les Sept vallées, écrit à la demande d'un chef soufi, décrit le voyage que fait l'homme pour aller vers Dieu. Comme le titre l'indique, il traite des différentes étapes de ce voyage. La première étape est la " vallée de la Recherche ", où le chercheur "séjournera sur chaque terre et habitera dans tout pays, cherchant sur chaque visage la beauté de l'Ami et s'enquérant partout du Bien-Aimé. Se joignant à toute assemblée, il cherche la compagnie de toute âme, espérant y trouver par bonheur le secret de l'Ami, ou découvrir sur sa face la beauté de l'Aimé [11]".

Cette situation apparaît clairement dans le monde d'aujourd'hui et elle est semblable à celle des premiers siècles du christianisme, au cours desquels une quantité de cultes mystérieux et de croyances nouvelles, répondant à l'un ou l'autre des besoins spirituels de l'époque, furent finalement absorbés par la révélation de Jésus, qui fut la seule à répondre à tous ces besoins.

De nos jours, la tendance est à l'affirmation de soi, au développement de l'ego au-delà de saines limites, et de nombreux mouvements chrétiens et non chrétiens ont prospéré en laissant le champ libre à cet épanouissement. Mais la Septième vallée est "celle où l'homme mourra en lui-même et vivra en Dieu ; il sera pauvre en soi et riche par le désiré [12]".

Pendant ses promenades sur les bords du Tigre, Bahá'u'lláh méditait sur la proximité de Dieu par rapport à l'homme et sur l'éloignement de l'homme par rapport à Dieu, et sur la vérité qui est au fondement de toutes les religions. Il écrivit Les paroles cachées, un livre que même les Persans, héritiers d'une si riche littérature, tiennent pour un chef-d'oeuvre de beauté.

"Ô fils de l'esprit! Brise ta cage et, comme le phénix d'amour, envole-toi au firmament de sainteté. Oublie ton moi et, empli par l'esprit de clémence, demeure au royaume de la sainteté divine [13]."

"Ô vous, les rebelles! Mon indulgence vous a enhardis et mon endurance vous a rendus négligents à tel point que, éperonnant le fougueux coursier de la passion, vous l'avez dirigé vers les voies dangereuses qui mènent à la destruction. M'avez-vous cru négligent ou bien dans l'ignorance? [14]"

La renommée de Bahá'u'lláh commençait à se répandre, et nombreux furent ceux qui vinrent chercher auprès de lui une solution à leurs problèmes difficiles et des conseils spirituels. Mais la jalousie et la méchanceté des membres du clergé chiite furent attisées de nouveau, et ils se réunirent afin d'envisager des moyens efficaces pour saper l'influence croissante de Bahá'u'lláh. L'un d'entre eux fut chargé de lui rendre visite et d'exiger de lui des preuves convaincantes de la mission du Báb. À son retour, il avoua n'avoir trouvé que vérité et droiture en Bahá'u'lláh et lança aux autres un véritable défi de la part de Bahá'u'lláh. Ce dernier promettait de leur donner toute preuve qu'ils puissent souhaiter, à condition qu'ils reconnaissent ensuite son autorité. Ils refusèrent son offre et prièrent le sháh d'entrer en rapport avec le sultán de Turquie afin d'éloigner encore davantage Bahá'u'lláh de la frontière persane. Au bout d'un certain temps, Bahá'u'lláh reçut l'ordre de reprendre le chemin de l'exil, cette fois vers Constantinople.

Les bábís éplorés se réunirent pour faire leurs adieux à leur conseiller bien-aimé. C'est ce moment que choisit Bahá'u'lláh, dans les jardins de Ridván, près de Baghdád, pour affirmer qu'il était celui dont le Báb avait promis la venue, "Celui que Dieu rendra manifeste". C'était le 21 avril 1863.

Les bábís accueillirent cette déclaration avec joie et vénération. Leur tristesse s'évanouit, et leurs épreuves et leurs souffrances se muèrent en triomphe : leur vision avait trouvé sa justification. "Celui que Dieu rendra manifeste" était enfin apparu et une ère nouvelle allait être établie. À partir de ce jour, la foi du Báb devint la foi bahá'íe, et ses disciples s'appelèrent "bahá'ís".

Après avoir passé quatre mois à Constantinople, Bahá'u'lláh fut exilé à Andrinople. Là, il proclama publiquement sa mission et annonça que sa révélation était celle annoncée par le Báb. C'est à Andrinople qu'il écrivit quelques-unes de ses fameuses Lettres aux souverains. Dans ces manuscrits, il met l'accent sur les principes de la justice et trace les grandes lignes d'un plan de sécurité collective [15]. À Andrinople, il dut faire face à nouveau à la haine de Mírzá Yahyá qui essaya d'abord de l'empoisonner et ensuite de le faire assassiner.

En 1868, Bahá'u'lláh et ses compagnons furent exilés encore plus loin, cette fois en Terre sainte. Suivant la volonté de leurs ennemis, ils se rendirent à 'Akká, au pied du mont Carmel, et accomplirent de ce fait les prophéties de la Bible et du Qur'án. Ils y demeurèrent quelques années dans des conditions de vie épouvantables. Plus tard, les mesures se relâchèrent quelque peu et Bahá'u'lláh put aller vivre à Bahjí, près d''Akká. C'est à Bahjí que Bahá'u'lláh reçut Edward Granville Browne, un professeur au Pembroke College, à Cambridge. La description que donne Browne de Bahá'u'lláh est la seule qu'ait écrite un Occidental.

"Le visage de celui que je contemplai, je ne saurais l'oublier et pourtant je ne puis le décrire. Ses yeux perçants semblaient pénétrer jusqu'au tréfonds de l'âme; de larges sourcils soulignaient la puissance et l'autorité, tandis que les rides profondes du front et du visage paraissaient indiquer un âge que démentaient les cheveux et la barbe d'un noir de jais, d'une luxuriance étonnante et atteignant presque la taille. Il eût été superflu de demander en présence de qui je me trouvais. Je m'inclinai devant celui qui fait l'objet d'une vénération et d'un amour que les rois lui envieraient et auxquels les empereurs aspireraient en vain !

Une voix douce, pleine de courtoisie et de dignité me pria de m'asseoir et continua: "Loué soit Dieu de ce que tu sois parvenu au but. Tu es venu voir un prisonnier et un exilé [...] Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations; cependant on nous soupçonne d'être un élément de désordre et de sédition, digne de la captivité et du bannissement [...] Que toutes les nations deviennent une dans la foi et que tous les hommes soient frères; que les liens d'affection et d'unité entre les enfants des hommes soient fortifiés; que la diversité des religions cesse et que les différences de races soient annulées... quel mal y a-t-il à cela? Cela sera, malgré tout; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront et la plus grande Paix viendra [...] N'avez-vous pas besoin de cela en Europe aussi? N'est-ce pas cela que le Christ a prédit? Cependant nous voyons les souverains et les chefs d'État gaspiller plus volontiers leurs trésors en moyens de destruction de la race humaine qu'en ce qui conduirait l'humanité au bonheur. Ces luttes, ces massacres, ces discordes doivent cesser et tous les hommes doivent former une seule famille [...] Que l'homme ne se glorifie pas d'aimer son pays, mais plutôt d'aimer le genre humain."

Voilà, telles que je me les rappelle, quelques-unes des paroles que Bahá'u'lláh m'adressa. Que ceux qui les lisent se demandent sérieusement si un homme qui professe de telles doctrines mérite la mort et les chaînes et si le monde doit gagner ou perdre à leur diffusion [16]."

Bahá'u'lláh quitta ce monde en mai 1892. L'humanité, profondément ébranlée par des forces qu'elle ne peut ni contrôler ni expliquer, peut encore trouver en lui la paix promise, l'assurance et le pouvoir de reconstruire la société qui doivent caractériser le royaume de Dieu sur la terre.


1.3. 'Abdu'l-Bahá

Le 23 mai 1844 fut un jour mémorable dans l'histoire du monde.

Ce jour-là, dans la cité orientale de Shíráz, le Báb, l'étoile du matin du jour nouveau, annonça sa mission.

Ce même jour, dans le monde occidental, le premier message télégraphique fut transmis de Baltimore à Washington. Les mots "Quelle oeuvre divine!" se lisaient sur le télégramme.

C'est aussi le 23 mai 1844 que naquit 'Abdu'l-Bahá, que plusieurs, ne considérant que la perfection de sa vie empreinte de simplicité, comparaient à Jésus [17]. 'Abdu'l-Bahá n'était pas le messie, mais il n'était pas non plus simplement un vieil homme venu d'Orient.

Que dire de lui ? Il ne suffit pas de dire qu'il était le fils aîné de Bahá'u'lláh, le Centre de son alliance, l'exemple vivant de ses enseignements.

Doux et sage, plein d'humour et de justice, celui qu'on appelait le "père des pauvres", soignait les malades, consolait les opprimés et était reconnu par tous comme le "Maître".

De l'âge de huit ans jusqu'à sa soixante-huitième année, il dut supporter la persécution et l'oppression. Il passa quarante années de sa vie en prison. Ses tribulations commencèrent lorsque, en 1852, Bahá'u'lláh fut jeté dans la sombre prison de Tihrán. Il accompagna le petit groupe d'exilés dans tous ses voyages et, lorsqu'il entra dans la grande prison d''Akká, il avait vingt-quatre ans. Il ne devait la quitter que quarante ans plus tard, lorsque les forces responsables de la persécution des bahá'ís et des calomnies dont on avait accablé Bahá'u'lláh et son fils furent renversées.

Libéré en 1908 [18], il entreprit un voyage dans le monde occidental où il devait annoncer le début de l'ère nouvelle. Il visita l'Égypte, les pays d'Europe et enfin l'Amérique [19]. Il se rendit deux fois en Angleterre, en 1911 et en 1913, et les journaux de cette époque prouvent que ses visites ne passèrent pas inaperçues.

Il choisit lui-même le nom d''Abdu'l-Bahá - "Serviteur de Bahá" -, et sa vie, consacrée au service de la race humaine, démontra ce qu'est la vraie religion.

En exil et en prison, il fut pour son père un compagnon fidèle et un fils dévoué. Cet amour filial était sans limite, mais il ne l'empêchait pas de témoigner aux autres une attention et un dévouement constants; au contraire, c'était la source de son amour pour tous. Ainsi, lorsque peu de temps après l'arrivée des exilés à la prison d''Akká, la dysenterie se déclara, ce fut 'Abdu'l-Bahá qui se chargea de nourrir et de soigner les malades jusqu'à ce qu'il soit lui-même frappé par la maladie. Il suivait l'exemple de Jésus, vivant parmi le peuple, ne pensant jamais à lui-même mais toujours aux autres.

Pendant la guerre de 1914-1918, grâce aux provisions qu'il avait eu la sagesse de faire, il put nourrir le peuple sans ressources de la Palestine, sauver une partie du blé que les Turcs voulaient détruire et nourrir l'armée du général Allenby, lorsqu'elle conquit finalement la Terre sainte.

Le commandant des forces turques avait menacé de crucifier 'Abdu'l-Bahá sur le mont Carmel, mais la prompte intervention du gouvernement britannique empêcha l'exécution de cette menace. Grâce à l'action rapide de Lady Blomfield, personnage éminent de la communauté bahá'íe anglaise, le ministre de la Guerre télégraphia au général Allenby : "Veuillez assurer la protection complète d''Abdu'l-Bahá, de sa famille et de ses amis lors de l'avance britannique sur Haïfa [20]." Quelques jours plus tard, la réponse d'Allenby annonça: "La Palestine prise aujourd'hui. Avertissez le monde qu''Abdu'l-Bahá est en sécurité [21]." On peut trouver dans le livre de Lady Blomfield, The Chosen Highway, une description détaillée de cet incident et les lettres qu'écrivirent à ce sujet les fonctionnaires du gouvernement britannique.

'Abdu'l-Bahá désirait le bonheur de tous et il était lui-même plus que quiconque une source de joie. Il se rendait immédiatement compte des besoins et de l'état d'âme de chacun et savait y répondre. En sa présence, les préjugés et les différends s'évanouissaient, et l'unité seule demeurait. Juifs, chrétiens, musulmans, hindous, Orientaux et Occidentaux, jeunes et vieux, riches et pauvres, sans égard à la couleur de la peau, tous s'unissaient sous l'influence de son esprit universel. Il ne s'arrêtait pas aux apparences, et le fait qu'une personne appartienne à telle Église ou à telle communauté ne constituait pas pour lui une barrière. Il ne considérait que l'effort fait par chacun pour vaincre son ego et pour se rapprocher de la perfection divine.

"La lumière est bonne, quelle que soit la lampe qui la donne", disait-il. Dans le registre des visiteurs d'une prison où il s'est rendu, il a écrit: "La pire des prisons est la prison du moi."

Au cours de ses voyages en Occident, il s'adressa à toutes sortes de groupes, de clubs et d'Églises, encourageant chacun à poursuivre ses efforts pour faire avancer l'humanité, insistant toujours sur l'unité du genre humain. Il n'admettait aucune distinction entre les religions, les couleurs de la peau, les nations ou les classes. Le coeur humain était pour lui le sanctuaire de Dieu, et les circonstances extérieures lui importaient peu.

Malgré ses soixante années d'exil et d'emprisonnement, malgré le fait qu'il n'avait reçu comme éducation que l'influence de son père et qu'il n'avait lu que les livres sacrés, tels que la Bible et le Qu'rán, il s'entretenait aisément avec des savants, des économistes, des gens d'affaires et des professeurs, répondant à leurs questions et faisant preuve d'une science que l'instruction formelle n'aurait pu lui donner.

Certains voulaient le combler de cadeaux, mais il n'acceptait que les fleurs et les fruits qu'il distribuait aux amis réunis autour de lui. Il refusait l'argent et les objets de valeur, car il ne s'intéressait qu'au coeur humain.

Dans le testament de Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá a été désigné comme l'interprète unique des Écrits, et ses paroles font autorité comme celles de Bahá'u'lláh. 'Abdu'l-Bahá a expliqué et développé les enseignements de son père. Ses causeries, consignées par écrit, ainsi que ses lettres constituent une partie importante des textes bahá'ís.

Il mourut en 1921, laissant un testament qui jetait les bases de la future structure administrative de la Foi - que Bahá'u'lláh avait déjà esquissée - dont on reconnaît le caractère unique, et qui a permis à l'unité de cette foi de résister à toutes les épreuves et à toute opposition : la foi bahá'íe n'est pas divisée en sectes et elle n'a ni clergé, ni rite, ni credo.

Au contraire, sous la direction du Gardien, Shoghi Effendi, et de la Maison Universelle de Justice, la foi bahá'íe s'est développée, réussissant à enrôler, partout dans le monde, des gens de toutes races, de toutes classes et de divers milieux religieux, qui sont parvenus, malgré les persécutions, à instaurer son ordre administratif sur une base universelle.


2. NOTRE PLACE DANS L'HISTOIRE

On voit trop souvent dans l'histoire une simple série de faits sans causes. En réalité, elle raconte le développement de la race humaine.

La série d'événements habituellement présentée comme "l'histoire d'une époque" n'est en somme que le reflet extérieur d'un processus interne. 'Abdu'l-Bahá nous apprend que ce processus en est un de croissance. L'histoire de l'humanité est celle de son progrès et elle décrit les activités humaines à tous les stades de son développement. Elle montre donc, à ceux qui admettent que la société humaine connaît ce processus, l'étape qu'a atteint son développement.

Par exemple, le grand mouvement auquel les Européens ont donné le nom de Renaissance montre, chez les peuples concernés, le passage de la jeunesse à l'adolescence. La Renaissance n'est pas simplement, après le Moyen Âge, le résultat du saccage de Byzance par les Turcs, c'est plutôt le signe extérieur d'une période cruciale dans le développement des peuples de l'Europe, un signe qui a des origines plus profondes et plus anciennes que la simple conquête d'une ville.

De même, les désordres du vingtième siècle ne résultent ni de la révolution industrielle, ni du traité de Versailles, ni du capitalisme, ni d'aucun facteur isolé, quel qu'il soit. Ils sont plutôt les effets visibles d'une crise profonde dans le développement de l'humanité.

S'il nous était possible de visualiser mentalement l'élaboration de ce développement, peut-être arriverions-nous alors à comprendre la vraie nature de notre époque.

Nous ne devons pas nous attendre à voir l'humanité avancer en ligne droite; ce n'est pas ainsi que le monde évolue. Une loi de progression et de régression régit ce développement : une période d'été est suivie d'une période d'hiver, comme dans la nature. Des périodes de repos sont aussi nécessaires que des périodes d'activité, mais le processus de croissance ne cesse pas pour autant. Nous devons nous rappeler aussi que le développement de l'homme ne s'est pas fait de façon uniforme; il n'a pas eu lieu simultanément dans toutes les parties du monde. De grandes civilisations ont surgi dans le passé, comparables à la nôtre, ou même supérieures, selon certains. Alors, lorsque nous disons que le développement de l'humanité s'est effectué par étapes, nous ne pouvons pas dire que tous les peuples ont subi ces transformations en même temps.

Par conséquent, nous sommes en droit de nous demander : "Pourquoi ce développement s'est-il produit? Pourquoi est-il survenu à différentes époques dans les différentes parties du monde?" En répondant à ces deux questions, nous trouverons les réponses au défi que nous lance le vingtième siècle.

La foi bahá'íe nous donne une réponse à la première question en insistant sur le but de l'histoire (peut-être devrions-nous dire plutôt le but de la création car, à vrai dire, l'histoire décrit la réalisation de cette fin). L'histoire est un processus de développement vers un but défini. Elle ne se borne pas à rendre compte de luttes entre groupes rivaux dans un milieu hostile. Mais les hommes l'ont toujours conçue ainsi, comme le prouvent la littérature, la poésie et la philosophie. Dans son Essai sur la paix éternelle, Kant écrit: "Dans l'histoire de la race humaine, considérée dans son ensemble, il est possible de voir la réalisation d'un plan caché de la nature dont le but est de créer une constitution politique qui soit parfaite à tout point de vue, une constitution qui permettrait aux dons que la nature implante dans l'homme de se développer pleinement [22]."

La " réalisation d'un plan caché ", telle est la définition de l'histoire. Comme l'arbre réalise, en grandissant, le dessein caché de la graine qui est de produire des fruits, l'histoire de l'humanité réalise le plan contenu en puissance dans sa propre nature. Mais que doit produire ce plan?

Pendant des milliers d'années, les hommes ont eu la vision de ce grand jour où "ils transformeraient leurs épées en socs de charrue [23]", où "la terre serait pleine de la connaissance de l'Éternel [24]", où régnerait une fraternité véritable: le royaume de Dieu sur la terre. "Que ton règne arrive" était autrefois une prière pleine de réalisme et de confiance. Maintenant qu'elle a perdu sa signification profonde, voilà que la déclaration stupéfiante de Bahá'u'lláh résonne: "Le jour promis est venu." Il déclare que cette vision, si longtemps préservée, est tout à fait réelle et que nous allons réaliser le but de l'histoire.

Ce but, c'est-à-dire la fraternité mondiale ou l'ordre mondial, n'est pas une fin en soi, c'est le seuil d'un état supérieur jamais atteint. Et l'ordre mondial est le signe extérieur qui indique que la race humaine a atteint sa maturité. Au moment où il porte des fruits, l'arbre entre dans la phase la plus longue et la plus utile de sa vie. De la même manière, l'humanité, sur le point d'atteindre sa maturité, se trouve-t-elle au début de la période la plus longue et la plus splendide de son existence. Toutefois, cet ordre mondial ne s'établira grâce à aucune intervention magique ou arbitraire; il sera réalisé lorsque l'humanité franchira le passage difficile de l'adolescence à la maturité. Nous vivons actuellement dans cette période de transition.

Cette période est douloureuse et troublée parce que, comme la plupart des jeunes gens approchant la maturité, nous refusons de nous défaire des passions et des préjugés, de l'insouciance et de l'irresponsabilité de la jeunesse, pendant que toutes les forces de l'âme s'efforcent de réaliser leur plein héritage.

En résumé, on voit donc dans l'histoire un processus naturel de développement qui doit amener l'humanité, les individus et les communautés à la maturité, afin que leur potentiel latent puisse se réaliser. Ce potentiel est, chez l'individu, "l'image de Dieu", et dans la communauté, le "royaume de Dieu sur la terre".

Abordons maintenant la seconde question. Pourquoi des civilisations ont-elles surgi, puis disparu, à des époques différentes dans différentes parties du monde?

La théorie égocentrique de la supériorité raciale - que certains prônent encore aujourd'hui - ne résiste pas à l'examen. La théorie de l'influence du milieu s'effondre également. Nous sommes obligés de chercher la réponse ailleurs [25].

Les savants contemporains reconnaissent que la "société" - c'est-à-dire la vie organisée des groupes humains - a existé bien avant que l'histoire de l'humanité ne soit écrite, ce qui est en accord avec les enseignements de Bahá'u'lláh. Les écrits bahá'ís reconnaissent également que l'être humain, dans sa forme physique, a connu une longue évolution. Toutefois, Bahá'u'lláh affirme que, même dans sa forme la plus primitive, l'homme possédait déjà en lui les caractéristiques propres au genre humain. C'est ce potentiel attribué uniquement à l'être humain que des siècles d'évolution ont permis de développer jusqu'à la phase actuelle de la maturité.

La "société" est nécessaire à l'homme et elle agit sur sa conscience intérieure comme le sol agit sur la graine. Elle fournit l'ambiance dont il a besoin pour se développer, elle permet à ses forces latentes de se manifester sous une forme nouvelle et lui sert d'arrière-plan pour ses activités, de matrice dans laquelle la vie humaine peut s'enraciner et dont elle peut, de temps à autre, tirer une énergie renouvelée.

