Lesen: Dieu passe pres de nous - Partie 2 - Chapitre 10


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DIEU PASSE PRES DE NOUS

Shoghi Effendi

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2ième Période: Ministère de Bahá'u'lláh (1853-1892)

CHAPITRE X: Rébellion de Mirzá Yahyá - Proclamation de la mission de Bahá'u'lláh à Andrinople

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Une foi datant de vingt ans venait tout juste de se remettre des coups successifs qu'elle avait reçus, lorsqu'une crise d'importance primordiale l'atteignit et la secoua jusqu'en ses racines. Ni le martyre tragique du Báb, ni l'attentat odieux contre la vie du souverain, avec ses suites sanglantes, ni le bannissement humiliant de Bahá'u'lláh loin de sa terre natale, ni même sa retraite de deux ans au Kurdistan, si désastreux que fussent ces événements par leurs conséquences, ne peuvent être comparés en gravité avec la première grande convulsion interne qui saisit une communauté récemment relevée, et menaça de creuser une brèche irréparable dans les rangs de ses membres. Plus odieuse que l'implacable hostilité manifestée par Abù-Jahl, l'oncle de Muhammad, plus honteuse que la trahison de Jésus-Christ par son disciple judas Iscariote, plus perfide que la conduite des fils de Jacob envers leur frère joseph, plus horrible que l'acte commis par l'un des fils de Noé, plus infamante même que le crime perpétré par Caïn contre Abel, la conduite monstrueuse de Mirzá Yahyá, l'un des demi-frères de Bahá'u'lláh, successeur nominal du Báb et chef reconnu de la communauté Bábi, amena, par la suite, une période d'adversités qui laissa son empreinte sur le destin de la foi pour un demi-siècle au moins. Cette crise, au cours de laquelle fut déchiré en deux "le voile le plus cruel', et pendant laquelle s'effectua irrévocablement "la plus grande séparation ", Bahá'u'lláh la désigna lui-même sous le nom d'ayyám-i-shidàd (jours de tension). Elle apporta une immense satisfaction aux ennemis extérieurs de la foi, civils et ecclésiastiques; elle les enhardit, faisant leur jeu et soulevant leurs railleries ostensibles. Elle jeta le trouble et la confusion parmi les amis et les défenseurs de Bahá'u'lláh, et elle porta un grave préjudice au prestige de la foi, vis-à-vis de ses admirateurs d'Occident. Ourdie dès le début du séjour de Bahá'u'lláh à Baghdád, momentanément stoppée par les forces créatrices qui, sous son autorité non encore déclarée, animèrent une communauté désintégrée, cette crise éclata finalement, dans toute sa violence, au cours des années qui précédèrent immédiatement la proclamation de son message. Elle causa un chagrin inexprimable à Bahá'u'lláh, le vieillissant de façon visible, et elle lui infligea, par ses répercussions, le coup le plus rude qu'il eut jamais à subir pendant toute sa vie. Elle fut forgée de toute pièce par les intrigues tortueuses et les machinations incessantes de ce même diabolique Siyyid Muhammad, ce vil insinuateur qui, sans tenir compte du conseil de Bahá'u'lláh, avait insisté pour l'accompagner à Constantinople et à Andrinople et qui, maintenant, avec une vigilance sans relâche, redoublait d'efforts pour mener cette crise à son terme.

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Depuis le retour de Bahá'u'lláh de Sulaymàniyyih, Mirzá Yahyá s'était déterminé, tantôt à une réclusion sans gloire, dans sa propre demeure, tantôt à une retraite, quand un danger menaçait, vers des lieux sûrs tels que Hillih* et Basra*. Dans cette dernière ville il s'était réfugié, déguisé en juif de Baghdád pour devenir marchand de chaussures. Sa terreur était si grande qu'il passe pour avoir dit un jour: "Quiconque prétendra M'avoir vu ou avoir entendu ma voix, je le déclarerai infidèle." Ayant appris le départ imminent de Bahá'u'lláh pour Constantinople, il se cacha d'abord dans le jardin de Huvaydar, non loin de Baghdád, où il réfléchit à l'opportunité de fuir en Abyssinie, aux Indes ou en quelque autre pays. Refusant de se conformer au conseil de Bahá'u'lláh, de s'acheminer vers la Perse et d'y répandre les écrits du Báb, il envoya un certain Hàji Muhammad Kàzim, qui lui ressemblait, à la résidence gouvernementale, pour demander un passeport au nom de Mirzá 'Aliy-i-Kirmànsháhi, et il quitta Baghdád en y abandonnant ces écrits. Il se rendit alors à Mossoul sous un déguisement, accompagné d'un Bábi arabe nommé zàhir, rejoignant là les exilés qui s'étaient mis en route pour Constantinople.

Témoin constant de l'attachement de plus en plus profond des exilés pour Bahá'u'lláh et de leur stupéfiante vénération à son égard, s'apercevant parfaitement, au cours du voyage vers Constantinople, et plus tard, ses relations avec les notables et les gouverneurs d'Andrinople, du degré de popularité que son frère avait acquis à Baghdád, irrité devant les preuves multiples de courage, de dignité et d'indépendance que ce frère avait montrées dans ses rapports avec les autorités de la capitale, exaspéré par les nombreuses tablettes que l'auteur d'une dispensation récemment affermie n'avait cessé de révéler, - volontiers dupe des perspectives alléchantes d'une autorité sans conteste que lui offrait Siyyid Muhammad, l'Antéchrist de la révélation bahá'i - de même que le sháh Muhammad avait été induit en erreur par l'Antéchrist de la révélation Bábi, Hàji Mirzá Àqàsi -, refusant d'écouter les observations des membres éminents de la communauté qui lui écrivaient et lui conseillaient d'user de sagesse et de retenue, oublieux de la bonté et des conseils de Bahá'u'lláh qui, de treize ans son aîné, avait veillé sur sa prime jeunesse et sur sa maturité, enhardi par l'attitude de ce frère qui, l'oeil aveugle au péché, avait, tant de fois, passé l'éponge sur bon nombre de ses crimes et de ses folies, cet Archibriseur du covenant du Báb, aiguillonné par sa jalousie grandissante, et poussé par son amour passionné du pouvoir, fut amené à commettre des actes tels qu'ils ne pouvaient plus être cachés ni tolérés.

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Corrompu sans rémission par sa fréquentation constante de Siyyid Muhammad, cette vivante incarnation de la méchanceté, de la cupidité et de la fourberie, il avait déjà entaché les annales de la foi par des actions d'une infamie ineffaçable, pendant l'absence de Bahá'u'lláh de Baghdád, et même après son retour de Sulaymàniyyih. Les nombreuses altérations qu'il fit subir aux textes écrits par le Báb, ses additions impies à la formule de l'adhàn dans laquelle il introduisit un passage où il s'identifiait lui-même avec la Divinité, les références qu'il inséra dans ces écrits concernant une succession dans laquelle il se dénommait lui-même héritier du Báb ainsi que ses descendants, l'état de flottement et d'apathie qu'il avait montré en apprenant la mort tragique subie par son maître, son arrêt de mort contre tous les miroirs* de la dispensation Bábi, quoiqu'il fût lui-même l'un de ces miroirs, ses agissements infâmes qui causèrent le meurtre de Dayyán qu'il craignait et enviait, sa conduite ignoble qui, pendant l'absence de Bahá'u'lláh de Baghdád, fut cause de l'assassinat de Mirzá 'Ali-Akbar, le cousin du Báb, et enfin, pendant cette même période, son acte le plus odieux, les outrages, détestables au-delà de toute expression, qu'il porta contre l'honneur même du Báb, tous ces faits, attestés par Àqày-i-Kalim et rapportés par Nabil dans son récit, devaient être mis encore plus vivement en lumière par de nouveaux actes dont l'accomplissement allait fixer son sort de manière irrémédiable.