Dans le monde de la nature, ces périodes de renouveau se produisent selon un certain rythme et sous l'influence d'un facteur totalement indépendant de la graine et du sol. Grâce à l'infaillible apparition du soleil, les saisons terrestres se succèdent en cycles réguliers.

Il en est de même pour l'homme. L'homme est la graine, la société est le sol. Qu'est-ce qui représente le soleil? Bahá'u'lláh déclare clairement et répète avec insistance que le soleil qui brille sur l'âme de l'homme et qui ranime son esprit, c'est la religion. Son éclat peut être fort et vivifiant, ou bien faible et insuffisant, comme celui du soleil physique. Mais la condition de la société, qu'elle soit vigoureuse et qu'elle progresse, ou qu'elle tombe en décadence, dépend de la force ou de la faiblesse de cet éclat.

Le principe d'essor et de décadence, d'été et hiver, se retrouve en toutes choses. Le développement de l'être humain n'échappe pas à cette règle. L'inactivité l'incite à l'action mentale et spirituelle, puis il se repose avant de reprendre la lutte à son réveil. La civilisation atteint un sommet, puis entame son déclin, avant de connaître une autre renaissance.

Les forces du monde sont constamment renouvelées, grâce à l'apparition, d'époque en époque, d'âmes remarquables, spécialement choisies et douées des capacités requises pour cette tâche. Ces grandes âmes, à la fois humaines et plus qu'humaines, dominent l'histoire, donnent un élan à l'évolution de l'humanité et déterminent les nombreuses phases du progrès humain et de l'évolution spirituelle.

Elles révèlent les religions et fondent les civilisations.

La société chrétienne s'est établie sur la base des enseignements spirituels de Jésus. L'Islám a été inspirée par Muhammad. La grande culture israélite qui produisit Salomon est issue de la révélation de Moïse. La force spirituelle qui trouva son expression dans la Perse à l'époque de Cyrus et de Darius a dû sa naissance à Zoroastre. Krishna et Bouddha ont révélé la vérité et établi une morale, unifiant ainsi des millions de gens en Orient, qui autrement seraient restés à l'état primitif.

Le fait que la civilisation naisse d'une impulsion spirituelle donnée par une révélation religieuse est une évidence qui n'est apparue comme réelle qu'à peu d'entre nous, et c'est rarement à l'école qu'on nous l'apprend [26]. Bahá'u'lláh insiste sur ce point et dévoile le plan historique que veulent réaliser, sans exception, tous les prophètes, qu'on peut aussi appeler " manifestations de Dieu ". Ces symboles du soleil spirituel apparaissent à différentes époques et sous des noms divers, mais tous sont nantis du même pouvoir et travaillent au même but.

De même que la succession des saisons dépend de l'apparition du soleil, le renouvellement de la civilisation dépend de l'apparition de la manifestation de Dieu. Le retour du soleil est le premier élément essentiel de continuité, ce qui est soutenu par la Bible et l'Évangile, en dépit des revendications d'exclusivité de l'Église. Bouddha Siddartha appartient à une longue lignée de Bouddhas. Krishna déclara qu'il, ou plutôt que l'esprit qu'il manifestait, reparaissait au cours des temps. Les Écrits de toutes les grandes religions promettent une longue et merveilleuse époque à venir, qu'elles associent toujours à l'apparition d'un nouveau messie.

Voilà ce qui explique l'origine et le déclin des civilisations. L'apparition d'une manifestation de Dieu fait battre le coeur de la société, fait palpiter le pouls de l'humanité organique. Le même principe dirige le flux et le reflux des marées, le passage de l'activité au sommeil, de l'été à l'hiver.

Bahá'u'lláh nous apprend que ce grand être apparaît environ tous les mille ans, mais que la date de son apparition, loin d'être fixée à l'avance, dépend des conditions de la société. Lorsque l'humanité entre dans la période la plus sombre de l'hiver, le nouveau soleil commence à se lever, lentement au début et ne dégageant qu'une chaleur modérée. Ensuite, il monte vers la splendeur de son zénith, avant d'entreprendre son déclin, laissant derrière lui les traces d'un grand jour et ayant contribué au progrès de l'humanité, car chaque battement du pouls de l'histoire porte l'être humain un peu plus loin sur le chemin de son évolution.

Au moment où la splendeur du judaïsme s'évanouissait et où la superstition et l'hypocrisie corrompaient sa grandeur, quand la gloire de la Grèce s'était éteinte et que la puissance de Rome dominait le monde, il s'avérait nécessaire que le soleil se lève de nouveau et vienne sauver l'humanité d'un hiver perpétuellement barbare. Le soleil du christianisme se leva à l'horizon et, sans aide ni force matérielle, Jésus infusa un tel esprit de dévotion et une telle détermination à une poignée de pauvres gens qu'il les rendit capables de triompher du savoir humain de leur époque. Ce fut cet esprit qui porta le flambeau de la civilisation au moment du déclin de l'empire romain et qui finalement fit sa marque sur le monde, par l'intermédiaire de Constantin.

Au septième siècle, la civilisation entrait de nouveau en crise et l'âge des ténèbres régnait sur l'Europe. Alors apparut Muhammad.

Le peuple arabe se composait autrefois de tribus éparses, de barbares ignorants et désunis qui gaspillaient leur temps et leur énergie à guerroyer les uns contre les autres, le vainqueur s'emparant des femmes du vaincu et les ajoutant à la liste déjà longue de ses épouses. Ces peuples adoraient des idoles et ne possédaient que des notions d'organisation sociale rudimentaires.

Mais à peine soixante ans après la venue de Muhammad, les peuples arabes avaient construit une nation forte et unie. Leur civilisation progressait dans la fraternité de l'islám. Ils étudièrent et acceptèrent la Bible et les Évangiles et ils reconnurent un Dieu unique. "Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu et Muhammad est son prophète." Ils améliorèrent la condition des femmes et constituèrent un ordre social puissant et bien organisé [27]. Ils devinrent les maîtres du monde en médecine, en mathématiques et en astronomie. Ils exécutèrent d'importantes opérations chirurgicales, se servant d'alcool comme anesthésique, pendant que les chrétiens, plongés encore dans les ténèbres de l'ignorance, payaient les prêtres pour qu'ils effectuent des incantations qui devaient guérir les malades.

Les Arabes inventèrent le système numérique sans lequel les calculs modernes seraient impossibles. Ils créèrent une forme d'architecture qui se classe parmi les plus belles du monde. Ils étendirent leur culture à l'Ouest jusqu'en Espagne et à l'Est jusqu'aux Indes, et Baghdád devint le centre du monde, grâce non seulement à ses richesses, mais aussi à ses arts et à sa culture. Ils unirent dans une étroite fraternité des peuples aussi dissemblables que les Arabes, les Turcs, les Hindous, les Égyptiens, les Maures et les Persans. Ils préservèrent la culture et la philosophie grecques que l'Église primitive avait voulu détruire. Ce furent aussi les Arabes qui se firent les gardiens de la science classique pendant le Moyen Âge; ils ajoutèrent d'ailleurs beaucoup à sa richesse avant de la rendre au monde occidental par l'intermédiaire des universités arabes, comme celle de Cordoue, des croisades et des échanges marchands. Ils donnèrent ainsi aux chrétiens cet élan que nous appelons la Renaissance et qui marque un moment important de la civilisation occidentale.

L'histoire des Arabes de cette époque montre comment le plan divin fut suivi, comment ceux qui dormaient furent réveillés.

'Abdu'l-Bahá parle de l'effet que produit le soleil lorsqu'il passe au-dessus de l'équateur pour aller vers le Nord ou vers le Sud, puis il ajoute: "Pareillement, lorsque la manifestation sacrée de Dieu, qui est le soleil du monde de sa création, resplendit sur les âmes, les pensées et les coeurs, alors le printemps spirituel arrive, une vie nouvelle apparaît, la puissance du printemps merveilleux devient visible, et des bienfaits extraordinaires sont constatés. De même que vous l'avez remarqué, lors de l'apparition de chaque manifestation de Dieu, des progrès considérables sont constatés dans le monde de l'intelligence, de la pensée, de l'esprit [28]." Si, peu à peu, l'humanité arrive à développer ses qualités latentes, elle le doit aux saisons spirituelles.

S'il existait sur la terre des peuples qui n'avaient jamais connu de telles impulsions sporadiques, ils démontreraient l'impuissance de l'humanité à se développer sans le secours d'un tel élan. Mais toutes les société humaines ont subi l'influence des manifestations de Dieu, soit directement, comme les populations païennes d'Europe qui ont été influencées par Jésus, soit indirectement, comme la chrétienté décadente qui a profité de l'influence de l'islám dont les enseignements ont provoqué une renaissance du christianisme en Europe.

Les civilisations du passé furent nécessairement des civilisations locales, car jamais les inventions et les découvertes n'ont atteint une puissance comparable à celle des découvertes actuelles. On a pu aujourd'hui explorer les coins les plus reculés du monde, le concept d'universalité prenant enfin tout son sens. Jusqu'à tout récemment, les océans, les chaînes de montagnes et les déserts contribuaient à maintenir les divisions entre les différentes composantes de la race humaine.

Bahá'u'lláh enseigne comme principe fondamental que chaque révélation religieuse s'accorde avec les conditions de son époque. Dans toutes les parties du monde, à diverses époques, la vérité a été révélée, absolue dans son essence, mais sous une forme convenant aux besoins, aux conditions et aux possibilités du moment. Aujourd'hui, le monde a un besoin urgent d'une nouvelle manifestation de Dieu qui porte un message d'application universelle et d'une puissance capable d'effacer les dissensions dans lesquelles l'époque précédente s'est embourbée.

Bahá'u'lláh répond à ce besoin. C'est sa mission spécifique. Il est le point focal de ce jour, d'où rayonnent le nouvel esprit et le nouveau plan qui permettront un nouveau développement de l'histoire. Sa révélation s'adresse à la race humaine tout entière; elle ne se limite à aucun peuple ni à aucun pays. Ses enseignements spirituels confirment toutes les révélations précédentes, et ses institutions administratives sont destinées à s'occuper des affaires du monde en général aussi bien que des activités individuelles.

Il affirme que ce jour est " le jour promis ", l'âge d'or, le jour de Dieu attendu par les peuples depuis le début des temps, le jour promis par tous les livres sacrés.

Quelle oeuvre divine en effet! Seules les majestueuses paroles de Bahá'u'lláh conviennent à ce thème magnifique: "Voici le roi des jours, le jour qui a vu la venue du Bien-Aimé, de celui qui, de toute éternité, a été proclamé le Désir du monde [29]."

"Par le mouvement de notre plume de gloire, nous avons, sur l'ordre de l'omnipotent Ordonnateur, insufflé une vie nouvelle dans chaque être humain et instillé dans chaque mot un pouvoir nouveau. Toutes choses créées proclament les signes de cette régénération mondiale [30]."

L'histoire des cinquante dernières années n'est compréhensible que grâce à la lumière projetée sur elle par Bahá'u'lláh. Le crescendo formidable des progrès scientifiques et intellectuels a été accompagné d'un déclin dans les normes et valeurs morales, de sorte que nous sommes totalement incapables de diriger les forces gigantesques dont nous disposons. Nous les orientons vers la destruction, dans une tentative futile de conserver un mode de vie propre à l'adolescence, alors que nous sommes à l'âge de la maturité.

L'histoire se répète à une échelle plus vaste. Le cycle des saisons est achevé; c'est à nouveau le printemps, et l'emprise rigide de l'hiver cède devant le lever du soleil. La destruction de Jérusalem, le sac de Rome, la chute de l'Assyrie se reproduisent à l'échelle universelle, et l'avance terrifiante des moyens de destruction modernes et des haines nationales effrénées rendent le drame mille fois plus violent. Et pourtant, c'est le printemps - pour l'humanité tout entière. Certains des éléments négatifs d'autrefois sont en voie de disparition, dont la souveraineté nationale absolue et les préjugés de classe, pour n'en nommer que deux.

L'ancienne manière de voir et d'agir s'achève dans la violence. Mais tout n'est pas que destruction, loin de là. La foi bahá'íe se dresse au milieu des clameurs et du tumulte, non pas comme une maison bâtie sur le sable, mais comme une forteresse imprenable sur laquelle les luttes et les conflits humains n'ont aucun impact, une forteresse dans laquelle l'individu renaît avec un nouvel esprit, demeure intrépide devant l'ouragan et puise, dans son sentiment d'être citoyen du monde, le désir de vivre et de servir selon les principes nouveaux. Forte dans certains pays, faible dans d'autres, réprimée ailleurs, possédant généralement peu de ressources et un nombre restreint de fidèles, la foi bahá'íe sert la race humaine tout entière, comme le firent Jésus et ses disciples [31] alors que le monde romain s'écroulait autour d'eux.

La capacité spirituelle et intellectuelle de développer un ordre social de plus en plus élevé existe déjà en germe dans la race humaine. L'étendue et la forme finale de cet ordre seront définies par les limites de notre planète, c'est-à-dire que ce sera un ordre mondial, mais son développement interne sera sans limites.

Le processus de l'histoire réside donc dans la nature même des choses. Il est la réalisation des potentialités de l'individu lui-même, comme la croissance de l'arbre est la réalisation des potentialités de la graine, un processus organique qui suit les cycles déterminés par l'apparition de la manifestation de Dieu.

L'histoire de ce processus qui, commençant avec la famille, embrassa ensuite la tribu, la cité, les provinces, les royaumes et les nations, s'avance maintenant vers son apogée.

C'est ce qui distingue de façon unique l'époque actuelle. La forme ultime de la société humaine sort lentement et douloureusement du chaos et de la destruction. L'humanité atteint sa maturité.


3. UNE RELIGION PURIFIÉE

Il est nécessaire que l'esprit humain, lorsqu'il atteint sa maturité, trouve des moyens adéquats pour s'exprimer.

Le monde actuel offre les caractéristiques propres à son stade d'adolescence : un nationalisme nanti d'un esprit de compétition, une société divisée en classes sociales, des systèmes politiques entachés de partisanerie et des religions éclatées en une multitude de sectes.

Nous avons besoin de nouvelles institutions à caractère universel, d'un système économique international, d'un gouvernement mondial, d'une société mondiale, d'un État qui comprenne tout le genre humain.

Cependant, seuls des humains déjà à l'âge de la maturité peuvent créer un tel ordre. On ne saurait l'imposer avec succès à des êtres qui, au point de vue moral ou intellectuel, sont encore des adolescents. Si les hommes continuent d'être cupides, égoïstes et dénués de conscience sociale, aucun système ne rendra la vie digne d'être vécue. Avant donc d'examiner les enseignements de Bahá'u'lláh sur l'organisation mondiale, voyons si on peut espérer apaiser les passions et les haines, et transformer l'égoïsme et l'obscurité morale de notre génération en véritables fraternité et lumière.

Qui peut changer le coeur de l'homme? Qui peut galvaniser un esprit indolent de façon à le lancer, plein d'une activité radieuse, sur la voie du progrès spirituel?

Jésus avait un tel pouvoir, mais pas le christianisme d'aujourd'hui. Muhammad le détenait également, mais pas I'islám moderne. Aucun des systèmes religieux ne se montre capable d'amorcer une renaissance mondiale, ni même de donner au monde un personnage aussi impressionnant que saint François d'Assise. Le judaïsme, le christianisme et l'islám se limitent à conserver leurs propres rites et cérémonies; le bouddhisme et l'hindouisme paraissent perdus dans les dédales de leur propre mysticisme. Un grand nombre de sectes nouvelles, de cultes nouveaux, flammes intenses qui se consument rapidement, envahissent les rangs de l'orthodoxie. L'athéisme et le matérialisme prélèvent sur toutes les religions un contingent d'esprits qui se refusent à la passivité ou à une acceptation aveugle.

Où chercher alors le salut? Qui peut purifier la religion des poussières et des voiles qui la cachent? Qui peut répondre au cri de ces milliers d'êtres désillusionnés, de ces brebis affamées qui cherchent leur nourriture sans la trouver?

La foi bahá'íe n'a ni clergé, ni culte, ni sacrements. Les corps élus n'ont pas le droit d'imposer des articles de foi ni de formuler un credo, et les textes sacrés sont conservés dans leur forme manuscrite originelle.

Devant une élimination aussi énergique des fastes traditionnels de la religion, beaucoup de personnes demandent: "Mais alors, comment se pratique cette religion? Que faites-vous?" Le lecteur trouvera au chapitre huit une description générale de l'ordre administratif bahá'í. Nous nous penchons pour l'instant sur l'abandon des superstitions, des préjugés et des enseignements irrationnels qui marquent la pratique religieuse actuelle.

Le premier principe religieux, principe que Bahá'u'lláh affirme avec insistance, est celui de la manifestation de Dieu. L'attribution d'une nature divine aux fondateurs des religions a souvent causé des conflits, et a même été une source d'athéisme chez plusieurs. Aussi est-il important d'éclaircir cette question.

Dieu ne s'incarne pas. Il ne revêt jamais la forme d'un temple humain. Il ne vit jamais sur la terre.

Cette affirmation est, bien entendu, en conflit avec l'enseignement officiel de l'Église chrétienne. Mais les paroles de Jésus n'appuient pas cet enseignement de l'Église. La doctrine de la Trinité, qui embrasse celles de l'incarnation et de la triple nature de Dieu, fut adoptée officiellement au Concile de Nicée, en l'an 324. Jésus n'a jamais revendiqué l'égalité avec Dieu; sa vie entière et tout son enseignement dépendaient étroitement du "Père". Toutefois, il prétendait révéler Dieu à l'humanité: "Celui qui m'a vu, a vu le Père [32]."

Bahá'u'lláh écrit à ce sujet:

"Pour tous les coeurs éclairés et pleins de discernement, il est évident que Dieu, l'inconnaissable Essence, l'Être Divin, s'élève incommensurablement au-delà de tout attribut humain tel que l'existence, l'ascension et la descente, le progrès et la régression... Il est, et Il a toujours été voilé dans l'antique éternité de son essence, et Il restera dans sa réalité perpétuellement caché à la vue des hommes... [33]"

"De temps immémorial, Lui, l'Être divin, a été voilé dans la sainteté ineffable de son Être exalté, et il restera à jamais enveloppé dans l'impénétrable mystère de son Essence inconnaissable... [34]"

"La porte de la connaissance de l'Ancien des jours se trouvant ainsi fermée à la face de tous les êtres, Lui, la Source de grâce infinie, a fait apparaître, du royaume de l'Esprit, sous la noble forme du temple humain, ces gemmes lumineuses de sainteté, et Il les a manifestées à tous les hommes pour qu'elles puissent communiquer au monde les mystères de l'Être immuable et lui révéler les subtilités de son impérissable Essence... Tous les prophètes de Dieu, ses élus bien-aimés, ses messagers sacrés et choisis sont, sans exception, les porteurs de ses noms et incarnent ses attributs... Ces tabernacles de sainteté, ces miroirs primordiaux qui reflètent la lumière de gloire impérissable ne sont que des expressions de celui qui est l'Invisible des invisibles [35]."

'Abdu'l-Bahá offre toujours des analogies et des métaphores parfaites pour éclaircir des points obscurs et subtils. Il compare l'état des manifestations à la réflexion du soleil dans un miroir parfait qui, une fois poli et dirigé directement vers le soleil, reflète fidèlement sa lumière et sa chaleur, sa forme, son rayonnement et ses autres attributs. La manifestation de Dieu est le miroir parfait qui reflète toute la puissance et le savoir de Dieu, du Soleil de vérité. Celui qui regarde le miroir et dit "Voici le soleil!", dit la vérité. De même, celui qui, voyant une manifestation de Dieu, dit "Voici Dieu!", dit aussi la vérité [36]. Mais de la même manière que le soleil ne quitte pas sa position dans les cieux pour venir habiter le miroir dans sa forme phénoménale, ainsi Dieu, l'Esprit omniprésent de l'univers, ne restreint pas son Être à la capacité limitée d'un temple humain.

Shoghi Effendi, le Gardien de la foi bahá'íe, souligne ce point capital en disant:

"Le temple humain qui a été fait le véhicule d'une aussi formidable révélation doit, si nous demeurons fidèles aux doctrines de notre foi, être parfaitement distinct du "plus mystérieux Esprit des Esprits" et "éternelle Essence des Essences" - car quelque exaltée que soit la divinité que nous puissions attribuer aux manifestations terrestres de ce Dieu invisible, bien que rationnel, elles ne peuvent nullement incarner dans la forme concrète et limitée d'un être mortel, son infinie, son incommensurable, son incorruptible et tout englobante réalité. En vérité, suivant les enseignements de Bahá'u'lláh, le Dieu qui incarnerait ainsi sa propre réalité cesserait d'être Dieu. Une théorie de l'incarnation divine à ce point grossière et fantastique est aussi éloignée de la croyance bahá'íe et incompatible avec elle que les inadmissibles conceptions panthéistes et anthropomorphiques de Dieu répudiées énergiquement dans tous les dires de Bahá'u'lláh qui en dénoncent le caractère sophistique [37]."

Selon les enseignements de Bahá'u'lláh, Dieu ne peut être connu de l'homme que par l'intermédiaire de ses Manifestations, de ses messies qui viennent en chaque âge "du royaume de l'esprit, sous la noble forme de temples humains" pour révéler à la compréhension humaine, au fur et à mesure qu'elle se développe, les mystères de "l'Être immuable".

C'est là une explication beaucoup plus rationnelle que celle que la théologie chrétienne offre en général, et les livres sacrés de toutes les religions du monde la soutiennent. Elle ne nie rien de la Bible, de l'Évangile ni du Qur'án tout en étant acceptable pour l'esprit moderne.

Elle conduit directement aussi à un autre fait spécifiquement confirmé par Bahá'u'lláh et reconnu par un nombre croissant de savants, à savoir que Dieu s'est révélé aux hommes à plus d'une reprise au cours de l'histoire. La doctrine du "Fils unique" est un autre exemple de dogme qui ne trouve aucun appui dans les déclarations de Jésus. Au contraire, Jésus reconnaît les révélations faites avant la sienne - celles de Moïse et d'Abraham - et il en prédit d'autres après lui. L'Église prétend posséder la seule clef du salut et du "royaume des cieux", mais sa revendication s'écroule devant cette vérité, et les humains ne sont plus tenus d'appliquer, dans les conditions modernes de la vie, des lois prescrites il y a plus de deux mille ans. En fait, l'humanité s'en est déjà libérée malgré l'Église; le divorce en est un exemple.

Bahá'u'lláh enseigne que la révélation est progressive et que chaque manifestation de Dieu répond au besoin de son époque. Ce besoin s'exprime de deux façons. D'une part, il y a le besoin d'une nourriture spirituelle, la satisfaction de la vie intérieure, la "connaissance de Dieu", la foi. Ce besoin est toujours exaucé de la même manière, par des enseignements spirituels, par une effusion d'amour et par un renouveau de la vigueur de l'âme. D'autre part, il y a le besoin de lois destinées à modérer les excès, à abroger les coutumes tombées en désuétude et à organiser la vie quotidienne.

Ces deux besoins trouvent leur réponse dans la foi bahá'íe. Moïse a réveillé la foi des israélites captifs et leur a donné des lois. Jésus a donné à boire "de cette eau qui, en vérité, est la vie", mais il a abrogé la loi rigide du sabbat et, pour corriger les excès de son époque, il a interdit le divorce. Muhammad a donné à son peuple la foi en même temps que des lois et des préceptes qui se montrèrent d'une très grande valeur. Répondant à notre appel, Bahá'u'lláh nous donne non seulement l'eau de la vie, mais aussi des lois et des conseils pour résoudre nos problèmes modernes.

"Sache, à n'en point douter, qu'à chaque Dispensation, la lumière de la Révélation divine a été dosée aux hommes en raison directe de leur capacité spirituelle. Considère le soleil. Combien faibles sont ses rayons quand il paraît à l'Orient et comme sa chaleur et sa puissance vont croissant à mesure qu'il approche de son zénith, ménageant ainsi à toutes choses créées la possibilité de s'adapter à l'accroissement d'intensité de sa lumière! Et comme il décline graduellement jusqu'à ce qu'il atteigne le point où il se couche. S'il manifestait tout d'un coup les énergies qui sont en lui latentes, nul doute qu'il n'en résultât un dommage pour toutes choses créées... De même, si, dès les premiers stades de sa manifestation, le Soleil de vérité révélait soudain la pleine mesure des forces dont l'a doté la providence du Tout-Puissant, la terre de l'intelligence humaine en serait consumée; car jamais les coeurs des hommes ne pourraient soutenir l'intensité d'une telle révélation, ni par conséquent refléter l'éclat de sa lumière. Ils en éprouveraient une telle terreur qu'ils périraient aussitôt [38]."

La révélation bahá'íe ne fait pas exception à ce principe fondamental.

"Si grande que soit la puissance manifestée par cette révélation, et quelque élevé que puisse être le rang de la dispensation que son auteur a inaugurée, il ne faut jamais oublier qu'elle repousse énergiquement la prétention d'être regardée comme l'expression finale de la volonté de Dieu ainsi que de ses vues à l'égard du genre humain. Soutenir une telle conception de son caractère et de ses fonctions équivaudrait à une trahison de sa cause et au reniement de sa vérité. Ce serait forcément entrer en conflit avec le principe fondamental qui constitue l'assise la plus solide de la croyance bahá'íe, c'est-à-dire le principe d'après lequel la vérité religieuse est relative et non absolue, que la révélation divine est méthodique, incessante, progressive et point spasmodique ou finale. À la vérité, les adeptes de Bahá'u'lláh qui repoussent catégoriquement toute prétention à la finalité pour la révélation à laquelle ils s'identifient, rejettent aussi clairement et avec la dernière vigueur, la finalité à laquelle ont prétendu certains systèmes religieux inaugurés par des prophètes du passé [39]."

Il n'existe qu'une seule religion.

Il n'existe qu'un seul Dieu, bien qu'Il ait plusieurs noms. Il n'y a qu'une seule race humaine. Il ne peut donc y avoir qu'une seule religion. Mais cette religion unique a de nombreux messagers et elle s'exprime de plusieurs façons.

La vie et le progrès de l'homme dépendent de la parole de Dieu. Dans les temps passés, le genre humain était divisé par des océans, des chaînes de montagnes, des forêts, des déserts, par tous les obstacles physiques que les inventions modernes ont réussi à surmonter. C'est pour cette raison que plusieurs prophètes ont dû révéler la parole de Dieu, de façon à ce que toute l'humanité puisse l'entendre [40].

Une autre raison est que la religion a tendance à se corrompre. Elle perd toujours sa vigueur primitive et dégénère en institutions auxquelles manquent les forces spirituelles nécessaires pour stimuler la vie intérieure de l'homme. Par conséquent, il faut qu'elle soit renouvelée et purifiée. L'influence d'un messie, d'un nouveau messager, réalise cette purification.

Il y a aussi une autre raison. Au cours des périodes successives de civilisation et de déclin, l'homme développe sa compréhension et sa capacité de vivre en société. Il lui faut donc une mesure toujours plus grande de cette vérité réelle et essentielle qui est à la fois la nourriture de son esprit et l'inspiration de sa nouvelle civilisation. Cette vérité est révélée par un messager divin.

Bahá'u'lláh enseigne :

- que la révélation religieuse est progressive;
- que les pratiques désuètes et les anciennes institutions doivent céder la place à de nouveaux modèles;
- que la révélation répond aux besoins et à la capacité de chaque époque.

Le premier enseignement est confirmé par la Bible et par le Qur'án, par la Bhagavad Gita et par la doctrine de Bouddha. L'Ancien Testament contient l'histoire des révélations successives jusqu'au commencement de l'ère chrétienne. L'Évangile confirme les enseignements de l'Ancien Testament, réalise un grand nombre de ses prophéties et renouvelle formellement la promesse de la venue d'un messie (ou du retour du Messie). Le Qur'án confirme à la fois l'Ancien et le Nouveau Testament et renouvelle encore cette promesse.

Le deuxième enseignement reconnaît ce qui est nécessaire à chaque nouvelle phase de la vie, mais que l'on n'applique pas, sans raison évidente, aux institutions religieuses. Et pourquoi donc? Elles aussi sont mortelles et doivent céder la place à de nouvelles institutions. Jésus a dit: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point [41]." Le ciel est la demeure du soleil, c'est la synagogue, l'église, la mosquée ou le temple d'où rayonne la lumière de la religion; la terre qui reçoit la lumière représente l'ordre social. Tous deux passeront, mais la lumière ne s'éteindra pas.

Jésus soutient également le troisième enseignement, à savoir que la révélation religieuse est appropriée aux capacités et aux besoins de l'humanité : "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire mais vous ne pouvez les supporter maintenant. Lorsque l'Esprit de vérité viendra, Il vous conduira vers la vérité entière. [42]" "Vous ne pouvez les supporter maintenant" : si les hommes sont assez sages pour éduquer leurs enfants selon ce principe, Dieu n'en fera pas moins.

Le véritable éducateur de l'humanité est le fondateur de la religion. Il lui apprend la morale et les vertus les plus élevées et lui révèle sa réalité spirituelle. Tous les prophètes ont poursuivi ce but. Ils ont enseigné aux hommes l'honnêteté, la sincérité, la loyauté, le respect, la modestie, l'obéissance civile et le sacrifice de soi. La doctrine essentielle de toutes les religions est la même.

Les noms des messagers diffèrent et, bien que les vérités spirituelles restent toujours les mêmes, leurs enseignements sociaux diffèrent aussi selon les conditions de l'époque à laquelle ils apparaissent. Par exemple, il fut un temps où la justice se réduisait au fameux principe "oeil pour oeil, et dent pour dent", mais aujourd'hui l'application de ce principe paraîtrait barbare. À certaines époques, le divorce fut permis, à d'autres, il fut interdit. Lorsque les femmes étaient considérées comme des biens et qu'elles ne jouissaient d'aucune protection si elles n'étaient pas sous la responsabilité d'un homme, la polygamie était autorisée [43]. Dans certains pays chauds, pour donner un autre exemple, il était défendu de manger du porc. Enfin, selon plusieurs traditions religieuses, un jour de la semaine devait être consacré au repos, une pratique qu'ont conservée les musulmans, les juifs et les chrétiens qui suspendent le travail le vendredi, le samedi et le dimanche respectivement.

Les différents besoins des époques au cours desquelles naissent des révélations sont à l'origine des diverses pratiques qui opposent les religions. L'hostilité entre les religions est donc simplement due aux préjugés et à l'ignorance.

"Sache avec certitude que l'essence de tous les Prophètes de Dieu est la même. Leur unité est absolue. Dieu, le Créateur, dit: "Il n'existe aucune différence entre les porteurs de mon message. Ils n'ont qu'un seul but; leur secret est le même." Il est donc clair et évident que toute différence apparente dans l'intensité de leur lumière n'est pas inhérente à la lumière elle-même mais qu'il faudrait plutôt l'attribuer au degré variable de réceptivité d'un monde en transformation constante. Le Créateur tout-puissant et incomparable confie un message à chacun des prophètes qu'Il envoie aux peuples de la terre, et lui ordonne d'agir de la manière qui répondra le mieux aux besoins de l'époque dans laquelle il apparaît [44]."

C'est là un enseignement qui s'accorde avec la raison et avec l'évidence historique, et qui peut éliminer les inimitiés religieuses et fournir la base d'une fraternité spirituelle véritable entre les peuples [45].

La foi bahá'íe interdit la confession, la vie monacale, les rites et le sacerdoce :

"Les actes pieux des moines et des prêtres parmi les disciples de l'Esprit [Jésus], - que la paix de Dieu soit sur eux - sont rappelés en sa présence. En ce jour cependant, qu'ils abandonnent leur vie de solitude et dirigent leurs pas vers le monde ouvert, qu'ils oeuvrent pour leur profit et celui des autres. Nous leur avons donné la permission de se marier afin qu'ils puissent mettre au monde un enfant qui fera mention de Dieu, le Seigneur des choses visibles et invisibles, le Seigneur du trône élevé [...]

La confession publique des péchés et des transgressions n'est pas acceptable, car elle n'a jamais conduit et ne conduira jamais au pardon divin. En outre, une telle confession publique engendre l'humiliation et l'abaissement de la personne, et Dieu - exaltée soit sa gloire - ne souhaite pas l'humiliation de ses serviteurs. Il est en vérité le Compatissant, le Miséricordieux [46]."

La religion a été purifiée. En effet, Bahá'u'lláh l'a libérée du cléricalisme, de l'austérité, des superstitions et des intrigues ecclésiastiques. Une acceptation aveugle de la foi n'est plus permise; on ne doit plus interdire la lecture de certains livres. Le commandement donné à tous est de poursuivre indépendamment leur recherche, de chercher la vérité par tous les moyens possibles dans la science, dans l'art, dans le travail, dans la prière et dans la méditation.

Jaillissant d'une nouvelle source, la vérité religieuse est une fois de plus en voie de refaçonner la vie de l'humanité et de donner une nouvelle orientation à la destinée de la race humaine. La religion a pris une nouvelle signification. Elle n'est plus une arme pour intimider les masses ni une consolation pour les coeurs faibles. Elle est une force vibrante et dynamique qui, par l'amour, pousse les hommes à se distinguer dans l'art divin de vivre, un art dont 'Abdu'l-Bahá a été l'exemple parfait. Par cet exemple, il a fixé un mode de vie qui s'éloigne totalement du matérialisme de notre époque avec ses abus, ses satisfactions égoïstes, sa violence. En faisant de la loi du Christ, "Aimez-vous les uns les autres", un principe de la morale quotidienne, 'Abdu'l-Bahá démontre que vivre véritablement signifie:

" Si vous rencontrez de l'opposition, faites preuve de douceur. Si l'on vous contredit, restez fermes dans votre foi. Si quelqu'un vous délaisse et vous fuit, recherchez-le pour lui témoigner votre bienveillance. Ne faites de mal à personne. Priez pour tous. Tâchez de faire rayonner votre lumière sur le monde et de faire flotter votre étendard bien haut dans les cieux. Le parfum suave de vos vies pénétrera partout. La lumière de vérité allumée dans vos coeurs resplendira jusqu'au lointain horizon [47]."


4. LES PRINCIPES DE L'ORDRE MONDIAL

La force d'une société dépend de l'adhésion de millions d'individus, différents les uns des autres, à une idéologie commune qui doit être parfaitement adaptée aux besoins et aux conditions de cette société. Bahá'u'lláh, en instaurant une communauté mondiale rassemblant tous les membres de la race humaine, a énoncé certains principes qui constituent l'encadrement mental et spirituel de l'âge nouveau. Lorsque nous réalisons à quel point ces principes ont pénétré dans la conscience humaine, nous comprenons combien nous nous rapprochons de cet ordre mondial que nous sommes destinés à établir.

Dans ce chapitre, le lecteur constatera que le monde porte déjà l'empreinte de tous les principes de Bahá'u'lláh. Certains sont bien reçus par la grande majorité des hommes, et d'autres, comme l'égalité de l'homme et de la femme [48], font à tel point partie de la vie moderne qu'on les tient maintenant pour acquis. Mais rappelons-nous qu'ils furent proclamés il y a plus de cent ans et que, sauf à un petit nombre d'esprits éclairés, ces principes parurent, à l'époque, extravagants, incompréhensibles ou hérétiques.

'Abdu'l-Bahá écrit : "Dans chaque dispensation, la lumière de la direction divine a été concentrée sur un thème central... En cette révélation merveilleuse, en ce siècle glorieux, la fondation de la foi de Dieu et le caractère distinctif de sa loi, c'est la conscience de l'unité de l'humanité [49]."

Les découvertes de la science confirment ce principe autour duquel tous les autres gravitent : l'origine commune de tous les peuples de la terre. L'anthropologie a démontré d'une manière concluante que la race humaine, bien que diversifiée au point de vue de la couleur de la peau, de la taille et des traits, ne comporte pas différentes races ni plusieurs espèces. L'humanité c'est l'homo sapiens, l'Homme. Nous sommes un seul peuple de même origine et possédant une histoire commune.

Les théories qui essaient de justifier la supériorité d'une race, et que soutiennent encore un grand nombre de personnes, ne résistent pas à l'examen. En fait, lorsqu'on les considère sans préjugés ni égoïsme, elles ne révèlent rien de plus que l'expression d'un orgueil national ou racial. Une excellente démonstration de leur inexactitude se trouve dans A Study of History [50] de A. J. Toynbee, qui s'appuie sur de nombreux experts pour soutenir sa thèse. Nous citerons ici deux autres auteurs. D'abord, le professeur Dorsey, qui a écrit: - "Il n'existe aucun fait connu relié à l'anatomie humaine ou à la physiologie, qui impliquerait que l'aptitude à la civilisation soit inhérente à telle race ou à tel type [...]" Il demande ensuite, tout à fait à propos: "À quel niveau de civilisation les Anglo-Saxons étaient-ils parvenus au temps de Toutânkhamon, de César ou de Guillaume le Conquérant? [...] Comme le sauvage européen devait paraître arriéré à l'Africain de la vallée du Nil qui, du haut de sa pyramide de Chéops, regardait vers le Nord [51]."

Pour sa part, E. A. Hooton déclare qu'il n'y a aucun critère qui permette d'estimer la capacité des peuples non développés d'accueillir la civilisation, et il ajoute: " Quelles possibilités de développement culturel un Romain cultivé, vivant en Angleterre au quatrième siècle ap. J.-C. aurait-il attribué aux natifs de cette île? Quelle valeur "raciale" ou ethnique Périclès aurait-il attribuée aux Romains de son temps? [52] "

Bahá'u'lláh proclame dans un langage simple: "Vous êtes tous les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une même branche [53]."

Cette vérité est implicite dans les enseignements de toutes les religions, mais elle ne fut jamais vraiment acceptée, par les peuples chrétiens en particulier.

Bahá'u'lláh, comme nous l'avons dit, insiste particulièrement sur ce point qui est la base de la société mondiale et qui trouve son application pratique dans les affaires humaines. Shoghi Effendi écrit :

"Qu'il n'y ait point de malentendu. Le principe de l'unité de l'humanité - pivot autour duquel gravitent tous les enseignements de Bahá'u'lláh - n'est ni un simple élan de sentimentalité ignorante ni l'expression d'un espoir vague et pieux. Son appel ne doit pas simplement s'identifier avec un réveil de l'esprit de fraternité et de bonne volonté parmi les hommes. Il ne vise pas non plus à entretenir uniquement une harmonieuse coopération entre des peuples et des nations autonomes. Sa portée est plus profonde. Ses déclarations sont plus importantes que toutes celles que les prophètes du passé furent autorisés à formuler. Son message ne s'adresse pas seulement à l'individu; il se rapporte avant tout à la nature des relations essentielles qui doivent lier tous les États et toutes les nations en une seule famille humaine.
Ce principe n'est pas simplement l'énoncé d'un idéal; il est inséparable d'une institution [54] propre à personnifier la vérité de son message, à en démontrer la valeur et à en perpétuer l'influence. Il exige, dans la structure de la société actuelle, une modification organique telle que le monde n'en a encore jamais éprouvé de pareille. Il constitue un défi à la fois audacieux et universel au critérium périmé des croyances nationalistes; ces croyances ont eu leur temps et, dans le cours naturel des événements, tels que les forme et les dirige la Providence, elles doivent céder le pas à un nouvel évangile foncièrement différent et infiniment supérieur à tout ce que le monde connaît jusqu'ici.
Ce message n'invite à rien de moins qu'à reconstituer et à démilitariser la totalité du monde civilisé. Il veut un monde organiquement unifié dans tous les aspects essentiels de son existence: dans ses institutions politiques, dans ses aspirations spirituelles, dans son commerce et dans ses finances, dans son écriture et dans sa langue. Ce monde cependant n'en sera pas moins d'une diversité infinie en vertu des traits caractéristiques nationaux des unités fédérées [55]."

L'unité de la religion, déjà discutée dans le chapitre précédent, est une partie essentielle de l'ordre mondial car, sans union spirituelle, il ne peut y avoir de fraternité véritable ni d'autorité universellement acceptée. Et ces deux conditions sont indispensables à l'ordre social.

Les Écritures saintes ont fait autorité dans le passé. Le Qur'án pour l'islám, la Bible pour la chrétienté [56]. Mais les nations musulmanes, qui comprennent plusieurs centaines de millions de croyants, n'accepteront pas l'interprétation humaine de l'Évangile à la place du Qur'án, pas plus que les nations chrétiennes n'accepteront que le Qur'án soit substitué aux lois qu'elles ont elles-mêmes développées. Ce n'est là qu'un exemple des difficultés qui s'opposent à l'unification de la religion. Il faut aussi tenir compte des centaines de millions de bouddhistes et d'hindous ainsi que des adeptes de toutes les autres religions.

Bahá'u'lláh résoud ce problème. Il ne demande à aucune des religions établies d'accepter les lois et les ordonnances de l'une d'entre elles, mais il ne leur demande pas non plus de débattre entre elles pour résoudre la question. Dans sa révélation, il satisfait les espoirs et accomplit les promesses que toutes les religions précédentes donnent dans leurs propres écrits. Son livre des lois revêt la même autorité que les dix commandements ou le Sermon sur la Montagne et il peut convenir aux croyants de toutes les religions.

Bahá'u'lláh montre que les enseignements d'une manifestation de Dieu se composent de deux parties: d'une part, les principes spirituels qui ne changent pas d'une époque à l'autre et, d'autre part, les lois et les préceptes sociaux qui varient selon le degré de maturité de l'homme. Divers systèmes religieux se développent autour de la personne de leur fondateur, entrent en contact avec d'autres systèmes religieux qui se développent de la même façon. Parce que des différences extérieures apparaissent entre ces divers systèmes, différences accentuées par la diversité des climats, des modes de vie et des formes d'habillement, on croit qu'il s'agit de religions réellement différentes. On en conclut fatalement que "la nôtre" est la seule vraie religion, transformant ainsi des différences superficielles en barrières infranchissables.

Les bahá'ís reconnaissent que tous les livres sacrés du monde proviennent de la même source, par l'intermédiaire d'une manifestation de Dieu. Ils peuvent, par conséquent, se joindre aux bouddhistes, aux hindous, aux juifs, aux musulmans et aux chrétiens sur une base interdite aux membres de systèmes plus exclusifs. Ils peuvent aussi contribuer à les rassembler en effectuant un rapprochement que la diplomatie et le tact seraient incapables de réaliser. Les communautés bahá'íes, en fait, comptent des croyants provenant de toutes ces croyances et des diverses sectes qu'a produites la désagrégation des grands systèmes religieux.

Sans nier la valeur des révélations religieuses qui l'ont précédée et sans diminuer la valeur d'une Manifestation aux dépens d'une autre, la révélation de Bahá'u'lláh est à même d'apporter l'unité religieuse à la race humaine, déchirée et divisée.

Dieu guide l'humanité, d'époque en époque, par l'intermédiaire de ses messagers divins. À une certaine époque, le messie s'appelle Jésus, à une autre, il s'appelle Moïse, Muhammad, Krishna, Bahá'u'lláh, mais c'est toujours le même messie. De même que le soleil, qu'il se lève le lundi, le mardi ou le mercredi, en mars, en avril ou en mai, en 1900, en 1970 ou en l'an 2000, est toujours le même soleil.