Des projets désespérés pour empoisonner Bahá'u'lláh et ses compagnons, afin de restaurer sa propre autorité disparue, commencèrent à se dessiner dans son esprit, une année environ après leur arrivée à Andrinople. Sachant que son demi-frère, Àqày-i-Kalim, possédait des connaissances médicales, il chercha, sous divers prétextes, à obtenir des renseignements concernant les effets de certains poisons et de certaines herbes; puis, contrairement à ses habitudes, il commença à inviter Bahá'u'lláh chez lui; et un jour, ayant enduit sa tasse à thé d'un produit qu'il avait composé, il réussit à l'empoisonner suffisamment pour le rendre sérieusement malade pendant au moins un mois, lui occasionnant de violentes douleurs ainsi qu'une forte fièvre, maladie dont Bahá'u'lláh conserva un tremblement des mains jusqu'à la fin de sa vie. Son état était si grave qu'un docteur étranger, nommé Shishmàn, fut appelé pour le soigner. Le docteur fut si atterré par son teint livide qu'il estima son cas sans espoir, et après être tombé à ses pieds, se retira sans lui avoir prescrit de remède. Quelques jours plus tard, il tomba malade et mourut. Avant sa mort, Bahá'u'lláh avait donné à entendre que le docteur Shishmàn avait sacrifié sa vie pour lui. A Mirzá Aqà Jàn, que Bahá'u'lláh avait envoyé pour le voir, ce docteur déclara que Dieu avait exaucé ses prières et qu'après sa mort, un certain Dr. Chùpàn, auquel il savait pouvoir se fier, devrait être appelé à sa place chaque fois que cela serait nécessaire.

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Dans une autre circonstance, et d'après le témoignage d'une de ses femmes qui l'avait momentanément quitté et qui avait révélé les détails de l'acte mentionné ci-dessus, ce même Mirzá Yahyá avait empoisonné le puits qui fournissait de l'eau à la famille et aux compagnons de Bahá'u'lláh, à la suite de quoi les exilés présentèrent d'étranges symptômes de maladie. Il avait même confié, petit à petit et avec une grande circonspection, à l'un de ces compagnons, Ustàd Muhammad-'Aliy-i-Salmàni, le barbier auquel il avait prodigué de grandes marques de faveur -, son désir de le voir profiter d'une occasion propice pour assassiner Bahá'u'lláh, lorsqu'il le servait au bain. "En entendant cette proposition, Ustàd Muhammad'Ali fut tellement furieux", a déclaré Àqày-i-Kalim, racontant cet épisode à Nabil lorsqu'ils étaient à Andrinople, "qu'il ressentit un violent désir de tuer Mirzá Yahyá sur place, et qu'il l'aurait fait s'il n'avait craint de déplaire à Bahá'u'lláh. C'est moi qu'il rencontra tout d'abord quand il sortit de la salle de bain en pleurant ... je finis par réussir, avec beaucoup de persuasion, à le convaincre d'y retourner pour terminer sa tâche inachevée." Bien que, par la suite, Bahá'u'lláh lui eût ordonné de ne raconter cet incident à personne, le barbier fut incapable de se retenir et il trahit le secret, plongeant, de ce fait, la communauté dans une grande consternation. ",Quand le secret qu'il' (Mirzá Yahyá) ",gardait en son cœur fut révélé par Dieu," affirme lui-même Bahá'u'lláh, "il désavoua pareille intention et l'imputa à ce même serviteur" (Ustàd Muhammad-'Ali).

Le moment était maintenant arrivé pour celui qui avait si récemment, à la fois par ses paroles et dans de nombreuses tablettes, révélé la signification des revendications qu'il avait avancées, de faire connaître officiellement le caractère de sa mission à celui qui était le remplaçant nominal du Báb. Mirzá Àqà Jàn fut donc chargé de porter à Mirzá Yahyá la Sùriy-i-Amr, nouvellement révélée, qui confirmait nettement ces revendications, de lui lire tout haut son contenu, et de lui demander une réponse décisive et sans équivoque. Mirzá Yahyá demanda une journée de réflexion pour pouvoir méditer sa réponse, requête qui lui fut accordée. Mais la seule réponse, toutefois, qui devait venir, fut une contre-déclaration, spécifiant l'heure et la minute où il était devenu le bénéficiaire d'une révélation indépendante, révélation qui exigeait la soumission sans réserve à sa personne, de la part des peuples de la terre, à l'Est comme à l'Ouest.

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Une assertion aussi présomptueuse, faite par un adversaire aussi perfide à l'envoyé de l'auteur d'une révélation si importante, donna le signal de la rupture ouverte et définitive entre Bahá'u'lláh et Mirzá Yahya , rupture qui marque l'une des dates les plus sombres de l'histoire bahá'i. Dans l'espoir d'apaiser la féroce animosité qui dévorait ses ennemis, et d'assurer à chacun des exilés la liberté absolue de choisir entre lui et eux, Bahá'u'lláh se retira avec sa famille dans la demeure de Ridà Big (Shavvàl 22, 1282 A.H.), louée à sa demande, et il refusa pendant deux mois de fréquenter les amis comme les étrangers, y compris ses propres compagnons. Il chargea Aqày-i-Kalim de partager tous les meubles, literie, vêtements et ustensiles qu'on trouverait chez lui, et d'en envoyer la moitié dans la maison de Mirzá Yahyá, de lui remettre certaines reliques qu'il convoitait depuis longtemps, comme par exemple les sceaux, les bagues et les manuscrits du Báb, et de veiller à ce qu'il reçoive sa part entière de la pension fixée par le gouvernement pour la subsistance des exilés et de leurs familles. En outre, il fit donner des ordres par Aqày-i-Kalim pour que, chaque jour, pendant plusieurs heures, Mirzá Yahyá soit aidé à faire ses achats par l'un quelconque des compagnons, qu'il pourrait choisir lui-même, et afin qu'il soit sûr que tout envoi à son nom, provenant de Perse, lui serait dorénavant remis en main propre.

"Ce jour-là", aurait raconté Àqày-i-Kalim à Nabil, "fut témoin d'une très grande agitation. Tous les compagnons se lamentaient d'être séparés de la Beauté bénie." " Ces j ours ", atteste par écrit l'un de ces compagnons, "furent empreints de tumulte et de confusion. Nous étions fort perplexes et nous avions grand peur d'être privés, d'une manière définitive, de la bonté de sa présence."