Chaque fois que l'apathie spirituelle corrompt la vérité et la vigueur d'une religion, et que cette religion cesse de nourrir les relations et le progrès humains, une nouvelle manifestation se produit : Dieu renouvelle sa révélation. "Quand la justice tombe en désuétude et que l'injustice est renforcée, je viens sur la terre pour faire triompher le bien et réprimer le mal. Je renais d'âge en âge [57]."

Voilà exactement ce qui se produit dans le monde d'aujourd'hui. De même que la vérité de la parole de Jésus a brillé au milieu d'une multitude de sectes et de cultes nouveaux, l'éclat de la révélation de Bahá'u'lláh s'élève au-dessus d'un grand nombre de mouvements de renaissance, de nouvelles philosophies religieuses et de sectes dérivées des doctrines orthodoxes. "La Main d'omnipotence a établi sa révélation sur un fondement durable, inattaquable [58]." Cela s'applique à toutes les manifestations de Dieu, car elles parlent toutes du même Dieu et elles révèlent la même vérité, selon le besoin et la capacité de leur époque.


4.1. L'abandon des préjugés et des superstitions

Bahá'u'lláh inclut parmi les superstitions toutes les croyances que ne soutient aucun fait, comme l'idée de la supériorité raciale. Il est évident qu'une investigation scientifique en démontrerait l'inexactitude.

Mais dénoncer les idées fausses ne suffit pas pour éliminer les préjugés. Un préjugé, une attitude mentale ou un parti pris comportent une part d'émotion, et la raison n'agit que très lentement sur les émotions. Une nouvelle impulsion émotionnelle, comme celle provoquée par la religion, est nécessaire pour déraciner les préjugés.

Des connaissances nouvelles changent les conceptions intellectuelles, mais la transformation des sentiments est longue à se produire. Toutefois, lorsque c'est le choc émotionnel qui survient en premier, la transformation intellectuelle se fait rapidement, souvent immédiatement. Cela s'explique par le fait que l'être humain est généralement prompt à rationaliser son attitude sentimentale. Prenons le cas d'un préjugé à l'égard d'une certaine personne ou d'un certain groupe : si on nous montre que ce sentiment est indéfendable du point de vue intellectuel, notre sentiment ne changera que lentement ou pas du tout, mais si on parvient à éliminer d'abord le sentiment d'antipathie qui nous anime, notre raison ne tardera pas à reconnaître qu'il s'agissait là d'un préjugé erroné ou stupide.

Celui qui veut abandonner ses préjugés est obligé de se libérer de sentiments qu'il a développés dans son enfance. Un tel processus est forcément douloureux. Ne dit-on pas que ce qui pénètre dans l'esprit d'un enfant de moins de sept ans est gravé en lui comme dans la pierre? Seule une entière et radieuse acceptation du principe de l'unité et de tout ce qu'il implique peut nous libérer de ces attitudes.

'Abdu'l-Bahá écrit à ce sujet: "Et parmi les enseignements de Bahá'u'lláh, il est dit que les préjugés religieux, politiques, économiques, patriotiques et raciaux détruisent l'édifice de l'humanité. Tant que ces préjugés ne seront pas abolis, les hommes ne trouveront pas de repos. L'histoire nous raconte les événements qui arrivèrent pendant six mille ans de vie humaine et, durant ces six mille ans, jamais les hommes ne s'affranchirent des guerres, des luttes, du meurtre et de la soif du sang. La guerre a toujours sévi, soit dans un pays, soit dans un autre, et précisément à cause de quelque préjugé religieux, racial, politique ou patriotique. Il a donc été reconnu et prouvé que tout préjugé provoque la ruine de l'humanité. Tant que les préjugés subsisteront, la lutte pour l'existence l'emportera, entraînant la soif du sang et la rapacité. Il en est donc maintenant comme il en fut dans le passé; le monde ne pourra se libérer de l'obscurité de la nature pour s'élever vers la lumière que s'il abandonne les préjugés et acquiert les vertus spirituelles du Royaume [59]. "

Bahá'u'lláh dénonce ce qu'il y a de faux à la base de tout préjugé et il explique comment l'ignorance les entretient. Puis il les remplace par des vérités universelles. Les savants d'aujourd'hui peuvent suivre cet exemple et poursuivre la tâche de combattre les préjugés par la recherche de la vérité. Mais qui peut transformer les sentiments? Seul le Messager de Dieu en est capable, car il éveille dans les coeurs un amour universel qui permet de ne voir dans toute la création que le "visage de Dieu".

Les différences qui distinguent un être humain de ses semblables sont une source de beauté et de richesse pour l'humanité. Ce que 'Abdu'l-Bahá explique ainsi:

"Examinez les fleurs d'un jardin. Bien que rafraîchies par les eaux d'une même source, vivifiées par le souffle d'un même vent et fortifiées par les rayons du même soleil, elles sont différentes d'espèce, de couleur, de forme et d'aspect. Cette diversité augmente leur charme et ajoute à leur beauté. Quel désagrément pour l'oeil si toutes les fleurs et les plantes, les feuilles, les branches, les arbres et les fruits du jardin avaient la même forme et la même couleur! La diversité des nuances, des formes, des aspects enrichit et orne le jardin; l'impression qu'il produit en est rehaussée. De même quand divers caractères, tempéraments et philosophies se réuniront sous l'influence et la direction d'un même pouvoir central (Dieu), la beauté et la gloire de la perfection humaine se révéleront et seront manifestes. Seul le pouvoir céleste du Verbe de Dieu, qui gouverne et surpasse les réalités de toutes choses, peut harmoniser les pensées, les sentiments, les idées et les convictions diverses des enfants des hommes [60]."

Les préjugés ne sont pas seulement des idées préconçues, ils consistent aussi en un attachement obstiné à des méthodes et à des institutions périmées. Le dogmatisme et l'engouement pour nos propres théories empêchent, au même titre que nos autres préjugés, l'établissement de la paix universelle.

L'abandon des préjugés implique, par conséquent, non seulement un changement d'attitude chez l'individu, mais un changement dans la structure sociale, économique et politique du monde. "L'appel de Bahá'u'lláh est, en premier lieu, dirigé contre toutes les formes d'étroitesse d'esprit, tous les particularismes d'opinion et tous les préjugés. Si des idéaux longtemps en faveur et d'antiques institutions, si certaines croyances sociales ou si des formules religieuses ont cessé de concourir au bien-être de la généralité du genre humain, s'ils ne correspondent plus aux besoins d'une humanité en continuel développement, qu'ils soient rejetés et relégués dans les limbes des doctrines tombées en désuétude et oubliées. Pourquoi, dans un monde soumis à l'immuable loi de variation et d'usure, seraient-ils exempts de l'altération qui forcément doit atteindre toute institution humaine? Les types de loi, les théories politiques et économiques ne sont destinés qu'à protéger les intérêts de l'humanité considérée comme un tout; l'humanité n'a pas à être crucifiée pour le maintien d'une loi ou d'une doctrine quelle qu'elle soit [61]."


4.2. L'éducation universelle

Heureusement, la théorie selon laquelle l'éducation nuit aux masses a aujourd'hui disparu, ou presque. Mais lorsque Bahá'u'lláh déclara, au milieu du dix-neuvième siècle, que chaque individu, fille ou garçon, devait recevoir une éducation convenable, il empiéta sur les prérogatives de l'aristocratie. Ajoutons qu'autrefois c'était le clergé qui, le plus souvent, monopolisait l'éducation. Dans ce nouveau cycle, aucune classe, aucune partie de la société ne sera plus favorisée qu'une autre; chaque individu est important pour la communauté et il faut que chacun soit capable de participer à l'administration des affaires communes. 'Abdu'l-Bahá compare l'éducation à la culture d'un jardin, montrant comment le jardinier peut transformer l'extravagance de la nature sauvage en une beauté tranquille et bien ordonnée. L'éducation ne peut modifier les caractères, qui sont différents les uns des autres du fait de leur nature propre, mais elle peut aider à leur développement optimal:

"Les manifestations de Dieu [...] affirment que les différences sont sans conteste innées et que la citation " Nous avons fait en sorte que certains d'entre vous surpassent les autres" est un fait prouvé et inéluctable. Il est certain que les êtres humains sont, par leur nature même, différents les uns des autres. Observez un petit groupe d'enfants nés des mêmes parents, allant à la même école, recevant la même éducation et s'alimentant du même régime. : certains seront instruits, atteindront un haut degré d'avancement; certains atteindront un niveau moyen et d'autres encore seront incapables d'étudier [...] Mais les manifestations considèrent également que l'instruction et l'éducation sans aucun doute exercent une influenece énorme [62]. "

L'éducation est un sujet de la plus haute importance et nous pourrions consacrer des heures à discuter, non seulement de ce qui doit être enseigné, mais aussi d'outils éducatifs aussi puissants que la presse, le cinéma et la radio. Il vaut mieux cependant laisser ces discussions aux éducateurs. Nous rappellerons simplement que Bahá'u'lláh considère l'éducation comme une obligation pour tous, et que la formation du caractère et la préparation à une profession ou à un métier constituent des aspects essentiels de l'éducation bahá'íe.


4.3. L'égalité des hommes et des femmes

Si on considère l'époque et le pays où Bahá'u'lláh a proclamé ses principes, parmi ceux-ci, l'égalité des sexes a dû sembler le plus révolutionnaire et le plus étonnant de tous. C'est pourtant celui qui est le plus universellement accepté aujourd'hui, du moins en principe. Les femmes se sont émancipées, partout dans le monde, en Orient comme en Occident, et elles ont montré leur capacité d'accéder, sur un pied d'égalité avec les hommes, à tous les domaines, qu'il s'agisse des diverses professions, du monde des affaires ou des arts. Toutefois, ce n'est encore là qu'une égalité incomplète, une concession arrachée au " monde des hommes " [63]. La pleine égalité des sexes n'est pas encore admise: les hommes, pour la plupart, ne sont pas disposés à l'admettre, et les femmes, n'ayant reçu, pendant des milliers d'années, qu'une éducation primaire et ayant occupé une position inférieure à celle des hommes, sont encore incapables, dans bien des cas, de l'assumer.

Ce principe d'égalité a une signification profonde, et cela à tout point de vue. 'Abdu'l-Bahá dit: "L'humanité a deux ailes, la masculine et la féminine. Un oiseau ne peut voler que si ses deux ailes sont également développées. Si une aile restait affaiblie, le vol serait impossible. La réussite et la prospérité ne seront atteintes que lorsque l'univers de la femme égalera celui de l'homme dans l'acquisitions de vertus et de perfections [64]."

Les hommes et les femmes ne sont pas identiques. Ils ont des rôles différents à remplir, particulièrement dans la famille. Mais ces rôles sont complémentaires et, pour parvenir à un résultat parfait, il faut leur attribuer une valeur égale.

En termes psychologiques, on dit qu'il y a deux principes: le principe masculin et le principe féminin. Jusqu'à présent, le principe masculin, actif et constructeur, a dominé la scène mondiale, alors que le principe féminin, qui relie les êtres et entretient l'harmonie, demeure à l'arrière-plan, confiné au domaine familial. Jusqu'ici, les efforts qu'ont faits les femmes pour parvenir à l'égalité avec les hommes et pour accéder à des occupations considérées comme appartenant au sexe masculin dans le passé ont rencontré beaucoup d'opposition. L'homme doit apprendre à apprécier la force et le potentiel de la femme, à reconnaître son importance en tant que première éducatrice des enfants et à l'accueillir comme son partenaire dans toutes les sphères de la vie en société.

Lorsque cette force sera libérée et pénétrera toutes les activités humaines, elle accomplira son oeuvre parmi les nations, dans la famille humaine. Les femmes, affirme 'Abdu'l-Baha, ont un grand rôle à jouer dans l'établissement de la paix mondiale.


4.4. L'adoption d'une langue auxiliaire internationale

"Dans le monde entier, il n'est rien de plus important que d'être compris par ses semblables, car le progrès de la civilisation elle-même en dépend [65]."

Depuis la proclamation de ce principe par Bahá'u'lláh, l'espéranto et un certain nombre d'autres langues ont été inventés. L'espéranto a probablement gagné le plus de suffrages, et dans presque tous les pays d'Europe et d'Amérique, il a trouvé des adeptes enthousiastes.

À Paris, en 1911, 'Abdu'l-Bahá a déclaré: "Aussi faut-il apprécier l'espéranto, car c'est le début de l'accomplissement d'une des plus importantes lois de Bahá'u'lláh, et il faut continuer à l'améliorer et à le perfectionner [66]."

À une autre occasion, il a déclaré qu'un homme seul ne pouvait composer une langue universelle, et qu'il faudrait une commission internationale pour en inventer une qui satisfasse tous les peuples.

"Pensez comment une langue internationale faciliterait la communication entre toutes les nations de la terre. La moitié de notre vie se passe à acquérir la connaissance des langues car, en cet âge de lumière, tout homme qui espère voyager en Asie, en Afrique ou en Europe, est obligé d'apprendre plusieurs langues de façon à pouvoir parler avec les peuples de ces pays. Mais à peine possède-t-il une langue qu'une autre lui est nécessaire. On peut donc passer toute sa vie à apprendre des langues, sans parvenir à communiquer librement avec les peuples de toutes les nations. Une langue internationale libérerait l'humanité de ce problème [67]. "

" L'unité linguistique transformera les peuples de la terre en un seul peuple, elle fera disparaître les malentendus religieux, et unira l'Orient et l'Occident dans un esprit d'amour et de fraternité. L'unité linguistique fera fusionner les nombreuses familles du monde en une seule famille. Elle supprimera l'ignorance et la superstition, car elle permettra à chaque enfant, quelles que soient sa race et sa nationalité, de poursuivre ses études dans les sciences et les arts, à l'aide de deux langues - sa langue maternelle et la langue internationale. Le monde matériel deviendra l'expression du monde de l'esprit. Des découvertes seront révélées, les inventions se multiplieront, les sciences avanceront à pas de géant, l'agriculture scientifique se développera sur une plus large échelle. Les nations pourront se servir des idées les meilleures et les plus modernes parce qu'elles seront exprimées dans la langue internationale [68]."

Nous ne disons pas qu'il ne doit exister qu'une seule langue, mais bien qu'une langue internationale, parlée et écrite, deviendra une langue seconde pour tous les peuples. Il faut conserver et développer la culture, la littérature, l'art, en un mot le génie de chaque nation, mais chaque personne doit apprendre au moins deux langues: sa langue maternelle et la langue internationale. Ce n'est pas l'uniformité qui est recherchée mais l'unité dans la diversité. Ne serait-il pas merveilleux d'entendre parler une langue internationale dans de nombreux accents différents.

D'autres principes énoncés par Bahá'u'lláh seront développés dans les chapitres suivants. Nous donnons ici une liste des principes fondamentaux de la foi bahá'íe qui en montre la nature universelle:

- L'unité de l'humanité

- L'unité de la religion

- La recherche individuelle de la vérité

- L'abandon des préjugés et des superstitions

- L'éducation universelle obligatoire

- L'égalité de l'homme et de la femme

- L'adoption d'une langue auxiliaire universelle

- L'harmonie entre la religion et la science

- Les principes économiques tels que le travail pour tous et la suppression de l'extrême pauvreté et de l'extrême richesse

- Un gouvernement mondial

- Un tribunal mondial

- La paix universelle

Il ne faut pas s'imaginer que la foi bahá'íe est un simple code de principes éthiques. Elle se penche aussi sur des questions telles que la nature de l'homme, de l'âme, de l'intelligence et de l'esprit, la nature de l'univers, la relation entre l'homme et Dieu, les mystères de la création, le but de la vie, l'immortalité. Les enseignements bahá'ís sur ces différents sujets sont lumineux et profonds, et Bahá'u'lláh en parle avec l'autorité qui convient à une manifestation de Dieu.

Cet exposé moderne de la religion satisfait pleinement l'homme d'aujourd'hui qui est à la "recherche de son âme". C'est, en vérité, "l'eau de la vie" qui, une fois de plus, jaillit de l'antique source. Celui qui boit de cette eau naît à nouveau, celui qui la repousse reste au stade de l'embryon. Grâce à cette renaissance et aux principes qui l'orientent vers un ordre mondial, l'humanité tout entière peut échapper aux terreurs de cette époque et trouver la porte qui lui donnera accès à une vie nouvelle et merveilleuse.


5. LA SCIENCE ET LA RELIGION

Le conflit entre la religion et la science n'est pas nouveau. L'histoire fournit des exemples innombrables de savants qui ont été persécutés au nom de la religion et forcés, sous la torture, à renier leurs découvertes. Récemment, la balance a penché de l'autre côté et la religion est maintenant obligée d'adapter son univers théologique aux réalités démontrées par la science.

Bahá'u'lláh affirme que l'harmonie doit exister entre ces deux aspects de l'esprit humain. La science et la religion conduisent toutes deux à la vérité et ne peuvent se trouver en opposition. Les savants et les théologiens peuvent être en désaccord et se tromper aussi bien les uns que les autres, mais la science, qui est la connaissance de l'univers, ne peut être en opposition avec la religion, qui est l'art de vivre.

Inutile de parler de matérialisme ou d'idéalisme, car on trouve des matérialistes et des idéalistes dans les deux camps.

Le problème vient du fait qu'un clergé dévôt qui a construit de façon rigoriste un univers basé sur une interprétation littérale des Écritures saintes a lutté et lutte encore avec acharnement contre l'écroulement inévitable d'un tel système. Voyez comment des savants ont été attaqués parce qu'ils enseignaient que la terre était ronde et que, par conséquent, le ciel ne pouvait être "en haut" ni l'enfer "en bas". S'opposant à ceux qui cherchaient à comprendre l'univers du Créateur, les partisans d'un univers imaginé par l'homme se dressaient contre l'astronomie qui délogeait notre planète de l'importante position céleste à laquelle elle prétendait, contre la biologie et les autres sciences qui appuyaient la théorie de l'évolution et qui attribuaient à la terre un âge bien supérieur aux six mille ans enseignés par la tradition.

La science ne connaît pas une telle rigidité. En fait, la principale caractéristique du monde scientifique est sa souplesse. Les vrais savants ne fixent jamais de théorie définitive; ils sont toujours prêts à recevoir de nouvelles informations et de nouveaux témoignages et à modifier leurs conclusions.

Les religions, lorsqu'elles sont dominées par des organisations et des esprits doctrinaires, rejettent le principe de la révélation progressive dont elles-mêmes tirent leur existence. Ainsi, les juifs n'acceptèrent pas Jésus et les chrétiens ne reconnurent pas Muhammad. C'est de là que vient l'incapacité de la religion de s'adapter aux progrès de notre époque. La Bible rend compte de quatre mille ans de révélation progressive jusqu'à l'époque du Christ, époque à laquelle, selon les croyances chrétiennes, la révélation cessa. Se basant sur cette assertion, les Églises offrent à l'humanité, ou du moins à une partie de celle-ci, les restes d'un système qui a connu son époque de grandeur, et elles rejettent la nouvelle effusion de vérité et de vitalité spirituelles que promettait pourtant l'Évangile.

La science ne s'oppose pas aux préceptes moraux enseignés par la religion mais, à l'occasion, elle recommande l'adoption de nouvelles pratiques et l'abandon d'anciennes coutumes, et cela afin d'améliorer le bien-être général. Les savants se bornent en fait à la recherche et à la description des phénomènes et laissent à l'humanité le soin d'en tirer le plus grand profit possible. Et c'est là que la religion doit jouer son rôle, car c'est la condition spirituelle de l'humanité qui décidera si l'utilisation du pouvoir de la science enrichira l'humanité ou détruira la vie humaine. L'efficacité effroyable des instruments de mort, la pauvreté, le dénuement et la misère de multitudes d'êtres humains, les haines qui continuent d'opposer les classes sociales et les nations fournissent un témoignage incontestable de l'inefficacité de la religion à notre époque.

La science s'oppose à une telle religion, et toute personne saine d'esprit en fait autant, car la science s'intéresse avant tout à l'amélioration de la vie. Elle nous délivre des tâches les plus pénibles et les plus dangereuses et elle nous donne accès à une richesse qui pourrait combler les besoins de tous. Elle nous offre une vie plus longue et plus saine que celle de nos ancêtres et nous permet de réduire considérablement et peut-être même d'éliminer les infirmités, les déficiences mentales et les maladies. Elle nous fournit les moyens de nous nourrir, de nous vêtir et de nous loger, de nous organiser d'une manière plus efficace qu'autrefois, sans que nous soyons obligés de consacrer toute notre vie à ces tâches. Elle nous offre la perspective d'une liberté civilisée, mais nous nous obstinons à nous détruire mutuellement, à polluer l'atmosphère et à priver des multitudes de nos semblables des moyens d'existence les plus élémentaires.

Cet état de choses ne représente pas l'échec de la science, mais bien celui de la religion. 'Abdu'l-Bahá a dit, à New York: "La science ne peut créer l'amitié et la camaraderie dans les coeurs humains. Ni le patriotisme ni l'attachement racial n'apportent de remède à l'inimitié et à la haine. L'amitié ne s'établira que grâce à la bonté divine et aux dons spirituels que Dieu nous envoie aujourd'hui dans ce dessein. Il nous fournit le remède divin pour la situation où nous nous trouvons. Seuls les enseignements de la religion de Dieu peuvent créer cet amour, cette unité et cet accord dans les coeurs humains [69]."

La religion, dans son effort pour maintenir un idéalisme rationnel, condamne le matérialisme de la science. Dans un article intitulé "Science, Morals and Religion", le professeur J. B. S. Haldane de l'université de Cambridge cite la thèse d'un théologien éminent qui accuse la science d'avoir fondé toute sa structure logique et rationnelle sur les seuls principes de " l'unité et de l'autosuffisance de l'univers physique ", et de n'avoir reconnu l'existence que des choses qu'on peut mesurer. Haldane réfute cette accusation. Selon lui, l'autosuffisance de l'univers physique n'est qu'une "hypothèse féconde, utile surtout parce que vérifiable"; il démontre ensuite que, selon les critères de la science, "certains théorèmes, tels que celui de la conservation de l'énergie, sont beaucoup plus fiables que n'importe quelle loi basée sur des données mesurables [70]".

On peut alors se faire une idée plus précise de l'esprit scientifique: la science cherche la vérité grâce à un processus d'investigation qui, partant d'une hypothèse féconde, s'avance vers un ensemble de conclusions soigneusement éprouvées qui, à leur tour, doivent se montrer fructueuses. Ce processus oblige à réviser et à modifier à tout instant les conclusions précédentes et ne laisse aucune piste d'information inexplorée. Plusieurs savants connus ont expliqué que les hypothèses et les conclusions de la science ne sont rien de plus que des diagrammes rassemblant les faits connus, et qui doivent se modifier au fur et à mesure que de nouveaux faits sont découverts. En fin de compte, même l'hypothèse initiale pourra se révéler insoutenable; dans ce cas, il faudra que la science en propose une autre. Voilà ce qui fait la véritable beauté de la science: elle énoncera une nouvelle hypothèse, car elle ne s'attache pas avec dogmatisme à des conclusions qu'elle a elle-même contribué à élargir et à modifier.

Mais le fait de rejeter un axiome ne remet pas en question l'utilité des découvertes qui en ont découlé. Des théories nouvelles ont pris la place de la théorie de la compression des gaz sans que cela diminue l'utilité du parachute, et si les savants concluaient demain que l'autosuffisance de l'univers physique ne pouvait plus servir comme base d'investigation, les découvertes de la biologie et de la physique conserveraient toute leur valeur.

La science n'est pas l'invention de quelques brillants esprits. Elle s'appuie sur le réel, dans tous les domaines de la connaissance. Ses calculs mathématiques sont les mêmes qu'ailleurs dans l'univers. Les habitants de la Voie lactée, s'il en existe d'autres que nous-mêmes, reconnaîtraient un cercle et lui accorderaient la même valeur que nous lui accordons, bien qu'ils pourraient lui donner un autre nom.

Bien sûr, il peut sembler impossible de réconcilier le rationalisme scientifique et le dogmatisme religieux. Mais, comme dans toute recherche sincère de la vérité, nous devons faire la distinction entre la forme actuelle de la doctrine théologique et le pouvoir considérable dont la véritable religion a si souvent fait preuve d'une manière évidente dans l'histoire. Purifiée de l'hypocrisie, des superstitions et de l'apathie, la religion pourra ranimer spirituellement l'humanité, et ce serait la pire des folies que de s'en détourner.

Pour que l'homme puisse atteindre à la paix intérieure, il faut que la science et la religion s'accordent, que la raison et la foi soient en parfaite harmonie.

L'établissement d'une telle harmonie exige la modification radicale d'une grande partie des enseignements des différentes traditions religieuses. De tels changements ont déjà été apportés à l'interprétation du symbolisme de l'Ancien Testament - comme dans le cas de l'histoire du jardin d'Éden - mais on continue de ne voir dans le Nouveau Testament que son sens littéral, et souvent de façon incomplète. Par exemple, comment expliquer ces paroles de Jésus à propos du baptême: "Vous devez être baptisés par l'eau et par le feu." L'Église interprète l'eau à la lettre, mais elle n'explique pas le feu. Si le feu est un symbole, l'eau aussi en est un, mais si l'eau est prise au sens littéral, le feu devrait l'être aussi. De même, la résurrection de Jésus et l'ascension de son corps au " ciel ", compris de façon littérale, sont des dogmes de la croyance chrétienne. Comment cette façon de concevoir la religion peut-elle être en harmonie avec la science et la raison et comment peut-on croire de telles choses? Et dans quel but? Jésus est-il venu vaincre la mort du corps - ordonnée par le Créateur -, ou bien est-il venu vaincre la mort spirituelle qui est la conséquence de la mauvaise conduite des hommes?

'Abdu'l-Bahá explique que la vérité religieuse est révélée à l'humanité selon le pouvoir de compréhension de chaque époque. Le langage dans lequel elle est transmise est également adapté à cette époque. Ainsi Moïse employa un ton catégorique: "Tu dois...", "Tu ne dois pas...", alors que Jésus parla en paraboles. Bahá'u'lláh, lui, parle d'atomes, de biologie, d'évolution, d'électrons et des autres soleils qui se trouvent au-delà du nôtre. Chaque révélation correspond parfaitement à l'esprit de son époque.

Dans une causerie donnée à Washington D.C., le 22 avril 1912, 'Abdu'l-Bahá a expliqué le point de vue bahá'í sur la science:

"Les vertus de l'humanité sont nombreuses, mais la science est la plus noble de toutes. Ce qui distingue l'homme au-dessus et au-delà du rang de l'animal est dû à cette vertu souveraine. C'est un don de Dieu; don immatériel et divin. La science est un rayon éclatant du soleil de réalité, c'est le pouvoir qui nous permet de chercher et de découvrir les vérités de l'univers, c'est le moyen par lequel l'homme trouve un chemin vers Dieu. Tous les pouvoirs et attributs de l'homme sont humains et d'origine héréditaire, ils sont l'aboutissement des processus de nature, hormis l'intellect qui est supranaturel. Par le moyen de la recherche intellectuelle et intelligente, la science découvre toutes choses. Elle unit le présent et le passé, révèle l'histoire des nations et des événements révolus, et en ce jour, confère à l'homme l'essence de toute connaissance et de tout accomplissement humains à travers les âges. Au moyen de procédés intellectuels et de déductions logiques de la raison, ce pouvoir supérieur en l'homme peut pénétrer les mystères de l'avenir et prévoir ce qui est susceptible d'arriver.

La science est la première émanation de Dieu vers l'homme. Toutes les choses créées personnifient la potentialité de la perfection matérielle, mais le pouvoir de l'investigation intellectuelle et de l'acquisition scientifique est une vertu plus haute réservée seulement à l'homme. D'autres êtres et organismes sont privés de cette potentialité et de cet accomplissement. Dieu a créé ou déposé en l'homme cet amour de la réalité. Le développement et le progrès d'une nation se font selon la mesure et le degré des accomplissements scientifiques de cette nation. Par ce moyen, sa grandeur s'accroît sans cesse et de jour en jour le bien-être et la prospérité de son peuple sont assurés [71]."

Toutefois, écrit 'Abdu'l-Bahá:

" [...] il n'est pas possible à l'homme de se perfectionner selon le simple processus de développement matériel. Tout au plus, l'aspect physique de l'homme, ses conditions naturelles ou matérielles peuvent arriver à un point d'amélioration et de stabilisation, mais il restera privé du don spirituel ou divin. Il est alors comme un corps sans esprit, comme une lampe sans lumière, comme un oeil sans le pouvoir de la vision, comme une oreille qui n'entend aucun son, comme un esprit incapable de perception, comme un intellect dénué du pouvoir de la raison.

L'homme a deux pouvoirs, et son développement a deux aspects. L'un est branché sur le monde matériel, et par ce pouvoir, l'homme est capable de progrès matériel. L'autre est spirituel et, par son développement, la nature intérieure et potentielle de l'homme s'éveille. Ces pouvoirs sont comme deux ailes. Toutes deux doivent se développer, car il est impossible de voler avec une seule aile. Loué soit Dieu! le progrès matériel est devenu évident dans le monde, mais il est nécessaire que l'avancement spirituel se fasse dans des proportions semblables. Nous devons sans cesse et sans répit faire des efforts afin d'arriver au développement de la nature spirituelle de l'homme, et tenter, avec une énergie inlassable, de faire progresser l'humanité vers la noblesse de son rang véritable et prédestiné [72]."

La création de la matière est un mystère qui déconcerte totalement l'esprit scientifique et qui continuera sans doute à le déconcerter encore longtemps. Bahá'u'lláh parle de cette question, et particulièrement du processus de l'évolution [73].

Des atomes ou des unités d'énergie électrique se combinent selon la loi d'attraction pour former la matière. Les masses de matière, c'est-à-dire les étoiles et les planètes, maintiennent leur position fixe en vertu de la même loi. L'esprit se manifeste de cette manière dans le royaume minéral, où il exprime le pouvoir de cohésion; en même temps il crée la forme, de sorte que les rochers, l'eau et l'air sont les expressions de l'esprit dans le royaume minéral.

Il en est de même dans le monde végétal dans lequel les atomes, ayant acquis le pouvoir de cohésion sous leur forme minérale, reçoivent la vie de l'esprit et acquièrent la "faculté d'expansion", autrement dit, la capacité de grandir. Dans cette sphère, l'esprit se manifeste dans le pouvoir de cohésion et de croissance.

Après avoir passé par des milliers de formes dans le monde végétal, les atomes s'ordonnent, sous l'action de l'esprit, pour façonner une forme animale. Soumis, sous cette forme, à diverses expériences, ils développent, à l'aide de l'esprit, des facultés sensorielles; l'esprit possède donc maintenant la faculté de cohésion, celle de croissance et celle de perception.

Puis l'esprit apparaît sous la forme humaine et en lui se révèlent les qualités de cohésion, de croissance et de perception sensorielle, ainsi que les facultés intellectuelles. 'Abdu'l-Bahá dit :

" [...] lorsque l'esprit de l'homme voyage dans les degrés de l'existence, et qu'il passe par tous les rangs et toutes les conditions, et même dans la condition corporelle, il acquiert certainement des perfections [74]. "

La science a démontré que, lorsque la terre s'est refroidie, la vie est apparue d'abord chez les végétaux marins, puis chez les amphibies, les reptiles, les oiseaux, les mammifères et finalement chez l'homme. La religion établit le même ordre: minéral, végétal, animal et humain. Toutefois, affirme 'Abdu'l-Bahá, bien que l'homme ait revêtu autrefois différentes formes végétales et animales, il s'agissait toujours d'une espèce distincte. Bien qu'il ait pu autrefois se suspendre par la queue, c'était déjà un être humain, mais à l'état embryonnaire, ce n'était pas un singe. Au cours des milliers d'années que l'être humain a vécu sur la terre, ni les singes ni les autres vertébrés n'ont acquis un esprit semblable à l'esprit humain; ils n'ont pas inventé la radio ni la théorie atomique, ils n'ont pas réussi comme l'être humain à triompher des limitations du monde de la nature.

Bahá'u'lláh, dans Les paroles cachées, écrit:

"Ô fils de la bonté!

Des déserts de la non-existence, avec l'argile de mon commandement, je t'ai fait apparaître et j'ai confié ta formation à chaque atome existant et à l'essence de toute chose créée. Ainsi, avant que tu ne sortes du sein de ta mère, je t'ai réservé deux sources de lait pur, des yeux pour veiller sur toi et des coeurs pour t'aimer. Par ma tendre bonté, à l'ombre de ma miséricorde, je t'ai élevé, et par l'essence de ma grâce et de ma faveur, je t'ai protégé. En tout ceci, mon but était de te faire entrer dans mon royaume éternel et de te rendre digne de mes dons invisibles. Mais tu restas insouciant et, devenu adulte, te livrant à tes vaines imaginations au point de devenir complètement oublieux et, te détournant des portiques de l'Ami, d'aller habiter dans les cours de mon ennemi [75]."

Tels sont les enseignements bahá'ís sur l'évolution. La religion et la science ne s'accordent-elles pas?

À propos de l'ordre parfait existant dans l'univers entier, depuis le brin d'herbe jusqu'aux spirales nébuleuses, Bahá'u'lláh affirme : " La cause de la création de tous les êtres contingents est l'amour, comme l'indique la parole traditionnelle bien connue :"J'étais un trésor caché et j'ai voulu me faire connaître. Pour cela, j'ai créé l'univers afin d'être connu [76]." "

Les atomes, attirés par une "affinité élective", forment des éléments simples et, à leur tour, ces éléments se combinent pour constituer des phénomènes. Il s'ensuit que l'existence des formes dépend de la composition et leur non-existence de la désintégration. Alors pourquoi a-t-on besoin d'un Créateur?

'Abdu'l-Bahá répond à cette question : les éléments ne peuvent se composer que de trois manières, soit fortuitement, involontairement ou volontairement.

Si la composition se produisait fortuitement, ce serait un effet sans cause. Si elle est involontaire, il doit alors exister une propriété inhérente aux éléments qui les force à se composer et qui les empêche de se décomposer. Mais toutes les formes se décomposent; leur composition, par conséquent, ne peut être involontaire. Il s'ensuit qu'elle doit être volontaire ou qu'elle dépend d'une volonté étrangère. Cette volonté, c'est la volonté créatrice ou la volonté de Dieu, exécutée par l'esprit.

"C'est là une preuve rationnelle que la volonté du Créateur s'effectue dans le processus de composition [77]."

La science a démontré qu'un jour viendra où la vie cessera tout probablement d'exister sur cette planète car, d'après les astronomes, le soleil s'éteint à une vitesse incroyable. Les enseignements de Bahá'u'lláh ne nient nullement ces faits, mais ils rejettent catégoriquement la possibilité que la création puisse connaître une fin définitive. 'Abdu'l-Bahá dit:

"Le monde de la création n'eut pas de commencement et n'aura pas de fin parce que c'est l'arène où se manifestent les attributs et les qualités de l'esprit. Pouvons-nous limiter Dieu et sa puissance? Nous ne pouvons pas davantage limiter ses créations et ses attributs. Tout comme la réalité divine est sans limite, sa grâce et ses bontés sont illimitées.

Levons les yeux pour voir, à travers l'espace incommensurable, l'ordre majestueux des soleils gigantesques. Ces astres lumineux sont innombrables. Derrière notre système solaire, d'insondables systèmes stellaires existent; au-delà se trouvent encore les lointains amas de la Voie lactée. Encore plus loin, au-delà des étoiles fixes, on verra de nombreuses sphères de lumière. En vérité, la création du Tout-Puissant dépasse la compréhension de l'intelligence humaine [78]."

Nous n'allons pas nous attarder plus longtemps aux exposés scientifiques qui se trouvent dans les enseignements bahá'ís, car ils fourniraient la matière d'un livre entier. Nous désirons plutôt montrer qu'il n'y a pas de conflit entre la science et la vraie religion.

Dans d'innombrables passages, Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá parlent de l'importance et de la haute valeur des connaissances scientifiques et ils ordonnent à leurs disciples, non seulement de ne pas empêcher le développement de la science, mais aussi de faire de leur mieux pour la propager.

Mais les connaissances et les inventions scientifiques sont incapables, par elles-mêmes, de créer un monde ordonné. Nous possédons aujourd'hui un savoir immense mais, au point de vue spirituel, nous restons incapables de faire un usage constructif de ce pouvoir. Il faut donc ranimer la vie spirituelle des êtres humains si nous voulons parvenir à l'établissement d'une paix mondiale et d'un ordre mondial durables. C'est là la mission de Bahá'u'lláh et celle de tous les prophètes: éduquer l'esprit de l'homme afin qu'il continue d'acquérir des vertus toujours plus élevées et qu'il devienne une source d'amour et d'harmonie qui sont les principes directeurs de l'univers.


6. UNE FÉDÉRATION MONDIALE

BIEN des utopies et des projets pour instaurer un nouvel ordre mondial nous sont proposés aujourd'hui. La plupart d'entre eux omettent de souligner ou même de reconnaître le fait que l'ordre social repose sur la conduite individuelle. La civilisation s'appuie sur le travail, la liberté, le bon caractère et la maîtrise de soi. Elle ne peut être imposée par les hautes sphères de la société à partir d'un plan dressé par un quelconque individu. Les conflits et les guerres qui ont eu cours au vingtième siècle le montrent très clairement.

La foi bahá'íe n'offre rien qui n'exige un effort de chacun et de tous: nous ne pourrons acquérir la paix, la prospérité et le repos sans les payer au préalable par des efforts spirituels et intellectuels. Ces objectifs sont aujourd'hui réalisables, mais il faudra travailler fort pour les atteindre.

L'ordre mondial de Bahá'u'lláh est un but dont nous pouvons saisir les grandes lignes et vers lequel nous pouvons tendre. Ce n'est pas un âge d'or qui va se produire de façon magique grâce à une action politique ou économique particulière. Il se fonde sur le concept spirituel de l'unité de la race humaine et établit une structure qui permettra de préserver et de développer cette unité. Son principe fondamental est le suivant: "La terre est un seul pays dont tous les hommes sont les citoyens [79]."

Un État mondial, qui s'appuie sur un tel principe, ne peut tolérer l'existence de peuples dominateurs d'une part et de peuples asservis d'autre part. Il ne peut permettre que certains membres moins favorisés de la famille humaine soient exploités par d'autres membres qui jouissent d'un plus grand nombre d'avantages. Il refuse d'admettre qu'une partie quelconque de cette famille se donne le droit de faire la guerre à une autre partie, ou même de posséder des armes de guerre. Il ne peut permettre à un membre quelconque de cette fédération de monopoliser les matières premières indispensables à l'ensemble. Il ne peut laisser la grande majorité de ses citoyens vivre dans la pauvreté, alors que la science et l'industrie ont la capacité de produire des biens en abondance.

Mais on ne pourra régler ces questions tant et aussi longtemps que les nations ne reconnaîtront pas une autorité supérieure à la leur. Le contrevenant devient aujourd'hui celui qui refuse d'abandonner sa souveraineté personnelle et de se soumettre à la loi de la société. Les nations du monde, toutes, sans exception, ont commis le même crime envers l'humanité en refusant d'abandonner un peu de leur souveraineté nationale et de se plier aux exigences de la loi internationale et de l'ordre mondial.

La fédération mondiale envisagée par Bahá'u'lláh sera gouvernée par une autorité supranationale, c'est-à-dire par un gouvernement mondial librement élu par les peuples de la terre. Il devra détenir suffisamment d'autorité pour imposer ses décisions à tout membre récalcitrant ou rebelle de la communauté mondiale, et son intervention devra être rapide et efficace. Mais ce gouvernement mondial ne pourra accomplir sa tâche que si son autorité est soutenue par la race humaine tout entière. Ce qui nous ramène au principe de l'unité de l'humanité et à celui de l'abandon complet des préjugés, principes dont dépend l'avenir du monde.

Dans une Tablette que Bahá'u'lláh a adressée aux dirigeants de tous les pays, il déclare:

"Consultez-vous et que toutes vos délibérations se rapportent uniquement, à ce qui profitera à l'humanité et améliorera sa condition... Considérez le monde comme un corps humain qui, sain et parfait lors de sa création, se trouva ensuite, sous l'effet de causes diverses, affligé de maladies et de graves désordres. Pas un seul jour il ne put se reposer; au contraire, ses maladies ne cessèrent de s'aggraver sous l'action des traitements de médecins ignorants qui, donnant libre cours à leurs désirs personnels, commirent les plus lourdes erreurs. Et si, parfois, les soins d'un médecin habile guérissaient un membre de ce corps, les autres restaient atteints comme auparavant. L'Omniscient, le Sage vous apprendra ceci... Le Seigneur prescrit un souverain remède qui guérira le monde entier: Il vous ordonne de vous unir. Mais Il vous assure que le résultat voulu se produira grâce uniquement à l'habileté et à la toute-puissance d'un Médecin inspiré. Voilà la vérité, et tout le reste n'est qu'erreur [80]."

Dans une autre lettre, il lance cet appel aux rois et aux dirigeants du monde :

"Nous vous voyons accroître tous les ans vos dépenses et en reporter le fardeau sur les peuples que vous gouvernez. Cela n'est rien de moins qu'une grave injustice... Craignez les soupirs et les larmes de ce Persécuté; ne surchargez pas vos peuples au-delà de ce qu'ils peuvent supporter... Que le bon accord règne parmi vous afin que vous ayez besoin d'armements uniquement pour sauvegarder vos territoires et vos États. Soyez unis, Ô assemblée des souverains du monde, car alors la tempête de la discorde se calmera entre vous, et vos peuples jouiront du repos. Si l'un d'entre vous en attaque un autre, unissez-vous tous contre l'agresseur. Ce ne sera là qu'un acte de justice évidente [81]."

'Abdu'l-Bahá explique que les mots "les armes nécessaires à la défense de vos territoires et de vos empires" n'ont trait qu'à une police intérieure et que toute police internationale dépendra du gouvernement mondial. Ce gouvernement, dont le rôle sera, dans l'intérêt de toute la race humaine, de faire régner l'ordre au lieu de la guerre, devra donc limiter strictement les armements de chaque nation.

Dans ce super-État, les pays matériellement sous-développés seront sous la protection directe du gouvernement mondial. Leurs droits, en tant que membres de la communauté humaine, seront préservés et soutenus. Des experts seront mis à contribution dans tous les domaines pour faciliter leur développement, et les ressources de toute la planète seront mises à leur disposition.

Le gouvernement mondial élaborera et mettra en application un système d'économie internationale qui réglera les problèmes actuels de gaspillage et de mauvaise gestion des ressources, qui font que certains vivent dans l'indigence au milieu de l'abondance. Lui seul assurera le contrôle des prix, des impôts et des sources de matières premières. Il établira une monnaie universelle et une banque mondiale, et choisira une langue internationale que tous apprendront en même temps que leur langue maternelle. Il développera un esprit de citoyenneté mondiale chez tous les peuples de la planète.