Ce chagrin et cette perplexité étaient cependant destinés à n'être que de courte durée. Les calomnies dont Mirzá Yahyá et Siyyid Muhammad bourraient alors les lettres qu'ils disséminaient en Perse et en 'Iráq, autant que les pétitions, libellées en termes obséquieux, que le premier avait adressées au pacha Khurshid, gouverneur d'Andrinople, et à son assistant le pacha 'Aziz, poussèrent Bahá'u'lláh à sortir de sa retraite. Il fut, bientôt après, informé que ce même frère avait envoyé l'une de ses femmes à la résidence du gouvernement pour se plaindre que son mari avait été frustré de ses droits, et que ses enfants étaient sur le point de mourir de faim. Cette accusation fit du chemin et, atteignant Constantinople, devint, à la profonde détresse de Bahá'u'lláh, le sujet de discussions passionnées et de commentaires injurieux dans des milieux qui, antérieurement, avaient été fortement impressionnés par la réputation de haute valeur que lui valait sa conduite noble et digne dans cette ville. Siyyid Muhammad se rendit dans la capitale et sollicita auprès de l'ambassadeur de Perse, le mushiru'd-dawlih, une pension pour Mirzá Yahyá et pour lui-même; puis il accusa Bahá'u'lláh d'avoir envoyé quelqu'un pour assassiner le sháh Nàsiri'd-Din, et n'épargna aucun effort pour accumuler injures et calomnies sur celui qui l'avait supporté si longtemps et avec tant de patience, endurant en silence les atrocités dont il s'était rendu coupable.

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Après un séjour d'environ un an dans la demeure de Ridà Big, Bahá'u'lláh retourna dans la maison qu'il avait occupée avant de se séparer de ses compagnons, et trois mois plus tard, il alla habiter la maison d'Izzat Àqà dans laquelle il vécut jusqu'à son départ d'Andrinople. C'est dans cette maison, au mois de jamàdiyu'l-avval 1284 A.H. (septembre 1867), qu'un événement de la plus haute importance se produisit, qui tourna à la déconfiture complète de Mirzá Yahyá et de ses partisans, et rendit évident le triomphe de Bahá'u'lláh sur eux, tant aux yeux de ses amis que de ses ennemis. Un certain Mir Muhammad, Bábi de Shiráz, fort irrité tant par les prétentions de Mirzá Yahyá que par sa réclusion poltronne, réussit à obliger Siyyid Muhammad d'engager celui-ci à rencontrer Bahá'u'lláh face à face, de sorte qu'on puisse discerner au grand jour la vérité de l'erreur. Présumant de façon stupide que son illustre frère n'accepterait jamais une telle proposition, Mirzá Yahyá désigna la mosquée de SultánSalim comme lieu de rencontre. Aussitôt informé de cet arrangement, Bahá'u'lláh se mit en route, à pied, dans la chaleur de midi, accompagné par ce même Mir Muhammad, pour ladite mosquée, située dans une partie éloignée de la ville. Tout en marchant à travers les rues et les marchés, Bahá'u'lláh récitait des versets, avec une voix et d'une manière qui étonnèrent grandement ceux qui le virent et qui l'entendirent.

Ainsi qu'il le mentionne dans une tablette, voici quelques-unes des paroles qu'il prononça à cette occasion mémorable: - 0 Muhammad, celui qui est l'Esprit est vraiment sorti de sa demeure, et avec lui sont sorties les âmes des élus de Dieu ainsi que la réalité de ses messagers. Voyez donc les habitants des royaumes célestes, au-dessus de ma tête, et dans ma main, tous les témoigna es des prophètes. Dis: Si tous les prêtres, tous les sages, tous les rois et gouvernants de la terre se rassemblaient, en vérité je les affronterais et je proclamerais les versets de Dieu, le Souverain, le Tout-Puissant, l'infiniment-Sage. je suis celui qui ne craint personne, quand bien même tous ceux qui existent sur terre et dans le ciel se lèveraient contre moi ... C'est ma main que Dieu a rendue blanche pour que tous les mondes la voient. Voici mon bâton si Nous le jetions à terre, en vérité, il avalerait toutes les choses créées." Mir Muhammad, qui avait été envoyé en avant pour annoncer l'arrivée de Bahá'u'lláh, revint bientôt et l'informa que celui qui avait mis son autorité au défi souhaitait, en raison de circonstances imprévues, retarder l'entrevue d'un jour ou deux.

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De retour chez lui, Bahá'u'lláh révéla une tablette dans laquelle il racontait ce qui s'était passé et fixait la date de l'entrevue manquée; il apposa son sceau sur la tablette et la confia à Nabil, lui disant de la remettre à l'un des nouveaux croyants, Mullà Muhammad-i-Tabrizi; ce dernier devait la transmettre à Siyyid Muhammad qui venait souvent à la boutique de ce croyant. Il fut convenu de demander à Siyyid Muhammad, avant de lui remettre cette tablette, une note cachetée, promettant que Mirzá Yahyá, au cas où il ne viendrait pas au lieu du rendez-vous, affirmerait, par écrit, la fausseté de ses revendications. Siyyid Muhammad promit d'apporter, le jour suivant, le document en question, mais bien que Nabil, pendant trois jours consécutifs, attendît la réponse dans cette boutique, le siyyid n'apparut pas et n'envoya aucune note. Vingt-trois ans plus tard, Nabil, racontant cet épisode historique dans ses chroniques, affirma que cette tablette jamais remise se trouvait encore en sa possession, "en aussi bon état que le jour où la plus grande Branche* l'avait écrite et où le cachet de l'ancienne Beauté l'avait scellée et ornée ", témoignage tangible et irréfutable de la suprématie de Bahá'u'lláh, établie sur un adversaire vaincu.

Comme déjà observé, cet épisode, le plus désolant de son ministère, fit naître en Bahá'u'lláh une angoisse aiguë. " Celui que, pendant des mois et des années", se lamenta-t-il, "j'ai élevé avec les mains de la tendre bonté, s'est levé pour prendre ma vie." " Les cruautés infligées par mes oppresseurs ", écrit-il, faisant allusion à ces perfides ennemis, "m'ont courbé et ont fait blanchir mes cheveux. Si tu te présentais devant mon trône tu ne pourrais reconnaître l'ancienne Beauté, car la fraîcheur de son visage s'est altérée et son éclat s'est terni à cause de l'oppression des infidèles." " Par Dieu! " s'écrie-t-il, "il n'existe aucun point de mon corps qui n'ait été touché par les lances de tes machinations." Et encore: " Tu as commis contre ton frère ce qu'aucun homme n'a commis contre un autre homme." "Ce qui est sorti de ta plume ", affirme-t-il de plus, "amena les visages de gloire à se prosterner dans la poussière; le voile de grandeur, dans le paradis sublime, fut, de ce fait, déchiré en deux, et les cœurs des élus installés sur les sièges les plus élevés en furent brisés." Et pourtant, dans le Kitáb-i-Aqdas, un Seigneur clément assure à ce même frère, cette "source de perversion, dont l'âme même a donné naissance aux vents de la passion qui ont soufflé sur lui", de "n'avoir aucune crainte à cause de tes actes",; il lui ordonne de "retourner à Dieu, humble, soumis et effacé", et affirme qu' "Il te remettra tes péchés", et que "ton Seigneur est le Clément, le Puissant, le très-Miséricordieux

Par le commandement et par le pouvoir de Celui qui est la Source de la justice suprême, "la plus grande idole" avait été confondue, abhorrée, brisée et rejetée de la communauté du très grand Nom. Débarrassée de cette profanation, délivrée de cette horrible emprise, la toute jeune foi de Dieu pouvait maintenant aller de l'avant et, malgré les remous qui l'avaient bouleversée, prouver sa capacité à soutenir de nouvelles batailles, conquérir des sommets plus élevés et gagner de plus puissantes victoires

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Une brèche temporaire, il fallait l'avouer, avait été faite dans les rangs de ses partisans. Sa gloire avait été éclipsée et ses annales entachées d'opprobre pour toujours. Son nom, cependant, ne pouvait être effacé, son esprit était loin d'être abattu, et ce prétendu schisme ne pouvait en scinder l'édifice en deux. Le covenant du Báb auquel il a déjà été fait allusion, avec ses vérités immuables, ses prophéties incontestables et ses avertissements répétés, montait la garde auprès de cette foi, assurant son intégrité, démontrant son incorruptibilité et perpétuant son influence.