En plus de ce gouvernement mondial, un tribunal international devra être établi, dont les décisions devront lier toutes les parties et qui remplacera la guerre comme lieu d'arbitrage. 'Abdu'l-Bahá a écrit: "La vraie civilisation déploiera son étendard au centre du monde quand un groupe de ses souverains, hommes nobles et magnanimes, témoignant d'une dévotion et d'une résolution exemplaires, et d'une vision claire, s'uniront pour défendre le bien-être et le bonheur des hommes, et pour soutenir la cause de la paix universelle. Il leur faudra se consulter et discuter de la cause de la paix et essayer par tous les moyens possibles d'effectuer une union entre les États du monde. Ils devront conclure un pacte définitif, une alliance étroite, dont les clauses seront inviolables, fermes et précises. Ils proclameront ce pacte au monde entier et gagneront pour lui la sanction de toute la race humaine.
Cette entreprise noble et suprême doit être sacrée aux yeux de tous ceux qui vivent sur la terre. Toutes les forces de la terre devront s'organiser pour assurer la stabilité et la permanence de ce pacte supérieur. Ce traité universel indiquera clairement les limites et les frontières de toutes les nations; il précisera les principes des relations entre gouvernements, il constatera les obligations et traités internationaux. Il devra préciser aussi la quantité d'armements que possédera chaque État car, si l'un d'eux accroissait son potentiel de guerre, ceci deviendrait une cause d'alarme pour les autres. Les bases de cette puissante alliance devront être établies de telle sorte que si, plus tard, l'un des États contrevenait à l'une des clauses, tous les autres s'élèveraient afin de le ramener au respect des conditions acceptées. Oui, la race humaine entière déploierait toutes ses forces pour maîtriser ce gouvernement. Si un remède aussi puissant était appliqué au corps malade du monde, il se remettrait certainement de ses maux et resterait sain et sauf éternellement [82]."

Ce Pacte ne doit pas être confondu avec le Pacte de la Société des Nations ni avec la Charte des Nations unies, car ces deux organisations, en dernière analyse, se sont avérées impuissantes à réconcilier les intérêts opposés. Dans une lettre envoyée par 'Abdu'l-Bahá, en 1919, à l'Organisation centrale pour une paix durable, à La Haye, on peut lire:

"[...] bien que la Société des Nations ait vu le jour, elle est cependant incapable d'établir la paix universelle. Mais le Tribunal suprême décrit par Sa Sainteté Bahá'u'lláh réalisera cette tâche sacrée avec une autorité et une force suprêmes. Et voici le plan de ce Tribunal: l'Assemblée nationale de chaque pays - c'est-à-dire le Parlement - doit élire deux ou trois personnes prises dans l'élite de la nation, parfaitement instruites dans le droit international, bien au fait des relations entre gouvernements et conscientes des besoins essentiels de l'humanité actuelle. Le nombre de ces représentants doit être proportionnel au nombre des habitants du pays. Leur élection par l'Assemblée nationale (c'est-à-dire le Parlement) doit être confirmée par la chambre haute, le cabinet des ministres et aussi par le président ou par le monarque, afin qu'ils soient les élus de tout le pays et du gouvernement.
C'est parmi ces délégués que seront choisis les membres du Tribunal suprême; ainsi, toute l'humanité y participera, car tous les délégués représenteront vraiment leur nation. Dans ces conditions, lorsque le Tribunal suprême aura statué sur une question internationale, soit à l'unanimité soit à la majorité des voix, ni demandeur ni défendeur n'auront rien à objecter. En cas de négligence ou de manoeuvres dilatoires de la part d'un gouvernement ou d'une nation dans l'exécution des décisions irrévocables du Tribunal suprême, tous les autres gouvernements s'élèveront contre lui [83] puisqu'ils soutiennent tous ce Tribunal suprême. Quelle base solide une telle organisation offrirait à la paix universelle! Mais il faut avouer qu'une Ligue limitée et restreinte ne saurait mener cette tâche à bonne fin! [84]"

Harry Emerson Fosdick a écrit: "La paix n'est pas une situation dans laquelle nous tombons par simple réaction contre la guerre. La paix est une réalisation positive qui exige la formation d'une communauté mondiale ordonnée et soumise aux lois, réalisation qu'il nous faut désirer avec une telle ardeur que nous soyons prêts à en payer le prix [85]."

Il nous faudra donc abandonner nos préjugés les plus intimes, sacrifier nos ambitions égoïstes, lutter à chaque jour pour pratiquer l'art divin de vivre et reconnaître l'unité de l'humanité. Mais, avant tout, il nous faudra abandonner notre attachement exagéré à nos souverainetés nationales. Le droit de faire la guerre, que chaque nation réclame comme son droit inaliénable, devra céder la place devant les exigences d'un État mondial, et tout gouvernement récalcitrant sera passible d'une punition rapide et efficace. C'est la nature même de ce tribunal suprême, telle que nous l'avons décrit, qui en assurera l'impartialité.

Commentant un passage de la lettre de Bahá'u'lláh à la reine Victoria, Shoghi Effendi écrit: "Quelle signification pourraient avoir ces importantes paroles si elles ne prévoyaient pas nettement que la restriction de la souveraineté nationale absolue devait inévitablement précéder la constitution de la future fédération de toutes les nations du monde? Il faut évoluer vers une sorte de super-État mondial en faveur duquel toutes les nations du globe céderont de leur plein gré toute prétention à faire la guerre, certains droits de lever des impôts et tous droits à maintenir des armements à part ceux dont elles ont besoin pour assurer l'ordre à l'intérieur de leurs territoires respectifs.
Un tel État devra comporter un pouvoir exécutif international capable d'imposer son autorité suprême et irrésistible à tout membre récalcitrant de la fédération mondiale; un parlement mondial dont les membres seront élus par le peuple de leur pays et leur élection confirmée par leur propre gouvernement; enfin un tribunal suprême dont les sentences auront force d'exécution même si les parties intéressées n'ont pas volontairement consenti à soumettre leur cas à son examen.
Ce super-État sera une communauté mondiale dans laquelle les barrières économiques auront été à jamais supprimées et la dépendance réciproque du capital et du travail aura été explicitement reconnue; dans laquelle les clameurs et les luttes du fanatisme religieux auront été calmées pour toujours, la flamme de l'animosité entre les races aura été éteinte pour toujours; à laquelle le jugement respecté des représentants fédéraux du monde aura donné un seul code international des lois, que sanctionnera l'intervention immédiate et coercitive des forces combinées des unités fédérées; dans laquelle enfin l'ardeur capricieuse du nationalisme militant se sera transformée en une conscience stable du droit de cité mondial. Telles nous paraissent être les grandes lignes de l'ordre mondial que prévit Bahá'u'lláh, et que l'on tiendra sans doute à l'avenir pour le fruit le plus beau d'un âge qui mûrit lentement. [86]"

Ce temps nouveau et ce cycle nouveau du développement des capacités humaines sont centrés sur un principe nouveau, celui de l'unité. "L'unité du genre humain est la garantie de l'étape que l'humanité est sur le point d'atteindre. L'unité de la famille, l'unité de la tribu, de la cité, de l'État, de la nation ont été successivement tentées et pleinement réalisées [...] l'unité du monde est le but qu'une humanité harassée s'efforce d'atteindre. L'édification de la nation est une tâche terminée. L'anarchie inhérente à la souveraineté de l'État approche de son point culminant. Un monde qui marche vers sa maturité doit renoncer à ce fétiche, il doit reconnaître l'unité de la race humaine et établir une fois pour toutes le système administratif qui incarnera le mieux ce principe fondamental de son existence [87]."

"En cette époque, proclame Bahá'u'lláh, une vie nouvelle agite, secoue et travaille tous les peuples de la terre et cependant personne n'en a découvert la cause ni perçu la raison. Ô fils des hommes, l'objet principal de la foi de Dieu et de sa religion est de sauvegarder les intérêts de la race humaine et de l'unir. Voici le droit chemin, la base fixe et immuable. Ni les changements ni les hasards de ce monde ne diminueront jamais la force d'un bâtiment qui se dressera sur cette base; des siècles inombrables s'écouleront sans en miner la structure." [...] "Le bien-être de l'humanité, reprend Bahá'u'lláh, sa paix, sa sécurité ne peuvent être obtenus tant que son unité ne sera pas fermement établie [...] Telle est la puissance de la lumière de l'unité qu'elle peut illuminer la terre entière. Le seul vrai Dieu, l'Omniscient lui-même témoigne de la vérité de ces paroles [...] Ce but l'emporte sur tous les autres et cette aspiration est la reine de toutes les aspirations [...] Celui qui est votre Seigneur, le Tout-Miséricordieux, nourrit en son coeur le désir de voir toute la race humaine former une seule âme et un seul corps. Hâtez-vous de gagner votre part de la grâce et de la miséricorde divine en ce jour qui éclipse tous les autres jours de la création [88]. "

"L'unité de la race humaine, telle que la conçoit Bahá'u'lláh, implique l'établissement d'une Fédération mondiale où toutes les nations, les races, les classes, et les croyances seront étroitement et définitivement unies, où l'autonomie des individus qui la composent sera clairement définie et complètement sauvegardée.
Cette communauté, pour autant que nous puissions la concevoir, comportera un corps législatif mondial dont les membres, en tant que mandataires de la race humaine, gouverneront toutes les ressources des nations adhérentes; elle dictera les lois nécessaires pour réglementer l'existence, pour satisfaire aux besoins et pour harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les races.
Un pouvoir exécutif universel, s'appuyant sur une force internationale, veillera à l'exécution des décisions prises, à l'application des lois promulguées par cette assemblée, et à l'unité organique de la communauté entière.
Un tribunal universel jugera tous les conflits qui pourraient s'élever entre les divers membres de ce système universel; le verdict qu'il prononcera sera final et sans appel.
Un mécanisme d'intercommunication mondiale sera créé qui embrassera toute la planète; affranchi de toutes les entraves et restrictions nationales, il fonctionnera avec une merveilleuse rapidité et une régularité parfaite.
Une capitale universelle jouant dans cette civilisation mondiale le rôle de centre nerveux, sera le foyer vers lequel convergeront toutes les forces unifiantes de la vie et d'où rayonneront toutes les influences vitalisantes.
Une langue universelle sera inventée, ou choisie parmi celles qui existent déjà, et tous l'apprendront dans les écoles des nations fédérées comme langue auxiliaire à la langue maternelle.
Une écriture et une littérature universelles, un système uniforme et universel des monnaies, des poids et des mesures viendront simplifier les échanges et la compréhension entre les peuples et les races.
Dans une telle société, la religion et la science, les deux plus grandes puissances de la vie humaine se réconcilieront, elles travailleront ensemble et se développeront dans l'harmonie. Dans un tel système, des intérêts privés et publics cesseront de manipuler la presse [...] elle se libérera de l'influence de gouvernements et de peuples rivaux, tout en donnant libre cours à l'expression des vues et des convictions diverses des hommes.
Les hommes organiseront leurs ressources, ils exploiteront et utiliseront pleinement les sources de matières premières, ils coordonneront et développeront les marchés, et ils régleront la distribution des produits avec équité.

Les rivalités, les haines et les intrigues entre nations cesseront d'exister. Les animosités et les préjugés de race feront place à l'amitié raciale, à la compréhension réciproque et à la coopération. Les causes des luttes religieuses disparaîtront pour toujours. Les barrières et les restrictions économiques seront complètement abolies et la distinction excessive entre les classes éliminée. L'indigence d'une part, et l'accumulation démesurée des richesses de l'autre, disparaîtront. Les immenses énergies qu'absorbe et gaspille actuellement la guerre économique ou politique, seront consacrées à étendre le champ des inventions humaines et du développement de la technique industrielle, à accroître la productivité du genre humain, à exterminer la maladie, à étendre les recherches scientifiques, à élever le niveau général de la santé physique, à aiguiser et à raffiner le cerveau humain, à exploiter les ressources de la planète, dont on n'aura même pas soupçonné l'existence jusqu'alors, à prolonger la vie humaine et à développer tout autre moyen propre à stimuler la vie intellectuelle, morale et spirituelle de la race humaine tout entière.

Poussée par les forces unifiantes de la vie, l'humanité se dirige vers un système de fédération universelle régissant la terre entière, exerçant sur ses ressources inconcevablement vastes une autorité incontestable qui allie les idéaux de l'Orient et de l'Occident et les incarne tous. Affranchi de la malédiction et des misères de la guerre, ce système s'efforcera d'exploiter toutes les sources d'énergie dont dispose la planète. Dans cette fédération, la force deviendra la servante de la justice; sa vie se fondera sur la reconnaissance universelle d'un Dieu unique, et sur l'obéissance à une seule Révélation commune [89]."


7. L'ÉCONOMIE SOCIALE

Bahá'ulláh n'a pas lui-même imposé de système économique précis, mais il a établi certains principes de base en laissant à l'humanité le soin d'élaborer la structure d'un tel système.

L'expression "un nouvel ordre mondial", de plus en plus à la mode, peut être trompeuse, car elle risque de laisser croire qu'on peut obtenir quelque chose sans effort, elle peut donner l'impression que certains individus pourront jouir de tous les avantages de la prospérité sans y contribuer eux-mêmes par leur travail et leurs efforts. Bahá'u'lláh demande à chacun de travailler: ni les riches ni les pauvres ne doivent vivre dans l'oisiveté. "[...] Les hommes les meilleurs sont ceux qui gagnent leur vie dans leur métier et, pour l'amour de Dieu, le Seigneur de tous les mondes, dépensent leur argent pour eux-mêmes et pour leurs semblables [90]."

Le laisser-faire économique et la compétition effrénée doivent céder la place à la socialisation et à la coopération, mais la prospérité se fonde d'abord toujours sur l'effort individuel, sur le travail assidu et sur l'autonomie. "Chaque individu [...] est dans l'obligation de s'engager dans une quelconque profession car le travail, surtout quand il est accompli dans un esprit de service est, selon Bahá'u'lláh, une forme d'adoration. Il n'a pas seulement un but utilitaire mais il est une valeur en soi, car il nous rapproche de Dieu et nous permet de mieux saisir son dessein pour nous ici-bas [91]."

Le gaspillage des ressources qu'a connu le vingtième siècle semblera sans doute incroyable aux générations futures. Encore aujourd'hui, dans certaines parties du monde, on laisse pourrir les fruits sur les arbres, on détruit les surplus de production et on brûle le blé. Au même moment, des millions de gens sont sous-alimentés et des enfants meurent de faim par centaines. L'extrême pauvreté et l'extrême richesse s'affrontent dans le monde... dans le même pays! Les gouvernements dépensent des sommes astronomiques et déploient les plus grands efforts pour obtenir la paix entre des peuples ennemis, tandis que l'on fournit des armes aux deux parties! On consacre des moyens très importants à l'amélioration de la santé publique, sans appliquer strictement les mesures adoptées pour protéger la qualité de l'air et de l'eau. Des déserts surgissent là où s'étendaient champs et forêts, et des espèces sont exterminées ou insuffisamment protégées.

Nos descendants seront sans doute très étonnés de constater que notre génération, qui est parvenue à capter un rayon provenant d'une étoile lointaine, Arcturus, pour illuminer l'inauguration d'une foire mondiale, qui a réussi à envoyer des astronautes sur la lune et à accomplir d'autres exploits tout aussi grandioses, est la même qui a toléré que des millions d'êtres humains vivent dans la pauvreté et la misère, tout en consacrant à la guerre une large part des richesses abondantes dont elle disposait.

S'attaquant à la racine du problème, 'Abdu'l-Bahá dit: "Toute la structure économique du monde repose sur des bases divines qui se rapportent au royaume du coeur et de l'esprit." Parlant devant un groupe de socialistes réunis à Montréal, en 1912, il déclare:

"Bien que le corps politique représente une seule famille, quelques-uns vivent dans l'aisance alors que d'autres sont vraiment dans la misère, par suite d'un manque d'harmonie dans les relations entre ses membres; certains sont rassasiés et d'autres sont affamés, les uns portent les vêtements les plus somptueux alors que d'autres sont privés d'abri et de nourriture. Pourquoi? Parce que l'indispensable sens de la réciprocité et de la symétrie manque à la famille humaine. La maison est mal aménagée. La loi qui la gouverne n'est pas parfaite. Aucune loi faite par des hommes n'assure le bonheur ni ne procure l'aisance. Il faut donc donner à la famille humaine une loi qui assure à tous ses membres l'aisance et le bonheur [92]. "

Réciprocité et symétrie, tels sont les besoins du nouvel ordre social. La coopération doit remplacer la compétition effrénée et un système économique bien organisé doit prendre la place du chaos actuel. À notre époque où la coopération est tout à fait essentielle dans l'organisation des affaires humaines, le véritable problème économique vient du fait que les principes de compétition et de profit qui étaient appliqués dans le passé sont toujours maintenus et valorisés. En réalité, les résultats obtenus prouvent qu'ils sont d'une inefficacité lamentable.

Les tarifs douaniers, la manipulation des devises, le monopole des matières premières, les salaires insuffisants, voilà les principaux ennemis de la prospérité mondiale. Les gouvernements cherchent à vendre à l'extérieur les produits fabriqués chez eux, mais n'ouvrent que parcimonieusement leurs frontières aux produits venant de l'étranger. Chaque nation, ou groupe de nations, essaie de tirer le meilleur profit du système en place, mais les conditions actuelles de l'économie rendent difficile, pour les gouvernements nationaux, de maintenir un équilibre viable entre le commerce local et régional et le marché international. Mais ce ne sont là que différents aspects d'un problème beaucoup plus vaste.

L'indépendance économique d'un État n'est plus possible dans le monde d'aujourd'hui. Au contraire, tous les peuples ont besoin les uns des autres. Par la collaboration et la réciprocité, ils pourront satisfaire leurs besoins mutuels et contribuer à élever le niveau de vie de leurs populations, pourvu évidemment que les fruits du travail soient équitablement partagés et non pas concentrés entre les mains d'une minorité. La base de l'équité doit être universelle, sinon certaines nations continueront de vendre leurs produits à meilleur compte que les autres en utilisant une main-d'oeuvre moins coûteuse, ce qui ne fera que perpétuer l'injustice.

Comme tous les grands problèmes que l'humanité connaît actuellement, la situation économique demeurera insoluble si elle n'est pas réglée à l'échelle mondiale. On ne peut plus permettre à un pays de vivre dans la prospérité alors que d'autres sont dans la misère. Et une nation ne pourra trouver, seule, la solution à ses problèmes de chômage et de pauvreté, car toutes les nations, qu'elles le veuillent ou non, sont maintenant économiquement dépendantes les unes des autres.

Un gouvernement mondial, tel que décrit dans le chapitre précédent, pourra résoudre ces problèmes. Il pourra faire tomber les barrières que les nations du monde élèvent pour protéger leur propre économie. Il sera à même de libérer les énergies actuellement consacrées à la guerre et de les mettre au service des artisans de la paix. Il pourra aussi mettre sur pied les mécanismes nécessaires à des échanges plus rapides et mieux répartis de marchandises et de main-d'oeuvre. Il verra à la mise en place d'une monnaie mondiale, d'une banque mondiale, d'un système unique de poids et mesures, il assurera le libre accès aux matières premières de la planète, protégera les droits de tous les peuples et limitera le pouvoir économique des individus.

'Abdu'l-Bahá explique ainsi l'ordre social de Bahá'u'lláh: "Le principe le plus important est celui selon lequel les efforts les plus grands qu'accomplira la race humaine profiteront à chaque membre du corps politique. Chacun jouira du maximum de prospérité et de bien-être [...]" Bien que l'ordre social comporte des degrés, l'atteinte d'un niveau de vie minimum pour tous représentera "le plus grand accomplissement de l'humanité."

"Dieu n'est pas partial. Il ne fait pas de distinction entre les personnes. Il pourvoit aux besoins de tous. La pluie tombe sur chacun et la chaleur du soleil est destinée à réchauffer tous les êtres. [...] Par conséquent, l'humanité tout entière devrait jouir d'un maximum de confort, de bien-être et de bonheur [93]."


Le capital et le travail :

'Abdu'l-Bahá a expliqué à plusieurs reprises que le travail n'harmoniserait jamais ses rapports avec le capital par des grèves visant à obtenir des salaires plus élevés. Les États, quand ils seront réunis en un gouvernement mondial, pourront intervenir et résoudre ce problème en élaborant " [...] avec une sagesse et une fermeté extrêmes, un plan pour empêcher que les capitalistes encourent des pertes trop lourdes et que les ouvriers tombent dans le besoin. Les gouvernements devront légiférer avec la plus grande modération et, ensuite, annoncer publiquement que les droits des classes ouvrières seront efficacement sauvegardés, de même que ceux des capitalistes. Lorsque de telles dispositions seront adoptées de part et d'autre et qu'une grève surviendra, tous les gouvernements du monde devront la combattre. Sinon, le travail conduira à d'importantes destructions, surtout en Europe; des événements désastreux s'ensuivraient. Ce problème, parmi d'autres, fera l'objet d'une guerre universelle en Europe. Les propriétaires de mines et d'usines devraient partager leurs bénéfices avec leurs employés et leur accorder un pourcentage suffisant de telle sorte qu'ils ne reçoivent pas seulement leur salaire, mais participent également aux revenus généraux de l'entreprise et qu'ils s'efforcent de travailler en toute conscience [94]."

"Le gouvernement devrait ensuite établir des lois et des règlements afin de contrôler certaines fortunes individuelles excessives et de restreindre la misère de millions d'individus; une certaine modération résulterait de ces mesures. Cependant l'égalité absolue est impossible, car l'égalité absolue de la fortune, des honneurs, du commerce, de l'agriculture et de l'industrie amènerait un manque de progrès, le découragement, une désorganisation des moyens d'existence et une déception générale; l'ordre serait entièrement anéanti dans la communauté. Ainsi, une grande sagesse se manifestera du fait que la loi n'impose pas l'égalité; par conséquent, il est préférable que la modération fasse son oeuvre. L'important est d'empêcher, au moyen de lois et de règlements, l'accumulation de fortunes excessives chez certains individus et de protéger les besoins essentiels de tous... Des lois et des règlements devraient par conséquent être établis, permettant aux ouvriers de recevoir du patron, en plus de leur salaire, un quart ou un cinquième des profits [95]; ou encore, le corps des ouvriers et des fabricants devrait, d'une manière quelconque, partager équitablement les profits et les avantages. En fait, la direction et l'administration des affaires incombent au propriétaire de l'usine; le travail et la production sont assurés par l'ensemble des ouvriers. En d'autres termes, le salaire des ouvriers devrait leur assurer un niveau de vie adéquat et, lorsqu'ils cesseront de travailler, qu'ils s'affaibliront ou deviendront impotents, une pension suffisante devrait leur être assurée par leur patron. Le salaire devrait être suffisant pour donner satisfaction aux ouvriers et leur permettre d'épargner un peu pour leurs futurs besoins [96]. "

Selon la loi divine, les employés ne devraient pas seulement être rétribués par un salaire. Ils devraient plutôt être associés à toute l'entreprise.

Le capital et le travail pourront régler leurs différends sans violence à partir du moment où l'industrie sera fondée sur une telle base de coopération. "Mais les droits des deux parties associées seront fixés et établis selon les coutumes par des lois justes et impartiales. Au cas où l'une des parties transgresserait ces lois, il faudrait que les cours de justice rendent jugement et, par une sanction efficace, mettent fin à la transgression; ainsi l'ordre serait rétabli et les difficultés éliminées. L'intervention de la cour de justice et du gouvernement dans des différends entre industriels et ouvriers est légale, pour la bonne raison que les affaires courantes entre ouvriers et patrons ne peuvent être assimilées aux affaires courantes d'ordre privé. Celles-ci ne concernent pas le public et, par conséquent, le gouvernement ne devrait pas s'en occuper. En fait, quoique ces différends entre patrons et ouvriers paraissent être des questions personnelles, ils nuisent à la communauté en général; car le commerce, l'industrie, l'agriculture et les affaires générales de la nation sont intimement liés entre eux. Si l'une de ces branches souffre d'un abus, le dommage affecte l'ensemble. Aussi les difficultés entre ouvriers et producteurs causent-elles du tort à toute la collectivité [97]."

Afin d'empêcher l'accumulation de grosses fortunes privées, Bahá'u'lláh recommande la répartition des biens après la mort, dans le cas d'un homme [98], entre sept catégories d'héritiers. Il les classe ainsi: les enfants, l'épouse, le père, la mère, le frère, la soeur, l'éducateur.

'Abdu'l-Bahá explique que cette méthode de léguer ses biens n'est pas obligatoire mais qu'elle constitue une abrogation de la loi de l'héritage.

En résumé, rappelons que les enseignements bahá'ís n'établissent aucun système particulier d'économie. Un plan général est tracé, mais aucun progrès important dans les conditions sociales ou économiques des peuples ne pourra s'accomplir sans une amélioration préalable de leurs attitudes spirituelles. L'humanité renaîtra et ses affaires prospéreront quand elle prendra conscience de la naissance du jour nouveau et qu'elle reconnaîtra l'arrivée du nouveau printemps spirituel.

Il ne faut plus considérer l'industrie, les métiers et les professions comme le champ d'une lutte farouche. Les individus ne sont pas des êtres isolés qui se disputent le droit de survivre dans la jungle des convoitises humaines. Le travail est synonyme de service et d'adoration, et tous doivent s'y consacrer, les riches comme les pauvres.

Pour que tous puissent profiter des merveilleuses découvertes que fera encore l'humanité, il faudra élaborer un système économique mondial dans lequel la réciprocité et la symétrie remplaceront la compétition acharnée que nous connaissons présentement.

L'interdépendance du capital et du travail devra être pleinement reconnue et les intérêts des deux parties respectés. Une fois cet accord fondamental réalisé, les cours d'arbitrage seront en mesure de régler les conflits.

Il n'est pas souhaitable d'abolir toute différence dans l'échelle des revenus et des richesses, mais les fortunes excessives devront être limitées par des taxes et par une meilleure répartition de l'héritage.

Les finances publiques seront alimentées [99] par un système d'impôt proportionnel dans lequel les plus riches contribueront le plus. Un niveau de vie raisonnable sera assuré à tous et la misère et la pauvreté disparaîtront.

Voilà quelques-unes des caractéristiques de l'économie du nouvel ordre mondial. Mais, rappelons-le encore une fois, le succès d'une telle entreprise dépendra des qualités spirituelles dont fera preuve chaque personne sur la planète. La justice, l'amour et l'esprit de dévouement seront les fondements de la paix et de la prospérité réelles.

Bahá'u'lláh, comme tous les autres prophètes, exhorte l'homme à se détacher des richesses et à tourner ses pensées vers un objectif plus élevé mais, comme l'explique 'Abdu'l-Bahá: "Cela n'implique pas que l'on doive renoncer à lutter pour gagner sa vie [...] Bahá'u'lláh affirme même que tout travail et tout effort sont des actes de dévotion [...] Tous les hommes doivent gagner leur vie à la sueur de leur front, chacun cherchant en même temps à alléger le fardeau des autres, s'efforçant d'être une source de réconfort pour les âmes et de faciliter les moyens d'existence. Ce faisant, ils manifesteront déjà leur dévotion envers Dieu. De cette manière, Bahá'u'lláh encourage et stimule l'action et le dévouement. Mais ces objectifs ne doivent pas enchaîner les forces du coeur ni accaparer l'âme complètement. Bien que l'esprit soit actif, le royaume de Dieu doit attirer aussi le coeur, afin que l'homme aspire de tous les côtés aux vertus humanistes [100]."

Bahá'u'lláh ne désapprouve pas la richesse ni le fait de posséder des biens, à condition qu'ils soient bien utilisés. Dans la Tablette de Tarázát, il écrit: "[...] l'homme devrait connaître son propre moi et reconnaître ce qui mène à la grandeur ou à la bassesse, à la gloire ou à l'humiliation, à la richesse ou à la pauvreté. Dès qu'il a atteint son niveau de réalisation et de maturité, l'homme a besoin de ressources, et les richesses qu'il acquiert par son art ou par sa profession sont louables et méritoires aux yeux des hommes de sagesse, particulièrement pour les serviteurs qui se consacrent à l'éducation du monde et à l'instruction de ses peuples [...] [101]"

Le développement de la prospérité et la création d'un ordre social ne sont que la réalisation du commandement spirituel de Jésus "Aime ton prochain comme toi-même." Bahá'u'lláh nous apprend comment appliquer ce commandement dans le monde moderne.


8. LE SYSTÈME ADMINISTRATIF BAHÁ'Í

Pour les raisons présentées au chapitre cinq, la religion s'est autrefois séparée des autres activités humaines. En fait, la civilisation occidentale a réussi à compartimenter la vie, ce qui a eu pour effet de diviser aussi les humains. Nous considérons les affaires, les loisirs, la politique, la religion, la vie sociale comme des activités séparées et distinctes que l'on doit poursuivre selon l'heure ou le jour.

La religion devrait coordonner toutes les fonctions de l'être humain, elle devrait animer toutes ses actions, leur donnant une signification et un but. Elle joue ce rôle pour les bahá'ís. Le caractère particulier de l'ordre administratif bahá'í réside dans le fait qu'il offre, non pas un système ecclésiastique, mais une voie sociale par laquelle l'énergie d'une humanité renaissante peut s'exprimer. Les principes spirituels de Bahá'u'lláh peuvent vivifier les divers aspects de la vie.

Le christianisme fournit un exemple typique de la séparation de l'Église et de l'État. À l'époque des premières querelles entre le pape et l'empereur, s'appuyant sur ces paroles de Jésus: "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu [102]", le christianisme a investi l'empereur du pouvoir temporel et le pape du pouvoir spirituel. Mais, pendant longtemps, c'était le pape qui détenait le plus de pouvoir. Quand Léon III a finalement remis la couronne du Saint Empire romain à Charlemagne, la séparation a été officiellement reconnue. La chrétienté ne s'en est jamais relevée.

Cette séparation de l'Église et de l'État, du gouvernement civil et de la religion, a entraîné deux manières d'agir différentes: privée et publique. Ce qui ressort clairement aujourd'hui dans le fait que le meurtre, l'incendie volontaire et le vol, qui sont condamnés chez l'individu, sont considérés, par l'État, comme des moyens faisant partie de ses droits et privilèges inaliénables.

Dans l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, la religion n'est jamais séparée des autres activités humaines, qu'elles soient d'ordre administratif, économique ou culturel. Dans ce système, on ne trouve ni clergé ni politiciens professionnels, et le pouvoir économique n'est pas abandonné à une petite minorité, de telle sorte que les droits acquis des uns se transforment en droits au profit de tous. La religion devient ainsi un art de vivre et, grâce à l'alliance de Bahá'u'lláh, une véritable source d'unité.


8.1. L'Alliance

Dans tous les systèmes religieux du passé, la disparition du fondateur a laissé le champ libre à la discorde et à la division, et tous se sont divisés en sectes innombrables. Mais il n'y a pas de sectes bahá'íes, et il ne pourra jamais y en avoir.

Le statut particulier d''Abdu'l-Bahá, clairement défini dans le Testament de Bahá'u'lláh, protège la révélation bahá'íe contre la formation de schismes. Bahá'u'lláh a conféré à 'Abdu'l-Bahá le titre de "Centre de l'alliance" et il a fait de lui le seul interprète légitime de ses enseignements. Bien qu'il occupe un rang inférieur, sa parole a la même valeur que la parole de Bahá'u'lláh lui-même. Voilà pourquoi les attaques déloyales portées contre la foi bahá'íe après la mort de Bahá'u'lláh ont été impuissantes à en briser l'unité.

'Abdu'l-Bahá a perpétué l'alliance par les clauses contenues dans son propre testament. Ce document, défini comme la "Charte du nouvel ordre mondial", reflète la gloire de cette révélation suprême et en réalise la promesse. Dans ce testament, il a désigné Shoghi Effendi, l'aîné de ses petits-fils et l'arrière-petit-fils de Bahá'u'lláh, comme le Gardien de la Foi, et il a enjoint à tous les bahá'ís de lui obéir, promettant que "la puissante citadelle restera inexpugnable et en sécurité par l'obéissance à celui qui est le Gardien de la Cause de Dieu [103]".

Le Gardien a été mandaté à son tour par 'Abdu'l-Bahá comme le seul interprète des textes sacrés, protégeant ainsi la foi bahá'íe de tout schisme.

Dans un de ses écrits, Bahá'u'lláh a institué la Maison Universelle de Justice et il l'a investie de l'autorité législative suprême. Il a décrété qu'elle serait sous la direction et la protection de Dieu. Une spécification si claire dans le texte sacré est pour les bahá'ís, la garantie que son autorité est véritable.

En créant le Gardiennat, 'Abdu'l-Bahá a placé le Gardien de façon permanente à la tête de la Maison Universelle de Justice, et a stipulé que ses successeurs, choisis dans la lignée mâle, occuperaient cette même position. Shoghi Effendi mourut, en novembre 1957, sans laisser de descendant. En 1963, la Communauté mondiale bahá'íe était suffisamment développée pour élire, selon le plan du Gardien, la première Maison Universelle de Justice. Cet organisme, élu depuis à tous les cinq ans, perpétue, pour le monde bahá'i, cette direction divine qui constitue le trait particulier de l'alliance de Bahá'u'lláh.

L'efficacité de l'alliance a déjà fait ses preuves au cours de l'histoire, courte mais mouvementée, de la communauté mondiale bahá'íe. Les ennemis de la Foi ont tenté de profité des périodes de crise qui ont suivi la mort de Bahá'u'lláh et d''Abdu'l-Bahá. Ils ont cherché à disperser les bahá'ís et à créer des divisions entre eux. Certains ont essayé, sans toutefois y parvenir, de s'emparer de la tête du mouvement, en contredisant de façon flagrante les directives données par Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá dans leurs testaments. Aujourd'hui, la foi bahá'íe est répandue dans toutes les parties du monde, l'unité de ses disciples est indemne, et elle se fortifie davantage de jour en jour à mesure que sont accomplis des efforts nouveaux pour répandre ses enseignements.


8.2. Les assemblées spirituelles locales et nationales

Chaque communauté locale bahá'íe élit son propre corps législatif. C'est une institution qui a été créée par Bahá'u'lláh et qui s'appellera dans le futur "Maison locale de justice". Pour l'instant, ces organisations sont appelées "assemblées spirituelles locales" et elles se comptent par plusieurs milliers partout dans le monde.

Le mode d'élection bahá'í est unique. Il n'admet ni campagne électorale, ni mises en candidature, ni partisanerie. Essayer d'influencer le vote d'autrui est une offense qui peut justifier le retrait du droit de vote.

Tous les membres adultes [104] de la communauté ont le droit de voter. L'assemblée spirituelle est composée de neuf membres et chaque membre adulte de la communauté est éligible. À chaque année, au cours d'une réunion, chacun vote dans une attitude de prière pour neuf personnes, choisissant celles qu'il juge les plus dignes de se charger de la direction des affaires de la communauté. Les qualités qu'on recherche chez ces personnes sont celles "[...] de loyauté incontestée, de dévouement désintéressé, d'esprit bien formé, de facultés reconnues et de mûre expérience [105]". L'appartenance sociale et le degré de richesse ne sont pas pris en considération. Les neuf personnes qui obtiennent le plus grand nombre de voix deviennent les membres de l'assemblée spirituelle.

Toutes les questions qui concernent la communauté sont sous la juridiction de ce corps administratif. Il est à la fois le dépositaire, le serviteur, la cour d'appel et l'administrateur de toutes les affaires locales. Il veille attentivement au développement spirituel et matériel de sa communauté. Il désigne ses propres officiers parmi ses membres: président, secrétaire, trésorier, etc., et il nomme des comités à qui il confie l'organisation de diverses activités. Grâce à ces comités, les assemblées spirituelles peuvent utiliser et développer les compétences et les capacités de tous les membres de la communauté.

Les membres de l'assemblée spirituelle n'ont ni pouvoir ni privilège en tant qu'individus. Ce n'est qu'en qualité de corps administratif, dont l'existence découle des écrits saints, que l'assemblée détient son autorité.

L'assemblée spirituelle est responsable de l'organisation des fêtes et autres occasions spéciales. Lors des fêtes et des célébrations, elle en profitera pour mettre à contribution les talents de toute la communauté. Certains se chargeront alors de la musique, de la lecture des prières ou des passages tirés des Écrits saints, ou de préparer une brève causerie. Il n'y a pas de formes fixes pour ces rencontres et les rites sont interdits. Comme il n'y a pas de clergé, toute personne peut être chargée par l'assemblée spirituelle de préparer le programme d'une rencontre.

Tous les dix-neuf jours, l'assemblée spirituelle doit présenter un compte rendu à la communauté, consulter avec elle sur tous les sujets qui concernent la vie communautaire et recevoir des suggestions qu'il lui appartient ensuite d'examiner. Les rapports financiers et du secrétariat sont également présentés et soumis à la discussion. Ni l'administration locale, ni les affaires qui concernent les rapports avec d'autres communautés ne seront menées en secret.

Chaque année, des délégués, élus au niveau régional, se réunissent pour élire l'assemblée spirituelle nationale. Cette "Maison de justice" secondaire est décrite d'une manière très précise par 'Abdul'-Bahá dans son Testament. Ce sont les mêmes principes qu'au niveau local qui prévalent pour son élection, et elle se compose aussi de neuf personnes élues parmi l'ensemble de la communauté nationale. Le fait qu'il n'y a ni mises en candidature, ni campagne électorale permet d'élire des personnes dont on connaît les qualités spirituelles et intellectuelles.

L'assemblée spirituelle nationale dirige les affaires de la communauté nationale. Elle sert de cour d'appel aux assemblées spirituelles locales. Elle crée l'unité entre les communautés locales sous sa juridiction, et elle représente la communauté nationale dans ses relations avec la Maison Universelle de Justice et avec les communautés nationales.

La Maison Universelle de Justice est élue à tous les cinq ans par les membres des assemblées spirituelles nationales. Le nombre de ses membres est actuellement fixé à neuf.

Cette triple structure (locale, nationale et mondiale) fournit le meilleur moyen de parvenir à l'unité sans supprimer l'autonomie locale ou nationale. Elle permet le meilleur développement possible des localités, sans nuire au développement de la communauté mondiale.


8.3. La consultation

Ces corps administratifs fonctionnent selon le principe de la consultation, principe beaucoup plus développé que celui qui régit généralement les échanges et les discussions. D'habitude, les individus ou les représentants de partis qui débattent une question sont résolus, avant même d'entamer la discussion, à imposer leurs idées, et ils utilisent, pour y arriver, les pires ruses politiques ou simplement l'effet de surprise, ils jouent sur l'attachement à la ligne de parti ou rivalisent d'éloquence et de toute autre astuce leur permettant de persuader ou de convaincre l'adversaire.

Dans l'administration bahá'íe, il n'y a ni partis politiques ni factions. Les problèmes à résoudre sont discutés dans un esprit de recherche de la vérité et de prière. Lorsqu'il est impossible d'obtenir une décision à l'unanimité - qui est vue comme hautement désirable -, la majorité l'emporte. Mais dans ce cas, la décision est vraiment considérée comme la décision de l'assemblée spirituelle et non celle d'une majorité qui l'emporte sur une minorité. Tous les membres doivent la soutenir et travailler à sa mise en application dans l'unité.

Une telle procédure exige un degré élevé de discipline personnelle et de maturité, qualités qu'on s'attend à trouver aujourd'hui chez l'individu. L'harmonie et l'unité d'action qui en résultent sont la réalisation des promesses de Bahá'u'lláh.

La "nouvelle alliance" dont ont parlé de tout temps les écrits saints a été établie. Elle concerne, d'une part, l'établissement de la Paix suprême et, d'autre part, l'obéissance aux successeurs désignés de Bahá'u'lláh: 'Abdu'l-Bahá, le Gardien et la Maison Universelle de Justice. Cette institution imposante a été dotée de l'autorité d'appliquer les lois et les principes de la révélation bahá'íe, et de compléter ces lois si nécessaire. De plus, si elle ne peut changer aucune des stipulations du texte sacré, il lui est cependant loisible, lorsque les conditions l'exigent et à sa convenance, d'abroger ses propres décrets et de faire observer les lois de Bahá'u'lláh suivant les circonstances. Elle est donc à la fois dotée de souplesse et établie sur des bases solides.

Cette institution durera aussi longtemps que durera cette révélation et, comme elle prévient le développement de schismes semblables à ceux qui ont déchiré les religions du passé, la religion peut enfin devenir une véritable source d'unité pour le monde.

Lorsque l'ordre mondial de Bahá'u'lláh sera établi, au coeur de chaque communauté s'élèvera une Maison d'adoration [106], ouverte aux gens de toutes appartenances religieuses. Comme il n'y a ni cérémonies, ni liturgie, ni credos, ni rites dans cette religion purifiée, ce temple sera un endroit réservé à la méditation, à la prière et à la lecture de la Parole révélée. Tout autour s'élèveront des bâtiments consacrés à l'usage public, mais directement reliés à la Maison d'adoration, tels que des universités, des laboratoires de recherche, des écoles, des hôpitaux, des orphelinats, des résidences pour les personnes âgées.

La Maison de justice locale s'occupera des affaires de sa propre communauté. Les Maisons nationales de justice coordonneront le travail de ces organisations locales réparties sur leur territoire et se soumettront à leur tour à l'autorité de la Maison Universelle de Justice, corps administratif suprême du monde bahá'í. Les lois universelles, révélées par Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Aqdas, le "Livre des lois", prévaudront dans le monde entier, mais il appartiendra aux corps administratifs nationaux et locaux de conduire leurs affaires, à l'intérieur de leur propre territoire. Dans les écoles, les enfants apprendront la langue et l'écriture universelles sans toutefois négliger leur langue maternelle. L'unité dans la diversité sera sauvegardée.

Nous voulons souligner le fait que le dessein de cet ordre administratif est tout à fait conforme et lié aux vérités spirituelles révélées par Bahá'u'lláh. On ne peut cependant le considérer comme une simple organisation ecclésiastique. Il faut plutôt le voir comme l'outil grâce auquel l'énergie spirituelle ranimée par Bahá'u'lláh dans les coeurs d'une race régénérée pourra atteindre son but. Les nouveaux principes proclamés par Bahá'u'lláh ne peuvent se développer dans le cadre des institutions existantes, établies à une époque où les races, les classes, les religions et les nations étaient en lutte. L'ère de l'unité du monde requiert des institutions mondiales. Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá les ont créées.

Shoghi Effendi, traitant de cet ordre administratif, écrit: "Lorsque ses parties composantes, ses institutions organiques commenceront à fonctionner avec vigueur et efficacité, il fera valoir son droit et démontrera son aptitude à être considéré, non point seulement comme le noyau, mais comme la structure même du nouvel ordre mondial destiné à englober, lorsque les temps seront révolus, l'humanité entière [107]."

"L'équilibre du monde a été détruit sous l'action vibrante de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. L'ordre sur lequel reposait jusque-là l'humanité a été révolutionné par cet unique et merveilleux système, dont les yeux des mortels n'avaient jamais vu l'équivalent [108]."

Sous son ombre, les humains trouveront la paix et la sécurité, quoiqu'il faille peut-être, pour transformer les haines farouches de ce siècle en une amitié durable, que la flamme d'une épreuve plus longue et plus sévère que celles du passé ne vienne purifier l'humanité. Mais déjà, au milieu des peines et du chaos du temps présent, les fondements de l'unité mondiale ont été jetés "sur des bases permanentes et inattaquables. Les tempêtes des luttes humaines sont impuissantes à en ruiner la base; les théories fantasques des hommes ne réussiront pas non plus à nuire à sa structure [109]."