Bien que fléchissant sous le poids du chagrin, et souffrant toujours des conséquences de l'attentat à sa vie, et quoiqu'il sût parfaitement qu'un nouveau bannissement était probablement imminent, imperturbable devant le coup que sa cause avait reçu ainsi que devant les dangers dont elle était entourée, Bahá'u'lláh se dressa malgré tout avec une puissance sans égale, avant même la fin de cette épreuve, pour annoncer la mission dont il était chargé à ceux qui, en Orient et en Occident, détenaient entre leurs mains les rênes du pouvoir temporel suprême. L'étoile du matin de sa révélation était destinée, grâce à cette proclamation même, à étinceler au faîte de sa gloire, et sa foi à manifester, dans sa plénitude, son divin pouvoir.

Une période d'activité prodigieuse s'ensuivit qui, par ses répercussions, l'emporta sur les années de printemps du ministère de Bahá'u'lláh. "jour et nuit", écrit un témoin oculaire, "les versets divins pleuvaient en quantité telle qu'il fut impossible de les consigner tous. Mirzá Aqà Jàn les écrivait au fur et à mesure de leur dictée, tandis que la plus grande Branche était continuellement occupée à les transcrire. Il n'y avait pas un moment à perdre." " Plusieurs secrétaires ", atteste Nabil, " étaient occupés jour et nuit et, cependant, n'arrivaient pas au bout de cette tâche. Mirzá Bàqir-i-Shirázi, l'un d'entre eux.... ne transcrivit pas moins de deux mille Versets chaque jour, à lui tout seul. Il travailla pendant six ou sept mois. Tous les mois, il recopiait ainsi la valeur de plusieurs volumes qu'il expédiait en Perse. Il laissa en souvenir à Mirzá Aqà Jàn environ vingt volumes de sa fine écriture. Bahá'u'lláh, faisant lui-même allusion aux versets qu'il révéla, écrit: "Tels sont les torrents ... provenant des nuées de la bonté divine qu'en l'espace d'une heure, l'équivalent d'un millier de versets ont été révélés." "La grâce octroyée en ce jour est telle, qu'en un jour et une nuit seulement, si l'on trouvait un secrétaire capable de l'écrire, la valeur d'un Bayán persan serait déversée du ciel de la sainteté divine." "J'en jure par Dieu!", affirme-t-il d'autre part: " En ces jours, ce qui a été révélé correspond à tout ce qui fut envoyé - jadis aux Prophètes." " Ce qui a déjà été révélé sur cette terre " (Andrinople), déclare-t-il en outre, parlant de l'abondance de ses écrits, "les secrétaires ne sont pas capables de le transcrire. Aussi, la plus grande partie n'a-t-elle pas été transcrite."

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Déjà, au plus fort de cette grave crise, et même avant qu'elle n'atteignît son maximum, des tablettes innombrables coulèrent de la plume de Bahá'u'lláh, dans lesquelles il exposait complètement la portée des revendications qu'il venait de soutenir. La Sùriy-i-Amr, la Lawh-i-Nuqtih, la Lawh-i-Ahmad, la Sùriy-i-Ashàb, la Lawh-i-Sayyáh, la Sùriy-i-Damm, la Lawhu'r-Rùh, la Lawhu'r-Ridvan la Lawhu't-Tuqà sont au nombre des tablettes qu'il avait déjà écrites lorsqu'il transféra son domicile dans la maison d'Izzat Àqà. Presque aussitôt que fut opérée la "plus grande séparation", Bahá'u'lláh révéla les tablettes les plus puissantes écrites pendant son séjour à Andrinople: La Sùriy-i-Mùlùk, la tablette la plus importante (Sùrih aux Rois), dans laquelle, pour la première fois, il s'adresse à l'ensemble des monarques d'Orient et d'Occident et envoie des messages particuliers au sultán de Turquie et à ses ministres, aux rois de la chrétienté, aux ambassadeurs français et persan accrédités près la Sublime Porte, aux chefs ecclésiastiques musulmans à Constantinople, aux sages et aux habitants de cette ville, au peuple de Perse et aux philosophes du monde; le Kitáb-i-Badi', son apologie, écrite pour réfuter les accusations lancées contre lui par Mirzá Mihdiy-i-Rashti - oeuvre correspondant au Kitáb-i-Iqán qui fut révélé pour défendre la révélation Bábi -; les Munà-jàthày-i-SiYám (Prières du jeûne) écrites en anticipation à son livre de lois; la première Tablette à Napoléon III dans laquelle il s'adresse à l'empereur des Français et met à l'épreuve la sincérité de ses déclarations; la -Lawh-i-Sultán, son épître détaillée au sháh Nàsiri'd-Din, dans laquelle sont exposés les buts, les objectifs et les principes de sa foi, et démontrée la validité de sa mission; la Sùriy-i-Ra'is, commencée dans le village de Kàshànih, pendant son voyage à Gallipoli*, et terminée peu après à GYáwur-Kyuy*, toutes ces tablettes peuvent être considérées non seulement comme les plus remarquables des innombrables tablettes qu'il révéla à Andrinople, mais comme occupant une position capitale parmi tous les écrits de l'auteur de la révélation bahá'i.

Dans la Sùriy-i-Mùlùk, son message aux rois de la terre, Bahá'u'lláh dévoile le caractère de sa mission; il engage ces rois à accepter ce message, affirme la validité de la révélation du Báb, leur reproche leur indifférence à l'égard de sa cause, leur enjoint de se montrer justes et vigilants, de régler leurs différends et de réduire leurs armements; il parle longuement de ses afflictions, leur recommande de prendre soin des pauvres, les avertit que le " châtiment divin " les " assaillira " " de toutes parts" s'ils refusent de suivre ses conseils, et il prophétise "son triomphe sur la terre", bien qu'il ne se trouve aucun roi pour tourner vers lui son visage.

Ce sont les rois de la chrétienté que Bahá'u'lláh blâme plus spécialement pour avoir manqué de "l'accueillir" et de "s'approcher" de lui qui est "l'Esprit de Vérité", et pour avoir continué à "se divertir" avec leurs "Passe-temps et leurs fantaisies"; et il leur déclare qu'ils "seront appelés à rendre compte " de leurs actes, "en présence de Celui qui rassemblera tous les êtres de la création".

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Il ordonne au sultán 'Abdu'l-'Aziz "d'écouter les paroles ... de celui qui, d'une manière sûre, foule le droit chemin", l'encourage à prendre personnellement la direction des affaires de son peuple et à ne pas accorder sa confiance à des ministres sans valeur; il l'invite à ne pas compter sur ses trésors ni à "dépasser les bornes de la modération", , mais à traiter ses sujets avec une "justice rigoureuse"; enfin, il lui fait connaître le fardeau d'adversités qui l'accable. Dans cette même tablette, il affirme son innocence ainsi que sa loyauté envers le sultán et ses ministres; il décrit les circonstances de son bannissement loin de la capitale; enfin, il l'assure de ses prières à Dieu en sa faveur.

A ce même sultán, la Sùriy-i-Ra'is en fait foi, il fit encore parvenir, pendant son séjour à Gallipoli, un message verbal, par l'intermédiaire d'un officier turc nommé 'Umar, message demandant au souverain de lui accorder une audience de dix minutes, "afin que celui-ci puisse demander tout ce qu'il jugerait comme étant un témoignage suffisant et considérerait comme une preuve de l'authenticité de Celui qui est la Vérité"; il ajoutait que, "si Dieu lui permettait de produire cette preuve, le souverain devrait alors libérer les opprimés et les laisser tranquilles ".

A Napoléon III, Bahá'u'lláh adressa une tablette spéciale qui lui fut transmise par l'un des ministres français, et dans laquelle il s'étendait sur les souffrances qu'il endurait ainsi que ses disciples, affirmait leur innocence, et lui rappelait ses deux déclarations en faveur des opprimés et des êtres sans défense; puis, désireux d'éprouver la sincérité de ses mobiles, il l'invitait à "faire une enquête sur la situation de ceux qui ont été persécutés", à étendre sa protection aux faibles", et à jeter sur lui et sur ses compagnons d'exil "le regard d'une bienveillante sollicitude".

Au sháh Nàsiri'd-Din, il révéla une tablette, la plus longue des épîtres adressées à un souverain en particulier, dans laquelle il atteste la sévérité sans précédent des malheurs qui l'ont frappé, rappelant au souverain qu'il a reconnu son innocence à la veille de son départ pour l'Iráq, et l'adjure de gouverner avec justice; il fait l'exposé des ordres reçus de Dieu lui enjoignant de se lever et de proclamer son message, certifie que ses conseils sont désintéressés, proclame sa croyance en l'unité de Dieu et de ses prophètes; il adresse à Dieu plusieurs prières en faveur du sháh, justifie sa conduite personnelle en 'Iráq, fait ressortir l'influence bienfaisante de ses enseignements, et il condamne, avec une force particulière, toutes les formes de violence et de mal. Par ailleurs, dans cette même tablette, il démontre la validité de sa mission, exprime le désir d'être "amené face à face avec les prêtres de l'époque afin de donner, en présence de Sa Majesté, des preuves et des témoignages" qui établiront la vérité de sa cause; il démasque la perversité des chefs ecclésiastiques de son temps, perversité semblable à celle du temps de Jésus-Christ et de Muhammad; il prophétise que ses souffrances seront suivies par les "flots d'une suprême miséricorde " et par une "prospérité débordante", et il trace un parallèle entre les afflictions qui ont assailli les siens et celles qu'endurèrent les parents du prophète Muhammad; il s'étend longuement sur l'instabilité des affaires humaines, décrit la cité dans laquelle il est sur le point d'être exilé, prédit l'humiliation future des 'ulamà, et termine sur l'espoir renouvelé que Dieu aidera le souverain à "soutenir sa foi et à se tourner vers sa justice ".

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Au grand vizir, le pacha 'Ali, Bahá'u'lláh adressa la Sùriy-i-Ra'is. Dans celle-ci il lui commande "d'écouter la voix de Dieu" et déclare que ni ses "grognements ", ni les " aboiements " de ceux qui l'entourent, ni " les légions du monde" ne peuvent empêcher le Tout-Puissant d'atteindre son but; il l'accuse d'avoir commis ce qui a provoqué "les lamentations de l'Apôtre de Dieu dans le très haut paradis" et d'avoir conspiré avec l'ambassadeur de Perse pour lui faire du tort, et il lui annonce "la perte évidente" dans laquelle il se trouvera sous peu; il glorifie le jour de sa propre révélation, prédit que cette révélation "entourera, d'ici peu, la terre et tout ce qui _y demeure ", et que la " Terre du Mystère " (Andrinople) " et ce qui est alentour... échapperont aux mains du roi, que des troubles se produiront, que la voix de la désolation s'élèvera et que les preuves du mai apparaîtront de tous côtés"; il identifie cette même révélation avec celles de Moïse et de Jésus, rappelle l'"arrogance" de l'empereur de Perse au temps de Muhammad, les "transgressions" du Pharaon au temps de Moïse et l'"impiété" de Nemrod au temps d'Abraham; enfin, il déclare que son but est de "vivifier le monde et d'unir tous ses peuples ".

Dans certains passages de la Sùriy-i-Mùlùk, il blâme les ministres du sultán pour leur conduite et met en cause la solidité de leurs principes. Il leur annonce la punition de leurs actes, critique leur orgueil et leur injustice, affirme son intégrité et son détachement des vanités du monde et proclame son innocence.

Dans cette même sùrih, il réprouve l'ambassadeur de France près la Sublime-Porte pour s'être associé, contre lui, avec l'ambassadeur de Perse; il lui rappelle les conseils de Jésus-Christ, qui se trouvent dans l'Evangile de saint jean; il l'avertit qu'il devra répondre de ses oeuvres et lui recommande, ainsi qu'à ses pareils, de ne traiter personne comme il l'a traité lui-même.

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Pour l'ambassadeur de Perse à Constantinople, il insère, dans cette même tablette, de longs passages dans lesquels il dévoile les erreurs et les calomnies de celui-ci, l'accuse d'injustice, lui et ses compatriotes, et lui certifie qu'il ne lui veut aucun mal; il lui déclare que, s'il se rendait compte de l'énormité de son acte, il se lamenterait jusqu'à la fin de sa vie, et affirme qu'il persistera jusqu'à la mort dans sa négligence; il justifie sa propre conduite à Tihrán et en 'Iráq, et se porte témoin de la corruption du ministre persan à Baghdád et de la complicité de l'ambassadeur persan avec ce ministre.

Dans la même Sùriy-i-Mùlùk, Bahá'u'lláh envoie un message spécifique à la communauté entière des chefs ecclésiastiques de l'islám sunnite à Constantinople, dans lequel il les qualifie d'insouciants et les déclare morts au point de vue spirituel; il blâme leur orgueil et leur reproche de ne pas rechercher sa présence; il leur dévoile la pleine gloire et la complète signification de sa mission, et affirme que leurs chefs, s'ils avaient été en vie, auraient 'fait cercle autour de lui"; il condamne en eux les "adorateurs des noms" et les amoureux du pouvoir, et il déclare que Dieu ne trouvera rien d'acceptable de leur part, à moins qu'il ne les juge "nés à nouveau".

Bahá'u'lláh consacre la dernière partie de la Sùriy-i-Mùlùk aux sages de Constantinople et aux philosophes du monde qu'il met en garde contre le danger de s'enorgueillir devant Dieu; il leur révèle l'essence de la véritable sagesse, souligne l'importance de la foi et de la rectitude de conduite, leur reproche de n'avoir point recherché la lumière auprès de lui, leur conseille de ne pas " outrepasser les limites assignées par Dieu", et de ne pas diriger leur regard vers les "méthodes et les coutumes des hommes".