9. DES PERSPECTIVES D'AVENIR

L'ère nouvelle a débuté il y a un peu plus d'une centaine d'années. Ses débuts ont été marqués par deux processus clairement discernables dont la puissance et l'intensité se sont accrues avec les années. Le premier est un processus de désintégration, le second un processus de construction. Le premier s'achève dans un climat de catastrophes, le second, encore mal défini, poursuit son avance vers son plein développement.

De nombreux événements laissent clairement apparaître le processus de désintégration: des empires autrefois puissants s'effondrent, des lois politiques, sociales et religieuses depuis longtemps établies tombent en désuétude, les anciens pactes, tant en Orient qu'en Occident, deviennent désuets, les liens familiaux et maritaux s'affaiblissent, et les courants de scepticisme, d'individualisme, d'athéisme et de matérialisme continuent de se répandre. Dans la sphère internationale, cette désintégration est accélérée par l'échec des nationalismes et des politiques économiques nationales.

Le processus de construction, pour sa part, est relié à la fois indirectement et directement à la foi de Bahá'u'lláh. L'influence indirecte de son message se manifeste dans la diffusion toujours plus vaste et plus rapide de ses principes universels pour lesquels les fondateurs de la religion bahá'íe et au moins vingt mille de leurs disciples ont accepté la persécution et le martyre. Dans ce nouveau processus, l'apathie se transforme en activité fébrile, la conscience de l'unité du monde, de la nécessité de la paix et d'un véritable sentiment religieux pénètrent le corps moribond de l'humanité. Sur tous les continents, des hommes et des femmes ont respiré la brise parfumée de l'aube nouvelle sans en connaître la source. Des mouvements pour la paix et l'unité mondiale, des appels à une nouvelle conscience morale et éthique, l'importance accrue des droits et libertés marquent incontestablement le début d'un âge nouveau. La première conférence pour la paix mondiale, qui s'est tenue à La Haye au début du vingtième siècle, a inauguré un mouvement qui, malgré une opposition constante et des échecs pénibles, a pris plus d'ampleur année après année.

"La violente opposition qui accueillit le plan avorté du protocole de Genève, le ridicule déversé sur le projet ensuite suggéré des États-Unis d'Europe, et la faillite de la proposition d'une union générale économique de l'Europe peuvent sembler être des échecs pour un petit groupe de gens prévoyants qui s'efforcent de faire prospérer ce noble idéal. Néanmoins, la prise en considération de telles propositions ne nous autorise-t-elle pas à y puiser un nouvel encouragement? N'est-elle pas une preuve de leur développement constant dans les esprits et les coeurs? Les tentatives organisées pour discréditer un idéal aussi élevé ne nous font-elles pas assister à la répétition, sur une plus grande échelle, des luttes émouvantes, des furieuses polémiques qui préludèrent à la naissance et aidèrent à la reconstruction des nations unifiées de l'Ouest [110]."

Un internationalisme croissant, l'émancipation des femmes, l'accès plus universel à l'éducation, les tentatives pour créer une langue universelle, les grands progrès effectués dans le domaine des services sociaux et de la sécurité sociale, l'accroissement de la liberté politique et religieuse, voilà quelques-uns des signes de l'esprit de l'âge nouveau. Ces principes, qui ont provoqué à la fois de l'inquiétude et de l'enthousiasme, sont aujourd'hui mis à l'épreuve. Ils doivent atteindre à leur plein développement ou disparaître comme des rêves sans consistance.

L'influence directe de Bahá'u'lláh sur ce processus constructif apparaît de façon évidente dans la croissance d'une communauté mondiale qui porte son nom et qui s'identifie à ses enseignements.

La mort d''Abdu'l-Bahá, en 1921, a marqué la fin de l'époque héroïque ou apostolique du nouveau cycle. La foi de Bahá'u'lláh, que l'alliance protège des schismes, est entrée dans sa période d'élaboration, dont la première phase s'est déroulée sous la direction dynamique et inspirée du Gardien. Développant peu à peu les capacités latentes du petit groupe de ses collaborateurs, répartis sur tous les continents, il a partagé avec eux la glorieuse vision du royaume de Dieu sur la terre, qu'ils étaient destinés à promouvoir. Les appelant à la discipline spirituelle, au sacrifice de soi et à l'héroïsme, il les a guidés vers des accomplissements toujours plus grands.

Quoique peu nombreux et ne disposant que de faibles ressources, dynamiques, remplis d'amour pour l'humanité et aidés par l'esprit de leur foi, les bahá'ís ont annoncé partout dans le monde, grâce à leurs efforts inlassables et dévoués, la naissance de la nouvelle révélation. Ils ont établi, sur tous les continents, les institutions administratives de la Foi dans les villes et les villages de tous les pays et territoires du monde.

Lorsque Shoghi Effendi devint Gardien en 1921, la foi bahá'íe était établie dans trente-cinq pays. Lorsqu'en 1957 il acheva son ministère, elle était propagée partout dans le monde, et la communauté mondiale bahá'íe était engagée dans un plan d'expansion de dix ans qu'il avait préparé et lancé. En 1963, lors du centenaire de la déclaration, par Bahá'u'lláh, de sa mission, environ sept mille bahá'ís de tous les coins du monde se sont réunis à l'Albert Hall de Londres. Ils ont alors appris, avec joie et étonnement, que la Foi était établie dans plus de onze mille centres, que sa littérature était traduite et imprimée dans plus de trois cents langues et, surtout, que les membres de cinquante-sept assemblées spirituelles nationales venaient d'élire, pour la première fois, la Maison Universelle de Justice, garante de l'unité et du futur développement de la Foi [111].

"Il y a un contraste frappant et édifiant entre les progrès lents et sûrs que marque la foi bahá'íe, sa consolidation durant le développement de ses forces naissantes et la ruée dévastatrice des forces de désintégration qui assaillent les institutions caduques, religieuses ou séculières, de la société du temps présent.

La vitalité que manifestent si fortement les institutions organiques de ce grand Ordre en constant développement; les obstacles que le fier courage, l'intrépide résolution de ses administrateurs ont déjà surmontés; l'ardeur d'un enthousiasme inextinguible qui flambe d'une ferveur toujours égale dans le coeur des enseignants itinérants qui parcourent le monde pour enseigner sa doctrine; le haut degré d'oubli de soi-même qu'atteignent maintenant ses maîtres constructeurs; la largeur de vues, l'espoir confiant, la joie créatrice, la paix intérieure, la rigide intégrité, la discipline exemplaire, l'unité et la solidarité inaltérable que manifestent ses vaillants défenseurs; le fait que son Esprit animateur se soit montré à tel point capable d'assimiler dans son sein des éléments très divers, de les libérer de tout préjugé et de les fondre dans sa propre structure, tout cela constitue les preuves d'une force qu'une société désillusionnée et tristement ébranlée ne peut guère se permettre d'ignorer [112]."

L'âge d'or de l'humanité n'était pas une vaine promesse, il était en gestation durant ces années d'épreuves et il émerge maintenant du labeur et de l'agonie des conflits que connaît l'humanité. Nous vivons présentement l'heure sombre qui précède l'aurore et nous verrons se lever un jour éclatant de puissance et de certitude, qui amènera la brise fraîche d'un esprit nouveau. Les ténèbres de la misère et de l'oppression se dissiperont bientôt. La race humaine est convoquée à la fraternité et à la paix, et invitée à servir une cause plus passionnante que toutes celles du passé.

Cette cause de l'unité et de la solidarité humaine exige que soient repensées les idées, les institutions et les coutumes qui avaient cours à une époque où l'humanité était divisée.

Qu'on ne se méprenne pas sur la signification donnée ici à l'unité. C'est le principe qui anime l'univers et il s'oppose à l'uniformité. L'unité exige la présence de différences entre les choses alors que l'uniformité exige la conformité. L'unité est force, beauté et souplesse alors que l'uniformité n'est que rigidité et ennui. L'unité est réalisée grâce à des liens solides de réciprocité, de coopération et de partage, et par le sentiment intime de la parenté de tous les peuples. L'unité préserve la culture, la langue et les réalisations de la nation; elle maintient les traditions et les coutumes locales et condamne la centralisation excessive; elle n'exige aucunement de renoncer aux loyautés raisonnables, qu'elles soient locales ou nationales. Elle ouvre la voie aux visées plus larges et plus profondes qu'offre l'appartenance à la famille humaine. Elle exige que chaque nation, chaque partie du monde contribue à la structure grandiose du temple de l'humanité. Le monde n'est qu'un seul pays. Tous les humains parleront et comprendront une même langue, mais chacun parlera aussi celle de son propre pays. Tous formeront une seule race.

Unir le monde signifie réunir toutes ses composantes en un seul corps et permettre à chacune de contribuer une part de sa beauté et de sa valeur, de sorte que l'expression de toutes les parties se marie dans un tout harmonieux pour créer une puissante et majestueuse symphonie.

De gigantesques combats spirituels font rage. Un monde nouveau est en train de naître. Ne regrettons pas cet ordre ancien qui disparaît dans la passion et la violence. Soyons confiants et radieux, sachant que le jour étincelant de la fraternité humaine commence à poindre.

Bahá'u'lláh l'annonce :

"Le temps prédit aux peuples et aux races de la terre est maintenant arrivé. Les promesses de Dieu que rapportent les Écritures saintes sont accomplies. Sion proclame la Loi de Dieu; la gloire de sa révélation retentit dans Jérusalem, dans ses montagnes et dans ses champs. Heureux est l'homme qui pèse dans son coeur les choses que révèlent les Livres de Dieu, l'Aide dans le péril, celui qui subsiste par Lui-même [113]."

"Le présent ordre des choses sera bientôt révolu et un nouvel ordre prendra sa place [114]."


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NOTES

[1] Voir Townsend, George, La promesse de tous les âges, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1971, p. 38-39.

[2] Nabíl, La chronique de Nabíl, Bruxelles, Maisons d'éditions bahá'íes, 1986, p. 50-54.

[3] Nabíl, La chronique de Nabíl, p. 60.

[4] Le Báb, Épître du Báb aux dix-huit Lettres du Vivant, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1972.

[5] Curzon, George N., Persia and the Persian Question, Londres, Longmans, Green and Co., 1892 [traduction].

[6] Balyuzi, H. M., Bahá'u'lláh, Londres, George Ronald, 1972, p. 10-11 [traduction].

[7] Balyuzi, H. M., Bahá'u'lláh, 1972, p.11 [traduction].

[8] Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1976, p. 69.

[9] Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 96.

[10] Bahá'u'lláh, Le livre de la certitude, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 120.

[11] Bahá'u'lláh, Les sept vallées et Les quatre vallées, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1982, p. 22.

[12] Bahá'u'lláh, Les sept vallées et Les quatre vallées, 1982, p. 48.

[13] Bahá'u'lláh, Les paroles cachées, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1977, p. 35, # 38.

[14] Bahá'u'lláh, Les paroles cachées, p. 43-44, # 65.

[15] Parmi les destinataires figuraient le sháh, le grand vizir de la Turquie, le tsar, la reine Victoria, l'empereur d'Allemagne, Napoléon III, le pape Pie IX et les présidents des républiques d'Amérique.

[16] Esslemont, J. E., Bahá'u'lláh et l'ère nouvelle, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1972, p. 52-53.

[17] Voir les divers comptes rendus des visites d''Abdu'l-Bahá en Occident.

[18] Au moment de la révolution des " Jeunes-Turcs ".

[19] 'Abdu'l-Bahá visita plusieurs villes américaines. Au Canada, il séjourna à Montréal (Québec) en 1912.

[20]Lady Blomfield, The Chosen Highway, Wilmette, Bahá'í Publishing Trust, 1967, p. 219 [traduction].

[21] Lady Blomfield, The Chosen Highway, p. 220 [traduction].

[22] Voir Durant, W., The Story of Philosophy, New York, Garden City Publishing Co., 1943.

[23] Isaïe, 2, 4.

[24] Isaïe, 11, 9.

[25] Voir Toynbee, A., A Study of History, New York, Oxford University Press, 1947-1957, vol. 1, p. 205-271.

[26] Ce sujet n'a pas été suffisamment étudié. L'auteur ne prétend pas ici (bien qu'il le croie fortement) que toute civilisation est due à la religion. Les preuves sont insuffisantes, quoique évidentes d'un point de vue psychologique ou anthropologique. On sait que certaines civilisations - en Égypte, en Grèce ou en Amérique centrale - ont été profondément conditionnées par la religion mais, par exemple, les origines des Mystères orphiques se sont perdues probablement à jamais dans l'antiquité de la Crète. On ne connaît pas l'étendue de l'influence judaïque sur la pensée grecque ni ce que Socrate a retiré de son étude des sages juifs. Nous affirmons simplement que tout fondateur de religion s'est aussi avéré fondateur d'une civilisation.

[27] Muhammad a permis aux croyants d'épouser quatre femmes à condition de les traiter sur un pied d'égalité. Il accorda à ces dernières certains droits au sein du foyer, les droits de propriété et d'administration, et améliora grandement leur sort. Tout comme il ne serait pas juste d'estimer la valeur de l'Évangile en s'appuyant sur l'iniquité qui règne dans les pays chrétiens, il ne faut pas non plus juger de la valeur de l'islám d'après les pratiques de certains musulmans d'aujourd'hui.

[28] 'Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, Paris, Presses universitaires de France, 1982, p. 169.

[29] Bahá'u'lláh, cité dans Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1993, p. 101.

[30] Bahá'u'lláh, cité dans L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 102.

[31] Au temps de Jésus, ses disciples étaient considérés comme formant " la secte méprisable du Nazaréen ".

[32] Jean, 14, 9.

[33] Bahá'u'lláh, cité dans Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maisons d'éditions bahá'íes, 1993, p. 108-109.

[34] Bahá'u'lláh cité dans L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 109.

[35] Bahá'u'lláh, Le livre de la certitude, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 48-50.

[36] " Celui qui m'a vu, a vu le Père. "

[37] Shoghi Effendi, La dispensation de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1970, p. 34-35.

[38] Bahá'u'lláh, cité dans Shoghi Effendi, La dispensation de Bahá'u'lláh, p. 43.

[39] Shoghi Effendi, La dispensation de Bahá'u'lláh, p. 39-40.

[40] Il n'existe pas de société sans religion. Les civilisations " primitives " présentent un enseignement religieux très défini et parfaitement adapté à leur situation.

[41] Matthieu, 24, 35.

[42] Jean, 16, 12-13.

[43] C'est un article de foi chez beaucoup de chrétiens que Jésus enseigna la monogamie alors qu'en réalité, la question n'est pas soulevée dans l'Évangile.

[44] Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1979, p. 53-54.

[45] Pour de plus amples informations sur l'unité de la religion, voir le chapitre quatre.

[46] Bahá'u'lláh, Les Tablettes de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1994, p. 23-24.

[47] Bahá'u'lláh, Les Tablettes de Bahá'u'lláh, p. 24.

[48] De nos jours, l'égalité des sexes est acceptée objectivement, du moins dans les chartes des droits et libertés. Toutefois, dans les faits, il reste beaucoup à faire pour que soit reconnue l'égalité intrinsèque des femmes et des hommes.

[49] 'Abdul-Bahá, cité dans Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1993, p. 31.

[50] Toynbee, A. J., A Study of History, New York, Oxford University Press, 1947-1957, vol. I, p. 205-271.

[51] Dorsey, Why We Behave Like Human Beings.

[52] Hooton, E. A., Up From The Ape, New York, MacMillan, 1946.

[53]Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1979, p. 143-144.

[54] Un corps législatif mondial.

[55] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 37-38 [traduction révisée].

[56] De même que l'Avesta, les Védas, la Baghavad Gita, etc.

[57] Krishna, dans la Baghavad Gita, ou "Chant des bienheureux".

[58] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 104.

[59] 'Abdul-Bahá, Tablette à La Haye, cité dans Baha'i World Faith,Wilmette, Bahá'í Publishing Trust, 1971, p. 286 [traduction].

[60] 'Abdul-Bahá, cité dans Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 37.

[61] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 37.

[62] 'Abdul-Bahá, L'éducation bahá'íe - compilation, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1976, p. 14.

[63] Le travail des femmes est, encore aujourd'hui, moins bien rémunéré que celui des hommes.

[64] 'Abdul-Bahá, La femme - compilation, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1986, p. 11.

[65] 'Abdul-Bahá, Tablets of 'Abdu'l-Bahá [traduction].

[66] 'Abdul-Bahá, Causeries d''Abdu'l-Bahá à Paris, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1980, p. 138.

[67] 'Abdu'l-Bahá, Tablets of 'Abdu'l-Bahá, [traduction].

[68] 'Abdul-Bahá, Star of the West, [traduction].

[69] 'Abdu'l-Bahá, The Promulgation of Universal Peace, Wilmette, Bahá'í Publishing Trust, 1982, p. 171, [traduction].

[70] Haldane, J.B.S., Science, Morals and Religion.

[71] 'Abdu'l-Bahá, The Promulgation of Universal Peace, p. 49 [traduction].

[72] Abdu'l-Bahá, The Promulgation of Universal Peace, p. 59-60 [traduction].

[73] Les Écrits de Bahá'u'lláh ont été révélés avant la publication des oeuvres de Darwin.

[74] 'Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1982, p. 206.

[75] Bahá'u'lláh, Les paroles cachées, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1977, p. 32, # 29.

[76] Bahá'u'lláh, Bahá'u'lláh et l'ère nouvelle, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1972, p. 99.

[77] Voir 'Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 187.

[78] 'Abdu'l-Bahá, référence non disponible.

[79] Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1979, p. 164.

[80] Bahá'u'lláh, La proclamation de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1983, p. 67.

[81] Bahá'u'lláh, La proclamation de Bahá'u'lláh, p. 17.

[82] 'Abdu'l-Bahá, Le secret de la civilisation divine, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1973, p. 88-89.

[83] Non pas au moyen d'une guerre, mais par l'intervention d'un gouvernement mondial.

[84] 'Abdu'l-Bahá, Tablette à La Haye, cité dans Bahá'í World Faith, Wilmette, Bahá'í Publishing Trust, 1971, p. 104.

[85] Fosdick, Harry Emerson.

[86] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1993, p. 35-36.

[87] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 196.

[88] Bahá'u'lláh, cité dans Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p.196-197.

[89] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 197-199.

[90] Bahá'u'lláh, Les paroles cachées, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1977, p. 49-50, # 82.

[91] Shoghi Effendi, cité dans Le Kitáb-i-Aqdas, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1996, p. 206

[92] 'Abdu'l-Bahá, Star of the West, Oxford, George Ronald, 1978, vol. XIII, tome 7, p. 227-228 [traduction].

[93] 'Abdu'l-Bahá, 'Abdu'l-Bahá in Canada, Toronto, Assemblée spirituelle nationale des bahá'ís du Canada, 1962, p. 34 [traduction].

[94] 'Abdu'l-Bahá, Star of the West, vol. VII, tome 4, p. 84.

[95] 'Abdu'l-Bahá explique que ces chiffres ne sont employés qu'à titre d'exemples.

[96] 'Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, Paris, Presses universitaires de France, 1982, p. 271-272.

[97] Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 273.

[98] Dans le cas des femmes, les dispositions s'appliquent mutatis mutandis.

[99] Une particularité intéressante de la formule bahá'íe est d'inclure les dons volontaires comme une des sources de revenus. Peut-être est-il opportun de signaler ici que toutes les ressources financières permettant à la communauté mondiale des bahá'ís de faire face à ses activités proviennent uniquement de contributions volontaires de la part des croyants déclarés.

[100] 'Abdu'l-Bahá, The Promulgation of Universal Peace, Wilmette, Bahá'í Publishing Trust, 1982, p. 187 [traduction].

[101] Bahá'u'lláh, Les tablettes de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1994, p. 34-35.

[102] Marc, 12, 7.

[103] 'Abdu'l-Bahá, Le testament d''Abdu'l-Bahá, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1984, p. 24.

[104] C'est-à-dire qui ont 21 ans et plus.

[105] Shoghi Effendi, Les principes de l'administration bahá'íe, Paris, Assemblée spirituelle nationale des bahá'ís de France, 1968, p. 70.

[106] Appelée en persan Mashriqu'l-Adhkár ou "Point de l'aurore de la louange de Dieu".

[107] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maisons d'éditions bahá'íes, 1993, p. 133.

[108] Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1979, # LXX, p. 90.

[109] Pour de plus amples informations sur la théorie politique et sociale de l'ordre administratif bahá'í, voir du même auteur: A Commentary on the Will and Testament of Abdu'l-Bahá.

[110] Shoghi Effendi, Le but d'un nouvel ordre mondial, Paris, Assemblée spirituelle nationale des bahá'ís de France, 1968, p. 25.

[111] Depuis son élection, la Maison Universelle de Justice a lancé, dirigé et achevé avec succès cinq plans à l'échelle globale visant l'expansion et la consolidation de la foi bahá'íe à travers le monde. Ainsi, lorsque le plan de Neuf Ans se termina en 1973, la foi bahá'íe était établie dans 69 451 communautés, avait donné naissance à 113 assemblées spirituelles nationales et était présente dans 69 451 communautés. En 1979, on estimait que les effectifs bahá'ís avaient augmenté d'environ 40 %. Les plus récentes statistiques (1999) disponibles font état de 182 assemblées spirituelles nationales, de plus de 121 000 communautés, et d'approximativement 7,6 millions de bahá'ís dans le monde (Britannica Yearbook, 1998) ; les écrits bahá'ís sont disponibles dans plus de 800 langues.

[112] Shoghi Effendi, La dispensation de Bahá'u'lláh, p. 100-101.

[113] Bahá'u'lláh, Extraits des Écrits de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1979, p. 100-101.

[114] Shoghi Effendi, L'ordre mondial de Bahá'u'lláh, Bruxelles, Maison d'éditions bahá'íes, 1993, p. 150.

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