Aux habitants de Constantinople, il déclare, dans cette même tablette, qu'il " ne craint personne hormis Dieu ", qu'il ne dit " rien si ce n'est sur son ordre" (l'ordre de Dieu), qu'il ne s'attache à rien d'autre qu'à la vérité de Dieu, qu'il a trouvé les gouverneurs et les anciens de la ville pareils à des "enfants rassemblés fa et là et s'amusant sur le sable", et qu'il n'en a décelé aucun d'assez mûr pour recevoir les vérités que Dieu lui a enseignées. Il leur commande de s'accrocher fermement aux préceptes de Dieu et les invite à ne pas se montrer fiers devant Dieu ni devant ses bien-aimés; puis il rappelle les tribulations endurées par l'Imàm Husayn et célèbre ses vertus, et il prie Dieu d'être capable d'endurer lui-même de pareilles afflictions; il prédit que, bientôt, Dieu suscitera un peuple qui fera le récit de ses tourments et exigera de ses oppresseurs la restitution de ses droits; enfin, il les engage à prêter attention à ses paroles et à revenir vers Dieu, dans le repentir.

Finalement, s'adressant au peuple de Perse, il affirme dans cette même tablette que, même s'ils le mettaient à mort, Dieu en susciterait certainement un autre à sa place, et il donne l'assurance que le Tout-Puissant " rendra parfaite sa lumière", bien que ce peuple, au fond de son cœur, la haïsse.

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Une proclamation d'une telle puissance adressée, dans une période aussi critique et par le porteur d'un message aussi sublime, aux rois de la terre, tant musulmans que chrétiens, aux ministres et aux ambassadeurs, aux chefs ecclésiastiques de l'islám sunnite, aux sages et aux habitants de Constantinople - siège tant du sultanat que du califat -, aux philosophes du monde entier et au peuple de Perse, ne doit pas être considérée comme le seul événement marquant à rattacher au séjour de Bahá'u'lláh à Andrinople. D'autres péripéties et d'autres événements d'une signification profonde, quoique moindre, doivent être notés dans ces pages, si nous voulons estimer à sa juste valeur l'importance de cette période troublée et capitale du ministère de Bahá'u'lláh.

C'est pendant cette période, et en raison directe de la rébellion et de l'effrayante déchéance de Mirzá Yahyá, que certains disciples de Bahá'u'lláh (qui peuvent prendre rang parmi les "trésors" que Dieu lui promit lorsqu'il était courbé sous le poids des chaînes, dans le Siyáh-Chàl de Tihrán), comprenant l'une des Lettres du Vivant, quelques survivants du combat de Tabarsi et l'érudit Mirzá Ahmad-i-Azghandi, se dressèrent pour défendre la foi nouvelle, pour réfuter, dans des apologies nombreuses et détaillées - ainsi que leur maître l'avait fait dans le Kitáb-i-Badi', les arguments des adversaires de Bahá'u'lláh et dénoncer leurs actions odieuses. C'est au cours de cette période que la foi prit de l'extension, lorsque son étendard fut planté définitivement dans le Caucase par la main de Mullà Abù-Tàlib et d'autres croyants convertis par Nabil, lorsque son premier centre fut établi en Egypte, au moment où Siyyid Husayn-i-Kàshàni et Hàji Bàqir-i-Kàshàni fixèrent leur résidence dans ce pays, et lorsque, aux contrées déjà réchauffées et illuminées par les premiers rayons de la révélation de Dieu - 'Iráq, Turquie et Perse - vint s'ajouter la Syrie. C'est en ce temps-là que la formule de salutation "Allàh-u-Abhá"* remplaça l'ancienne formule "Allàh-u-Akbar" et fut adoptée simultanément en Perse et à Andrinople; le premier qui, sur la suggestion de Nabil, l'employa en Perse, fut Mullà Muhammad-i-Fùrùghi, l'un des défenseurs du fort de Shaykh-Tabarsi. C'est en ce temps-là que l'expression "le peuple du Bayán" qui, désignant dorénavant les partisans de Mirzá Yahyá, fut abandonnée et remplacée par cette appellation "le peuple de bahá" C'est à cette époque que Nabil, récemment honoré du titre de Nabil-i-A'zam, dans une tablette personnelle lui donnant l'ordre de "faire connaître le message " de son Seigneur "à l'Orient et à l'Occident ", se leva, malgré des persécutions intermittentes, pour déchirer en deux le "plus déplorable des voiles" et implanter l'amour d'un maître adoré dans les cœurs de ses concitoyens, et pour soutenir une cause que son Bien-Aimé avait proclamée dans des conditions aussi tragiques.

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C'est pendant ces mêmes jours que Bahá'u'lláh donna des instructions au même Nabil pour qu'il récite, en son nom, les deux tablettes du pèlerinage, récemment révélées, et qu'il accomplisse à sa place les rites qu'elles prescrivaient, quand il visiterait la maison du Báb à Shiráz et la demeure suprême à Baghdád, fait qui marque le début de l'une des pratiques les plus sacrées que, plus tard, le Kitáb-i-Aqdas devait confirmer officiellement. C'est en ce temps-là que Bahá'u'lláh révéla les Prières dit Jeûne, devançant la loi que ce même livre devait bientôt promulguer. C'est aussi pendant son exil à Andrinople que Bahá'u'lláh adressa une tablette à Mullà 'Ali-Akbar-i-ShahMirzádi et à Jamàl-i-Burujirdi, deux de ses disciples bien connus à Tihrán, leur donnant des instructions pour qu'ils transfèrent les restes du Báb, dans le plus grand secret, de l'Imàm-Zàdih-Ma'sùm* où ils étaient cachés, en un autre endroit sûr; cette décision se montra providentielle par la suite et peut être considérée comme marquant une nouvelle étape dans le long et pénible transfert de ces restes jusqu'au cœur du mont Carmel, à l'emplacement que Bahá'u'lláh devait désigner plus tard à 'Abdu'l-Bahá, dans ses instructions. C'est au cours de cette période que fut révélée la Sùriy-i-Ghusn (Sùrih de la Branche) dans laquelle est préfiguré le rôle futur d'Abdu'l-Bahá, et dans laquelle il est célébré comme la " Branche de sainteté ", le " Bras de la loi de Dieu ", la " Confiance de Dieu" "descendue sous la forme d'un temple humain ", tablette qui peut être considérée comme l'annonciatrice du rang qui devait lui être conféré dans le Kitáb-i-Aqdas, et qui fut expliqué et confirmé plus tard, dans le livre de son' covenant. Et enfin, c'est en cette période que furent effectués les premiers pèlerinages à la demeure de celui qui était maintenant le Centre visible d'une foi nouvellement établie; en raison de leur nombre et de leur nature, le gouvernement persan, alarmé, fut d'abord poussé à limiter ces pèlerinages et, plus tard, à les interdire; mais ils ont été les précurseurs des foules convergentes de pèlerins d'Orient et d'Occident qui, au début, dans des conditions pénibles et périlleuses, allaient diriger leurs pas vers la prison fortifiée d'Akká; leur couronnement devait être l'arrivée historique, au pied du mont Carmel, d'une convertie royale* qui, au seuil même d'un pèlerinage longtemps désiré et publiquement annoncé, fut si cruellement empêchée d'atteindre son but.

Ces développements remarquables, les uns contemporains à la proclamation de la foi de Bahá'u'lláh, d'autres découlant de celle-ci en même temps que du bouleversement intérieur subi par la cause, ne pouvaient échapper à l'attention des ennemis extérieurs du mouvement, résolus à exploiter au maximum chaque crise que la folie de ses amis ou la perfidie des renégats pouvaient à tout moment précipiter. Les épais nuages étaient à peine dissipés par la soudaine irruption des rayons d'un soleil qui étincelait maintenant à son zénith, que l'ombre d'une autre catastrophe - la dernière que l'auteur de la foi était destiné à souffrir - se profila sur cette cause, obscurcissant son firmament, et la soumettant à l'une des plus rudes épreuves qu'elle eût encore jamais expérimentées.

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Enhardis par les récentes épreuves dont Bahá'u'lláh avait été si cruellement affecté, ces ennemis, qui s'étaient momentanément tenus tranquilles, recommencèrent à manifester de différentes manières l'animosité latente qui couvait dans leur cœur. Une persécution plus ou moins forte commença une fois de plus à se déclarer dans diverses contrées. Dans l'Àdhirbàyjàn, à Zanjàn, Nishàpùr et Tihrán, les croyants furent emprisonnés, diffamés, pénalisés, torturés ou mis à mort. Parmi les suppliciés, on peut mentionner l'intrépide Najaf-'Aliy-i-Zanjàni, survivant du combat de Zanjàn, immortalisé dans l'Epître au Fils du Loup, qui légua son or à son bourreau et qu'on entendit crier bien haut: "Yá Rabbiya'l-Abhá"*, avant d'être décapité. En Egypte, un consul général cupide et vicieux n'extorqua pas moins de cent mille tùmàns* à un riche Persan converti, nommé Hàji Abu'l-Qàsim-i-Shiràsi, arrêta Hàji Mirzá Haydar-'Ali et six de ses coreligionnaires, les faisant condamner à neuf ans d'exil Khartùm et confisquant tous les écrits en leur possession; puis il jeta en prison Nabil, que Bahá'u'lláh avait envoyé pour faire appel au khédive en leur faveur. A Baghdád et à Kàzimayn, des ennemis infatigables, guettant l'occasion, firent subir aux fidèles défenseurs de Bahá'u'lláh d'atroces et odieux traitements; ils étripèrent sauvagement 'Abdu'r-Rasùl-i-Qumi, pendant qu'il transportait vers la plus grande demeure, à l'aube, une outre d'eau puisée dans la rivière, et ils chassèrent à Mossoul, devant la population qui les tournait en dérision, environ soixante-dix de ces compagnons, femmes et enfants compris.

Mirzá Husayn-Khàn, le mushiru'd-dawlih, et ses associés n'étaient pas moins actifs; décidés à tirer le maximum d'avantages des malheurs qui s'étaient récemment abattus sur Bahá'u'lláh, ils se mirent à comploter sa perte. Les autorités de la capitale étaient exaspérées de voir l'estime que lui témoignaient le gouverneur Muhammad Pàshày-i-Qibrisi, ancien grand vizir, de même que ses successeurs, le pacha Sulaymàn, de l'ordre qàdirrivih, et surtout le pacha Khurshid qui, à plusieurs reprises, se rendit ouvertement à la maison de Bahá'u'lláh, qu'il reçut chez lui pendant le ramadàn, et qui manifestait une admiration fervente pour 'Abdu'l-Bahá. Ces autorités étaient au courant du ton de défi que Bahá'u'lláh avait adopté dans certaines de ses dernières tablettes, et conscientes de l'instabilité qui régnait dans leur propre pays. Elles étaient inquiètes des allées et venues continuelles des pèlerins à Andrinople, et des rapports outranciers du pacha Fu'àd qui venait de faire une tournée d'inspection. Les pétitions de Mirzá Yahyá, transmises par l'intermédiaire de Siyyid Muhammad, les avaient irritées. Des lettres anonymes (écrites par ce même siyyid et par un complice, Àqà Jàn, en service dans l'artillerie turque), altérant les écrits de Bahá'u'lláh et l'accusant d'avoir conspiré avec les chefs bulgares et certains ministres des puissances européennes pour se livrer, avec l'aide de quelques milliers de ses fidèles, à la conquête de Constantinople, avaient rempli ces autorités de frayeur.

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Et maintenant, encouragées par les dissensions intérieures qui avaient ébranlé la foi, et irritées par l'estime évidente que les consuls des puissances étrangères, résidant à Andrinople, témoignaient à Bahá'u'lláh, elles décidèrent de prendre immédiatement des mesures énergiques qui extermineraient cette foi, isoleraient son auteur et le réduiraient à l'impuissance. Les indiscrétions commises par quelques-uns de ses partisans trop zélés, qui étaient arrivés à Constantinople, aggravèrent sans aucun doute une situation déjà tendue.

La fatale décision fut prise, en fin de compte, de bannir Bahá'u'lláh à la colonie pénitentiaire d'Akká, et Mirzá Yahyá à Famagouste*, dans l'île de Chypre. Cette décision fut formulée en termes énergiques dans un farmàn* rendu par le sultán 'Abdu'l-'Aziz. Les compagnons de Bahá'u'lláh, arrivés dans la capitale ainsi que quelques autres qui les avaient rejoints plus tard et aussi Àqà Jàn, le fauteur de troubles bien connu, furent arrêtés, interrogés, privés de leurs papiers et jetés en prison. Les membres de la communauté d'Andrinople furent convoqués plusieurs fois au siège du gouvernement pour être recensés, tandis que des bruits étaient lancés d'après lesquels ils seraient dispersés et bannis en différentes localités ou secrètement mis à mort.

Brusquement, un matin, la maison de Bahá'u'lláh fut entourée de soldats et des sentinelles furent postées aux portes; ses disciples furent convoqués une fois de plus par les autorités, interrogés, et ils reçurent l'ordre de se préparer à partir. " Les bien-aimés de Dieu et sa famille ", déclare Bahá'u'lláh dans la Sùriy-i-Ra'is, "ne reçurent aucune nourriture la première nuit ... Le peuple entoura la maison, et musulmans et chrétiens pleurèrent sur nous ... Nous nous aperçûmes que les pleurs du peuple du Fils " (chrétiens) " étaient plus forts que les pleurs des autres, un signe pour celui qui réfléchit." " Une grande agitation saisit le peuple", écrit Àqà Ridà, l'un des plus vaillants défenseurs de Bahá'u'lláh, exilé tout au long avec lui depuis Baghdád jusqu'à 'Akká. "Tous étaient perplexes et pleins de regret ... Les uns exprimaient leur sympathie, d'autres nous consolaient et pleuraient sur nous ... La plupart de nos biens furent vendus aux enchères, à la moitié de leur valeur." Plusieurs consuls des puissances étrangères rendirent visite à Bahá'u'lláh, et se déclarèrent prêts à intervenir en sa faveur auprès de leurs gouvernements respectifs, propositions qu'il déclara apprécier mais qu'il déclina fermement. "Les consuls de cette ville" (Andrinople) "se sont rassemblés en présence de cet homme dans la fleur de l'âge, au moment de son départ", écrit-il lui-même, "et ont exprimé leur désir de l'aider. Vraiment, ils nous ont témoigné de l'affection."

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L'ambassadeur de Perse informa promptement les consuls persans en 'Iráq et en Egypte que le gouvernement turc avait retiré sa protection aux Bábis, et qu'ils étaient libres de les traiter comme bon leur semblait. Plusieurs pèlerins, parmi lesquels se trouvait Hàji Muhammad Ismà'il-i-Kàshàni, surnommé Anis dans la Lamh-i-Ra'is, étaient arrivés dans l'intervalle à Andrinople et durent partir pour Gallipoli sans même avoir vu le visage de leur maître. Deux d'entre eux furent obligés de divorcer, les parents de leurs femmes refusant de laisser partir celles-ci en exil. Le pacha Khurshid qui avait déjà rejeté catégoriquement, à plusieurs reprises, les accusations écrites envoyées par les autorités de Constantinople, et qui avait intercédé avec vigueur en faveur de Bahá'u'lláh, fut si embarrassé par la décision de son gouvernement, qu'il résolut de s'absenter quand il apprit que Bahá'u'lláh quittait immédiatement la ville, disant au greffier de transmettre à celui-ci la teneur de l'édit du sultán. Hàji Ja'far-i-Tabrizi, l'un des croyants, découvrant que son nom avait été omis de la liste des exilés qui pouvaient accompagner Bahá'u'lláh, se coupa la gorge avec un rasoir mais fut empêché à temps de mettre fin à ses jours -, acte que Bahá'u'lláh, dans la Sùriy-i-Ra'is, qualifie d'"inconnu aux siècles passés", et que " Dieu a réservé pour cette révélation, comme preuve de la force de son pouvoir ".

Le 22 du mois de rabi 'u'th-thàni 1285 A.H. (12 août 1868), Bahá'u'lláh et sa famille, escortés d'un capitaine turc du nom d'Hasan Effendi et d'autres soldats fournis par le gouvernement local, se mirent en route pour un voyage de quatre jours vers Gallipoli, se déplaçant en voiture et s'arrêtant en route à Uzùn-Kùprù* et Kàshànih*; dans ce dernier village fut révélée la Sùriy-i-Ra'is. "Les habitants du quartier où Bahá'u'lláh avait vécu et les voisins, qui s'étaient rassemblés pour lui dire adieu, vinrent, l'un après l'autre", écrit un témoin oculaire, "avec la plus grande tristesse et le plus profond regret, embrasser ses mains et le bord de son vêtement, tout en exprimant leur chagrin de son départ. Ce jour-là aussi fut un jour étrange. Il me semble que la ville, ses murs et ses portes déplorèrent leur imminente séparation d'avec lui." "Ce jour-là", écrit un autre témoin oculaire, "il y eut un étonnant rassemblement de musulmans et de chrétiens devant la porte de la maison de notre maître. L'heure du départ fut une heure mémorable. La plupart de ceux qui étaient présents pleuraient et gémissaient, surtout les chrétiens." "Dis, cet homme juvénile a quitté ce pays", écrit Bahá'u'lláh dans la Sùriy-i-Ra'is, "et il a déposé sous chaque arbre et sous chaque pierre un espoir que Dieu, avant longtemps, fera éclore par le pouvoir de vérité."

Plusieurs des compagnons amenés de Constantinople les attendaient à Gallipoli. A son arrivée, Bahá'u'lláh fit la déclaration suivante à Hasan effendi qui, son devoir accompli, prenait congé: " Dites au roi . que ce territoire lui échappera et que ses affaires seront précipitées dans la confusion." " A ceci", écrit Aqà Ridà qui rapporte cette scène, "Bahá'u'lláh ajouta: "Ce n'est pas moi qui dis ces paroles, c'est Dieu." En ces moments-là, il prononçait des versets que, de l'étage inférieur où nous étions, nous pouvions percevoir. Ils étaient exprimés avec une telle véhémence et une telle force que, en vérité, les fondations mêmes de la maison en tremblaient."

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Même à Gallipoli où ils passèrent trois nuits, nul ne savait quelle serait la destination de Bahá'u'lláh. Certains croyaient que lui et ses frères seraient bannis d'un côté et que les autres seraient dispersés et envoyés en exil. D'autres pensaient que ses compagnons seraient renvoyés en Perse, d'autres encore s'attendaient à être exterminés sur-le-champ. Au début, l'arrêté du gouvernement stipulait que Bahá'u'lláh, Àqày-i-Kalim et Mirzá Muhammad-Quli seraient bannis à 'Akká avec un domestique, et que les autres devraient se rendre à Constantinople. Cet arrêté, qui provoqua des scènes d'un indescriptible désespoir, fut toutefois rapporté, grâce à l'insistance de Bahá'u'lláh et au concours d'Umar effendi, le major désigné pour accompagner les exilés. Finalement, il fut décidé que tous les exilés, au nombre d'environ soixante-dix, seraient bannis à 'Akká. De plus, des instructions furent données afin qu'un certain nombre de partisans de Mirzá Yahyá, parmi lesquels se trouvaient Siyyid Muhammad et Àqà Jàn, accompagnent ces exilés et que, par ailleurs, quatre des compagnons de Bahá'u'lláh partent avec les azalis* pour Chypre.

Les dangers et les épreuves encourus par Bahá'u'lláh, au moment de son départ de Gallipoli, étaient si grands qu'il avertit ses compagnons que " ce voyage serait différent de tous les précédents", et que celui qui ne se sentait pas " assez fort pour affronter l'avenir " ferait mieux " d'aller où il lui convenait et de se mettre à l'abri des épreuves car, par la suite, il ne lui serait plus possible de s'en aller", avertissement que ses compagnons, à l'unanimité, décidèrent de ne pas prendre en considération.

Au matin du 2 jamàdiyu'l-avval 1285 A.H. (21 août 1868), ils s'embarquèrent tous sur un vapeur autrichien de la Lloyd pour Alexandrie, faisant escale à Madelli* et s'arrêtant deux jours à Smyrne où jinàb-i-Munir, surnommé Ismu'lláhu'l-Munib, tomba gravement malade et dut, à son grand désespoir, être transporté dans un hôpital où il ne tarda pas à mourir. A Alexandrie, ils furent transbordés dans un vapeur de la même compagnie faisant route vers Haïfa où ils débarquèrent, après un bref arrêt à Port-Saïd et à Jaffa. Quelques heures plus tard, ils repartirent, sur un voilier, pour 'Akká où ils arrivèrent dans le courant de l'après-midi du 12 jamàdiyu'l-avval 1285 A.H. (31 août 1868).

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C'est au moment où Bahá'u'lláh avait pris place dans le bateau qui devait le conduire au débarcadère de Haïfa qu' 'Abdu'l-Ghaffàr, l'un des quatre compagnons condamnés à partager l'exil de Mirzá Yahyá et que Bahá'u'lláh avait hautement loué pour son "détachement, son amour et sa confiance en Dieu", se jeta, de désespoir, dans la mer en criant: " Yá Bahá'u'l-Abhá*!" Sauvé ensuite, il ne fut ramené à grand peine à la vie que pour être forcé par des fonctionnaires inflexibles à continuer son voyage avec la bande de Mirzá Yahyá, vers la destination qui lui avait été assignée à l'origine.

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